Ce sont les hasards d'un jumelage-coopération qui m'ont conduit au Mali en 1986 dans la région de Kayes : plus précisément, dans la province du Kingui, territoire des Soninké et des Diawara, dans le cercle de Nioro du Sahel, tout près de la frontière mauritanienne.

A l'issue de ce périple sahélien, un coopérant français m'a fait découvrir Mopti, la ville la plus importante du Delta intérieur, implantée au confluent du Niger et du Bani. Cette ville est le carrefour des cultures peulh, bozo, sonraï et dogon. Pour ce coopérant, la ville de Djenné toute proche n’avait pas d’autre intérêt que sa grande mosquée, l'un des principaux monuments du patrimoine de prestige du Mali. On se devait de venir admirer cette mosquée le jour du marché hebdomadaire, le lundi, à cause de l'animation qui règne ce jour là dans la ville. Mais on pouvait repartir aussitôt !

Pour ma part, j'ai été immédiatement attiré par le caractère impénétrable et difficile à découvrir de la ville ainsi que par sa qualité urbaine et architecturale tout-à-fait spécifique. Depuis lors, j'ai eu la chance de pouvoir y séjourner à plusieurs reprises et ainsi j'ai pu apprendre à la connaître. En 1993, ma rencontre avec Mahmadou Santara, député de Djenné, fut déterminante car elle me permit de précieux contacts avec les animateurs du Comité de Jumelage de Djenné : notamment son Président, Fohourou Cissé, Directeur de l'Ecole Fondamentale et son frère Baba Cissé, tailleur dans le quartier Kouyetende et principal organisateur de l'accueil des visiteurs.

Grâce à eux, j'ai pu rencontrer des habitants de Djenné et des environs, organiser et mettre en place des équipes d’étudiants pour observer et étudier le patrimoine de la ville au-delà de la grande mosquée. Aves mes étudiants, nous avons rapidement commencé à réaliser quelques enquêtes et de nombreux relevés de concessions, ainsi que des plans des quartiers. Dans ce travail, nous avons été aidés par un jeune guide peulh, Mahamadou Cissé La, originaire du quartier Yoboukaïna à Djenné et petit-fils d'un ancien chef de village.

C’est à l’occasion de ces observations et enquêtes que j’ai pris les croquis qui constituent ce portfolio.

Présentation du patrimoine architectural et urbain de Djenné

En règle générale et jusque dans un passé récent, l'intérêt architectural porté à une ville, une région, était très sélectif. Il consistait à étudier essentiellement les monuments prestigieux, religieux ou civils, et à les considérer comme des modèles représentatifs uniques du patrimoine. Le patrimoine d'accompagnement de ces monuments a donc été longtemps négligé.

Or, ce patrimoine constitue non seulement la part quantitativement essentielle du cadre urbain, mais il reste aussi le témoignage le plus vivant de la personnalité de chaque ville et de sa spécificité architecturale.

Pour présenter les croquis de ce recueil, je m’appuie sur une première impression et perception de la cité en arrivant par la digue principale au Sud-Est et la zone inondable devant le quartier Djoboro. Puis je pas à la découverte progressive de la ville en me promenant à son pourtour, en me risquant à pénétrer dans son coeur (croquis 1, 2 et 3).

Cette promenade commence le long du front de rue des quartiers Seymani, Samsey, Konofia au sud, eti conduit à la grande place du marché dominée par la mosquée (croquis 4 à 10).

Elle se poursuit par un tour de ville dans les autres quartiers, en s’arrêtant devant telle perspective de rue ou telle placette équipée d’une borne fontaine, d’un arbre ou d’un cimetière, et l’on découvre tantôt une façade monumentale d’école coranique suivie d’une autre plus modeste, en ruine ou en reconstruction. (croquis 11 à 27).

Nombre de ces rues se caractérisent par un alignement de murs percés de rares ouvertures sur lesquels s’appuient des porches d’entrée ou des tours en décrochement sur l’usage desquelles on s’interroge. Ces alignements révèlent un jeu savant de volumes, parfaitement mis en valeur par le contraste des ombres et des lumières avec, de temps en temps, des détails de façade qui attirent l'attention, comme les batteries de pinacles en terre surmontant les appuis des terrasses ou les faisceaux de bois débordant.

Plus tard, on apprend le rôle de ces tours, de ces faisceaux de bois ou de ces pinacles, et l’on peut dire que les maîtres d’oeuvre qui ont fait la ville de Djenné ont su parfaitement intégrer les contraintes de la vie urbaine avec l’art de bâtir dans un contexte géographique donné.

Ces caractéristiques particulières architecturales et urbaines trouvent leur prolongement dans les villages alentour comme, par exemple, le village peulh de Siroumou, où ont été faits les derniers croquis de la série ici présentée.

Pierre DUCOLONER

 

DJENNE PATRIMOINE remercie chaleureusement Pierre Ducoloner de son aimable autorisation de reproduire ses croquis sur ce site, et des textes introductifs qu'il a rédigés à cette occasion