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A nos lecteurs : ce bulletin a interrompu sa publication pendant quatre ans, la nouvelle formule expérimentée avec le numéro 30 n’ayant pas atteint

ses objectifs. L’association a ensuite dû supporter les conséquences terribles des évènements de 2012. Pourtant nous avons continué, et compte tenu

des circonstances, vous le verrez à la lecture de cette nouvelle livraison, nous n’avons pas démérité !

 

 

 

Soutenez DJENNE PATRIMOINE, montrez-vous solidaires en temps de malheur comme vous l’avez été lorsqu’il était si agréable de visiter Djenné !

 

 

 

NOUVELLES DE DJENNÉ

Djenné souffre de la disparition de toute activité touristique depuis quatre ans maintenant

 

« Les hôtels sont vides depuis le classement des régions nord du Mali et de Mopti sur la ligne rouge par la France. Ils ne font plus recettes, donc n’arrivent plus à s’entretenir alors que le crépissage est annuel. Aussi, l’année dernière les récoltes ayant été catastrophiques, le son du riz est devenu rare et si cher qu’il était extrêmement difficile de l’avoir. L’on se ravitaillait du son de riz stocké au rond-point de l’ambassade de la Russie à Bamako, soit à plus de 600 km […]

« Mais à une situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles. D’où une intervention de l’Unesco dans la sauvegarde de ces hôtels en terre battue. Les hôtels fermés presque depuis une année, n’ont aucun moyen pour le faire. Sinon, nous assisterons à la disparition de ces structures hôtelières ou à des modifications qui porteront des préjudices au statut de la ville.

« Dans ce créneau, entre 2004-2006 les Pays-Bas sont intervenus dans la restauration de près de 100 maisons en dégradation dans le tissu ancien de la ville. L’opération a été un véritable succès. De même, la Fondation Aga Khan est intervenue dans la restauration de la mosquée. Déjà, avec l’apparition brusque des nouveaux riches la ville subit une transformation contraire à son statut. »

Extrait d’un article du journaliste Lévy Dougnon (radio Jamana Djenné), publié par Les Echos Régions, 5 septembre 2012

 

Depuis les élections, qui ont amené à Djenné des bataillons d’observateurs internationaux, les hôtels sont désespérément vides. Certes, des réservations sont faites de temps à autre par téléphone ; mais c’est en général pour être annulées au dernier moment ! C’est tout à fait exceptionnellement qu’on a pu voir à Djenné, en 2014, 12 Grecs fin juin, ou encore en août 17 Italiens intrépides, arrivés après avoir traversé le Maroc et la Mauritanie en 4x4, comme au bon vieux temps !

 

NB : le tourisme avait augmenté régulièrement de 2000 à 2008, fournissant des recettes qui étaient passées d’environ 70 milliards FCFA en début de période à environ 110 milliards en fin de période, représentant ainsi environ 10 % des recettes d’exportation du Mali.

 

Djenné a souffert d’une mauvaise campagne agricole    en 2012-2013                                                                       

 

La campagne agricole a été si mauvaise en 2011-2012 que la Fondation Aga Khan a été amenée à distribuer 47 tonnes de semences de riz à près de 6000 riziculteurs des cercles de Mopti et Djenné, pour préparer la campagne 2012-2013. Cette campagne a été moyenne à Djenné.

 

Djenné a souffert de l’interruption du chantier du seuil de Djenné à Soala

 

La construction du barrage de Soala a été interrompue pour cas de force majeure, depuis le 30 mars 2012 par l’entreprise et le 5 avril 2012 par le Bureau d’Ingénieur Conseil, du fait des évènements survenus le 22 mars 2012. Certains partenaires financiers, dont la BAD, ont suspendu les décaissements des fonds. Les travaux ont repris dans la deuxième moitié de l’année 2013.

 

Ce barrage doit avoir pour rôle principal la mise en valeur, par la sécurisation de l’irrigation, des plaines du Pondori et de la rive droite du Bani. Il produira aussi de l’électricité. Enfin, le barrage-pont permettra d’éviter d’avoir à prendre le bac pour accéder à Djenné par la route.

 

L’ouvrage doit être constitué d’un seuil mobile de 314 m, comportant 7 passes, équipées au total de 196 vannes. Le génie civil (Lot 1) devait être cofinancé par la BAD (FAD : 27, 57%), le Fonds Koweïtien pour le Développement Arabe (FKDEA: 36,83%), la Banque Arabe pour le Développement Economique de l’Afrique (BADEA 25,58%) et la Banque d’investissement et de Développement Communautaire de l’UEMOA (BIDC : 10,02%). Les travaux hydro-électro-mécaniques (Lot 2) devaient être entièrement financés par l’Exin Bank de Corée du Sud. Le pont-route (Lot 3) devait être conjointement financé par la Banque Africaine de Développement (FAD) et le Fonds Saoudien pour le Développement (FSD).

 

Les travaux ont pu reprendre lorsque la sécurité a été rétablie, et au 7 mars 2014, lors d’une visite du chantier, le Ministre du développement rural a pu constater que les travaux étaient réalisés à 47 %.

Il est maintenant prévu que les travaux seront achevés en mai 2016.

 

Djenné a souffert d’une insécurité résiduelle

 

Djenné n’a jamais été au cœur des attaques des groupes armés, mais quelques incidents l’ont marquée : fin mars 2013 le marché de Mourha (commune rurale de Mourari), situé à 60km de Djenné a été attaqué par deux hommes armés, qui ont été maîtrisés et tués par la foule. L’émotion a été d’autant plus grande que, dix jours auparavant, le village de Bogoumi, proche de Tenenkou, avait été attaqué, et avait eu à déplorer vingt morts ou disparus et d’innombrables vols.

De nos jours la sécurité règne à Djenné- ville, on constate souvent même la présence de quelques touristes étrangers.

 

 

Le Chef de l’Etat rend visite à Djenné

 

Après avoir sillonné quelques villes de la région Mopti, Bandiagara, Koro et Bankass, le Président de la République, S.E. Ibrahim Boubacar Keïta, a terminé sa tournée régionale par la visite de Djenné, le jeudi 20 mars 2014.

 

Là, il a procédé au lancement des travaux du périmètre hydroagricole de la zone de Sarantomo (984 ha en maitrise complète de l’eau, grâce au barrage de Souala) et visité le chantier du seuil de Djenné : il a notamment remis au chef de village de Souala un chèque de 107 millions FCFA au bénéfice des populations victimes de la construction du seuil, sans oublier de leur demander pardon au nom des autorités du pays ; « car il n’est pas facile d’abandonner un endroit où reposent ses ancêtres ».

