DJENNÉ PATRIMOINE
Informations
n° 30, hivernage 2011
EDITORIAL : Djenné aux abois !
D’ordinaire, entre
Noël et Jour de l’An, le parking du Campement-hôtel est rempli de véhicules, et
le restaurant sert jusqu’à 200 couverts à chaque repas ; à Noël 2010, au
plus fort de la saison touristique, une seule des quarante chambres était
occupée ! Au restaurant Chez Baba, deux visiteurs arrivant en juin ont été
accueillis par ces mots : « vous êtes les premiers clients depuis
trois mois ». Hôteliers, restaurateurs, guides, mais aussi les commerçants
et les artisans dont la clientèle est surtout étrangère (les brodeurs ou les
femmes qui fabriquent le bogolan ou des objets en fibres végétales), les
marchands de souvenirs, tous sont aux abois. La mairie elle-même, qui disposait
des ressources d’une taxe touristique, a vu disparaitre cette recette.
La saison sèche
2009-2010 avait été une saison touristique médiocre, la saison sèche 2010-2011
a été catastrophique. Les agences de voyages se sont pliées aux injonctions des
ambassades, qui ont suivi les consignes de l’Ambassade de France ; les touristes
voyageant seuls ont fait de même. Quasiment plus aucun touriste
étranger ne vient à Djenné depuis plus d’un an.
De
proche en proche, toutes les activités sont concernées : les hôteliers et
restaurateurs ont licencié une bonne partie de leur personnel, certains ont
fermé temporairement, aucun ne paie les employés restés à leur poste par
fidélité. Les chefs de famille vendent leur bétail, cherchent à qui ils
pourraient emprunter.
Les fonctionnaires
sont assaillis de demandes de leurs proches parents... Au tomber du jour, ce ne
sont que visites discrètes de personnes se rendant chez qui elles pensent
pouvoir trouver du secours ; et si la fierté de certains leur interdit de
venir demander quoi que ce soit, leurs plus proches amis se sentent moralement
obligés d’intervenir en leur faveur.
Pour tous ces gens
qui souffrent, il n'y a pas de doute que la décision française de classer le
Mali dans les zones orange et rouge est la cause de la situation. Cette
décision a été suivie par les principaux pays de l’Union Européenne, d’où vient
l’essentiel des touristes qui visitent Djenné.
Vous tous, visiteurs
de Djenné, vous avez connu ces dernières années une ville très animée, au moins
les jours de marché, et sa population très affairée autour des touristes et des
activités qu’ils suscitent, vous avez pu mesurer à quel point cette ville était
devenue tributaire des revenus touristiques. Vous avez pu apprécier, au fil des
années, quels efforts ont été consentis depuis trois décennies pour redonner
des perspectives d’avenir à sa population. Tout cela est ruiné !
Visiteurs, admirateurs, amis
de Djenné, nous ne pouvons pas éviter de nous interroger sur les conséquences
sociales et politiques de la crise gravissime que connaît aujourd’hui cette
ville. La priver d’une de ses principales sources de revenus, n’est-ce pas
préparer un effondrement des équilibres économiques et sociaux sur lesquels
reposait jusqu’à présent sa survie ? N’est-ce pas inciter les plus
capables et les plus actifs à aller chercher
ailleurs, éventuellement dans des activités illicites, l’argent parfois facile
auquel ils ont pris goût ? N’est-ce pas favoriser l’exode vers les
capitales régionales ou vers Bamako, c’est-à-dire accroître la visibilité d’une
situation sociale explosive, à la veille d’une année électorale ?
NOUVELLES DE DJENNÉ
Le nouveau ministre de la culture
a Djenné
Le 28 mai 2011, Monsieur Hame
Niang, Ministre de la Culture, accompagné du
Directeur National du Patrimoine Culturel, du Directeur de Cabinet, du Chargé
de Mission et de son Attaché, a fait une visite dans la ville de Djenné.
Arrivé aux environs de 9 h 30, il a
été accueilli par le Préfet du Cercle, le Président du Conseil de Cercle, du
Maire de la Commune Urbaine, du chef de la Mission Culturelle, les chefs des
services techniques et les notables de la ville.
Cette
visite se situe dans le cadre d’une prise de contact avec son service
déconcentré : il s’agit de constater les conditions de travail et de voir
les travaux réalisés par les différents partenaires qui sont notamment l’Union
Européenne, la fondation Aga Khan et la fondation Prince Claus.
Après les salutations, le ministre a visité le
musée de Djenné, encore en chantier, la mosquée restaurée par le réseau Aga
Khan pour la culture, la mission culturelle, et le site archéologique de
Djenné-Djeno. Celui-ci vient de bénéficier d’un
financement par la fondation Prince Claus pour sa restauration et sa
conservation.
Avant de visiter la mission culturelle et le
site archéologique, le ministre a rendu une visite de courtoisie à l’imam et au
chef de village. Il est ensuite allé présenter ses condoléances à la famille Gano pour le décès de Badjéni Gano, grand animateur de la jeunesse qui encadrait la
troupe artistique de Djenné depuis plusieurs années.
C‘est
le 7 mai 2011 qu’a eu lieu la 35ème édition du « Ziyara de Hamdallaye »
(parfois écrit « zihara »), visite
religieuse et commémorative sur les tombes des pieux défunts de l’ancienne
capitale de l’Empire peul du Macina, Etat musulman éphémère dont la capitale
était Hamadallaye. Le Ziyara
a, cette année encore, rassemblé une foule nombreuse venue du Mali et d’Afrique
de l’ouest.
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Fidèles à la tradition, le Chef de l’État
Amadou Toumani Touré et son épouse, accompagnés d’une
forte délégation, étaient présents à la cérémonie.
Prières et bénédictions ont été faites durant
toute la nuit. C’est à l’aube que l’imam Balobo Barry
a prononcé la dernière Fatiha avant de libérer les fidèles.
Une exposition
« Niger-Loire »
Une exposition
a été organisée à Bamako, du 10 mai au 31 juillet 2011, pour rendre compte du
projet intitulé « Niger-Loire, Gouvernance et culture ». Cette
exposition devrait circuler ensuite, notamment à Ségou et à Mopti.
Le projet
« Niger-Loire » affichait de vastes ambitions tant matière
d’aménagement que de recherches scientifiques en faveur de la préservation du
fleuve Niger. Il a été financé par l’Union Européenne et mis en œuvre par
l’UNESCO de 2007 à 2011, en incluant la participation de nombreux partenaires
maliens et français.
Des
collectivités territoriales, des institutions scientifiques et des associations
des bords du Niger et de la Loire ont pu échanger leurs expériences sur le
fleuve et faire part de leurs interrogations sur son avenir. Centré sur le
Niger supérieur, ce projet est censé soutenir les collectivités locales et les
riverains afin de mieux connaître le fleuve et gérer ses ressources. Il
comporte à la fois des actions de recherche opérationnelle, de formation et de
sensibilisation à l’attention des communautés locales, des collectivités et
réalisera des opérations expérimentales dans un certain nombre de sites
riverains du fleuve.
