DJENNE PATRIMOINE

Informations

 

n° 25, automne 2008

 

 

A nos lecteurs ! Comme nous avons édité deux numéros spéciaux en 2008, l’un pour fêter dignement le centenaire de la reconstruction de la mosquée de Djenné, et l’autre pour présenter le projet de Maison du patrimoine de Djenné, ce numéro est très riche en informations, dont certaines remontent à l’année 2007 !

 

NOUVELLES DE DJENNE

 

Le nouveau Ministre de la Culture à Djenné avec la Fondation Aga Khan

 

Samedi 7 juin 2008, c’est dans une salle archicomble de la maison du Peuple que Djenné à reçu la délégation du Ministre de la Culture, dans une atmosphère conviviale et chargée d’espoir. Les Djennenkés de toutes les couches sociales étaient représentés.

 

Le Préfet du cercle a présenté les membres de la délégation composée du Ministre de la Culture, S.E. Mohamed El Moctar, du Directeur National du Patrimoine, Mr Kléssigué A Sanogo, du représentant du Gouverneur de la région de Mopti, du Directeur International du Réseau Aga Khan pour la culture (AKTC), Monsieur Luis Monreal, du directeur national de cette même fondation à Bamako, Mr Ferid Nandji, et  de plusieurs experts en matière de  restauration.

 

Après le discours de bienvenue du Maire de la Commune Urbaine de Djenné, le Ministre a situé le but de la visite de la mission. Il s’agissait :

- de vérifier que la population entière de Djenné adhère à la cause de la restauration de la mosquée

- d’expliquer à la population de Djenné tous les avantages qu’elle peut attendre de la restauration de la mosquée d’une ville classée Patrimoine de l’humanité.

 

Monsieur Luis Monreal a rappelé les objectifs généraux de la Fondation, à savoir travailler dans un pays musulman ou à majorité musulmane dans le cadre de la culture islamique pour le développement social et économique de la communauté.

 

Dans le cadre spécifique de Djenné, il s’agit de restaurer la mosquée. Pour la réussite de cette entreprise, quatre partenaires doivent se donner la main : le Ministère de la culture, la ville de Djenné et toute sa population, le Réseau  Aga Khan pour la culture (AKTC), et l’UNESCO.

 

Monsieur Monreal a évoqué les deux premières étapes de ces futurs travaux : faire l’état des lieux du bâtiment, et chasser les chauves-souris de la mosquée. Pour ces tâches, il promet d’envoyer les meilleurs experts. Le Ministre, quant à lui, a assuré à la population que les travaux démarreraient dès la fin du mois sacré de ramadan, c’est dire début octobre 2008.

 

Après les bénédictions dites par l’Imam adjoint de Djenné, la délégation a visité le chantier du musée, sous la conduite de l’architecte Abdoulaye Touré, qui  a donné d’amples explications quant à l’évolution des travaux. La délégation a ensuite visité la mosquée et la bibliothèque des manuscrits, avant d’aller saluer le Chef de village et certaines notabilités.

 

C’est une délégation satisfaite de sa visite qui a quitté des Djennenkés parfaitement rassurés et pleins d’espoirs.

 

Amadou Tahirou Bah

 

Visites de personnalités et activités récentes à Djenné

 

Le jeudi 4 décembre 2008 :     Visite d’une mission de l’Union Européenne sur le chantier du musée de Djenné,  et du directeur adjoint de l’AGETIER, en présence de l’architecte Abdoulaye Toure et de la Mission culturelle pour évaluer l’état d’avancement du chantier.

 

Du 2 au 3 décembre 2008, visite de l’Ambassadeur des Pays-Bas, pour une évaluation préalable au financement de la 3ème phase du projet de restauration et visiter les maisons restaurées par la Mission culturelle et le maître-maçon Bayéré. Une rencontre avec la population a été organisée.

 

Du 3 au 4 décembre 2008, visite de l’Ambassadeur de Chine accompagnant une mission de photographes chinois avec la personne chargée de la communication, dans le cadre de la coopération culturelle Mali-Chine.

 

Le 9 décembre 2008, visite du Président sortant de l’ONUSIDA et de son épouse, accompagnés du Dr Malick Sène, Coordinateur du Haut Conseil National de lutte contre le SIDA au Mali, ainsi que du Dr F. Togola (Direction Régionale de la Santé de Mopti).

 

Depuis le 6 décembre, Mme Susan McIntosh est à Djenné pour un séjour de trois semaines, avec 4 étudiants (dont un Malien) dans le cadre d’un projet pilote pour la conservation du site de Djenné-djenno

                                  

Du 2 au 4 décembre 2008, s’est tenu sous la présidence du Sous-Préfet, un atelier de plaidoyer des leaders communautaires Djenné sur les mutilations génitales féminines et l’excision, organisé par l’ONG AADI de Djenné, CARE Mopti et la Direction Régionale de la Promotion de la Femme de l’Enfant et de la Famille de Mopti. Le forum a réuni les maires, les leaders communautaires, la société civile, les religieux et les associations féminines. Les objectifs étaient de :

- développer, auprès des leaders communautaires du cercle de Djenné, un plaidoyer sur les mutilations génitales féminines et l’excision ;

- aboutir à un changement de comportement substantiel face aux résistances injustifiées ;

- dégager des stratégies d’éradication de l’excision dans le cercle de Djenné ;

- outiller les leaders pour qu’ils maîtrisent les nuances qui existent entre les prescriptions de la religion et la pratique de l’excision, et connaissent les meilleures stratégies pour lutter contre les méfaits de l’excision.

 

Début des travaux du Réseau Aga Khan pour la Culture sur la mosquée de Djenné

 

Jeudi 30 octobre 2008, devant une foule nombreuse, a eu lieu à Djenné sur l’esplanade de la mosquée, la cérémonie de lancement des travaux qui doivent être réalisés par le Réseau Aga Khan pour la Culture sur la mosquée de Djenné, dans le cadre de la sauvegarde des monuments classés Patrimoine de l’humanité.

 

Une allocution de M. Mamadou Samake, représentant le Chef de la Mission Culturelle de Djenné, a ouvert la cérémonie. M. Mamadou Samake a présenté les membres de la mission Aga Khan, a rappelé le cadre de leur intervention, puis il en a précisé le programme ainsi que le type des interventions envisagées.

 

Tour à tour les autorités locales sont alors intervenues pour assurer la délégation du Réseau Aga Khan pour la Culture de l’entière disponibilité des Djennenkés à accompagner les équipes qui interviendront dans les travaux prévue sur la mosquée : le maire, le Président du comité de gestion de la mosquée, le doyen des maçons de Djenné, le représentant du chef de village, le représentant de l’imam et celui de l’AMUPI, ainsi que le Préfet de Djenné.

 

Ont alors été présentés les architectes envoyés par le Réseau Aga Khan pour la Culture, M. Gauthier Bicheron, architecte français actuellement basé à Tombouctou, où il travaille à la restauration des mosquées de cette ville, et M. Mohamed Lashien, architecte égyptien ; ces experts étaient accompagnés par Mlle Salima Chitalia, agent du Réseau à Bamako, et par M. Dalla Gajigo, agent du Réseau à Mopti.

 

Après ces discours, l’honneur reviendra au doyen des maçons de Djenné, M. Bocar Toure, de crépir d’une poignée d’argile quelques centimètres carrés de la façade Est de la mosquée, en symbole du démarrage des travaux de restauration. Ensuite, la délégation a eu droit à une visite guidée de la mosquée.

 

Cette cérémonie était modeste, mais significative du nouveau climat qui entoure la préparation des travaux à effectuer sur la mosquée pour lui permettre d’affronter sans inquiétude un nouveau centenaire. Nous souhaitons pleine réussite au Réseau Aga Khan pour la culture dans la restauration de la mosquée de Djenné.

 

A. T. Bah

 

Désignation des nouveaux chefs de quartiers de Djenné

 

Au mois de juin 2008 une correspondance du Sous-Préfet de Djenné notifiait aux chefs de village le calendrier et le mode de désignation des conseillers du village, selon le décret n° 06567/P-RM du 29/12/06. En ce qui concerne la ville de Djenné, considérée comme un gros village depuis l’époque coloniale, onze conseillers devaient être désignés (il y a 9 quartiers, mais Yoboucaïna et Sankoré ont droit à 2 conseillers).