 

Après la visite du site du seuil de Djenné, le Président a rencontré les notables et les érudits de Djenné dans la salle «  Mahamane Santara » : avec eux il a eu un échange sur la situation actuelle du pays ; une prière commune pour la prospérité du Mali a clôturé la rencontre.

 

 

Décès du chef traditionnel de Djenné

 

Le dugutigi Ba Hasseye Maïga est décédé le 20 octobre 2013. Il a été inhumé le jour même, après la cérémonie devant la mosquée, où une foule immense s’était rassemblée. Depuis le 22 mai 2009, sa santé étant déficiente, il avait signé une procuration au bénéfice de son neveu Hassèye Yéya Maiga permettant à celui-ci d’agir à ses lieu et place.

 

La chefferie appartenant à la famille Maïga, la succession s’est faite au sein de la famille : c’est donc son cousin Bahassèye Baber Maiga qui a été nommé par décision du Préfet du Cercle de Djenné (décision n° 2014-067/P-CDJ portant nomination du chef de village de Djenné en date du 13 mai 2014).

 

Toutefois, comme Bahèye Baber Maiga, commerçant établi  à Sikasso depuis plus de quarante ans, ne voulait pas tout abandonner pour s’installer à Djenné, il a, lui aussi, signé une procuration, en date du 23 août 2014, octroyant l’exercice des fonctions du chef au même Hassèye Yeya Maiga.

 

L’élection des 11 conseillers de village était prévue pour le 4 janvier 2015. Elle est indépendante de la succession du chef de village.

 

Décès de M. Dansoko, dit « Anim », le 15 juillet 2014

 

M. Diouma Mady Dansoko, dit « Anim », était l’animateur de jeunesse à Djenné depuis de longues années.

 

Originaire de la 1ère région du Mali, il était venu à Bamako après l’obtention de son Diplôme d’Etude Fondamental (DEF) pour poursuivre ses études à l’Institut Nationale des Arts (INA). Orienté vers le département « Animation Socio-culturelle », il sortira technicien des arts et de la culture

 

Admis à la fonction publique dans les années 80, il sera en poste au musée national de Bamako, puis à Léré (cercle de Niafounké), comme secrétaire du chef d’arrondissement, Sakaba Konaté. Il a aussi enseigné pendant 6 ans à l’école fondamentale de Léré.

 

En 5ème région, il a travaillé dans les cercles  de Mopti, Koro comme chargé du contrôle des droits d’auteur, puis à Bankass  et à Djenné comme animateur de jeunesse et de la culture.

 

Homme intègre, sympathique, accueillant et respectueux des valeurs ancestrales, son domicile était un lieu de retrouvailles, non seulement pour la jeunesse, aussi pour les ressortissants de plusieurs localités du Mali.

 

Récemment, il avait entamé un vaste programme de sensibilisation et d’inventaire sur le patrimoine immatériel et  les structures abritant les manifestations culturelles, en s’adressant aux élus communaux du cercle de Djenné. 

 

Dors en paix !

 

Décès de Sékou barey Traoré, le chef du barey ton, la corporation des maçons

 

Né vers 1959 Sekou barey Traoré fut envoyé, lorsqu’il eut 7 ans, à l’école coranique, comme tout jeune enfant de Djenné de son âge, et en même il était mallé bagna c'est-à-dire apprenti maçon, sous le regard vigilant  de son père Bakaina barey, chef de la corporation des maçons de Djenné. Au décès de ce dernier, comme la succession à la tête de la corporation est patriarcale, c’est un oncle de Sékou, Hassey barey, qui devint chef de la corporation, et c’est auprès de lui que Sékou continua son apprentissage. Au décès de Hasseye, Sekou était toujours trop jeune pour lui succéder, et la corporation fut confiée à un régent, doyen d’une célèbre famille de maçons de Djenné, la famille Salamanta.

 

 

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Sékou barey Traoré  

 

    Ainsi, c’est seulement en 2005 que Sékou barey Traore devint le chef de la corporation, et le resta jusqu’au jour de son décès le 24 février 2015. Dors en paix, Be Sékou, amen ! 

 

Elections présidentielles et législatives dans le cercle de Djenné

 

Au second tour de l’élection présidentielle, le 11 août 2013, les résultats ont été les suivantes pour le cercle de Djenné :

Soumaila Cisse :                     50,57 %

Ibrahim Boubacar Keita :        49,45 %     

Le taux de participation des électeurs inscrits à cette élection s’est élevé à 47 %, ce qui est remarquable.

 

Aux élections législatives, les résultats du premier tour ont fait l’objet d’une décision de la Cour Constitutionnelle : alors que les deux candidats URD avaient été déclarés élus dès le premier tour, 85 requêtes contestant ce résultat ont été déposées, et en fin de compte, « la Cour a annulé 6000 voix dans deux circoncriptions électorales » (celles de Femaye et de Sofara), arguant d’une part que ces voies « ont été payées chacune à 5000 FCFA, et d’autre part,  [que] des votes ont eu lieu avant le jour du scrutin avec la complicité des préfets et chefs de villages. »

 

Au second tour, le 15 décembre, le vote a été bien suivi (taux de participation 51 %) ; les candidats de l’URD, Habibou SOFARA et Sékou Abdoul Quadri CISSE, ont été élus avec 52.47% des voix.     

 

Un nouveau préfet à Djenné

 

Le conseil des ministres, en sa séance du 4 février 2015, a nommé Préfet de Djenné Monsieur Bollé Maouloud Baby, Administrateur civil.

 

 

Cette année 2014,  le tabaye-ho a été fêté le 16 octobre, mais on s’est abstenu de chasser quoi que ce soit, par crainte d’Ebola : un communiqué avait interdit toute capture de gibier sauvage.

 

Plus tôt dans l’année 2014, en février, une grande pêche collective a été organisée à Djenné.

 

Deux éléphants à Senossa en août 2011

 

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Photo Sophie Sarin

 

La population a accouru et s’est massée sur la berge. La plupart n’avaient jamais vu, de leur vie, un éléphant.

Un nouvel effort pour la propreté de Djenné

 

Le 29 juin 2014, le projet humanitaire allemand  « Welt Hunger Hilfe » a remis au conseil local des jeunes un lot de matériels d’assainissement et un appareil de sonorisation. Il s’agit d’un ensemble de brouettes, pelles, balais, gants, chaussures, protège-nez, poubelles, râteaux, dabas etc…, d’un côté ; et de deux baffles, un tableau de mixage, un ampli, un stabilisateur, un groupe électrogène, un DVD, 4 micros (dont 2 sans fils), etc. Les jeunes de Djenné ont bénéficié d’une formation à l’assainissement et à la citoyenneté il y a quelques mois.