Les thématiques abordées visaient en
principe à préciser et diffuser les connaissances sur le fleuve dans ses
différentes dimensions (culture, biodiversité, hydrologie, etc.), à bien
anticiper les activités des populations riveraines (agriculture, pêche,
navigation, etc.) et à s’interroger sur les problèmes présents et surtout sur
l’avenir (développement de l’agriculture, irrigation, aménagement des villes
fluviales, etc.).
Un panneau de l’exposition présente les quatre axes du projet.
1)
Connaissance du fleuve :
• hydrologie
et fonctionnement sédimentaire du fleuve (Direction Nationale de l'Hydraulique
et Institut de Recherche pour le Développement) ;
• inventaire
du patrimoine culturel auprès de 72 communes riveraines (Direction Nationale du
Patrimoine Culturel) ;
• création
d’une cellule « Anthropologie de l’eau » et réalisation de 16
enquêtes sur les savoirs locaux liés à l’eau (Université de Bamako et Faculté
des Lettre, Arts et Sciences Humaines) ;
2) Formation
• master décentralisation et
ingénierie du développement local (Université de Bamako), avec un module commun
et de deux options de spécialisation ;
• formation
d’agents des collectivités locales et de services décentralisés de l’État dans
quatre sites pilotes.
3) Actions pilotes
• villes
fluviales : restauration du port de pêche et réflexion sur l’aménagement
urbain à Mopti ;
• pollution
et santé : construction d’une teinturerie pour les femmes à Bamako ;
•
assainissement : aménagement d’une décharge de transit à Djenné, appui à
la commune sur la gestion des déchets ;
•
sensibilisation et ressources documentaires : projet d’une « Maison
du fleuve » à Ségou ;
• adduction
d’eau : forages à Moribabougou.
4) Diffusion
• éducation
à l’environnement : interventions dans les écoles, exposition et
publications (animaux du fleuve, contes sur l’eau, etc.) ;
• réunions
publiques, causeries, programmes radio ;
• publications.
Il semble toutefois que ces ambitieux et trop nombreux
objectifs aient été difficilement atteints, par manque de rigueur tant dans la
conception que dans la coordination, malgré toute l’activité de M. Bandiougou Diawara. Bonne volonté et haut patronage ne
suffisent pas. Un observateur attentif, bon connaisseur du Mali mais aussi de
la Loire, et bien informé de surcroît, a relevé notamment que le texte sur la
navigation rendu à l’UNESCO par Jean-Pierre Berton a tout simplement été en
partie recopié, et pour certains passages à la virgule près, sur un livre de
1994 [voir en ligne sa sévère critique du projet: http://bernard.desjeux.free.fr/article.php3?id_article=371]
Si ce projet
a brassé beaucoup d’air et permis de financer de nombreuses missions et
manifestations officielles, sa contribution à la connaissance du fleuve Niger,
à la compréhension des problèmes à résoudre ou à la définition des solutions
appropriées parait extrêmement limitée : qui trop embrasse, mal étreint. À
Djenné, par exemple, il y aurait beaucoup à dire sur l’intérêt des poubelles
métalliques qui ont été déposées en divers points de la ville, contribuant à
accroître encore l’usage de la tôle ondulée dans une ville classée pour son
architecture de terre, alors qu’elle ressemble hélas de plus en plus à un
bidonville ! Quant au dépôt de transit, il revient à entasser des ordures
derrière un grillage beaucoup trop proche du cimetière.
NOUVELLES DU PATRIMOINE DE DJENNE
Fin des travaux de la grande mosqueE
Rapport sur l’état des lieux de la
mosquée (mars 2011), par Yamoussa Fané, Chef de la
Mission Culturelle de Djenné
Introduction
Le présent rapport est destiné à faire le point des
travaux de restauration de la mosquée de Djenné et l’état des lieux de
l’édifice. Pour rappel, les travaux de restauration en cours sur la mosquée de
Djenné, effectués par le Trust Aga Khan pour la Culture, s’inscrivent dans le
cadre d’un partenariat portant sur un programme de réhabilitation de
l’architecture en terre établi entre le Ministère de la Culture et le Trust
Fondation Aga Khan pour la Culture (AKTC).
À Djenné, le diagnostic
sur l’état de conservation du monument a très rapidement mis en évidence la
nécessité d’une consolidation générale. Malgré les remarquables campagnes
annuelles de crépissage qui ont permis le maintien des surfaces de banco
des façades et de la toiture, la structure du monument édifié en 1907 a montré
des signes de faiblesse.
Depuis le lancement officiel le 30 octobre 2008, ces travaux n’ont connu
aucune interruption.
Présentation de la situation
Les travaux achevés
Ils concernent :
• la restauration de l’édifice de la mosquée
(toiture, piliers,
murs intérieurs et extérieurs, sol stabilisé
par un mélange de chaux, de sable et de gravier de petite granulométrie), du
mur d’enceinte avec ses six portails, des tombeaux, du magasin et de la
maisonnette du muezzin;
• l’installation des portes de toutes les
entrées de l’édifice,
toutes en bois rouge de très bonne qualité et
doublées, à l’intérieur, de portes grillagées. Elles ont été confectionnées par
les menuisiers de Djenné et sont de très bonne facture.
Toutefois,
l’entrée de la cage de l’escalier Nord n’est pas encore équipée de sa porte ;
• l’équipement de toutes les fenêtres de l’édifice en grillages eux aussi
d’une belle facture ;
• l’installation de nouveaux équipements électriques (visant l’amélioration
technique et esthétique), soit : un système de ventilation, un système
d’éclairage et un système de distribution ;
• l’installation de nouveaux équipements de sonorisation (visant
l’amélioration technique et esthétique).
La fin des
travaux
Selon les prévisions de AKTC, les travaux de
restauration de la mosquée de Djenné devaient s’achever à la fin du mois de
janvier 2011. La réception provisoire de l’ouvrage a été faite le 10 février
2011, en présence des membres du Comité de gestion de la mosquée, du
représentant du Chef de village, du Chef de la Mission Culturelle, des délégués
du Barey ton et de l’architecte de l’AKTC,
Monsieur Abdel Kader Fofana. À l’issue de cette réception, des fissures sur une
partie du mur compris entre la cage d’escalier et l’entrée principale de la
façade nord ont été observées, rendant instable la structure. Il faut rappeler
que la cage d’escalier ayant montré des pathologies pendant les travaux, cette
partie a été entièrement démolie avant d’être reconstruite.
La
pathologie
La partie du mur comprise entre la cage
d’escalier et l’entrée principale de la façade nord a montré des pathologies,
notamment l’éclatement des murs au niveau des fenêtres, nécessitant une
intervention urgente. Les travaux étant terminés, un budget complémentaire a
été sollicité pour exécuter lesdits travaux à la demande de la Mission
Culturelle, du Comité de gestion, du Chef de village et ses conseillers et du Barey ton.
La réunion
Face à l’urgence, une rencontre réunissant l’ensemble des parties prenantes
(Mission Culturelle, Comité de gestion de la mosquée, représentant du Chef de
village, maçons du Barey ton et architecte de l’AKTC) s’est
tenue à la mosquée.
