A nos lecteurs : ce bulletin a interrompu sa publication pendant quatre ans, la nouvelle formule expérimentée avec le numéro 30 n’ayant pas atteint
ses objectifs. L’association a ensuite dû supporter les conséquences terribles des évènements de 2012. Pourtant nous avons continué, et compte tenu
des circonstances, vous le verrez à la lecture de cette nouvelle livraison, nous n’avons pas démérité !
Soutenez DJENNE PATRIMOINE, montrez-vous
solidaires en temps de malheur comme vous l’avez été lorsqu’il était si
agréable de visiter Djenné !
NOUVELLES DE
DJENNÉ
« Les
hôtels sont vides depuis le classement des régions nord du Mali et de Mopti sur
la ligne rouge par la France. Ils ne font plus recettes, donc n’arrivent plus à
s’entretenir alors que le crépissage est annuel. Aussi, l’année dernière les
récoltes ayant été catastrophiques, le son du riz est devenu rare et si cher
qu’il était extrêmement difficile de l’avoir. L’on se ravitaillait du son de
riz stocké au rond-point de l’ambassade de la Russie à Bamako, soit à plus de
600 km […]
« Mais à une situation exceptionnelle, il faut des
mesures exceptionnelles. D’où une intervention de l’Unesco dans la sauvegarde
de ces hôtels en terre battue. Les hôtels fermés presque depuis une année,
n’ont aucun moyen pour le faire. Sinon, nous assisterons à la disparition de
ces structures hôtelières ou à des modifications qui porteront des préjudices
au statut de la ville.
« Dans ce créneau,
entre 2004-2006 les Pays-Bas sont intervenus dans la restauration de près de
100 maisons en dégradation dans le tissu ancien de la ville. L’opération a été
un véritable succès. De même, la Fondation Aga Khan est intervenue dans la
restauration de la mosquée. Déjà, avec l’apparition brusque des nouveaux riches
la ville subit une transformation contraire à son statut. »
Extrait
d’un article du journaliste Lévy Dougnon (radio Jamana
Djenné), publié par Les Echos
Régions, 5 septembre
2012
Depuis
les élections, qui ont amené à Djenné des bataillons d’observateurs
internationaux, les hôtels sont désespérément vides. Certes, des réservations
sont faites de temps à autre par téléphone ; mais c’est en général pour
être annulées au dernier moment ! C’est tout à fait exceptionnellement
qu’on a pu voir à Djenné, en 2014, 12 Grecs fin juin, ou encore en août 17
Italiens intrépides, arrivés après avoir traversé le Maroc et la
Mauritanie en 4x4, comme au bon vieux temps !
NB :
le tourisme avait augmenté régulièrement de 2000 à 2008, fournissant des
recettes qui étaient passées d’environ 70 milliards FCFA en début de période à
environ 110 milliards en fin de période, représentant ainsi environ 10 % des
recettes d’exportation du Mali.
La
campagne agricole a été si mauvaise en 2011-2012 que la Fondation Aga Khan a
été amenée à distribuer 47 tonnes de semences de riz à près de 6000
riziculteurs des cercles de Mopti et Djenné, pour préparer la campagne
2012-2013. Cette campagne a été moyenne à Djenné.
La
construction du barrage de Soala a été interrompue
pour cas de force majeure, depuis le 30 mars 2012 par l’entreprise et le 5
avril 2012 par le Bureau d’Ingénieur Conseil, du fait des évènements survenus
le 22 mars 2012. Certains partenaires financiers, dont la BAD, ont suspendu les
décaissements des fonds. Les travaux ont repris dans la deuxième moitié de
l’année 2013.
Ce
barrage doit avoir pour rôle principal la mise en valeur, par la sécurisation
de l’irrigation, des plaines du Pondori et de la rive
droite du Bani. Il produira aussi de l’électricité.
Enfin, le barrage-pont permettra d’éviter d’avoir à prendre le bac pour accéder
à Djenné par la route.