 

Selon la tradition, c’est le consensus entre les notables qui devait prévaloir dans le choix, mais malheureusement dans certains quartiers comme Dioboro, Yoboucaïna et Algassouba, d’autres candidatures s’élevèrent pour briguer ce poste et évincer ceux qui en étaient considérés comme les détenteurs naturels. Il a fallut alors aller au vote pour partager les prétendants. Ainsi donc le 6 juillet 2008 a eu lieu un vote à main levée sur l’esplanade de la Maison du Peuple devant une foule nombreuse.

 

A l’issue de ce vote voici la liste des conseillers de Djenné qui attendent leur désignation officielle par l’administration.

 

Liste des conseillers du chef de village de Djenné

 

Prénom

Nom

Quartier

1.       

Bareima

Bocoum

Sankoré

2.       

Mamadou dit Babou

Touré

Sankoré

3.       

Zeïni

Sonfo

Kouyétendé

4.       

Baba

Maïga

Algassouba

5.       

Alphamoye

Sounkoro

Seymani

6.       

Mahamane

Yattara

Samsaye

7.       

Amadou

Traoré

Konofia

8.       

Badara

Dembélé

Dioboro

9.       

Mahamane

Diabaté

Yoboucaïna

10.   

Sékou Moussa

Cissé

Yoboucaïna

11.   

Hamadoun dit Batouskel

Bocoum

Kanafa

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Début de la construction du Musée de Djenné

 

Voir plus loin le Document 2 : « Le musée de Djenné présenté par son architecte », un article d’Abdoulaye Touré, architecte.

 

 

 

 

 

 

 

NOUVELLES DU PATRIMOINE DE DJENNE

 

La semaine nationale du patrimoine culturel

 

La semaine nationale du patrimoine culturel s’est déroulée du 22 au 25 octobre 2007 au Palais de la Culture Amadou Hampate Bâ à Bamako. Elle avait pour thème général « Habiter au Mali : enjeux et perspectives de l’architecture de terre ». On se réjouit évidemment du choix de ce sous-titre, même s’il faut souligner que la dépendance culturelle dont font preuve les architectes et les cadres administratifs du pays à l’égard de l’Occident et de toutes ses productions ne laisse à l’architecture de terre que la portion congrue.

 

Le premier objectif de la réunion était de « rassembler les experts nationaux dans les différents domaines de l’architecture de terre ».[1] Cependant, les invités étaient essentiellement des fonctionnaires : ils étaient plus de quarante, à côté de  10 étudiants, 7 architectes, et au maximum une dizaine de représentants d’associations ou ONG. Faut-il croire que ce sont les fonctionnaires qui représentent les intérêts des promoteurs, des entreprises du bâtiment, des propriétaires, des accédants à la propriété ? En ce qui concerne les architectes, il suffira de rappeler que, lors du concours lancé pour la construction du Musée de Djenné, aucun des concurrents présélectionnés par le Ministère de la culture n’avait la moindre expérience de la construction en terre, et que pourtant le Ministère n’a pas jugé bon de lancer un appel à propositions sur le plan international, malgré la disponibilité (au Maroc par exemple) de nombreux architectes construisant en terre.

 

Pendant cette semaine nationale du patrimoine culturel, il a fallu l’intervention de M. Abdoulaye Deyoko pour que quelqu’un dise clairement « la non-adhésion au Mali de la majorité des professionnels du bâtiment, et des architectes en particulier, à la promotion de l’architecture de terre : à chaque rencontre, les professionnels s’appesantissent sur les côtés négatifs (entretien annuel, etc.) du matériau terre et non sur les côtés positifs et les perspectives ».[2]

 

Enfin, si une place a été faite aux maçons de la mosquée du vendredi à Niono, et une à l’association du quartier Somono de Ségou, ni DJENNE PATRIMOINE ni les maçons de Djenné, ni ceux de Tombouctou, ni ceux de Bandiagara n’ont été invités !

 

L’essentiel était-il de discuter de l’architecture de terre avec ceux qui savent ce que c’est, qui  la construisent et qui l’habitent, ou bien d’étaler au grand jour le fait que les discours sur l’architecture de terre, monopolisés par les fonctionnaires, n’ont aucun rapport avec la réalité ?

 

Quel est en effet le sens des propos entendus lors de cette réunion, lorsqu’on dit par exemple que « le barey ton est le gage de la pérennité des valeurs sociales et de l’architecture de terre de la ville [de Djenné] » ? Pourquoi flatte-t-on ainsi le barey ton dans les discours alors qu’on évite soigneusement de recourir à son expertise lorsqu’il s’agit de prendre des décisions en matière de construction en terre ? L’administration malienne cherche-t-elle à répéter les erreurs qu’elle a commises dans ses rapports avec la population de Djenné et avec ses partenaires étrangers (par exemple avec le Réseau Aga Khan pour la Culture) ?

 

De même, à propos du projet de réhabilitation financé par les Pays-Bas, on a loué « une grande implication des populations à travers un comité de pilotage composé de l’ensemble des sensibilités de la ville ».[3] Qu’est-ce à dire ? Etaient membres du comité de pilotage : le maire, le délégué du gouvernement (préfet), le chef de village, l’imam, des représentants du barey ton, des associations de Djenné et du comité local de développement. En quoi s’agit-il de l’ensemble des sensibilités de la ville ? N’y a-t-il aucun propriétaire de maison dans cette ville ? En quoi le délégué du gouvernement représente-t-il une des « sensibilités » de la ville ? En quoi le comité local de développement, dont ne sont membres que des fonctionnaires, représente-t-il les « sensibilités de la ville » ? Derrière le discours, la réalité est que le projet a été conçu par des étrangers avec les nombreux fonctionnaires qui vivent de leur rôle dans la gestion  de l’aide extérieure ; les étrangers espéraient effectivement que les propriétaires seraient bien informés et accepteraient facilement le projet ; les fonctionnaires leur garantissaient qu’il n’y aurait aucune difficulté de ce côté. La réalité a été tout autre : au lieu de réhabiliter 173 maisons, on n’a pu intervenir que sur une centaine, y compris quelques maisons sans intérêt architectural, choisies pour montrer que le projet n’oubliait pas les familles les plus pauvres. Les propriétaires comme les maçons se sont méfiés de ce projet, dont la gestion était pour le moins opaque. A un moment donné, le chef de la Mission culturelle est allé jusqu’à menacer les maçons de les convoquer à la gendarmerie pour qu’ils terminent certains chantiers

 

L’administration malienne et les architectes de ce pays n’ont d’yeux que pour les constructions en béton, et méprisent ostensiblement le patrimoine bâti en terre qui est l’une des richesses de son architecture traditionnelle. Ils sont donc amenés à des discours totalement déconnectés de la réalité lorsqu’ils entreprennent de présenter l’architecture de terre comme un élément du patrimoine du Mali. Il serait temps qu’ils rendent aux maçons le plein rôle que seuls ces derniers peuvent jouer sur ce terrain.

 

 

NOUVELLES DE DJENNE PATRIMOINE

 

Djenné à Terra2008 :

 

Du 4 au 8 février 2008 s’est tenue à Bamako la 10ème conférence internationale sur la conservation du patrimoine bâti en terre (Terra2008). Plus de 400 participants venus du monde entier ont écouté pendant quatre jours des exposés plus ou moins intéressants. D’une façon générale, la conférence avait l’ambition de réunir les meilleurs experts, et de débattre des meilleures techniques et des plus récentes découvertes dans le domaine de la protection du patrimoine bâti en terre. Ces objectifs ne sont pas toujours atteints, parce que les savants sont parfois discrets et laissent parader les politiques. En outre, il est vite apparu que la part réservée à la discussion était beaucoup trop limitée, et que les aspects sociaux de la protection du patrimoine bâti en terre étaient systématiquement négligés.

 

Mais les maçons de Djenné étaient présents : on leur a demandé de construire des maquettes à l’intérieur du Musée National et une porte de maison de Djenné dans le jardin, ainsi qu’une porte monumentale dans le jardin du Mémorial Modibo Keita. Les spécialistes, comme le public, ont pu admirer leur art, mais il est remarquable que personne n’ait pensé que certains d’entre ces maçons pourraient prendre part aux discussions. Qui sont donc ces spécialistes du patrimoine qui croient qu’ils le protégeront en se passant des services des maçons, ou en se contentant de les commander ?