L’ordre du jour de la réunion portait sur les dispositions à prendre pour
réparer la partie endommagée.
L’architecte, Monsieur Abdel Kader Fofana, a commencé par expliquer
l’urgence de l’intervention. Puis il a indiqué que dans la mesure où la mosquée
a épuisé son budget, il y avait nécessité d’une contribution de la ville pour
effectuer les travaux. Face à la situation, les maçons du barey ton ont accepté de réaliser ces travaux bénévolement. L’architecte
a alors conseillé de soumettre une requête de financement à Monsieur Christophe
Bouleau, le Chargé des travaux de la mosquée auprès de l’AKTC, et le chef de la
Mission Culturelle a immédiatement appelé ce dernier. À l’issue de l’entretien
téléphonique, Monsieur Bouleau a accepté la requête en demandant le transfert
des fonds de la réception de la mosquée de Djingareyber
pour un mois de travaux à compter du 20 février 2011.
Un calendrier de démontage et de remontage de cette partie a été demandé à
l’architecte afin que les travaux soient achevés dans le délai d’un mois.
Un calendrier de démontage et de remontage de
cette partie a été demandé à l’architecte afin que les travaux soient achevés
dans le délai d’un mois.
Les travaux
Les travaux de la partie défaillante ont
commencé le 21 février 2011 par la démolition jusqu’au toit. Deux équipes ont
été constituées à cet effet. L’une était chargée de la démolition tandis que
l’autre confectionnait les briques djenné ferey nécessaires à la reconstruction. Au moment de la
rédaction du présent rapport, la partie décrite plus haut a été réparée.
Toutefois, un pilier central de la porte principale a montré une défaillance
nécessitant d’urgence sa démolition et sa reconstruction pour sécuriser le
bâtiment.
La raison de cette défaillance est due au
manque de chaînage reliant les contreforts aux piliers.
Les travaux se déroulent normalement malgré
les difficultés suivantes :
• faiblesse de l’effectif (les maçons étant
occupés à d’autres travaux à travers la ville) ;
• manque d’ouvriers.
La sonorisation
Durant les travaux, une nouvelle sonorisation
comprenant des hauts parleurs muraux et pavillonnaires a été installée en
remplacement de l’ancienne, vétuste et non adaptée. La ventilation et la
lumière ont aussi été améliorées. Tous les fils électriques qui pendaient ont
été encastrés. Malgré toutes ces améliorations, la sonorisation est tombée en
panne, provoquant des désagréments. L’architecte en a été informé. Des
dispositions ont été prises et l’amplificateur a été réparé. Sa panne était due
aux multiples manipulations et au fait que l’amplificateur restait allumé
pendant plusieurs jours sans être éteint. Encastré dans le mur, il a chauffé et
un élément est grillé.
Restauration de la maison des jeunes
La Maison des Jeunes de
Djenné a été construite après l’Indépendance du Mali, en 1962, sous le régime
socialiste de Modibo Keïta. Elle a vraisemblablement été édifiée sur les
fondations d’un des bâtiments qui formaient l’ancien campement français.
De 1962 à 1968, elle portait indifféremment les noms de « Maison du
Mali » et « Maison du Parti ». Jusqu’en 1964, sa fonction était,
selon une vision basée sur le socialisme, de servir de centre d’éducation pour
les jeunes du Cercle de Djenné qui devaient y recevoir une formation civique
afin qu’ils soient des citoyens dévoués. En 1965, le rez-de-chaussée fut
destiné à abriter le Palais de Justice. En 1968, à la suite au coup d’État
militaire de Moussa Traoré qui renverse le régime de Modibo Keïta et dissout
l’US-RDA et ses différents organes, le bâtiment change de nom et devient la
« Maison des Jeunes », avec comme vocation d’accueillir désormais les
activités de la jeunesse : répétitions du groupe pop local, soirées
dansantes, projections de films, théâtre amateur, etc.
En 1983, pour faire face aux problèmes d’hébergement des jeunes qui
venaient des autres localités du cercle lors des évènements sportifs et
culturels, l’administration locale a décidé de construire une maison des
visiteurs du côté nord du bâtiment principal. Cette maison, faite dans
« un style djennenké actuel », comprend
sept appartements orientés est-ouest et reliés entre eux par une longue
véranda.
Depuis qu’elle a changé de statut, la Maison des jeunes n’a pas bénéficié
d’un entretien suivi et rigoureux. Cette négligence et les transformations mal
réalisées qu’elle a subies ont fortement dégradé son état de conservation. Les
pathologies identifiées sont nombreuses : fissures (mur de la façade nord
du bâtiment principal) ; fléchissement des charpentes de l’étage, voire
même fragilisées ; stagnation des eaux de pluies sur la toiture de la
maison des visiteurs ; affaissement de la base du mur de la façade nord du
bâtiment principal ; stagnation des eaux de pluie et des eaux domestiques
dans l’espace qui sépare les deux bâtiments ; absence d’un système adéquat
d’évacuation de eaux de pluie et domestiques, etc.
Cette réhabilitation a pour objet, d’une part de résoudre ces problèmes et,
d’autre part de permettre à la Maison des Jeunes de Djenné d’être un espace
agréable, disposant de bâtiments solides et durables au service d’un meilleur
épanouissement des jeunes.
Dans le cadre du Programme du Patrimoine Mondial sur l’architecture de
terre au Mali, le Gouvernement italien et le Bureau UNESCO de Bamako ont
accepté de financer la réhabilitation de la Maison des Jeunes. Ce cofinancement
d’un montant de cinquante mille (50 000) dollars US – soit deux cent trente-deux
millions huit cent soixante-cinq mille (232 865 000) francs FCFA –,
se répartit comme suit : Gouvernement italien 35 000 $ ;
UNESCO de Bamako 15 000 $. La maîtrise d’ouvrage est assurée par la
Mission Culturelle, tandis que la supervision et l’organisation du chantier
l’est par Cratère-ENSAG. Le contrat de service
a été signé le 28 décembre 2010 entre la Mission Culturelle et le Centre
du Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Les travaux se
répartissent comme suit :
• Travaux de
restauration (annexe, mur d’enceinte, abri, bloc sanitaire, pavage de la
cour) ;
• Travaux d’amélioration
des conditions de vie (électricité, adduction d’eau, canal de drainage).
Outre les travaux, des équipements (kit de sonorisation et chaises) seront
remis à la Maison des Jeunes de Djenné pour son fonctionnement.
L’entreprise Nana Wangara de Djenné a été retenue
au terme d’un appel d’offres. Le démarrage des travaux est prévu pour prévu pour le 15 janvier 2010,
selon le chronogramme de l’UNESCO, et le chantier devrait s’achever le 15
juillet 2011.
Aménagement et mise en valeur des sites archéologiques
de Djenné-Jeno et Hambarketolo.
Ce projet, qui a débuté
au mois de mai 2011, vise à trouver les
solutions aux problèmes liés à la préservation des biens des « Villes
anciennes » de Djenné, tout en contribuant à un développement durable et
harmonieux des communautés locales, gardiennes de ces ressources patrimoniales.