L’ouvrage
doit être constitué d’un seuil mobile de 314 m, comportant 7 passes, équipées
au total de 196 vannes. Le génie civil (Lot 1) devait être cofinancé par la BAD
(FAD : 27, 57%), le Fonds Koweïtien pour le Développement Arabe (FKDEA:
36,83%), la Banque Arabe pour le Développement Economique de l’Afrique (BADEA
25,58%) et la Banque d’investissement et de Développement Communautaire de
l’UEMOA (BIDC : 10,02%). Les travaux hydro-électro-mécaniques (Lot 2) devaient
être entièrement financés par l’Exin Bank de Corée du
Sud. Le pont-route (Lot 3) devait être conjointement financé par la Banque
Africaine de Développement (FAD) et le Fonds Saoudien pour le Développement
(FSD).
Les
travaux ont pu reprendre lorsque la sécurité a été rétablie, et au 7 mars 2014,
lors d’une visite du chantier, le Ministre du développement rural a pu
constater que les travaux étaient réalisés à 47 %.
Il
est maintenant prévu que les travaux seront achevés en mai 2016.
Djenné
n’a jamais été au cœur des attaques des groupes armés, mais quelques incidents
l’ont marquée : fin mars 2013 le marché de Mourha
(commune rurale de Mourari), situé à 60km de Djenné a
été attaqué par deux hommes armés, qui ont été maîtrisés et tués par la foule.
L’émotion a été d’autant plus grande que, dix jours auparavant, le village de Bogoumi, proche de Tenenkou,
avait été attaqué, et avait eu à déplorer vingt morts ou disparus et
d’innombrables vols.
De
nos jours la sécurité règne à Djenné- ville, on constate souvent même la
présence de quelques touristes étrangers.
Après
avoir sillonné quelques villes de la région Mopti, Bandiagara, Koro et Bankass, le Président de la République, S.E. Ibrahim
Boubacar Keïta, a terminé sa tournée régionale par la visite de Djenné, le
jeudi 20 mars 2014.
Là,
il a procédé au lancement des travaux du périmètre hydroagricole
de la zone de Sarantomo (984 ha en maitrise complète
de l’eau, grâce au barrage de Souala) et visité le
chantier du seuil de Djenné : il a notamment remis au chef de village de Souala un chèque de 107 millions FCFA au bénéfice des
populations victimes de la construction du seuil, sans oublier de leur demander
pardon au nom des autorités du pays ; « car il n’est pas facile
d’abandonner un endroit où reposent ses ancêtres ».
Après
la visite du site du seuil de Djenné, le Président a rencontré les notables et
les érudits de Djenné dans la salle « Mahamane Santara » :
avec eux il a eu un échange sur la situation actuelle du pays ; une prière
commune pour la prospérité du Mali a clôturé la rencontre.
Le
dugutigi Ba
Hasseye Maïga est décédé le
20 octobre 2013. Il a été inhumé le jour même, après la cérémonie devant la
mosquée, où une foule immense s’était rassemblée. Depuis le 22 mai 2009, sa
santé étant déficiente, il avait signé une procuration au bénéfice de son neveu
Hassèye Yéya Maiga permettant à celui-ci d’agir à ses
lieu et place.
La
chefferie appartenant à la famille Maïga, la
succession s’est faite au sein de la famille : c’est donc son cousin Bahassèye Baber Maiga qui a été nommé par décision du Préfet du Cercle de
Djenné (décision n° 2014-067/P-CDJ portant nomination du chef de village de
Djenné en date du 13 mai 2014).
Toutefois,
comme Bahèye Baber Maiga, commerçant établi
à Sikasso depuis plus de quarante ans, ne voulait pas tout abandonner
pour s’installer à Djenné, il a, lui aussi, signé une procuration, en date du
23 août 2014, octroyant l’exercice des fonctions du chef au même Hassèye Yeya Maiga.
L’élection
des 11 conseillers de village était prévue pour le 4 janvier 2015. Elle est indépendante
de la succession du chef de village.
M.
Diouma Mady Dansoko, dit
« Anim », était l’animateur de jeunesse à
Djenné depuis de longues années.
Originaire
de la 1ère région du Mali, il était venu à Bamako après l’obtention
de son Diplôme d’Etude Fondamental (DEF) pour poursuivre ses études à
l’Institut Nationale des Arts (INA). Orienté vers le département
« Animation Socio-culturelle », il sortira technicien des arts et de
la culture
Admis
à la fonction publique dans les années 80, il sera en poste au musée national
de Bamako, puis à Léré (cercle de Niafounké), comme secrétaire du chef
d’arrondissement, Sakaba Konaté. Il a aussi enseigné
pendant 6 ans à l’école fondamentale de Léré.