Le conseil local et le conseil communal doivent organiser chaque mois une journée de salubrité appelée « Djenné Ville propre ». Les matériels d’assainissement sont confiés au Président du conseil local de la jeunesse.

 

DJENNE PATRIMOINE souhaite à la jeunesse de Djenné beaucoup de courage et plein succès, car on ne compte plus les initiatives similaires, qui s’adressaient jusqu’à présent aux femmes, et qui toutes n’ont duré que quelques semaines.

 

Un stage de formation pour des jeunes de Djenné

 

Le Centre de formation professionnelle Vitré-Djenné, (CFP-VD) grâce à un financement de Swisscontact, a formé 40 jeunes dont 20 en technique de pose, d’entretien et réparation des carrelages et 20 autres en technique de peinture bâtiment.

 

De même, le CFP-VD, grâce à un partenariat avec le Fonds d’Appui à la Formation Professionnelle et d’Apprentissage (FAFPA) est en train de former 44 jeunes en mécanique auto et en construction métallique Niveau I et II.

 

On le voit, le CFP-VD veut mettre l’accent sur la formation des artisans afin de développer l’artisanat dans le cercle de Djenné : l’artisanat comme moteur de l’économie locale ? Oui, mais pour quels clients ?

 

 

NOUVELLES DU PATRIMOINE DE DJENNÉ

La Mission Culturelle de Djenné a un nouveau Chef                                                                     

 

Le nouveau chef de la Mission Culturelle de Djenné s’appelle Mahamane Djitteye. Il succède à Yamoussa Fané qui a occupé ce poste de 2005 à 2013.

 

Maitrisard en histoire et archéologie de l’université de Bamako, Mahamane Djitteye a servi à la mission culturelle de Tombouctou avant de venir à celle de Djenné. Il a reçu des formations à l’Ecole du patrimoine du Bénin. Il a aussi participé à des formations à Madagascar et en Côte d’Ivoire.

 

DJENNE PATRIMOINE souhaite à Monsieur Djitteye un bon séjour à Djenné, et une pleine réussite dans l’accomplissement de sa mission de protection, de  conservation et de sauvegarde du Patrimoine culturel des villes anciennes de Djenné.

 

 

Le Préfet de Djenné crée le 13 janvier 2014 un comité de gestion et de conservation des « villes anciennes de Djenné »

 

Ce comité veillera en particulier à l’application du règlement d’urbanisme et à la réalisation des activités du plan de gestion. Présidé par le Préfet ou son représentant, il devrait se réunir chaque mois. Il se compose comme suit :

-Le Préfet du cercle de Djenné ou son représentant

-Le Maire de la commune urbaine de Djenné ou son représentant

-Le chef de village ou son représentant

-Le Chef de la Mission Culturelle de Djenné ou son représentant

-Le président de DJENNE PATRIMOINE ou son représentant

-Le Chef de la subdivision de l’urbanisme ou son représentant

-Le Chef du bureau de L’OMATHO ou son représentant

-Le Président du barey ton ou son représentant

-Le Président de la coordination des artisans ou son représentant

-Le Chef de service Assainissement ou son représentant

-Le Président du Haut Conseil Islamique ou son représentant

-Le représentant des Guides

-La représentante de la CAFO

-Le représentant de la coordination communale des jeunes

-Le  Directeur de la Radio Jamana.

Le secrétariat du comité est assuré par la Mission Culturelle de Djenné.

 

Une « mission de suivi réactif » UNESCO-ICOMOS a séjourné à Djenné du 11 au 14 mars 2014

 

Au terme de sa visite, la mission a rencontré les responsables administratifs de Djenné et les membres du comité de gestion et de conservation du bien «  villes anciennes de Djenné » (voir ci-dessus). Les constats de la mission en ce qui concerne l’état de conservation du site sont les suivants :

- La crise est très profonde, avec l’arrêt de l’activité touristique

- La mission culturelle de Djenné a un budget de fonctionnement insuffisant et n’a pas de budget d’investissement

- Les moyens de la population pour l’entretien des bâtiments ont encore diminué

-  Des bâtiments ont été détruits

- L’accueil de nombreux réfugiés a entrainé un problème d’assainissement (dépôt de déchets dans les marigots qui ceinturent les villes anciennes de Djenné avec des risques d’inondation)

- On continue d’utiliser des matériaux de construction inadaptés au site classé (ciment, fenêtres métalliques, pour ne citer que cela…)

- Recrudescence du pillage sur les sites archéologiques comme notamment Tonomba, Kaniana, et Hambarkétolo.

Cependant, malgré ces constats, la mission a pu dégager des effets positifs :

-La population a pris conscience du danger que représenterait le classement de Djenné comme « Patrimoine en péril ».

-L’Etat s’engage à respecter ses accords vis-à-vis de l’UNESCO : créer un comité de gestion et de conservation du bien ; engager des études techniques sur le site pour élaborer un plan de gestion du site, afin de bien guider les touristes ; intéresser davantage les jeunes étudiants à la recherche archéologique ; établir des titres fonciers pour sauvegarder les sites archéologiques ; renforcer les capacités de la mission culturelle de Djenné ; sensibiliser les populations locales et recourir si besoin est à la répression ; protéger les berges en commençant par les délimiter ; mettre en place une banque de matériaux de restauration ; et enfin organiser une mobilisation internationale pour sauver Djenné.

 

C’est sur cette note d’espoir que la rencontre a pris fin.

 

NB. : Le rapport de la mission se trouve à l’adresse suivante : http://whc.unesco.org/document/129205

 

On y lit de façon claire : « la situation du patrimoine architectural et archéologique de Djenné est préoccupante. Les menaces sur son intégrité et son authenticité, telles que mises en évidence par les précédentes missions et dans les rapports sur l’état de conservation, se sont aggravées à cause de la crise. L’état de conservation de l’architecture en terre, du tissu urbain caractéristique et des sites archéologiques ainsi que le peu d’évolution constatée dans l’amélioration de la situation, renvoient de façon objective aux… » dispositions relatives l’inscription sur la liste du Patrimoine en péril (p. 4-5)

 

On y apprend aussi que M. Abdel Kader Fofana est chargé d’une mission d’évaluation et d’actualisation du Plan de Conservation et de Gestion du site pour la période 2008-2012, un document qui était, il est vrai, très en retrait par rapport aux débats préparatoires. (p.10) On y lit aussi : « En somme, il faut remettre les communautés au cœur de l’action de conservation » (p. 10), alors que par le passé cette action a toujours été négociée exclusivement par les notables.