L’objectif de ce projet est de :
• garantir la conservation durable des
sites archéologiques contre les menaces de disparition ;
• freiner l’érosion, due aux eaux de ruissellement et les phénomènes
éoliens, par la réalisation de cordons pierriers tout autour des sites ;
• reconstituer le sol en remblayant les ravins creusés par les effets de
l’érosion pluviale et fluviale, en utilisant du moellon et de la terre de
termitières plus résistante aux intempéries ;
• protéger les abords des sites en réalisant des digues de protection et en
plantant des arbres (prosopis) sur
les parties très fragiles, afin de constituer ainsi une ceinture verte de
protection ;
• baliser le circuit touristique en réalisant une meilleure interprétation
et bonne une lisibilité du site, grâce à une signalétique claire et des
panneaux d’information ;
• créer des circuits ou parcours touristiques
sur le site pour éviter le piétinement des vestiges de surface ;
• renforcer les capacités techniques de la
Mission culturelle en matière de conservation de site archéologique.
Les résultats attendus sont :
• les
sites de Djenné-Jeno sont aménagés ;
• l’érosion, les eaux de ruissellement et les
phénomènes éoliens sont freinés ;
• le cordon pierrier est réalisé ;
• les arbres sont plantés, constituant ainsi
une ceinture de protection ;
• les sites archéologiques sont mieux
conservés ;
• les équipements d’interprétation et de
lisibilité sont réalisés ;
• les circuits ou parcours touristiques sont
balisés.
Pour la conservation des sites, il a été envisagé de planter des arbres qui
constitueront une haie vive tout autour desdits sites. C’est le prosopis, une espèce résistante,
demandant peu de soins et adaptée à l’écosystème sahélien, qui sera
planté ; selon les techniciens locaux des Eaux et Forêts, la période
favorable à la plantation se situe en août. Disposés
sur deux rangs, ce sont pas moins de dix mille (10 000) arbres qui seront
ainsi plantés autour des sites archéologiques de Djenné-Jeno et Hambarkétolo, grâce à une main-d’œuvre recrutée au sein de
la population. La plantation de ces dix mille arbres permettra alors de freiner
le ravinement des sites, le ruissellement des eaux et les phénomènes des
transports éoliens.
Le cordon pierreux sera constitué en terre de termitière, un matériau peu
coûteux, résistant et disponible dans toute la région, qui sera disposé sur les
courbes de niveau pour servir à contenir l’érosion hydrique.
Enfin, trente (30) panneaux de dimensions variées seront implantés sur le
site archéologique de Djenné-Jeno, le plus visité, afin de baliser le circuit
touristique et éviter ainsi la fragmentation des vestiges archéologiques de
surface.
Le site du
musée se trouve au cœur de la ville, à 100 mètres au nord de la mosquée de
Djenné, à la lisière de la place du marché. Le musée devait être construit en
terre, en harmonie avec l’environnement architectural de la ville. Compte tenu
des contraintes liées à la dimension du terrain, la construction R+1 avec
terrasse a été adoptée. L’organisation de l’espace a été conçue autour d’une
cour intérieure, comme dans les maisons de Djenné. L’ensemble du bâtiment est
orienté est-ouest avec une entrée principale à l’est, une entrée à l’ouest pour
la livraison des objets et une entrée de service au nord. Le plan général du
bâtiment à l’extérieur est rectangulaire. En allant vers la cour intérieure
carrée, on rencontre une succession de formes qui s’enchevêtrent
harmonieusement. Le bâtiment présente une certaine symétrie par rapport à l’axe
est-ouest. L’ensemble de l’espace du musée est divisé à chaque niveau
(rez-de-chaussée et étage) en deux ailes de dimensions égales au nord et au
sud, séparées respectivement à l’est et à l’ouest par un espace central. Chaque
aile est composée de deux salles d’exposition, sauf l’aile nord du
rez-de-chaussée qui n’en a qu’une, puisque l’un des espaces est occupé par la
boutique. Entre chaque salle d’exposition d’une même aile se trouve un espace
intermédiaire occupé par la cage d’escalier, les toilettes au nord et des
espaces techniques au sud. Entre chaque salle d’exposition d’aile différente,
se trouve respectivement un espace central occupé soit par des services
techniques soit par des services administratifs.
Les travaux
Commencés en mai 2008, les travaux de
construction du musée de Djenné ont été arrêtés à plusieurs reprises pour des
retards de paiement et surtout par l’absence de structure permanente de
contrôle sur le terrain.
Aussi, la réception technique du musée de Djenné n’a-t-elle pu se faire à
la date prévue. Le contrat passé avec le GIE DJEBAC, une entreprise locale, est
en cours de résiliation. Le 8 juin 2011, un nouveau contrat a été signé entre
le PADESC (Union Européenne) et CRATerre, pour
achever des travaux. Il est notamment prévu :
• le démontage des murs d’acrotère ;
• la reconstruction du mur de 40 cm d’épaisseur
avec ouvertures ;
• la finition de l’acrotère ;
• le démontage des fenêtres (façade est à l’étage
au niveau du hall d’entrée) ;
• le bouchage des ouvertures avec maçonnerie de
banco ;
• le démontage et évacuation du dallage en blocs
de béton ;
• la construction d’une banquette de protection à
la base du mur (triangle arrondi de 25 cm de côté) ;
• le décapage du crépi existant ;
• la pose de
l’enduit extérieur (première couche) ;
• la
pose de l’enduit extérieur de finition (deuxième couche).
La première phase se
déroulera de juin à fin juillet 2011. Le reste des travaux s’étalera de
septembre (fin de la saison des pluies) à fin novembre 2011.
Les aménagements intérieurs
Les salles d’exposition ont pour fonction de
mettre en valeur les objets exposés dans des conditions de confort visuel,
thermique et de sécurité. Pour atteindre ces objectifs, l’architecte a joué sur
l’aération, sur la texture des murs et du sol, les équipements et l’éclairage.
La gestion de la lumière est essentielle dans un
musée. Pour mettre en valeur les objets exposés, la lumière est le premier
matériau de la muséographie. Il faudra connaître les puissances lumineuses
nécessaires ou à éviter (pour ne pas détériorer les objets anciens, par
exemple). Choisir les matériels adaptés à chaque situation, car tous les objets
ne sont pas exposables de la même manière, savoir
jouer des effets lumineux. C’est pour toutes ces raisons que, malgré la
dimension du bâtiment nous avons choisi de diversifier les salles d’exposition.
La localisation des salles d’exposition aux quatre coins du bâtiment sur les
deux niveaux permet aussi aux visiteurs de parcourir l’ensemble de l’édifice et
de découvrir ainsi l’architecture de Djenné.
Au rez-de-chaussée, la cour carrée est ceinturée au nord, à l’ouest et au
sud par un double espace de circulation de forme carré lui aussi.
Atelier de
formation des enseignants du centre pédagogique de Djenné a la gestion du Patrimoine
Culturel
Les 17, 18 et 19 février 2011, se sont déroulés, dans la salle de réunion du Campement-Hôtel, les travaux
de l’atelier de formation de vingt-cinq enseignants du Centre d’Animation
Pédagogique de Djenné à la gestion du patrimoine culturel.