 

Photo J. Brunet-Jailly

 

Les maçons de Djenné terminent une maquette dans une salle d’exposition du Musée National du Mali à Bamako

 

DJENNE PATRIMOINE était représentée par trois de ses membres, Acroterre par deux de ses membres. Aucune de ces associations n’avait toutefois obtenu la possibilité de s’exprimer. Aussi le thème de la participation de la population à la protection du patrimoine de Djenné a-t-il été présenté par un agent de l’Etat ! Néanmoins, cette manifestation a permis à DJENNE PATRIMOINE de nouer des relations utiles, notamment avec des architectes du Maroc et du Nigéria. Elle a aussi permis à notre association de se faire mieux connaître, grâce à un stand installé sur le lieu même de la conférence.

 

Photo J. Brunet-Jailly

 

Le stand de DJENNE PATRIMOINE au Centre International de Conférences de Bamako à l’occasion de Terra2008

 

En outre, grâce à l’obligeance du Centre Culturel Français, deux évènements ont pu être organisés pendant Terra2008 : une exposition des photographies de Marli Shamir, et une conférence au cours de laquelle Amadou Tahirou Bah, trésorier de DJENNE PATRIMOINE, a pu présenter au public l’analyse que fait notre association des « problèmes actuels de la protection de l’architecture de Djenné » (voir plus loin le document 1).

 

Photo J. Brunet-Jailly

Exposition des photos de Marli Shamir au Centre Culturel Français du 31 janvier au 15 février 2008

Photo Mathilde Diwa

 

Pierre Ducoloner, Amadou Tahirou Bah, Papa Cisse et Joseph Brunet-Jailly pendant la discussion qui a suivi la conférence d’Amadou Tahirou Bah au Centre Culturel Français de Bamako le 7 février 2008

 

 

Olivier Scherrer (Acroterre) au Mali du 1er février au 17 mars 2008 pour préparer le projet de Maison du Patrimoine de Djenné

 

Du rapport détaillé qu’Olivier Scherrer a fait de cette mission, nous retenons les points suivants :

 

1er-5 février : Participation à Terra2008, 10ème conférence internationale sur l’étude et la conservation du patrimoine bâti en terre. La qualité des présentations était particulièrement médiocre dans ce colloque, mais il aura permis une certaine visibilité de « Djenné Patrimoine » (stand, conférence au CCF) et de nombreux contacts.

 

6–16 février : Kati

* Visite des projets FISA (ONG espagnole présidée par Jack Vautrin, co-fondateur de l’ADAUA) ;

* Rencontres avec Abdoulaye Deyoko, urbaniste malien fondateur de l’Ecole supérieure d’ingénierie, d’architecture et d’urbanisme  (ESIAU) ;

*Visite du Centre National de Recherche et d’Expérimentation en bâtiment et travaux publics (CNREX-BTP) ; demande de coopération avec le CNREX pour des travaux d’analyse dans le cadre du projet de DJENNE PATRIMOINE concernant les maçons de Djenné.

* Visite, à l’occasion de la cérémonie d’inauguration, d’un bâtiment construit en voûtes nubiennes servant de centre de formation de l’ONG Tapama à Nafadji (route de Guinée). Le représentant de cette ONG, Jaky Prudor, a par ailleurs plusieurs projets en perspective à Djenné.

 

17 - 18 février : Ségou

* Visite du centre FISA de formation pour le bâtiment en construction à la périphérie de Ségou.

 

19 février – 6 mars : Djenné

* Visite de plusieurs mosquées en terre crue sur le trajet Macina – Djenné.

*Visite du village de Kouakourou et du chantier de restauration de deux saho (bâtiments abritant les jeunes bozos pendant leur initiation) à l’initiative du projet hollandais.

* Réunion avec Amadou Tahirou Bah, représentant de « Djenné Patrimoine ».

* Réunion avec les représentants des maçons et Milena  Chiarello (directrice de FISA) sur le thème de la formation.

* Réunion avec les représentants des maçons sur le thème de l’habillage des façades en briques cuites.

* Participation au recrépissage d’une maison.

* Visite du campement en construction de Sirabougou.

Relevés sur d’anciens murs construits en djenné ferey à Djenné.

* Visite et relevés de vestiges en djenné ferey à Djenné Djeno (site archéologique)

* Réunion avec les représentants des maçons sur le thème de l’amélioration de la qualité des enduits.

* Interviews de Boubacar Touré, ultime détenteur du savoir-faire constructif en djenné ferey.

* Travail avec Boubacar Touré pour la production de djenné ferey

* Construction d’un tintin (banc traditionnel) en djenné ferey devant une maison du quartier de Djoboro sous la supervision de Boubacar Touré.

* Prélèvement d’échantillons de djenné ferey.

* Réalisation d’une enquête sur les façades habillées en briques cuites dans le centre de Djenné.

* Visite des 2 sites potentiels pour la construction de la Maison du Patrimoine.

* Recherche documentaire.

* Visite de la mosquée de Mopti récemment restaurée avec l’aide de la fondation Agha Khan.

* Visite de l’extension de l’hôtel « Doux rêves » de Mopti, réalisée en matériaux locaux avec des enduits terre de qualité.

 

7-17 mars : Bamako

* Des échantillons de djenné ferey sont confiés au CNREX pour des essais de résistance à la compression sèche.

* Définition du protocole d’expérimentation avec le responsable du laboratoire.

 

DJENNE PATRIMOINE à la 9ème Biennale du Carnet de voyages

 

Les 14, 15 et 16 novembre se tenait à Clermont-Ferrand la IXème Biennale du Carnet de Voyages. Cette manifestation mettait cette année l’accent sur l’Afrique. DJENNE PATRIMOINE y participait de trois façons :

 

- par une exposition d’une sélection des photographies de Marli Shamir ;

 

- par une conférence donnée par J. Brunet-Jailly sur le thème « il faut aller voir… Djenné ! » ; le conférencier a utilisé une riche collection de photographies d’époque pour illustrer son propos ;

- par la projection de trois films sur Djenné, aimablement prêtés par les réalisateurs, les suivants :

* "Djenne", un des trois films de la série "Adobe Towns: Djenne, Shibam, Yazd", réalisé par T. Wartman et S. Tolz, Filmquadrat GmbH (Allemagne) pour Arte en 2004

* "L'avenir du banco : un conte sur les maisons et la vie à Djenné", film réalisé par Trevor Marchand, Susan Vogel et Samuel Sidibe, Prince Street Pictures, New York, 2007

* "Le poète, Tombouctou, Djenné et le fleuve Niger", d'Albakaye Ousmane Kounta et Adama Drabo, 2008

 

Djenne au « Bistrot des ethnologues en Auvergne »

 

Le 25 novembre, Joseph Brunet-Jailly a animé une réunion du Bistrot des Ethnologues en Auvergne sur le thème « Djenné, patrimoine et développement ». Djenné, la plus ancienne ville connue au sud du Sahara,  ancien port caravanier sur les routes trans-sahariennes, a conservé un patrimoine archéologique (IIIème siècle avant JC, XIVème après), un patrimoine architectural influencé par la conquête marocaine (XVIIème-XIXème siècle) et des traditions qui en font une ville tout à la fois hors de notre temps et notre contemporaine. Mais ces patrimoines peuvent-il servir de base à un développement qui est la condition de leur survie ? Les enjeux, les acteurs, les étapes de ce débat ont été présentés à partir de l'expérience concrète de l'association DJENNE PATRIMOINE, pour mettre en perspective les matériaux qui sont mise à la disposition de tous sur le site www.djenne-patrimoine.asso.fr .

 

 

Assemblée générale de DJENNE PATRIMOINE

 

Le Président a convoqué une assemblée générale le 31 octobre en soirée. A cette occasion, il a présenté le rapport moral de l’association, à la suite de quoi Amadou Tahirou Bah a exposé le rapport financier pour la période 2005-2008. Voici ces documents.

Rapport moral du Président Papa Cissé

 

La rencontre de ce soir a pour but de réunir tous les membres de l’association Djenné Patrimoine afin que nous puissions faire le bilan des activités menées, et élaborer un nouveau programme d’activités. Il s’agit aussi de faire l’état des recettes et dépenses, bref un rapport d’activités et un rapport financier. Il s’agit aussi de donner la parole à l’assemblée pour des remarques, critiques et suggestions par rapport au fonctionnement de l’association. Pour ce faire nous allons commencer par le bilan d’activités.