 

Les travaux de restauration de la mosquée ont été achevés en 2011                                                        

 

Les travaux réalisés par la Fondation Aga Khan pour la Culture avaient commencé en 2008 après que leur démarrage en 2006 ait provoqué de violents incidents, les jeunes et les maçons de Djenné n’ayant pas été convenablement associés aux activités.

 

La restauration de la toiture a exigé le remplacement de toutes les poutres de rônier détériorés, et à la révision de la pente pour un meilleur écoulement des eaux de pluie. Elle a ensuite consisté à réduire considérablement l’épaisseur de banco accumulé au fil des années sans tenir compte de son poids. Les maçons devront y veiller à l’avenir. Les anciens lanterneaux ont été remplacés. Sur la façade Est, il a fallu remplacer environ 30 % des torons, détériorés. Sur toutes les façades, l’épaisseur des enduits a été considérablement réduite, et le recrépissage a été fait avec des enduits améliorés. Le réseau électrique a été refait, un système de ventilation a été installé, la sonorisation a été révisée, toute les menuiseries ont été changées.

 

Au total, de janvier 2009 à mai 2011, le chantier a employé 350 personnes, et injecté 425 millions FCFA dans l’économie locale.

 

Le 19 mai 2013 a eu lieu le recrépissage de la mosquée, après avoir été reporté de deux semaines parce que, de l’avis des maçons, le banco n’avait pas assez macéré.

 

 

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La mosquée de Djenné, restaurée, en 2011

 

 

 

Bibliothèque des manuscrits de Djenné

 

Le projet de conservation et numérisation des manuscrits se poursuit à Djenné, grâce à Mme Sophie Sarin, au comité de gestion de la bibliothèque  et au financement accordé par la British Library (équivalent anglais de la Bibliothèque Nationale de France), et malgré les embûches dressées par l’imam de Djenné et ses alliés sur fond d’anciennes rivalités entre la famille de l’imam et celle de feu le marabout Bia-Bia, qui a trouvé des alliés auprès de la section locale du Haut Conseil Islamique et de l’association Tirahou des enseignants d’écoles coraniques de Djenné (voir  http://djennedjenno.blogspot.fr/2012_08_01_archive.html).

 

Aujourd’hui, la Bibliothèque des Manuscrits de Djenné est dépositaire d’environ 4000 manuscrits appartenant à 60 familles de la ville. Les travaux de prospection menés par divers organismes avant la construction de la Bibliothèque des Manuscrits de Djenné ont abouti à encourager la vente de manuscrits par leurs propriétaires ; certains des manuscrits vendus sont alors partis à Tombouctou. On estime cependant qu’il resterait dans les familles de Djenné plus de 10.000 manuscrits au total. L’un de chercheurs qui a travaillé à la Bibliothèque des Manuscrits de Djenné en 2012 a noté que les manuscrits de cette bibliothèque, dont beaucoup datent du XVIIème siècle ou d’avant, constituent une source de valeur inestimable pour étudier le soufisme dans cette région.

 

Un premier financement de la British Library accordé en 2011 a permis de numériser environ 120.000 pages, et le second, accordé en 2013, permettra de numériser à nouveau environ 150.000 pages. Une équipe de 6 personnes y travaille à plein temps. Le marabout Yelfa joue un rôle de premier plan dans la gestion de la bibliothèque et la supervision du travail de numérisation. Une copie de toutes les images numériques est déposée aux Archives Nationales du Mali, une autre à la British Library.

 

Comme le financement de la British Library ne prend pas en charge la conservation des manuscrits, Madame Sophie Sarin a trouvé une autre source pour acquérir du carton sans acide qui permettra de confectionner environ 300 boites, et d’employer à cette tâche une personne à plein temps.

 

D’autres activités ont été organisées autour de la protection des manuscrits et des savoir-faire qu’elle implique. Outre un cours de calligraphie en avril 2012, puis un concours de calligraphie en août 2012, puis à nouveau en janvier 2015, une étude détaillée des papiers, des encres et des plantes utilisées pour fabriquer ces dernières est envisagée. Un jardin botanique a été créé pour cultiver ces plantes. L’utilisation des encres de Chine sera interdite pour les prochains concours de calligraphie.

 

Les manuscrits de Djenné, exposés et commentés en France

 

Le Musée Jean de la Fontaine, installé dans la maison natale du célèbre fabuliste, à Château-Thierry, expose du 13 juin au 4 juillet 2015 quelques manuscrits de Djenné. Cette exposition a été l’occasion, le jour de son inauguration, de deux conférences :

 

-L’une sur « l’héritage littéraire des peuples sahélo-sahariens, entre mythe et histoire », prononcée par Ismaïl Warscheid, docteur en histoire et civilisation, chercheur à l’Institut des Mondes Africains ;

 

-L’autre sur « Le contenu et l’importance patrimoniale des manuscrits du Mali », par Samir Khairallah, docteur en histoire, chargé de collections à la Bibliothèque Nationale de France, spécialiste de l’arabe, du syriaque et des civilisations orientales.

 

   

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Cette exposition a été réalisée grâce à la Maison de sagesse, qui a établi des relations en 2012 avec une association djennenké de propriétaires de manuscrits ; cette association a fourni une vingtaine de manuscrits, dans le but de les exposer en France pour faire connaître le projet de créer une bibliothèque différente de celle qui existe déjà. Une exposition a déjà eu lieu début  2014 à Marseille (bibliothèque Alcazar).

 

Djenné, patrimoine mondial en danger ?

 

« Aujourd’hui, Djenné est menacée de déclassement sur la liste des villes du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Plusieurs faits sont à l’origine de cette menace de notre patrimoine culturel, qui est l’ensemble des biens et des valeurs que nous avons hérités du passé. […] En cause : le pillage des sites archéologiques, l’urbanisation anarchique, c'est-à-dire l’empiétement de l’habitat sur les sites archéologiques (à Djenné tout le monde peut vendre un terrain là où il le veut impunément), l’occupation des berges de la ville ancienne.[…] S’y ajoutent l’utilisation des matériaux modernes sur les façades et les toitures du bâti en terre : ciment, briques cuites, peinture industrielle, tôles) ; les nombreuses maisons en ruines dans l’ancien tissu urbain de la ville, l’abandon de pratiques culturelles traditionnelles sous l’influence de la modernité et de l’insalubrité (devenues légendaires sous l’ère communale) avec les eaux usées ménagères stagnant dans les rues et ruelles, les ordures ménagères déversées sur les berges, etc. »
Extraits d’un article de Levy Dougnon, journaliste à Djenné, publié sur Radio Jamana à Djenné, voir http://www.jamana.org/lesechos/articles/2011/fevrier/ec_18fevrier.html   

 

Musée de Djenné, toujours fermé !