Organisé par la Mission Culturelle de Djenné, grâce au soutien financier du
Projet de Renforcement des Capacités et de Promotion de l’Action Culturelle de
la Coopération Espagnole au Mali, l’atelier a enregistré la présence du
Conseiller Technique Chargé du Patrimoine Culturel, Monsieur Bah Diakité, qui
représentait le Ministre de la Culture, du Directeur National Adjoint du
Patrimoine Culturel, Monsieur Moulaye Coulibaly, du
Représentant de la coopération espagnole, Monsieur Abbassi
Salah, de vingt -cinq enseignants de Djenné et des agents de la Mission
Culturelle.
À l’issue de ces travaux, les participants ont formulé les recommandations suivantes :
• transcrire et diffuser les textes
législatifs et règlementaires sur le patrimoine culturel dans nos langues
nationales ;
• intensifier la sensibilisation sur le patrimoine culturel dans les
quartiers de Djenné ;
• proposer des leçons types sur le patrimoine culturel dans les écoles du
Cercle de Djenné ;
• encourager les enseignants du Cercle de Djenné à écrire sur l’histoire et
la culture locales ;
• programmer des projections de films sur le patrimoine culturel dans les
écoles du Cercle de Djenné ;
• encourager les enseignants du Cercle de Djenné à faire un pré-inventaire
du patrimoine culturel des localités où ils interviennent ;
• produire et mettre à la disposition des enseignants des supports sur le
patrimoine culturel pour leur faciliter la transmission auprès des
élèves ;
• organiser une table ronde des acteurs concernés (autorités
administratives, communales et coutumières, société civile, services
techniques, agences de voyage, partenaires techniques et financiers) sur les
retombées touristiques en vue de leur répartition consensuelle ;
• relire les textes législatifs réglementant le tourisme au Mali en vue d’une
meilleure prise en compte de la conservation du patrimoine culturel sur les
retombées touristiques ;
• renforcer les capacités de la société civile par des formations continues
et des appuis techniques et financiers.
• envisager la tenue de la Semaine nationale du patrimoine culturel,
édition 2012, sur le thème : « Ecole et patrimoine culturel ».
Atelier de formation des secrétaires
des communes du cercle du Djenné et des représentants
des associations culturelles de la ville de Djenné a la gestion du patrimoine
culturel
Trois jours
auparavant, les 14, 15 et 16 février 2011, c’était
l’atelier de formation des Secrétaires généraux du Cercle de Djenné et des
représentants des Associations culturelles à la gestion du patrimoine culturel
qui s’est tenu dans la salle de réunion du Campement-Hôtel. Organisé sous les
mêmes auspices et en présence des mêmes personnalités, l’atelier était dédié
aux secrétaires généraux des treize collectivités du Cercle de Djenné et aux
représentants des Associations culturelles de la ville de Djenné.
Les
participants de l’atelier ont eux aussi émis un certain nombre de
recommandations :
• inviter les Secrétaires généraux du Cercle à
sensibiliser le Conseil communal afin qu’il prenne mieux en compte la dimension
culture dans les Programmes de Développement Economique Social et Culturel
(PDESC) ;
• inviter
les collectivités à explorer et solliciter l’appui des sources de financement
dédiées à la culture ;
• faire la
transcription des textes législatifs et règlementaires sur le patrimoine
culturel dans nos langues nationales en vue de leur diffusion au niveau des
collectivités locales ;
• organiser
un festival intercommunal du Cercle de Djenné ;
• valoriser
et impliquer l’expertise locale dans la mise en œuvre des projets
d’assainissement ;
• doter les
collectivités locales en ressources humaines dans le domaine de la
culture ;
• appuyer
les communes afin qu’elles réalisent l’inventaire de leur patrimoine
culturel ;
• dynamiser
les associations culturelles pour qu'elles appuient la Mission Culturelle dans
ses missions de sauvegarde et de promotion du patrimoine culturel ;
• poursuivre
le projet de restauration et de conservation de l’architecture de terre et
l’étendre aux communes disposant d’un patrimoine bâti en terre jugé
exceptionnel ;
• renforcer
les capacités de la Mission Culturelle dans ses efforts de conservation des
sites archéologiques et de lutte contre le pillage des biens culturels ;
• enfin,
intensifier les campagnes d’information et de sensibilisation sur le patrimoine
culturel à travers les médias (radio, TV, presse écrite, Internet) et les
communicateurs traditionnels.
Des fouilles
de sauvetage aux abords du futur seuil de Djenné à Soala
L’aménagement du seuil de Djenné, à Soala, affectera 16 sites archéologiques repérés il y a une
trentaine d’années par les archéologues américains Rod et Susan McIntosh. 12
d’entre eux se trouvent en particulier dans les zones où il est prévu
d’installer des casiers rizicoles. On sait que pas moins de 282 sites ont été
identifiés dans un espace de 5 574 km2 ; la proportion des sites
concernés par les aménagements du seuil de Djenné est donc faible.
Les sites
qui devraient faire l’objet de fouilles de sauvetage se signalent, semble-t-il,
par la richesse de leur mobilier archéologique, notamment jarres funéraires et
statuettes en terre cuite, dont certaines représentent des personnages et
d’autres des animaux. Ces représentations sont une des particularités de la
culture ancienne de toute la région allant de Djenné à Kouakourou,
Mopti et Sofara.
L’objectif
des fouilles de sauvetage sur les sites inclus dans l’emprise du futur seuil de
Djenné et ses aménagements hydro-agricoles est non seulement de recueillir
toutes les informations qu’ils peuvent livrer avant d’être détruits par les
aménagements, mais aussi de constituer une collection d’objets archéologiques
pour le musée de Djenné. On ne peut que se réjouir de l’adoption de ce dernier
objectif, puisque jusqu’à présent, tout le patrimoine archéologique de Djenné a
été stocké au Musée National du Mali à Bamako, de sorte que ni la population de
Djenné ni les visiteurs ne pouvaient en avoir une vue directe sur place.
Il est
également prévu que les sites non submergés seront protégés de l’érosion par
des plantations d’eucalyptus et des diguettes en terre de termitière le long
des courbes de niveau pour freiner l’écoulement des eaux. Ces plantations
devraient être réalisées en août, la saison des pluies étant la plus favorable
pour cette plantation.
Valorisation
des manuscrits de Djenné
Le projet de valorisation et de conservation des
manuscrits de Djenné présenté à la British Library par Sophie Sarin a été
retenu pour un financement de 55 000 £, soit environ 410 432 000
francs CFA, lesquels permettront de numériser quelque 250 000 pages de
manuscrits qui sont actuellement déposés à la Bibliothèque de Manuscrits de
Djenné ou dans des collections familiales.
Il s’agira plus particulièrement de :
• former
trois personnes à la numérisation, et les payer pendant deux ans ;
• former une
personne chargée de la gestion des images et du site sur lequel les documents
numérisés pourront être consultés ;
• installer
une salle de lecture où les visiteurs pourront venir regarder les manuscrits à
l’écran ;
• rémunérer deux archivistes pour réaliser une
première liste des manuscrits, en attendant un véritable catalogage ;
• rémunérer
deux personnes à mi-temps pour fabriquer des boites antiacides pour les
manuscrits les plus importants ;
• organiser une série de conférences
et des cours destinés à la population de Djenné, et notamment aux détenteurs de
manuscrits.