 

De 2006 à nos jours, il n’y a pas eu autant d’activités que les années précédentes. Je vous en donnerai la raison principale plus loin. Nous avons fait preuve d’une relative timidité et notre programme s’est limité généralement à l’information. Les principales activités menées ont eu lieu entre 2007 et 2008 ;  je fais allusion:

 

- aux festivités du centenaire de la reconstruction de la mosquée de Djenné, dans lesquelles notre association s’est fortement engagée : elle a fait de multiples propositions, elle a participé aux commissions et délégations qui ont été constituées pour préparer ces festivités, mais toute cette activité n’a mené à rien, car les autorités locales ne se sont pas impliquées ; aussi notre association a été seule à fêter le centenaire en organisant, dans la salle de la Maison du Peuple, une grande exposition de photographies sur Djenné. On a pu rassembler une collection de photos de plusieurs époques, dont certaines datant de la période coloniale. Pour l’exposition, nous avons réparé l’électricité de la salle de la Maison du Peuple et repeint les murs. Cette exposition a eu un succès considérable, puisque en moyenne une centaine de personnes l’ont visitée, soit près de 2000 personnes entre le 23 décembre 2007 et le 15 janvier 2008 ; et autant de Djennenkés que de touristes. Notre bulletin DJENNE PATRIMOINE Informations n° 23 donne une bonne idée de cette exposition.

- à notre participation au congrès international sur la protection de l’architecture en terre (Terra2008) qui se tenait à Bamako du 1er au 5 février 2008. Près de 400 participants étrangers venus du monde entier ont pris part à cette rencontre. A cette occasion, nous avions installé un stand sur le lieu du congrès pour faire connaître notre association et ses activités. Nous avons aussi ré-installé à Djenné notre exposition sur l’évolution de l’architecture de Djenné : de la sorte cette exposition a été vue par tous les participants à Terra2008 qui ont fait la visite de terrain après le congrès.

 

- à la préparation de la réhabilitation de la maison du Capitaine Bori Sounfountera, grâce à l’appui de nos partenaires belges. Nous nous sommes dit qu’en réhabilitant cette résidence, on conserverait toute une culture. Car l’architecture reflète la culture des peuples et même des ethnies. On peut donc conserver beaucoup d’objets ordinaires, qui deviennent de nos jours des objets précieux parce qu’ils reflètent la vie des peuples, et son évolution de génération en génération. A travers différents objets qui seraient conservés dans la maison du capitaine Bori, on pourrait donc savoir que tel ou tel objet appartient aux bozos, aux peulhs, aux bobos… On envisageait aussi d’aménager deux à trois chambres pour les visiteurs qui désireraient y passer la nuit ou y séjourner quelques temps. Cela pourrait générer des fonds qui serviraient à entretenir la maison et à payer le gardien. [4]

 

- en 2006, Djenné Patrimoine a noué un partenariat avec l’ONG Réflexe-Partage. Cette ONG a aidé les maçons de Djenné à hauteur de près de 15 millions de francs CFA. C’était un appui en matériel professionnel et informatique. Cet appui de l’ONG Réflexe-Partage s’inscrivait dans le cadre d’un vieux projet de l’association, un projet dont vous avez déjà entendu parler, le projet de « Formation des maçons-construction de la Maison du Patrimoine ».

 

- or, en mai 2008, nous avons appris que ce projet allait être financé par le Ministère (français) des Affaires Etrangères, après trois ans de discussions. Il s’agit de contribuer à la modernisation de la profession de maçon, sans détruire son organisation traditionnelle. Les activités porteront donc essentiellement sur l’alphabétisation fonctionnelle et la formation professionnelle (sur l’installation électrique, les sanitaires, les enduits, la transmission de la technique du djenne-ferey) sur un chantier-école qui permettra de bâtir la Maison du Patrimoine, où seront mises en valeur les compétences professionnelle des maçons, puis dans les années suivantes celles des autres artisans de Djenné ; les activités de sensibilisation seront également développées ainsi qu’une réflexion entre notables et juristes sur le problème de l’indivision, qui est l’un des obstacles à la préservation du patrimoine bâti de Djenné. Les activités de ce grand projet vont commencer ce mois-ci. Le numéro 24 de DJENNE PATRIMOINE Informations présente ce projet de façon très complète. La coopération avec le barey ton dans ce projet est exemplaire.

 

- notre Association a attiré également des partenaires qui ont fait des investissements dans le domaine de l’éducation. Nos partenaires ont appuyé des écoles, telle que celle de Diabolo. On a pu construire et équiper des salles de classes. Diabolo a aussi bénéficié d’un forage, alors qu’il n’y en avait pas dans ce village de près de 1000 âmes. Les travaux vont bientôt commencer.

 

- en ce qui concerne la promotion de la culture et du tourisme, beaucoup d’acteurs de ce domaine à Djenné sont membres de notre association. Aussi, nous avons de bonnes relations de travail avec certains organismes de promotion du tourisme, tel que l’Office Mondial du tourisme (OMT). Avec ces derniers partenaires, nous développerons ce qu’on appelle le tourisme solidaire et responsable, qui est différent du tourisme classique. C’est une approche qui vise à multiplier les actions d’appui durable aux communautés et à inciter les touristes à investir dans des secteurs qui les intéressent. On a vu l’expérience avec le festival sur le Niger à Ségou. Certaines familles ont été appuyées. Quand les visiteurs viennent, elles les hébergent et bénéficient des frais d’hôtellerie. On peut tenter l’expérience ici à Djenné, car cette activité procure des revenus à ces familles. Ces programmes nous permettraient d’amorcer un développement durable. C’est pourquoi DJENNE PATRIMOINE est membre du réseau des associations qui œuvrent pour le tourisme solidaire. L’OMT a initié plusieurs séminaires sur le tourisme solidaire, auxquels notre association a participé. A l’une de ces rencontres, nous avons découvert un ingénieur qui conçoit des latrines modernes qui ne dégagent pas d’odeur. Nous nous sommes dit qu’on pourrait tenter l’expérience ici à Djenné.

 

Mais il y a un point sombre dans ce rapport d’activité. Je vous ai dit que les activités avaient été moins importantes depuis 2006. C’est que les cotisations que versent les membres bienfaiteurs de l’association ont connu une diminution entre 2006 et 2007, et cela nous a beaucoup freinés dans notre élan. On avait même des crédits à rembourser. On a du recourir à la représentation de l’association en France que dirige Joseph Brunet-Jailly. Au jour d’aujourd’hui on a remboursé la plus grande partie de nos dettes. Voilà en gros ce qu’il fallait retenir de nos activités de 2006 à nos jours.

 

Plusieurs intervenants prennent alors la parole. Ils rappellent que, au moment de la création de l’association, Papa Cissé avait dit que si on ne s’implique pas dans la vie de l’association, c’est les étrangers qui le feront. Au début tout le monde a été impliqué. L’un d’entre eux dit : « Moi, je regrette que les membres de l’association ne soient pas mieux informés, et plus souvent, des activités de cette association. Si Joseph n’était pas venu à cette réunion, on n’allait pas être conviés. Je pense que tout le monde doit être au même niveau d’information. »

 

Un autre dira : « Pour ce qui concerne les réalisations de Diabolo, nous en sommes contents parce que c’est une partie de Djenné. Mais on aimerait que de telles réalisations se fassent aussi ici à Djenné ville. »

 

Et encore : « Nous avons entendu la promesse de construire une Maison du Patrimoine, nous attendons de pied ferme la réalisation. »

 

Et aussi : « L’école de Diabolo a été construite, c’est un centre de savoir. J’aimerais qu’on s’intéresse davantage à la situation de l’école coranique et des talibés à Djenné. On a l’impression que l’école coranique à débuté à Hamdallaye, alors que Djenné a connu ses premières écoles avant Hamdallaye. Mais c’est à cause des médias (radios et internet) que les gens ont tendance à classer Hamdallaye avant Djenné. Ce qui n’est pas vérifié. Il faut donc mettre l’accent sur cet aspect. »

 

En réponse aux questions de l’assistance, le Président est amené à préciser les points suivants :

 

1) Pour le festival de Diabolo, nous y avons participé financièrement l’année dernière et nous allons y participer cette année dans le cadre du tourisme solidaire. Il y avait des problèmes financiers et je ne connais pas la suite du programme. On nous avait adressé une correspondance et il avait été question de soumettre un projet au PSIC, mais jusqu’ici on n’a pas eu de suite. Sinon, nous sommes impliqués dans ce programme, pour preuve, nous avons attiré des investisseurs dans la localité.

 

2) Par rapport aux réunions, elles sont rares, c’st vrai ; c’est dû généralement au fait que tout le monde n’a pas le temps de venir à l’heure. Quand on fixe une heure, on doit la respecter. Il y a aussi des réunions extraordinaires, où on ne convie que les membres du bureau. Sinon notre souci premier, c’est de convier tout le monde et de prendre en compte l’avis de tout un chacun.