Le Musée de Djenné, construit en utilisant une technique contestée (une structure en béton remplie de banco) n’est toujours pas ouvert. La réception définitive a été faite en 2013 année par l’Union Européenne et l’Etat Malien en présence de Abdel Kader Traoré (UE), Allaye Karambé (DNPC), Amadou Ongoiba, Mahamane Djitteye et Mamadou Samaké (Mission culturelle de Djenné), Boubacar Cissé (DJENNE PATRIMOINE), Moussa Coulibaly (Sous-préfet de Djenné), Hassana Bocoum (Président du conseil de cercle) et plusieurs autres personnalités. L’inauguration était prévue pour 2015 selon le chef de la mission culturelle de Djenné.

En 2014, deux entreprises locales ont finalisé le reste des travaux, il s’agit du GIE DJEBAC et l’entreprise Nana Wangara.

Inauguration de la Maison des artisans de Djenné

Le président de l’Assemblée nationale Issiaka Sidibé a inauguré, le lundi 1er septembre 2014, en présence des ministres de l’Artisanat et Tourisme, Mme Berthé Aïssata Bengali, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, M. Mahamane Baby, de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, du Travail et de la Fonction publique, du représentant de l’ambassade du Royaume du Danemark et des autorités administratives et communales, la maison des artisans de Djenné. Ce bâtiment est le fruit du partenariat entre le ministère de l’Artisanat et du Tourisme, le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle et le Royaume du Danemark ; il a coûté 300 millions FCFA. 

Construite sur les ruines de l’ancien palais de justice, la maison des artisans de Djenné, comprend au rez-de-chaussée un bureau d’accueil-orientation, une cafeteria, une salle informatique, des bureaux, des ateliers de production, des blocs toilettes et un local de sécurité ; et à l’étage, des ateliers boutiques, des bureaux, un secrétariat, une salle de réunion, des blocs de toilettes et un hall de circulation.

Il faut rappeler que dès 2012, l’UNESCO s’était indignée –en termes diplomatiques mais très fermes– de la démolition de l’ancien Palais de Justice, qui avait d’ailleurs été restauré par le projet financé par les Pays-Bas entre 1996 et 2003. « La démolition de l’ancien palais de justice semble symptomatique de l’absence de protection appropriée et de contrôles de planification. Le bâtiment était un exemple important et significatif de l’architecture traditionnelle de Djenné et occupait une place prépondérante sur la place du marché près de la Grande Mosquée. » Sur la base des plans et dessins du futur bâtiment, l’UNESCO avait mis en garde le Mali et le bailleur danois contre une construction mal venue qui « va représenter une intrusion gênante dans le paysage urbain » (36ème session du Comité du Patrimoine mondial, http://whc.unesco.org/archive/2012/whc12-36com-7B-fr.pdf). Rien n’y a fait !

 

On ne peut que s’associer aux observations de la récente Mission de suivi réactif UNESCO-ICOMOS constatant, en mars 2014, à propos de ce bâtiment public, financé par un pays « ami », généreux bailleur, que « le gabarit et les matériaux ne sont pas conformes à l’architecture du site. Il s’agit de mauvais exemples qui rendent peu audible le message de sensibilisation » à la protection du patrimoine. Et ce n’est, hélas, pas le premier ! (cf. http://whc.unesco.org/document/129205 p. 17).

 

Voilà donc encore un bâtiment public

*irrespectueux de l’architecture de Djenné,

*irrespectueux du patrimoine de Djenné,

*irrespectueux de Djenné !

 

Encore une honte plantée par l’Etat au plein centre de la ville ! Avec la complicité de bailleurs incapables de respecter la culture de leurs partenaires !

   

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300 millions FCFA pour cette horreur !

 

 La mission de suivi réactif UNESCO-ICOMOS, pourtant soucieuse de diplomatie, a insisté, elle aussi, dans le même rapport : « La construction d’édifices publics non conformes à l’architecture locale est une grande menace sur l’authenticité du bien. De fait, l’Etat malien, responsable de la protection du bien, est le premier à ne pas en respecter le modèle. » (p. 20)

 

Une exposition, à Washington, sur le savoir-faire des maçons de Djenné

 

Le Musée d’Histoire Naturelle de la Smithsonian Institution à Washington a organisé, à partir du 31 août 2013 et pour un an (mais en réalité la date de fermeture a été reportée) une exposition sur les maçons de Djenné et la construction en terre. Avec des photographies, de courts films, des objets et des outils de travail, il s’agit d’évoquer l’une des plus célèbres parmi les anciennes traditions architecturales de l’Afrique, et de faire comprendre les défis qu’affrontent aujourd’hui les maçons de Djenné pour conserver leur savoir-faire au 21ème siècle. Cette exposition est organisée par deux connaisseurs et amis du Mali, Marie-Jo Arnoldi (qui est conservateur pour les arts et l’ethnologie d’Afrique au Département d’anthropologie du musée) et Trevor Marchand, Professeur d’anthropologie à l’Université de Londres, que les maçons de Djenné connaissent bien pour l’avoir vu travailler avec eux sur les chantiers il y a quelques années.

NB. Les films réalisés pour l’exposition, avec des interviews des maçons de Djenné, ont accessibles sur internet, en français à l’adresse

http://www.youtube.com/watch?v=WPi2ZnqOArk

et en anglais à l’adresse

http://www.mnh.si.edu/exhibits/mud-masons/meet-mud-masons.html

 

 

Musique de Djenné, présentée par Emmanuelle Olivier sur France-Musique

Emmanuelle Olivier a longuement et fréquemment séjourné à Djenné. Elle y a acquis une connaissance rare des musiques qui appartiennent au patrimoine culturel de Djenné. Elle présente ces musiques (ainsi que des musiques de Namibie, où elle a travaillé avant de découvrir Djenné) dans une émission de France-Musique qui sera accessible jusqu’au 7 octobre 2017 à l’adresse http://www.francemusique.fr/emission/carnet-de-voyage/2014-2015/de-la-namibie-au-mali-entre-memoire-et-oubli-01-11-2015-19-00

 

Une exposition, à Bruxelles, sur les manuscrits de Tombouctou

Depuis le 18 décembre 2014 et jusqu’au 22 février 2015, on peut voir au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles (plus connu sous le nom de BOZAR), une exposition de manuscrits de Tombouctou.