L’aboutissement de cette
initiative de Sophie Sarin est un grand
succès, dont elle doit être félicitée, ce que Djenné Patrimoine fait bien volontiers.
Le patrimoine culturel, facteur de développement
La diversité du
patrimoine culturel immobilier du Mali est attestée par le site archéologique
de Djenné-Jeno, ainsi que par :
• la mosquée de
Djenné ;
• le tombeau de Tapama Djenépo ;
• les trois « foyers » marocains, etc.
À ce patrimoine
immobilier s’ajoute tout un patrimoine immatériel, dont les principales
manifestations sont :
• le crépissage annuel de la mosquée;
• le Tabaye hoo ;
• le Maouloud.
La ville de Djenné, jadis florissante, a perdu son statut de métropole
commerciale au moins depuis le début du 20ème siècle. Les
sécheresses l’ont appauvrie et nombreux sont les habitants qui furent
contraints de migrer vers d’autres régions plus hospitalières. La diminution du pouvoir d’achat a eu un impact certain sur le patrimoine bâti, de
nombreux bâtiments tombant désormais en ruine, faute d’entretien.
Pour sauvegarder ce patrimoine architectural exceptionnel, le Mali, à
travers le Ministère de la Culture et le Royaume des Pays-Bas, ont mené une
réflexion ayant abouti à la mise en place du Projet de restauration et de
conservation de l’architecture de terre. Ce projet, démarré en 1996 avec le
soutien financier des Pays Bas, a permis en dix ans de restaurer 137 maisons à
Djenné et 4 saho
(maisons des jeunes traditionnelles en milieu bozo), et de former les maçons
aux techniques de restauration selon les normes prescrites.
Les chantiers ainsi ouverts ont abouti à la création de près de 300 emplois,
tous corps de métiers confondus (maçons, manœuvres, vendeurs de bois,
menuisiers, potières, etc.) et de redonner à la ville sa beauté et son titre de
plus « belle ville africaine ». La fréquentation touristique
s’est accrue (plus de 15 000 visiteurs par an) et a généré des revenus
substantiels (en 2007, plus de 30 millions de francs CFA de taxes de séjour,
sans compter les revenus indirects liés aux produits de l’artisanat, du
guidage, de l’hôtellerie, etc.).
Les différents projets de recherche, de restauration et de conservation de
l’architecture de Djenné ont permis de sauver de la ruine plusieurs maisons
monumentales, pérennisant ainsi un vecteur remarquable du patrimoine et de
l’identité nationale. Les maisons isolées et les ensembles restaurés ont permis
d’améliorer l’esthétique des quartiers qui les abritent. On a pu même constater
un effet d'entrainement, puisque les travaux de restauration ont poussé
certains chefs de famille à procéder à des interventions privées d’entretien de
leurs maisons en terre.
Les saho restaures a Kouakourou, Koulenze et Sirimou sont en voie d’intégrer le circuit touristique et
faire revivre ainsi ce cadre ou les adolescents apprenaient l’art de la vie en
communauté. La poursuite des projets permettra sans doute de doute
de mieux conserver et valoriser le patrimoine archi-tectural de Djenné.
Le statut de
patrimoine mondial dont bénéficie Djenné depuis 1988 a permis à la ville
d’accéder plus facilement au financement de divers projets de développement. Il
s’agit notamment :
• du projet d’assainissement de la ville de Djenné
financé par la banque d’intérêt public allemande KfW
en 2002 ;
• du projet
de réalisation de système d’évacuation des eaux pluviales financé par la Banque
Mondiale (BM) en juin-juillet 2005 ;
• du projet
d’adduction d'eau vers les habitations, ainsi que l’aménagement de quelques
bornes fontaines, initié en 1981 par la coopération canadienne. Le projet s’est
poursuivi en 1996 avec la mise en place de 150 bornes fontaines, une deuxième
phase financée par la coopération allemande ;
• du projet de gestion des eaux usées sur le
quartier de Bambana, financé en 2001 par la coopération américaine USAID. Avec
ce projet, les eaux usées sont désormais dirigées vers le fleuve ;
• du projet d’assainissement urbain, consistant
à améliorer notamment la gestion des eaux au niveau des bornes fontaines. Il a
concerné tous les quartiers, sauf Kanafa et Tolober, et a été financé en 2004-2005 par l’Allemagne, via
la KfW ;
• de la
construction de la route reliant Djenné à la route nationale RN6 ;
• de la
restauration de la mosquée par le Réseau Aga Khan pour la Culture (AKTC) ;
• de la construction du musée de Djenné par l’Union Européenne (UE), etc.
Le patrimoine culturel, pour peu que sa conservation soit bien faite, peut
contribuer au développement durable de la collectivité qui l’abrite. Cette
conservation ne peut se faire qu’avec l’appui de toutes les parties
prenantes : services techniques chargés de la culture, collectivités, associations
culturelles, mais surtout la population elle-même.
NOUVELLES DE DJENNE PATRIMOINE
Réunion du bureau de Djenné
patrimoine
Le samedi 16 avril 2011 à 17 heures, le bureau de Djenné Patrimoine s’est
réuni à Djoboro, pour une réunion dont l’ordre du
jour portait essentiellement sur le compte rendu de la mission effectuée par le
Président de Djenné Patrimoine à Bamako. Étaient présents, par ordre
alphabétique, Messieurs Amadou Tahirou Bah, Boubacar Cissé, Bamoye Guitteye,
Boubacar Garba Koita dit Tapo, Ali Tanapo et Hamadoun Waïgalo,
Sur le premier
point, Amadou Tahirou BAH a présenté les différentes
interventions effectuées à Bamako avec le 2ème Adjoint au maire de
la commune de Djenné, Monsieur Gouro Bocoum.
Le dossier du terrain destiné à la « Maison
du patrimoine » parait à nouveau en bonne voie. C’est du moins ce qui
résulte des démarches que la
délégation a effectuées auprès des conseillers de la primature et du ministère
chargé des domaines et de l’urbanisme. Nous attendons la décision des autorités
qui devrait intervenir assez rapidement.
Le bureau a par ailleurs été informé de la lettre envoyée à Djenné
Patrimoine par son partenaire Acroterre, faisant part
de son inquiétude quant au retard pris pour le chantier de la Maison du
Patrimoine et du risque que la subvention versée par l’AFD soit perdue. Il a
été rendu compte de la réponse rédigée et envoyée à Acroterre
par le Président de l’association.
Troisième année consécutive pour les
cours d’alphabétisation
Cette année, les cours d’alphabétisation auront débuté en février 2011, placés
sous la responsabilité du moniteur Abdoulaye Koita.