 

3) Pour les réalisations, on n’a pas oublié Djenné ! Nous avons aidé les maçons, nous avons recensé les façades revêtues de briques cuites, nous avons fait connaître par notre site internet le patrimoine de Djenné et les compétences professionnelles de leurs artisans (maçons, brodeurs, bijoutiers, cordonniers, fabricants d’objets en vannerie ou en calebasse, potières…), nous avons préparé la réhabilitation d’une ancienne maison, nous avons préparé et négocié jusqu’à la décision finale le projet de Maison du Patrimoine, où les artisans seront à l’aise pour coopérer et présenter leur savoir-faire au public. C’est dire que la ville de Djenné n’a pas été oubliée. Il faut savoir que notre rôle est d’accompagner les autorités de Djenné. Nous ne pouvons pas tout faire non plus.

 

Amadou Tahirou Bah présente alors le rapport financier, qu’on peut résumer par les deux tableaux ci-dessous :

 

I / RECETTES

DESIGNATIONS

MONTANTS

Année 2006

Année 2007

Année 2008

Report 2005

50 505

63 665 

- 244 340

Cotisations membres

18 000

26 500

32 000

Cotisations  membres bienfaiteurs

461 240

80 000

350 000

Appui  partenariat de vision du monde

398 000

429 000

436 000

 

927 745

599 165

573 660

 

II / DEPENSES

DESIGNATIONS

MONTANTS

Année 2006

Année 2007

Année 2008

Location siège

72 000

72 000

72 000

Abonnement Boite Postale

29 250

29 250

29 250

Abonnement Internet

40 800

52 700

24 520

Affranchissement postal des bulletins

24 635

16 745

17 535

Organisation réunions et assemblée générale

17 480

37 845

43 750

Déplacements et missions

100 000

105 000

45 000

Appui au crépissage de la mosquée

100 000

100 000

-

Appui aux artisans

100 000

50 000

-

Appui aux associations

10 000

20 000

-

Appui à la solidarité

50 000

-

-

Appui au festival djennery

100 000

30 000

-

Appui au développement villageois (Ballé)

250 000

100 000

-

Organisation Expos photo pour centenaire mosquée

-

183 500

15 000

Reprographie

38 900

25625

15750

Autres petites dépenses

15650

17840

12790

 

864 080

843 505

276 195 

 

Ces tableaux adoptent la présentation demandée par l’assemblée générale qui souhaitait que les recettes par nature apparaissent clairement.

 

Réunion avec le barey ton

 

Vendredi 31 octobre, vers 17 h, au domicile de Sekou Traore, dit Sekou barey, réunion du barey ton, à propos du projet de Maison du Patrimoine. Une bonne vingtaine de maçons sont présents, ce qui est remarquable parce que, en cette saison, de nombreux maçons sont partis faire les récoltes, pour échanger leur travail contre du grain. Au cours de cette réunion, Sékou barey a présenté les invités : J. Brunet-Jailly et Papa Cisse (A T Bah n’est pas un invité, il est membre du barey ton). Puis A.T. Bah a exposé les principales activités du projet de Maison du Patrimoine, et Papa Cissé les grandes lignes du programme d’alphabétisation fonctionnelle basée sur les compétences de vie.

 

Au début de la discussion, les deux plus vieux maçons sont intervenus pour souhaiter la bonne entente entre les maçons de la corporation.

 

Ensuite, il est question de la gestion des fonds. Un des maçons présents demande qu’on constitue une commission comptant 5 représentants du barey ton et 5 de DJENNE PATRIMOINE. On lui a fait valoir que ce dispositif serait trop lourd, mais que néanmoins le barey ton est maître des procédures qu’il voudrait adopter pour contrôler l’utilisation des fonds. A la fin de la discussion, un des maçons présents est désigné pour signer les chèques du projet conjointement avec A.T. Bah. Il s’agit de Bakaïna Mayentao, patron de « Entreprise bozo ».

 

Un compte spécial sera ouvert dans une banque de Djenné.

 

Publications

 

Après la publication en 2007 de « Djenné ferey : la terre habitée », photographies de Marli Shamir, poèmes d’Albakaye Ousmane Kounta, DJENNE PATRIMOINE a publié en 2008 le dvd préparé par Pierre Ducoloner et Pierre Philippon : « Promenades dans Djenné ». Grâce à ce document, chacun pourra préparer sa visite de Djenné, ou bien se remémorer ce qu’il y a admiré.

 

Ce dvd peut être commandé en envoyant un message à djenne.patrimoine@laposte.net

 

 

Document 1

 

Problèmes actuels de la protection de l’architecture de Djenné

 

Amadou Tahirou Bah[5]

 

Djenné fut l’une des plus anciennes koïra, c’est-à-dire cité (en djenne ciini, la langue parlée à Djenné), fondée au sud du Sahara, puisqu’on sait aujourd’hui que Djenne-djenno a été créée au IIIème siècle avant J.-C.. Elle a atteint son apogée vers le VIIème siècle de notre ère. C’est ensuite que s’est développée la ville actuelle. L’architecture de Djenné, car c’est d’elle que nous parlerons aujourd’hui, est d’une grande originalité, et le fruit d’un savoir faire purement local. De ce point de vue, cette architecture prend une place unique dans le système urbain du Mali, et elle est l’un des éléments du classement des villes anciennes de Djenné comme patrimoine de l’humanité.

 

La construction à Djenné

 

L’architecture de Djenné est une synthèse unique d’apports multiples, qui vont des traditions locales des gens du fleuve, les Bozo, probablement premiers occupants du site, en passant par les influences des grands empires, jusqu’aux emprunts aux façons de construire et de décorer venant du Nord de l’Afrique.

 

A Djenné, les bâtiments sont construits en banco, matériau de construction local, mélange de boue recueillie dans le lit des cours d’eau temporaire, riches en sédiments, avec de la paille, du fumier, de la balle de riz, etc. 

 

Cette architecture a aussi développé une technique constructive unique, qui repose sur l’emploi du djenne-ferey, une brique de terre crue, cylindrique, moulée à la main, et maçonnée en position verticale. C’est seulement à partir des années 1930 que cette technique originale a été progressivement remplacée par des briques en terre crue, mais moulées dans un cadre en bois, donc parallélépipédiques, appelées toubabou ferey.

 

La fabrication des briques, la construction elle-même, aussi bien que le crépissage des maisons sont à Djenné des activités de spécialistes, les barey (maçons), regroupés dans une corporation, le barey ton. La corporation perpétue un système professionnel fortement hiérarchisé, avec des maîtres (ou patrons), des ouvriers, et des apprentis ; c’est ce système traditionnel qui assure aussi la formation des apprentis, formation qui se déroule exclusivement sur le chantier, et repose entièrement sur la pratique et ses commentaires oraux. Ainsi, ces experts du banco construisent sans jamais dessiner, apprennent le métier sans jamais avoir à lire ou à écrire.

 

Ces maçons ont acquis une très grande renommée dès l’époque fastueuse qu’a été ici le Moyen-Age, époque à laquelle les souverains du Mali faisaient des pèlerinages somptueux et construisaient des bâtiments inspirés de leurs souvenirs de voyages. L’architecture de Djenné s’est diffusée non seulement dans tout le delta central du Niger, mais aussi dans les pays voisins, et jusqu’aux côtes.

 

Les problèmes actuels de la protection de l’architecture de Djenné

 

Cette architecture, qui par son originalité et son unité a été l’un des motifs du classement par l’UNESCO, en 1988, des villes anciennes de Djenné comme site du Patrimoine Mondial, présente aujourd’hui des signes d’une décadence très inquiétante.

Une enquête menée en 1979 montrait déjà que seulement 14 % des maisons étaient normalement entretenues au rythme d’un crépissage par an. En 1995, les auteurs de L’architecture de Djenné, Mali : la pérennité d’un patrimoine mondial,[6] signalaient  « l’absence de travaux réguliers de réfection, due en grande partie à la situation économique difficile de la région, qui conduisait à l’effondrement de nombreuses maisons, en particulier dans le tissu ancien de la ville ».

 

De nombreux autres problèmes affectent la protection du patrimoine architectural de Djenné. Il s’agit entre autres :

 

1°) des maisons en ruine et abandonnées qui deviennent des dépotoirs temporaires d’ordures ménagères ; ces ruines peuvent aussi accumuler des eaux stagnantes, qui pourront endommager les murs voisins et éventuellement provoquer leur effondrement ;

 

DJENNE PATRIMOINE a demandé les moyens de travailler avec les chefs de famille et un juriste pour formuler des incitations à sortir de l’indivision, cause première de cet état de fait.