Une présentation de cette exposition est accessible sur internet à l’adresse

http://www.bozar.com/activity.php?id=15570

 

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NOUVELLES DE DJENNÉ PATRIMOINE

La Maison du Patrimoine de Djenné citée au Maroc

 

Un architecte marocain, passionné d’architecture de terre, et soucieux d’associer les habitants et à l’aménagement de leurs villes, a publié sur son blog la notice éditée par DJENNE PATRIMOINE pour présenter le projet de Maison du Patrimoine de Djenné. Voir http://tayyibi.over-blog.com/pages/POUR_UNE_MAISON_DU_PATRIMOINE_A_DJENNE-737492.html 

 

Prise en compte des activités de formation des maçons

 

Les activités d’alphabétisation fonctionnelle et de formation professionnelle complémentaire des maçons de Djenné se sont poursuivies malgré la crise.

Il en a été question à la veille du crépissage annuel de la

mosquée de Djenné, alors qu’une équipe  de l’ordre des  architectes du Mali était venue à Djenné, comme en 2012, pour rencontrer les maçons  de Djenne. Les architectes accompagnaient le Ministre de la  culture, Hamane Niang, son conseiller technique, Boubacar Hama Diaby, les visiteurs ont été reçus à l’hôtel Maâfir en présence du préfet du cercle de Djenne et son adjoint. Le président de l’Ordre des architectes du Mali, Nicolas Koné, le président du barey-ton, Sékou Traoré, le chef de la mission culturelle de Djenne, Yamoussa Fane, et de nombreux invités étaient présents (DJENNE PATRIMOINE, Omatho, Aga Khan…).

Au cours de la rencontre, Abdel Kader Fofana a présenté les  différentes étapes de la restauration de la mosquée de  Djenne. Pour sa part  le président  du barey-ton, Sékou  Traoré, a sollicité davantage de formations et surtout du  professionnalisme  pour les maçons  de Djenné, qui sont  les vrais détenteurs de ce riche patrimoine culturel ; il a signalé que seule DJENNE PATRIMOINE  s’occupe  actuellement de la formation  de la future génération  de maçons et de son alphabétisation. En réponse, le ministre Hamane Niang a expliqué au barey-ton qu’il  peut  prendre contact avec la direction régionale de l’emploi et de la formation professionnelle pour lui  présenter les attestations délivrées par DJENNE PATRIMOINE

 

 

Achèvement de la Maison du Patrimoine de Djenné

 

Ce chantier a été le principal souci de l’association pendant ces dernières années. Après des années de démarche, c’est le 15 février 2012 qu’un décret pris en conseil des ministres a affecté une parcelle de 600 m2 du domaine public au ministère de la culture « pour l’édification de la Maison du patrimoine de Djenné » ; le Ministère de la Culture contribue donc directement au projet en lui fournissant un terrain parfaitement bien situé dans la ville et présentant toutes les caractéristiques souhaitées pour l’édification de la Maison du Patrimoine, dont la construction devait servir de chantier-école.

A partir de là, il a été possible d’achever l’élaboration participative (maçons de Djenné, bureau de DJENNE PATRIMOINE, architectes d’Acroterre) du plan de la Maison du patrimoine, de constituer et déposer le dossier de permis de construire, de procéder au « déguerpissement » des jardins qui occupaient le terrain. Le chantier a alors pu être ouvert, mais un nouvel incident s’est produit !

 

En effet alors que la construction avait bien avancé pendant la saison sèche 2013, on apprenait au cours de l’année que troisième tranche de financement ne serait pas versée par l’AFD à cause des retards pris par le chantier. C’était une catastrophe sans précédent, parce que le bâtiment n’était pas couvert. Nous avons passé des nuits blanches.

La solution est venue de l’Ambassade de France à Bamako. Celle-ci est bien placée pour apprécier l’intérêt d’une réalisation comme la nôtre, tant dans son aspect patrimonial, que dans son aspect de formation. Elle a donc accepté que nous présentions une demande de financement au titre du Fonds Social de Développement (FSD), et la procédure d’examen du dossier a été relativement rapide. Aussi, en 2014, nous avons pu couvrir le bâtiment, et faire les finitions (enduits, portes et fenêtres, électricité, fosse septique…). Et à la fin de la saison sèche 2014-2015, les finitions du bâtiment sont achevées (voir la page de titre de ce bulletin, et plus loin le dossier photographique).

En parallèle, depuis 2011, les activités suivantes ont été développées autant que le contexte le permettait :

 

- Alphabétisation fonctionnelle, essentielles pour mobiliser les compétences des maçons et leur donner les moyens de s’adapter au nouveau contexte dans lequel s’exerce leur métier ; elles sont un succès prometteur ; les effectifs concernés sont les suivants :

 

Il faut souligner que cette activité exige un effort considérable de ceux qui la suivent : non seulement elle est concentrée sur les mois de saison sèche, période où les maçons ne sont pas occupés dans les champs, mais sur les chantiers (et donc les cours ont lieu après le travail) ; mais encore le simple fait d’avoir à apprendre à lire, écrire, compter, et l’humiliation qu’il y a à se tromper, à devoir recommencer rend extrêmement méritoires l’apprentissage des adultes et leur persévérance. Il est très encourageant de voir qu’un groupe non négligeable surmonte ces difficultés et progresse. On rappelle que l’alphabétisation se fait en bambara, et que le passage au français ne débute qu’en quatrième année.

 

 

Première acquisition

Première

consoli-dation

Deuxième consoli-

dation

Début du français

2009

25

 

 

 

2010

8

20

 

 

2011

15

7

16

 

2012

 

 

15

16

2013

10

09

12

15

2014

 

 

15

15

-Compléments de formation professionnelle : un domaine a été couvert, l’utilisation du tadelakt (enduit à base de chaux largement utilisé en Afrique du Nord et qui l’était aussi à Tombouctou dans certaines maisons) pour les enduits intérieurs des salles d’eau ; un autre devrait l’être à la prochaine saison des pluies, l’expérimentation d’un enduit aux géopolymères qui a été mis au point spécialement en France à partir d’échantillons de terre de Djenné.