En
5ème région, il a travaillé dans les cercles de Mopti, Koro comme chargé du contrôle des
droits d’auteur, puis à Bankass et à Djenné comme animateur de jeunesse et de
la culture.
Homme
intègre, sympathique, accueillant et respectueux des valeurs ancestrales, son
domicile était un lieu de retrouvailles, non seulement pour la jeunesse, aussi
pour les ressortissants de plusieurs localités du Mali.
Récemment,
il avait entamé un vaste programme de sensibilisation et d’inventaire sur le
patrimoine immatériel et les structures
abritant les manifestations culturelles, en s’adressant aux élus communaux du
cercle de Djenné.
Dors
en paix !
Né
vers 1959 Sekou barey Traoré fut envoyé, lorsqu’il
eut 7 ans, à l’école coranique, comme tout jeune enfant de Djenné de son
âge, et en même il était mallé bagna
c'est-à-dire apprenti maçon, sous le regard vigilant de son père Bakaina
barey, chef de la corporation des maçons de
Djenné. Au décès de ce dernier, comme la succession à la tête de la corporation
est patriarcale, c’est un oncle de Sékou, Hassey barey, qui devint
chef de la corporation, et c’est auprès de lui que Sékou continua son
apprentissage. Au décès de Hasseye, Sekou était toujours trop jeune pour lui succéder, et la
corporation fut confiée à un régent, doyen d’une célèbre famille de maçons de
Djenné, la famille Salamanta.
Sékou barey Traoré
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Au
second tour de l’élection présidentielle, le 11 août 2013, les résultats ont
été les suivantes pour le cercle de Djenné :
Soumaila Cisse : 50,57
%
Ibrahim
Boubacar Keita : 49,45 %
Le
taux de participation des électeurs inscrits à cette élection s’est élevé à 47
%, ce qui est remarquable.
Aux
élections législatives, les résultats du premier tour ont fait l’objet d’une
décision de la Cour Constitutionnelle : alors que les deux candidats URD
avaient été déclarés élus dès le premier tour, 85 requêtes contestant ce
résultat ont été déposées, et en fin de compte, « la Cour a annulé 6000
voix dans deux circoncriptions électorales »
(celles de Femaye et de Sofara),
arguant d’une part que ces voies « ont été payées chacune à 5000 FCFA, et
d’autre part, [que] des votes ont eu lieu avant le jour du scrutin avec
la complicité des préfets et chefs de villages. »
Au
second tour, le 15 décembre, le vote a été bien suivi (taux de participation 51
%) ; les candidats de l’URD, Habibou SOFARA et
Sékou Abdoul Quadri CISSE, ont été élus avec 52.47% des voix.
Le
conseil des ministres, en sa séance du 4 février 2015, a nommé Préfet de Djenné
Monsieur Bollé Maouloud
Baby, Administrateur civil.
Cette
année 2014, le tabaye-ho a été fêté le 16 octobre, mais on s’est abstenu de chasser quoi
que ce soit, par crainte d’Ebola : un communiqué avait interdit toute
capture de gibier sauvage.
Plus
tôt dans l’année 2014, en février, une grande pêche collective a été organisée
à Djenné.
La
population a accouru et s’est massée sur la berge. La plupart n’avaient jamais
vu, de leur vie, un éléphant.
Le
29 juin 2014, le projet humanitaire allemand
« Welt Hunger Hilfe » a remis au conseil local des jeunes un lot de
matériels d’assainissement et un appareil de sonorisation. Il s’agit d’un
ensemble de brouettes, pelles, balais, gants, chaussures, protège-nez,
poubelles, râteaux, dabas etc…, d’un côté ; et de deux baffles, un tableau
de mixage, un ampli, un stabilisateur, un groupe électrogène, un DVD, 4 micros
(dont 2 sans fils), etc. Les jeunes de Djenné ont bénéficié d’une formation à
l’assainissement et à la citoyenneté il y a quelques mois.