 

2°) l’appauvrissement de la population conduit à l’emploi de matériaux de qualité inférieure pour la construction et l’entretien des maisons, et à la suppression des décorations traditionnelles abondantes des façades, des portes, des fenêtres, des murs intérieurs… ; et de ce fait, progressivement, les compétences des maçons dans les meilleures techniques traditionnelles diminuent.

L’exemple de la restauration de la mosquée de Mopti l’a bien montré.[7] Des sondages y ont été faits pour apprécier la qualité des enduits, en examinant les diverses couches accumulées au cours des recrépissages successifs : analyse chimique pour retrouver la composition des enduits utilisés, et examen physique pour comparer leurs propriétés. La qualité des couches anciennes (celles qui font les trois à cinq centimètres les plus profonds) s’est révélée bien supérieure à celle des couches récentes : les couches anciennes sont plus fines et plus compactes, elles adhérent mieux les unes aux autres. A l’inverse, les couches récentes, épaisses, friables, adhérent mal aux couches sous-jacentes, et s’épluchent très facilement. Ces propriétés physiques sont liées à la fois à la sélection des matériaux entrant dans la composition de l’enduit et à la qualité du travail de mise en place de l’enduit.

 

La mauvaise qualité des couches récentes tient à plusieurs facteurs : on utilise une balle de riz trop fine qui sort des décortiqueuses, on utilise des argiles de mauvaise qualité (mélangée à beaucoup de sable et de limons), parfois prises dans le lit du fleuve le jour même du crépissage. Cet enduit n’est pas imperméabilisant, il est fragile, il se dégrade à la première pluie, surtout s’il a été appliqué en couches épaisses qui se fissurent en séchant.

 

DJENNE PATRIMOINE a formulé, avec ACROTERRE et le barey ton, la corporation des maçons de Djenné, un projet dans lequel le travail avec les maçons sur les enduits serait repris en tenant compte des résultats les plus récents de la recherche ; les maçons n’en seraient pas de simples exécutants, ils seraient associés de bout en bout à l’expérimentation et à son évaluation.[8]

 

3°) les reconstructions et les  nouvelles constructions dans le site classé sans permis de construire : celui-ci devrait être délivré par la mairie, après avis de la Mission culturelle ; en pratique, comme à Tombouctou, les gens construisent sans même demander le permis de construire, et la mairie se désintéresse de la protection du patrimoine architectural ;

 

En réalité, la procédure du permis de construire est totalement inopérante, parce que les agents de l’administration n’ont ni la formation voulue, ni l’autorité requise, ni peut-être la volonté, de prendre en charge ce problème. Aussi, on voit de plus en plus de maisons construites en empiétant sur la voie publique ou sur la berge pour accroître la superficie habitable !

 

C’est d’ailleurs l’administration qui donne la première le mauvais exemple : d’abord les ministères construisent en ciment (par exemple le groupe scolaire, sur l’emplacement de l’ancienne mosquée de Sékou Amadou, en plein cœur de la ville, ou l’hôpital, à Kanafa…), ou en béton revêtu de banco (le marché quotidien, aujourd’hui le musée), et ensuite elle autorise ou tolère une construction privée en béton revêtu d’une façade en banco couvert de briques cuites (le bâtiment de la BIM, à lui seul un catalogue de dénis du classement de la ville).

 

En outre, la mairie a autorisé les commerçants, à diverses époques des années récentes, à installer des baraques en tôle sur la place de la mosquée,[9] comme si Djenné avait quelque chose à gagner à essayer de ressembler à un bidonville ! Mais aujourd’hui la mairie n’a pas assez d’autorité pour faire déguerpir les occupants.

 

Il y a, à vrai dire, fort à faire dans ce domaine auprès des fonctionnaires, des élus, des propriétaires, de la population de Djenné dans son ensemble ! Une étude réalisée en 2002 à l’initiative de DJENNE PATRIMOINE a montré que 56 % des personnes enquêtées ignoraient que la ville était classée au Patrimoine Mondial.[10]

 

DJENNE PATRIMOINE n’est qu’une association, elle ne dispose pas comme les administrations des moyens de la force publique : elle ne peut donc que protester, et publier ses protestations, et elle le fait !

 

4°) certains propriétaires, afin d’adapter leurs maisons à de nouveaux besoins modifient leur plan originel et font perdre aux édifices leurs caractéristiques monumenta-les ; mais il faut reconnaître que ceci tient à ce que le classement de Djenné est trop étendu et trop strict ; au lieu de classer l’ensemble de la ville, comme cela a été fait, il faudrait classer des quartiers, des carrés ou des parcours dans une zone de conservation stricte où toute l’architecture devrait être conservée (plans, disposition intérieure des espaces, dessins, matériaux et techniques de construction …) ; et en dehors de ces zones classées, le reste de la vieille ville serait protégé, en ce sens que l’aspect extérieur des bâtiments serait conservé, les propriétaires ayant la possibilité de modifier les espaces intérieurs ; enfin une troisième zone serait caractérisée par le simple respect du plan d’occupation des sols et par le contrôle normal du permis de construire sur l’aspect extérieur des bâtiments.

 

DJENNE PATRIMOINE a fait des propositions dans ce sens pour Djenné il y a bientôt dix ans[11] : elles seront discutées le jour où l’administration et l’UNESCO admettront que c’était une erreur que de classer « les villes anciennes de Djenné » en bloc comme s’il s’agissait d’une pièce de musée.

 

) l’utilisation de la brique cuite, dans le but de renforcer la construction ou recouvrir les façades exposées, est devenue une mode à Djenné ; c’est en réalité une mauvaise solution à un réel problème ; cette mauvaise solution est en effet coûteuse, alors qu’elle met en danger la structure même des bâtiments ;

 

Dans le cadre du projet préparé avec ACROTERRE, DJENNE PATRIMOINE a démontré que ce procédé, loin d’amoindrir le coût réel de l’entretien, n’est rien d’autre qu’une manifestation ostentatoire de richesse. En effet, le prix de revient au m2 de l’enduit traditionnel en banco atteint 152 FCFA /m2 sans beurre de karité et 196 FCFA/m2 avec beurre de karité ; le parement en briques de terre cuite revient 14 fois plus cher que l’enduit en banco avec beurre de karité et 18 fois plus cher que l’enduit banco sans beurre de karité. Autrement dit, pour être économiquement intéressante, la technique de parement en briques cuites devrait avoir une durée de vie sans entretien d’au moins 14 ans.

 

Or cet avantage, la durée de vie sans entretien, qui est l’argument généralement invoqué pour justifier le recours à cette technique, est loin d’être démontré. Au contraire, les maçons ont signalé des interventions assez régulières de rebouchage de fissures apparues sur les façades. Ces fissures sont en réalité inévitables : techniquement, elles sont très probablement causées, en l’absence de joints souples, par des phénomènes de dilatation et de contraction des briques exposées au soleil, et par des tassements différentiels du mur et de son revêtement.

 

Ces observations amènent non seulement à questionner la validité de cette option, mais aussi à s’interroger sur les motivations des propriétaires qui y ont recours.

 

6°) cette architecture est également menacée par  les aspirations des propriétaires à améliorer le confort de leurs habitations, par l’agrandissement des chambres, la construction de sanitaires modernes, ou l’usage de paraboles, etc. L’agrandissement des chambres et l’adoption de plans différents des plans traditionnels pourraient être autorisés dans la zone protégée dont il a été question  ci-dessus, cette zone dans laquelle seul l’aspect extérieur des bâtiments devrait respecter le style de Djenné. Les autres problèmes doivent être résolus par les maçons, et les solutions peuvent être définies dans le cadre d’un perfectionnement professionnel qui leur redonnerait le goût de l’innovation. Les solutions pratiques à mettre au point avec les maçons concernent notamment  le traitement des adductions et évacuations d’eau et de l’alimentation électrique.

 

Ces problèmes sont parfaitement solubles. DJENNE PATRIMOINE et le barey ton ont formulé ensemble un projet, désormais en cours de réalisation, qui permettra de démontrer les façons de résoudre ces problèmes dans la pratique.[12]

 

7°) l’harmonie architecturale de Djenné a aussi été affectée par certains aménagements urbains  dont Djenné a bénéficié depuis quelques années, à savoir :

 

-l’adduction d’eau, qui crée un énorme problème irrésolu de gestion et d’évacuation des eaux usées dans la ville ; à ce problème permanent s’ajoute le problème saisonnier d’évacuation des eaux de pluies ;

-l’électrification, qui a été faite sans égards pour le classement de la ville, de sorte que l’on a installé des poteaux en bois, en béton ou en métal partout dans la ville, qui en outre est défigurée par des fils électriques et ceux du téléphone, installés sans aucun souci du classement de la ville et de son attrait touristique..