 

- Sensibilisation par des émissions radiodiffusées : en août et septembre 2014, deux émissions ont été montées  grâce au concours de Radio Jamana, portant sur les dangers que représente l’habillage des façades en briques cuites hourdées au ciment ; cette émission est animée par Mamadou Samaké, administrateur des arts et de la culture, responsable chargé des travaux du Musée de Djenné, et agent de la mission culturelle,  Boubacar Cissé, professeur d’histoire et de géographie au Lycée Public de Djenné, Secrétaire Général de DJENNE PATRIMOINE,  de Séssé Djenépo, maitre maçon ; elle est dirigée par Boubacar Dembélé, animateur de la radio Jamana ; elle est faite en bamanakan, une des langues nationales (la langue des Bambara, largement utilisée comme langue véhiculaire). L’émission est reprise chaque mois sur les ondes.

 

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Dans le studio de la

Radio Jamana Djenné (91.0 MHz) :

Boubacar Cissé (à droite) et le technicien de l’émission  

 

 

 

     

- Travail en groupes sur la profession de maçon : l’un sur la qualité des enduits extérieurs, l’autre sur l’organisation du chantier de la Maison du patrimoine, le troisième sur la modernisation de la profession ; l’activité de ces groupes est difficile à mettre en œuvre, car elle créée des tensions au sein de la corporation, mais ces tensions sont aussi le moyen le plus efficace de recréer chez les maçons un comportement d’analyse des situations, de discussion des solutions envisageables, d’évaluation des résultats, bref un comportement d’adaptation aux nouvelles situations qu’affrontent la profession et ses clients ;

 

 

 

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Discussion entre maçons

 

 

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Discussion avec Olivier Scherrer, expert d’Acroterre, qui a investi plusieurs années de suite tous ses congés dans le projet de la Maison du Patrimoine de Djenné

 

   

- Travail avec les artisans de Djenné : les activités d’alphabétisation fonctionnelle leur ont été ouvertes, un diaporama présentant la diversité de leurs activités et quelques chefs d’œuvre a été préparé et discuté avec eux, avant d’être rendu disponible sur internet, un programme d’intervention sur l’ensemble de la filière a été ébauché pour certains métiers.

 

 

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Merci à Olivier Scherrer et Boubacar Cissé pour les photos

 


APPORT SUR LA SITUATION DE L’HABILLAGE DES FACADES DES MAISONS DE DJENNE

EN CARREAUX DE TERRE CUITE

Olivier Scherrer

janvier 2015

 

 

 

INTRODUCTION

 

Cette étude a été réalisée par Acroterre en partenariat avec DJENNE PATRIMOINE pendant le mois de février 2014. Elle fait suite à une première enquête réalisée en 2008 dont les résultats, publiés en 2009, s’avéraient particulièrement alarmants dans le contexte d’un site classé « Patrimoine de l’humanité ». En effet on montrait alors, chiffres à l’appui, que la « mode » d’habiller les façades en briques cuites avait tendance à se généraliser, qu’elle n’épargnait aucun quartier, qu’elle touchait les maisons modestes à un seul niveau comme les bâtiments à deux niveaux et façades monumentales et que le phénomène croissait de façon exponentielle : 28 façades entre 1973 et 1999 (en moyenne une par an), 112 façades entre 2000 et 2008 (en moyenne 12,4 par an) soit plus de douze fois plus par rapport aux deux premières décennies.

 

Il convenait donc d’actualiser les résultats de cette première étude afin de vérifier si cette tendance se confirmait et, le cas échéant, de disposer d’une base de données et de références suffisantes pour permettre l’élaboration d’une stratégie destinée à contrer ce phénomène.

 

 

 

RAPPEL DES PRINCIPAUX INCONVENIENTS LIES A L’UTILISATION DES CARREAUX DE TERRE CUITE

 

Outre le préjudice esthétique et la dégradation de la qualité du patrimoine architectural conduisant à la perte de l’identité de la ville de Djenné, l’habillage des façades en briques cuites présente des inconvénients majeurs sur le plan technique (faible durabilité, problèmes d’infiltration, fragilisation de la structure du bâti à long terme), comme sur le plan économique (beaucoup plus coûteux que le meilleur enduit traditionnel, moins intensif en main d’œuvre, privant ainsi les maçons d’une source de revenus réguliers).

 

 

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 METHODOLOGIE 

 

Il s’agit d’une enquête de terrain effectuée par un enquêteur connaissant bien la ville. Chaque rue a été visitée et les maisons présentant des briques cuites apparentes ont fait l’objet d’une observation particulière. A la différence de l’enquête précédente, aucun croquis n’a été effectué (trop fastidieux) mais les coordonnées GPS ont été relevées et deux photos ont été prises systématiquement. Les données recueillies sont les suivantes :

-         nom du propriétaire

-         date de l’habillage en briques cuites

-         adresse

-         nom du maçon qui a réalisé les travaux

-         type de bâtiment

-         parties recouvertes en briques cuites

-         caractéristiques (dimensions)             

-         entretiens réalisés

-         date de construction

-         état du bâtiment

 

Seuls les quartiers anciens de la ville ont été concernés par l’enquête. Le nouveau quartier de Tolober ne faisant  pas l’objet d’une réglementation spécifique destinée à protéger ou à affirmer l’identité et l’homogénéité architecturale et urbanistique du site, on y voit fleurir de nombreuses constructions en « dur » et des revêtements en briques cuites.

 

A noter que les façades recensées n’ont pas toutes été entièrement habillées en briques cuites : certains propriétaires ne font habiller qu’une partie du mur extérieur (le soubassement par exemple), ou des façades (le plus souvent la façade Est, qui reçoit la pluie).

 

SYNTHESE DES RESULTATS PAR EPOQUE ET PAR QUARTIER

 

2008 Données 150/154          2014 Données 259/262

 

Kanafa : 43                             Kanafa : 51

Sankoré : 21                           Sankoré : 28

Koyetende : 19                       Koyetende : 50

Yoboukaïna : 18                     Yoboukaïna : 28

Djoboro : 15                           Djoboro : 34

Konofia : 14                           Konofia : 26

Algassouba : 11                      Algassouba : 13

Farmantala : 9                         Farmantala : 15

Seymani : 0                             Seymani : 9

Bambana : 0                           Bambana : 3

Samsey : 0                              Samsey : 2

 

Globalement, on avait recensé 150 maisons employant les briques cuites pour recouvrir tout ou partie de leurs façades, et on en compte 259 en 2014, soit un accroissement de 72 %. Désormais tous les quartiers sont concernés, puisque la mode a gagné les quartiers de Seymani, Bambana et Samsey ; mais l’accroissement au cours de la période récente a été particulièrement marqué dans les quartiers de Kouyetende (163 %), Konofia (85 %) et Djoboro (126 %).