Les cours, qui se sont déroulés durant 5 séances de 3h30 chacune du samedi
au mercredi, ont été organisés en trois niveaux, tandis que les effectifs
furent répartis de la manière suivante :
1er niveau – 15 auditeurs en phase initiale (19h-20h30) ;
2ème niveau – 7 auditeurs en première phase de consolidation
(20h30-22h30) ;
3ème niveau – 16 auditeurs en seconde phase de consolidation (20h30-22h30).
DOCUMENT
Entretien
avec Salima Naji, architecte et anthropologue :
« ayons confiance en notre culture architecturale et nos techniques
locales »
Nous reproduisons ci-dessous de
larges extraits d’un entretien de Salima Naji,
réalisé par Idriss Ouchagour, paru dans le journal
marocain Libération le 25 mai 2010.
Salima Naji, jeune architecte installée à
Tiznit, dans le sud du Maroc, plaide pour le retour à l'usage des matériaux
traditionnels, pierre et terre, et à des procédés de constructions
traditionnels. En criant haut et fort sa « répulsion » pour le tout
béton, elle n'hésite pas à demander qu'une politique patrimoniale soit initiée
sans délai pour protéger des démolitions intempestives ce legs des générations
précédentes.
Salima Naji (à g.)
sur le chantier de restauration de Assa
Libération : L’Association
d’Idaousmlal vient d'organiser sa première rencontre
thématique sur la préservation du patrimoine bâti rural traditionnel. Comment
réagissez-vous à ce genre d’initiative ?
Salima Naji : « Toute initiative de sensibilisation est une action louable et je
m’en réjouis. Et plus la société civile œuvrera pour prendre en charge son
patrimoine et plus nous pourrons sauver des sites et des techniques en
perdition.
« Il
faut qu’il y ait encore d’autres initiatives de ce type. Les associations comme
Amoudou à Tiznit et ADEICO à Tafraout
méritent d'être citées pour tout ce qu’elles accomplissent en la matière. Je
pense qu’en se donnant les moyens de faire renaître des techniques anciennes,
parfois améliorées, souvent juste utilisées dans les règles de l’art, on permet
une prise de conscience globale du fait que c’est possible de ressusciter ce
patrimoine. Pour beaucoup de personnes, notamment dans les régions trop vite
gagnées par le faux modernisme et les sous-techniques de ciment (mal
transplantées, c’est de la sous-construction hélas !), on ne croit plus en
ces techniques. Il faut retrouver la confiance culturelle en soi-même : sa
culture et les techniques locales.
« Regardez
l’engouement pour le tadelakt qui a même gagné
l’Europe et qui a fait renaître ici un corps de métier d’artisan jusque-là à la
marge. Je connais des licenciés et des docteurs en chimie très débrouillards
qui se sont reconvertis dans le petit entreprenariat et qui se sont vraiment
enrichis en utilisant les techniques traditionnelles à Fès et à Marrakech. Cela
nous pousse à nous demander pourquoi ne pas imaginer de vraies entreprises
qui décident non pas de faire du
calepinage, simple rhabillage en terre ou en pierre (une honte qui ne tient pas
face aux intempéries), mais de redécouvrir et d’employer les techniques
traditionnelles.
« Les
entreprises qui en sont capables actuellement sont rares, mais elles existent.
Elles sont souvent familiales, comme en Europe où un grand nombre de
maîtres-maçons forme ses fils et neveux et les emploie, dans un respect des
techniques traditionnelles, et les paie bien. Tant que nous mépriserons
l’ouvrier (le bon ouvrier, le mâalem véritable), il pourra y avoir tous les discours que
vous voudrez, on ne sauvera rien. Pour sauver il faut collaborer : les
artisans, les élus, les hommes de l’art sans hiérarchie, et tous avec comme
seul objectif : sauver un patrimoine. Loin de certaines visées mercantiles
qui ne demandent qu’à enrichir rapidement leurs promoteurs grâce à un budget
opportunément tombé du ciel… La tricherie y est aussi pour beaucoup. Construire
en ciment, c’est jouer avec le nombre de sacs et falsifier les chiffres ;
construire en techniques traditionnelles c’est 500 DH/m2 sans possibilité de
voler. Mais il faut plus de soins et des personnes vraiment compétentes. Pourtant,
c’est aussi la beauté et le bioclimatique assuré, en contrepartie. »
Libération : Etant
donné qu’il ne s’agit pas là d’un patrimoine monumental, mais de maisons
d’habitation, il n’existe pas de législation spécifique pour les protéger
contre les démolitions, très souvent « perpétrées » par leurs
propriétaires. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
Salima Naji : « Vous mettez le doigt sur le plus grave problème de destruction et
d’acculturation auquel on assiste actuellement : des particuliers croient
bien faire en construisant comme dans les pays du Nord, d’autres cherchent à
redorer leur blason en faisant d’énormes maisons qui montrent leur réussite
sociale, mais écrasent le patrimoine environnant parce que leurs constructions
sont hors échelle par rapport aux paysages tant urbains que ruraux. Alors
qu’avec moins d’argent, ils restaureraient des merveilles de Tagadirts ou de Kasabates. Ils
font d’énormes maisons où ils ne viennent que très rarement et où leurs enfants
ne viendront pas. Ils auraient mieux fait de construire un dispensaire ou une
école !
« Il
faut faire la même remarque à propos des mosquées détruites avec l’argent de
l’extérieur : on rase alors sans réfléchir les merveilles que recèlent les
modestes édifices de culte légués par nos parents. La société civile est
souvent pleine de bonne volonté, mais elle reste techniquement démunie. Le
patrimoine vernaculaire est aussi important que le patrimoine monumental, mais
il faut beaucoup de culture architecturale pour voir qu’un rocher, un massif
d’arbres, ou un petit sentier en pierres, etc., a beaucoup d’importance.
« Si,
du fait des modes importées de l’extérieur, peu de personnes ont un
« regard » sur notre héritage architectural, ce regard peut
s’éduquer. Peu de personnes savent qu’il faut choisir des bordures en pierres,
et pas en ciment, par exemple, pour les routes, parce que c’est mieux et parce
que ça utilise les matériaux locaux et fait travailler la main d’ouvre locale ;
qu'il faut arrêter ces affreux lampadaires partout et réfléchir à une
intégration au paysage ; qu’il faut éviter comme la peste les soi-disant «
mises à niveau », qui nivellent vers le bas, croyant bien faire ! J'ai restauré
des ensembles comme ceux de la vallée d'Amelnnes :
il y faut du soin, de l'amour, du temps ! Pas de la précipitation, à croire
qu'on va pouvoir restaurer en 2 minutes. Il faut commencer par observer cette
architecture, regarder comment elle est faite, la comprendre en s’aidant de la
connaissance qu’en ont les gens du lieu, prendre le temps de relevés minutieux,
d'inventaires systématiques des baies, des types de revêtements traditionnels,
des portes, etc. Bref, aller à l'essence d'un lieu, s'enquérir de son
histoire et ensuite, après un vrai diagnostic, revenir et s'en occuper.