*

*    *

 

Tels sont quelques-uns des problèmes que soulève la protection de l’architecture de Djenné.

 

Dans ce contexte, une association peut être une force de proposition, l’exemple de DJENNE PATRIMOINE le montre, voir son bulletin et son site internet. Une association peut aussi être une force de protestation, en représentant les intérêts des propriétaires contre les erreurs de l’administration : en cela elle oblige l’administration à mieux préparer et à mieux justifier ses décisions, ce qui en fin de compte est positif pour toute la communauté. Mais une association ne peut pas être une simple courroie de transmission de l’administration, comme ce fut le cas dans des régimes étrangers disparus, et récemment encore au Mali. Une association est nécessairement l’instrument d’une prise de conscience au niveau local, une prise de conscience nécessaire à la démocratie, mais aussi une prise de conscience nécessaire à la sauvegarde du patrimoine que notre génération a hérité de ses pères et qu’elle a le devoir de transmettre à ses descendants.

 

Je vous remercie.

Amadou Tahirou Bah

Document 2

 

Le musée de Djenné présenté par son architecte

Abdoulaye Touré

 

La construction d’un Musée à Djenné doit être immédiatement située dans le contexte de la protection des biens culturels du Mali, et en particulier des objets provenant des sites archéologiques du delta intérieur du Niger.

 

Le contexte

 

Tout objet d’art sert à communiquer, en renvoyant à des éléments concrets de la vie sociale et de l’histoire de ceux qui l’ont fabriqué. Une œuvre d’art est une métaphore ou un ensemble de métaphores articulées de manière à permettre la communication et le stockage de l’information. Il est établi que Djenné a été un pôle culturel très important dans l’Afrique de l’Ouest avant la diffusion de l’islam. Les objets provenant de cette civilisation sont les seuls éléments qui peuvent nous permettre de décrire et de comprendre la civilisation urbaine florissante qui s’est développée, il y a plus de mille ans, dans le delta intérieur du Niger.

 

L’art a une double fonction. Dans une société vivante, il livre la syntaxe symbolique, avec entre autres, le langage et les rites, qui permet à l’idéologie de remplir sa fonction universelle de médiation entre le matériel, l’économique, le social et les croyances. Un objet d’art qu’on a exhumé sans faire le relevé de la strate archéologique qui lui est associée devient un orphelin de la chronologie, toute interprétation en est définitivement impossible. Or, depuis plus d’un siècle, des centaines de statuettes en terre cuite ont été exhumées dans des sites du delta du fleuve Niger au Mali sans qu’on ait procédé au moindre relevé de leur contexte archéologique.

 

C’est  pour cette raison que les fouilles clandestines, et le commerce de leurs produits, aboutissant au pillage des biens culturels du Mali,[13]  sont passibles de poursuites. Comme l’indique le préambule de la Convention de 1970 de l’UNESCO sur l’importation, l’exportation et le transfert de propriétés illicites des biens culturels : « Les biens culturels sont un des éléments fondamentaux de la civilisation et la culture des peuples et ils ne prennent leur valeur réelle que si leur origine, leur histoire et leur environnement sont connus avec la plus grande précision ». L’exhumation clandestine de statuettes en terre cuite dans le delta intérieur du Niger et leur vente sur le marché euro-américain fournit un exemple  dramatique de la violation de ces préceptes.

 

Les raisons de la décision de construire un musée à Djenné

 

C’est dans ce contexte que se trouvent les raisons qui ont conduit à la décision de construire un musée à Djenné. Voici ces raisons :

 

- alors que Djenné et ses environs possèdent l’un des plus riches patrimoines archéologiques de l’Afrique de l’Ouest, la ville ne possède pas de musée pour accueillir les produits des fouilles officielles ; les visiteurs doivent se rendre dans la capitale pour voir quelques rares objets témoignant de cette ancienne civilisation du delta intérieur du Niger ;

- or ces objets doivent être montrés sur place à la population qui peut les protéger, et aux visiteurs qui peuvent apprendre sur place les dangers de l’exportation illicite ; cette action éducative est un complément indispensable à l’action répressive ;

- en effet, la présence sur place, dans un musée facilement accessible à tous, de ce patrimoine exceptionnel, permettra de rendre à la population de Djenné et environs sa fierté d’avoir un passé culturel remarquable, et éveillera les consciences à la valeur historique irremplaçable de ces biens culturels ;  elles auront ensuite à cœur de les protéger efficacement ;

- de même, les visiteurs trouveront dans ces objets, qui parlent immédiatement par leurs qualités esthétiques et leur mystère, une raison de protéger ce patrimoine, au lieu de participer à sa dilapidation par les fouilles clandestines et les exportations illicites ;

- ce patrimoine peut, s’il est exposé sur place, jouer le rôle de ressource touristique pour la région, en attirant des visiteurs plus nombreux, dont la présence contribue à l’essor économique de la ville et de ses environs en créant des emplois ; mais il peut aussi amener les visiteurs à contribuer, par le paiement de tickets d’entrée, à créer des ressources pour développer de futures fouilles scientifiques ;

- enfin, la construction du musée, effectuée par les maçons de Djenné et les différents corps de métier présents dans la ville, permettra de donner un souffle nouveau à l’économie locale et à la conservation des savoir-faire constructifs.

 

Le rôle d’un musée à Djenné

 

Le musée doit être la plate-forme réceptive de toutes les formes d’expérience authentiquement reconnues, c’est dans cette optique qu’il doit viser à satisfaire à la fois quatre grands domaines à savoir : la recherche, la conservation, l’exposition et la diffusion, l’animation.

 

Le musée de Djenné sera un équipement populaire, familial, local, régional et national, en même temps qu’universel dans le sens où il aura comme vocation première d’accueillir des visiteurs locaux, de la région, de l’ensemble du Mali et du monde entier. Il s’appuiera sur le Musée national qui dispose au Mali des meilleures compétences en matière de recherche et de conservation.

 

Le musée de Djenné est donc conçu pour répondre aux vocations suivantes :

 

- de présenter aux visiteurs et surtout aux jeunes, des objets et des pratiques culturelles du passé et du présent (vocation pédagogique) ;

- de sensibiliser la population locale, régionale, nationale et les visiteurs étrangers à la protection, la conservation, la restauration, la valorisation du patrimoine culturel ;

- de galvaniser le secteur du tourisme, donc l’économie locale ;

- de favoriser le rayonnement de la culture de Djenné et du delta central du Niger ;

- de collecter, de conserver et de diffuser les informations sur le patrimoine culturel ;

- de revitaliser les métiers traditionnels ;

- de mener des recherches de haut niveau sur la collecte, la restauration et la conservation des biens culturels ;

- d’animer la vie culturelle locale par l’organisation de manifestations culturelles …

 

Les caractéristiques architecturales du musée de Djenné

 

Le symbole choisi pour ce musée familial et populaire, en même temps qu’universel, est celui de deux formes humaines se tenant côte à côte : il peut être interprété comme un mari et sa femme, un père avec son fils ou sa fille, une femme avec son fils ou sa fille, deux amis, un enseignant et son élève… Cela veut dire aussi que le musée se visite en famille, en groupe…

 

Le musée, situé au cœur de la ville, à 100 mètres au Nord de la mosquée de Djenné, devait s’insérer dans l’architecture locale. Authenticité, solidité, confort, innovation technologie et sécurité ont été les axes essentiels de la conception du bâtiment.[14] Ainsi s’est imposée une construction en brique de terre, avec des éléments et des formes architecturaux empruntés à l’architecture traditionnelle de Djenné, couplés à des équipements de confort et de sécurité pour les visiteurs et les objets qui seront exposés.

 

Compte tenu des contraintes liées à la dimension du terrain disponible, nous avons adopté une construction à deux niveaux (un étage sur rez-de-chaussée) avec une terrasse accessible. L’organisation de l’espace se fait autour d’une cour intérieure comme dans les maisons de Djenné.

 

L’ensemble du bâtiment est orienté Est-Ouest avec une entrée principale à l’Est, une entrée à l’Ouest pour la livraison des objets et une entrée de service au Nord.