 

 

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D’après les données recueillies en 2014, le nombre de façades recouvertes de briques cuites a été a  été particulièrement grand –et très nettement croissant d’une année sur l’autre- entre 1998 et 2008 (graphique ci-dessous). Il serait utile de comprendre cette évolution, probablement liée à la conjoncture économique de la ville de Djenné. On sait en effet que cette technique, présentée comme durable, est d’abord beaucoup plus coûteuse que la technique traditionnelle. On devrait chercher à vérifier quel a pu être le rôle, dans les années considérées, d’une activité touristique alors florissante, et de la généreuse distribution de revenus liée au chantier de restauration de la mosquée.

 

 

 

 

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REPARTITION DES FACADES EN BRIQUES CUITES PAR QUARTIER EN 2014

 

 

Les données recueillies permettent de calculer la répartition des façades habillées en terre cuite par quartier.

           

Kanafa            19,7 %

Kouyetende     19,3 %                                                Farmantala      5,8 %

Djoboro           13,13 %                                              Algassouba      5 %

Sankoré           10,81 %                                              Seymani          3,5 %

Yoboukaïna    10,81 %                                              Bambana         1,15 %

Konofia           10 %                                                   Samsey           0,8 %

 

 

 

 

 

 

 

 

 

REPARTITION DES FACADES EN BRIQUES CUITES SUR LE PLAN DE LA VILLE (LOCALISATION GPS)

   

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La localisation des maisons considérées, malgré la relative imprécision des coordonnées GPS sur ce site, donne l’impression d’une grande concentration dans la partie Est de la ville.

 

Malheureusement, même si l’on dispose d’informations concernant le nombre de maisons, estimé à 2056 unités (d’après la mairie de Djenné, source non confirmée), le service de l’urbanisme ne peut pas donner le nombre de maisons par quartier. Il n’est donc pas possible de vérifier cette impression en calculant la proportion des maisons utilisant les briques cuites pour chaque quartier. Cette donnée fournirait éventuellement, elle aussi, une idée des facteurs qui peuvent expliquer la tendance à recourir à cette technique.

 

COMMENTAIRES

 

On constate que la « mode » des habillages en briques cuites n’épargne aucun quartier.

 

L’augmentation du nombre de façades habillées en terre cuite est significatif et en progression constante :

 

28 entre 1973 et 1999            moyenne de 1/an

112 entre 2000 et 2008          moyenne de 12,4/an

108 entre 2009 et 2014          moyenne de 21,6 /an

Par rapport au pic de 2008, le nombre de maisons couvertes en briques cuites est nettement plus faible dans les années suivantes ; il reste cependant, en moyenne, bien supérieur à ce qu’il était au cours des deux périodes précédentes. Plusieurs facteurs concomitants peuvent contribuer à expliquer ce phénomène :

-         La situation de crise que traverse le Mali, laquelle a entrainé une diminution des ressources économiques liées au tourisme

-         La prise de conscience de l’impact négatif de l’habillage en briques cuites sur la conservation du bâti suite aux actions de sensibilisation menées auprès des maçons de Djenné

 

Quoi qu’il en soit, en l’absence de données plus précises et de résultats d’interviews, il serait exagérément optimiste de penser que les actions de sensibilisation à l’adresse des maçons aient pu avoir un impact significatif sur le nombre de réalisations, d’autant plus que les maçons peuvent difficilement refuser de satisfaire aux demandes de leurs clients et à fortiori dans un contexte de grande précarité économique.

 

REPARTITION  DES HABILLAGES EN BRIQUES CUITES ENTRE LES MACONS

 

L’enquête de 2014 a aussi permis de relever systématiquement le nom du maçon à qui avait été confié l’habillage en briques cuites. Un résultat inattendu de ce travail est que certains maçons se sont spécialisés dans cette activité, même si beaucoup ne s’y adonnent qu’occasionnellement.

En effet, si 68 maçons au total ont mis en œuvre des habillages de façade en briques cuites, 5 d’entre eux apparaissent comme des spécialistes (plus de 10 réalisations, et jusqu’à 34), et ils ont réalisé à eux seuls plus du tiers des 259 habillages.

 

Pour une quinzaine de maçons, cette activité apparait comme une pratique courante (entre 4 et 10 réalisations), alors qu’elle n’est qu’occasionnelle pour les 45 autres. Si l’on considère que le nombre total de maçons exerçants professionnellement à Djenné est de 345 (d’après le barey ton, source non identifiée), moins de 20 % des maçons mettraient en œuvre cette technique. Cette hypothèse semble plausible, compte tenu du fait que de nombreux  maçons se consacrent exclusivement au travail du banco.

 

 

Nombre de façades construites par les maçons

les plus engagés dans cette activité

 

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CONCLUSION

 

Il y a fort à parier qu’une amélioration de la situation économique se traduirait par une augmentation significative des habillages de façades en briques cuites, alors que la généralisation de cette technique menace non seulement l’intégrité esthétique du site mais aussi la durabilité du bâti. Il est donc urgent d’intervenir !

 

La Mission Culturelle ne possède aujourd’hui, ni la légitimité (l’administration malienne est la première à construire des bâtiments « en dur » dans la ville), ni les moyens pour mener des actions de contrôle du respect des règles d’urbanisme (les atteintes à l’intégrité esthétique des bâtiments sont pourtant à priori interdites). Une politique coercitive de verbalisation n’est pas souhaitable dans le contexte actuel de grande précarité, elle risquerait d’avoir des effets contre-productifs en cristallisant le mécontentement des populations sur la Mission Culturelle.

 

Une stratégie comprenant plusieurs activités complé-mentaires s’impose donc :

-         La conduite d’actions de sensibilisation auprès des propriétaires des maisons au niveau des quartiers

-         La continuation et le renforcement des activités de formation et de sensibilisation destinées aux maçons

-         Le renforcement de la capacité de la Mission Culturelle (personnel, moyens)

-         La mise en place d’une coordination efficace entre les différents services, administrations et partenaires associatifs (Mission Culturelle, service de l’urbanisme, mairie, préfecture, ONG)

-         La mise en place d’un concours destiné à récompenser les propriétaires des maisons les mieux entretenues et respectueuses des critères de conservation

 

Souhaitons que l’UNESCO et les pouvoirs publics maliens prennent conscience de la gravité de la situation et se décident enfin à soutenir la mise en place de ces initiatives.

 

 

 

 

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