« Si actuellement je termine l’aménagement
de ma maison dans une vieille bâtisse du 18ème siècle, dont l’aile
plus récente (19ème siècle) abritera les bureaux de mon agence
d’architecture, c’est pour montrer qu’il est possible de restaurer, qu’il est
possible de retrouver les méthodes de construction de l’époque, qu’il est
possible de répondre aux besoins de confort de notre époque. Beaucoup de gens
viennent visiter et comprennent immédiatement. »
Libération : Lors des
dernières pluies qui se sont abattues sur la région d’Idaousmlal
et Tafraout, beaucoup de vieilles bâtisses à
l’architecture typique se sont effondrées. Les autorités ont réagi par souci
sécuritaire en évacuant les populations et en laissant leurs demeures
s’effondrer. N’est-ce pas là un autre problème qui ne plaide pas du tout en
faveur de cet héritage et qui montre combien nos autorités ont encore du mal à
appréhender son importance ?
Salima Naji : « En fait, voudrait-on nous faire croire que ces techniques qui ont
fait leurs preuves pendant plus de 5 siècles seraient soudain
impuissantes ? Alors que le drame de Haïti nous
montre le contraire : que seules les demeures vernaculaires ont résisté là
où le ciment trop rigide est tombé… Le pisé et l’adobe n’ont pas fini d’être
étudiés. Il faut puiser en notre culture et non s’empresser de copier des
schémas techniques européens qui fonctionnent dans de grandes villes mais pas
dans nos petits bourgs qui ont des extrêmes de températures. Pour cela il faut
réfléchir et travailler ! Transformer aussi un code de l’urbanisme
imbécile en un code où le rural est présent. Les autorités se protègent et
elles n'ont pas le choix dans des sociétés de plus en plus procédurières et
irresponsables qui se tournent vers elles les accusant de tous les maux.
« Mais il faut aussi considérer que
nous sommes tous responsables, et donc chacun doit prendre en charge sa partie.
Quand je finance avec mon propre argent des opérations de sauvetage, quand je
ne suis pas payée pour sauver un site pour lequel j’ai obtenu un petit
financement, je garde la même éthique que pour un travail de restauration
confié par l’État. C’est-à-dire que j’ai un devoir moral de sauver et de
conserver le plus possible et le mieux possible ces sites qui racontent
l’histoire d'une région. »
Libération : On parle de la sensibilisation comme
préalable primordial dans l’approche de la préservation de ce patrimoine. Dans
les villages pauvres où les habitants ne demandent qu’à avoir un logement en
béton armé qui puisse résister aux intempéries, comment les convaincre pour
qu’ils soient réceptifs à ce discours ?
Salima Naji : « Les pluies ont fait
tomber aussi des charpentes en béton. Il faut expliquer aux gens une vérité
oubliée : le ciment armé ne dure que 60 ans (voyez Casa coloniale,
Chandigarh en Inde de Le Corbusier, etc.) et ensuite c’est très cher à
restaurer. Mais à force de dénigrer les techniques traditionnelles que tout le
monde adore – à l’extérieur du pays – voilà ça a marché, on les met à la
poubelle comme en France après 1945. Deux décennies après les gens ont
recommencé à les chercher : c’était trop tard, c'était devenu un produit
de luxe que seuls quelques-uns pouvaient se permettre. Ne négligeons pas les
leçons du passé. Les techniques traditionnelles mal construites ou trop
anciennes tombent bien sûr.
« Il faut aussi légiférer car cette
forme de folie qui consiste à construire n’importe quoi n’importe comment pour gagner
du terrain. Pourquoi, par exemple, ne pas interdire les constructions de plus
de deux étages partout dans les zones rurales ? Pourquoi ne pas promouvoir
les techniques traditionnelles stabilisées en lançant des concours :
« le plus beau village authentique » ? En plus, l’insertion de
ce patrimoine dans les circuits de développement local constitue le salut ou un
gage de sa préservation : ceci rendrait à ce pays de vieux patrimoine
toute sa valeur. »
Libération : La prise de conscience de la beauté de ce patrimoine commence à se
faire sentir auprès des habitants des régions de Tafraout
et Idaousmlal : on voit que dans les nouvelles
constructions on recourt aux reprises des éléments typiques de l’ancienne
architecture locale (même façade, décorations avec ardoises…) ; mais au
lieu d’utiliser la pierre et la terre, c’est le parpaing et le crépi de ciment
qui enrobe les murs extérieurs. Cette nouvelle tendance est-elle à
encourager ?
Salima Naji : « C’est une nouvelle forme
d’acculturation qui se donne bonne conscience en se croyant moderne. On ne
croit toujours pas aux techniques traditionnelles. On utilise juste un logiciel
d'architecture qui fait des moulages de l'ancien. Cela n'a rien de nouveau, ça
existe depuis la nuit des temps, cela s'appelle le pastiche ou le kitch. Toute
l'histoire des historicismes et des classicismes (néo-classique) vient de ce
type d'approche par les formes et non par les techniques. C'est comme si au
lieu de goûter la vraie huile d'argan, vous usiez d'une huile de synthèse qui a
la même couleur et le même aspect, mais qui n'a rien à voir avec l’arganier et
qui n’a donc aucune des propriétés de l’original.
« Une bourgeoisie fraîchement
acquise veut utiliser certaines techniques des anciens : alors qu’elle a
les mâalmin
sous la main pour des prix raisonnables, pourquoi faire venir une entreprise
d’Agadir et lui demander de faire comme des hôtels régionalistes ?
L’intérêt du vernaculaire, ce n’est d’ailleurs pas seulement sa beauté, ce sont
d’abord ses qualités climatiques, le durable et l’écologique des procédés,
l’intelligence des mises en œuvre ! Un très faible bilan carbone, une
vraie réflexion sur des architectures éco-compatibles.
Libération : Dans la région de Tafraout,
d’anciennes bâtisses à l’architecture typique se vendent très cher aux
étrangers qui les retapent pour y habiter ou pour les transformer en maisons
d’hôtes. Est-ce là un fait « salubre » et qui agit pour la
préservation de ces joyaux architecturaux ?
Salima Naji : « Aujourd’hui, il est
possible de dresser un premier bilan de cet engouement international pour le
patrimoine et les architectures marocaines transformées en hôtel, ou autres
types de résidences touristiques. Dans un premier temps, ceci a été une étincelle
pour sauver des demeures et tant mieux. Cependant, aujourd’hui apparaissent des
phénomènes d’inflation, qui peuvent paralyser le développement du monde rural,
en pénalisant tout investissement autre que touristique. Des gouverneurs de
certaines provinces ont entendu les plaintes des agriculteurs, et par exemple
on n’autorise plus de VNA (Vocation non agricole, pour un projet touristique)
dans le pourtour de Marrakech.
« Par ailleurs, il faut éviter que
ces espaces restaurés se transforment en ghettos générant de nouvelles
frustrations de la part de populations souvent très pauvres qui seraient alors
sensibles au discours xénophobe. A mon avis, il serait intéressant de réfléchir
à une législation qui protège davantage les populations locales. Par exemple, en
Inde, les investissements ne peuvent se faire qu’en association avec un
ressortissant national pour se prémunir de comportements prédateurs d'étrangers
qui profitent d'un effet d'aubaine lié à l’inégalité de fortune entre Nord et
Sud. »