 

Les salles d’exposition ont pour fonction de mettre en valeur les objets exposés dans des conditions de confort visuel, thermique, et de sécurité. Pour atteindre  ces objectifs, nous avons joué sur l’aération, sur la texture des murs et du sol, les équipements et l’éclairage.

 

La gestion de la lumière est essentielle dans un musée. Pour mettre en valeur les objets exposés, la lumière est le premier matériau de la muséographie. Aussi, malgré la dimension du bâtiment nous avons choisi de diversifier les salles d’exposition. La localisation des salles d’exposition aux quatre coins du bâtiment sur les deux niveaux permettra aussi aux visiteurs de parcourir l’ensemble de l’édifice et de découvrir ainsi l’architecture de Djenné.

 

 

 

Le musée de Djenné et l’architecture de Djenné

 

Nos recherches antérieures nous ont permis d’inscrire dans le bâtiment de nombreuses références  architectu-rales locales. A l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment, des formes et symboles authentiques de la culture de Djenné sont utilisés pour renforcer la perception du musée comme centre de la communauté et affirmer son identité.

 

Façade Est

La façade principale située à l’Est comporte la porte monumentale qui sert de support à un ensemble de formes architecturales. La porte d’entrée est surmontée d’un gum hu[15] qui fait saillie. Au-dessus de la porte d’entrée se dressent deux ouvertures de forme humaine[16]. Au dessus de celles-ci se dressent, solidement implantées, des solives faites de faisceaux de bois, en série de six, formant saillie d’un mètre, ce sont les torons[17].

 

Au-dessus des torons se trouve un panneau décoratif divisé en niches. Dans chaque niche se dresse une forme phallique : le mouchi boumo.

 

Juste au-dessus du panneau décoratif se dressent cinq pinacles en forme de mitre régulièrement espacée appelée sarafar idye[18]. Chaque sarafar idye porte en sa base un sarafar dyutu[19]6.

 

De chaque côté de la porte monumentale se dresse à distance égale un pilastre femelle appelé sarafar woy[20] et à chaque extrémité de la façade se dresse un pilastre mâle appelé sarafar har[21]. Les sarafar har sont les éléments les plus hauts du bâtiment ; ils sont coiffés par les sarafar fula[22].

 

Façade Ouest

A l’Ouest se dresse un autre type de façade empruntée à l’architecture de Djenné. Elle se différencie de la façade Est par l’absence de gum hu, mais elle aussi s’organise autour de la porte. Au-dessus de la porte se dresse un ensemble de panneaux décoratifs faits de bas reliefs et d’ouvertures. Au-dessus de ces premières formes se trouvent les sarafar idye avec chacun son sarafar dyutu. De chaque côté de la porte se dressent respectivement deux sarafar woy. La façade se termine de chaque côté par un sarafar har coiffé d’un sarafar fula.

 

Pignon Nord

Il s’organise autour d’une porte surmontée par un gum hu au-dessus duquel se trouvent des sarafar idye. De chaque côté de l’entrée, se dressent respectivement deux sarafar woy. La façade dispose à chaque extrémité d’un sarafar har.

 

Pignon Sud

Sur ce pignon se dresse une forme empruntée au njègè[23]10 et qui représente le monte-charge dans notre bâtiment.

 

Le musée, qui est ainsi une leçon d’architecture de Djenné, utilise les matériaux locaux améliorés et il est construit par les barey (maçon) de Djenné : nous avons donc adopté un principe de construction maîtrisable par les barey. Compte tenu de la nature du sol et de la dimension du bâtiment, les fondations sont en matériau durable pour éviter les problèmes d’humidité dûs au fait que la nappe phréatique est près du sol à Djenné et de la nature du sol argileux qui provoque des fissures en séchant sous l’effet de retrait.

 

Pour avoir de grandes portées mais pas trop de poteaux, les structures porteuses, non apparentes, sont en béton armé, et supportent les toitures en hourdis. Les murs, non porteurs, sont en brique de terre crue comme on a  l’habitude de le faire à Djenné. Ainsi, le bâtiment aura tous les aspects d’une construction en terre avec la solidité d’une construction en matériau durable.

 

         Photo J. Brunet-Jailly

        Photo Abdoulaye Touré

Comme il paraissait évident que le Musée de Djenné devait être construit par les maçons de Djenné, l’appel d’offres a été organisé en conséquence par le Maître d’ouvrage délégué, et c’est l’entreprise GIE-Djebac qui a emporté le marché de la construction du musée.

 

         Photo Abdoulaye Touré

 

Après les travaux de déblaiement du terrain, les travaux de terrassement ont commencés le 9 mai 2008. A cette occasion, comme il est de coutume à Djenné, le Chef du barey ton (la corporation ou guilde des maçons) en la personne de Monsieur Boubacar Toure, est venu bénir le chantier. Le chantier est en cours d’exécution, et la fin probable des travaux est prévue pour avril 2009.

 

Conclusion

Tradition architecturale locale, esthétique, organisation de l’espace, confort, sécurité ont été les fils conducteurs qui nous ont guidé dans la conception de ce bâtiment. Il est universel, puisque telle est la mission d’un musée, et en même temps il s’intègre à son environnement urbain, social et culturel immédiat. Le bâtiment sera moderne et traditionnel à la fois avec l’utilisation des formes empruntées à l’architecture locale.

 

Abdoulaye Touré

Architecte



[1] Habiter au Mali, enjeux et perspectives de l’architecture de terre, 4 p. (p. 2)

[2] Abdoulaye Deyoko : Habitat au Mali, enjeux et perspectives de l’architecture de terre, Présentation générale, 4 p. (p. 3)

[3] Boubacar Diaby : Le rôle des communautés locales dans la préservation de l’architecture de terre (le cas de la ville ancienne de Djenné), 27 juin 2007, 3 p. (p. 2)

[4] Depuis l’assemblée générale, la famille Sounfountera a décidé de ne pas donner suite à ce projet

[5] Texte de la conférence prononcée par Amadou Tahirou Bah au Centre Culturel Français de Bamako, le 4 février 2008, à partir de 18 h, à  l’occasion du séminaire international Terra2008

[6] R. Bedaux, B. Diaby, P. Maas : L’architecture de Djenné (Mali), la pérennité d’un patrimoine mondial, Rijksmuseum voor Volkenkunde Leiden-Editions Snoek, Gand, 2003, 188 p.

[7] Qu’avons-nous appris de la restauration de la mosquée de Mopti ? DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 21, automne 2006, p. 10-12(accessible sur le site www.djenne-patrimoine.asso.fr )

 

[8] Ce projet est désormais en cours de réalisation, voir DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 24, (accessible sur le site www.djenne-patrimoine.asso.fr )

[9] Cf. Djenné à l’abandon ! DJENNE PATRIMOINE Informations, n ° 20, printemps 2006, p. 2-3 (accessible sur le site www.djenne-patrimoine.asso.fr )

[10] Marie-Laure Villesuzanne, article cité,  DJENNE PATRIMOINE Informations » n° 14 (accessible sur le site www.djenne-patrimoine.asso.fr )

[11] Cf. Marie-Laure Villesuzanne : Quel avenir pour l’architecture de Djenné ? DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 12, janvier 2002, p. 14-21 (accessible sur le site www.djenne-patrimoine.asso.fr )

[12] Voir DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 24

[13] Roderick J. McIntosh, Susan Keech McIntosh, « Dilettan-tisme et pillage : trafic illicite d’objets d’art ancien au Mali », article paru dans Musée (revue publiée par l’UNESCO), n° 49, 1986, pp. 49-57 (texte traduit de l’anglais accessible sur  http://detoursdesmondes.com/pillage_djenne_djeno.pdf ).

 

[14] Avec les normes et les prescriptions éditées par l’ICOM (International Council of Museum, ou Conseil International des musées).

 

[15] Le gum hu est une sorte d’auvent utilisé dans l’architecture de Djenné.

[16] Le symbole du musée de Djenné, comme on l’a signalé plus haut

[17] Toujours utilisés dans l’architecture traditionnelle à Djenné, ces torons ont une fonction esthétique et une fonction d’échafaudage permanent.

[18] Sarafar veut dire élément important, et idye veut dire enfant

[19] Sarafar dyutu, dyutu veut dire nombril.

[20] Sarafar woy, woy veut dire femme.

[21] Sarafar har, har veut dire homme.

[22] Sarafar fula, fula veut dire bonnet

[23] Njégè désigne le wc. La forme représente la colonne de wc.