Le
conseil local et le conseil communal doivent organiser chaque mois une journée
de salubrité appelée « Djenné Ville propre ». Les matériels
d’assainissement sont confiés au Président du conseil local de la jeunesse.
DJENNE
PATRIMOINE souhaite à la jeunesse de Djenné beaucoup de courage et plein
succès, car on ne compte plus les initiatives similaires, qui s’adressaient
jusqu’à présent aux femmes, et qui toutes n’ont duré que quelques semaines.
Le
Centre de formation professionnelle Vitré-Djenné, (CFP-VD) grâce à un
financement de Swisscontact, a formé 40 jeunes dont
20 en technique de pose, d’entretien et réparation des carrelages et 20 autres
en technique de peinture bâtiment.
De
même, le CFP-VD, grâce à un partenariat avec le Fonds d’Appui à la Formation
Professionnelle et d’Apprentissage (FAFPA) est en train de former 44 jeunes en
mécanique auto et en construction métallique Niveau I et II.
On le voit, le CFP-VD veut mettre l’accent sur la formation des artisans afin de développer l’artisanat dans le cercle de Djenné : l’artisanat comme moteur de l’économie locale ? Oui, mais pour quels clients ?
NOUVELLES DU PATRIMOINE DE DJENNÉ
Le
nouveau chef de la Mission Culturelle de Djenné s’appelle Mahamane Djitteye. Il succède à Yamoussa
Fané qui a occupé ce poste de 2005 à 2013.
Maitrisard
en histoire et archéologie de l’université de Bamako, Mahamane Djitteye a servi à la mission culturelle de Tombouctou
avant de venir à celle de Djenné. Il a reçu des formations à l’Ecole du
patrimoine du Bénin. Il a aussi participé à des formations à Madagascar et en
Côte d’Ivoire.
DJENNE
PATRIMOINE souhaite à Monsieur Djitteye un bon séjour
à Djenné, et une pleine réussite dans l’accomplissement de sa mission de
protection, de conservation et de
sauvegarde du Patrimoine culturel des villes anciennes de Djenné.
Le Préfet de Djenné crée
le 13 janvier 2014 un comité de gestion et de conservation des « villes
anciennes de Djenné »
Ce
comité veillera en particulier à l’application du règlement d’urbanisme et à la
réalisation des activités du plan de gestion. Présidé par le Préfet ou son
représentant, il devrait se réunir chaque mois. Il se compose comme suit :
-Le Préfet du cercle de
Djenné ou son représentant
-Le Maire de la commune urbaine
de Djenné ou son représentant
-Le chef de village ou son
représentant
-Le Chef de la Mission Culturelle
de Djenné ou son représentant
-Le président de DJENNE PATRIMOINE
ou son représentant
-Le Chef de la subdivision de
l’urbanisme ou son représentant
-Le Chef du bureau de L’OMATHO ou
son représentant
-Le Président du barey ton ou son représentant
-Le Président de la coordination
des artisans ou son représentant
-Le Chef de service
Assainissement ou son représentant
-Le Président du Haut Conseil
Islamique ou son représentant
-Le représentant des Guides
-La représentante de la CAFO
-Le représentant de la
coordination communale des jeunes
-Le Directeur de la Radio Jamana.
Le
secrétariat du comité est assuré par la Mission Culturelle de Djenné.
Au
terme de sa visite, la mission a rencontré les responsables administratifs de
Djenné et les membres du comité de gestion et de conservation du bien « villes anciennes de Djenné » (voir
ci-dessus). Les constats de la mission en ce qui concerne l’état de
conservation du site sont les suivants :
-
La crise est très profonde, avec l’arrêt de l’activité touristique
- La
mission culturelle de Djenné a un budget de fonctionnement insuffisant et n’a
pas de budget d’investissement
- Les
moyens de la population pour l’entretien des bâtiments ont encore diminué
- Des bâtiments ont été détruits
-
L’accueil de nombreux réfugiés a entrainé un problème d’assainissement (dépôt
de déchets dans les marigots qui ceinturent les villes anciennes de Djenné avec
des risques d’inondation)
- On
continue d’utiliser des matériaux de construction inadaptés au site classé
(ciment, fenêtres métalliques, pour ne citer que cela…)
-
Recrudescence du pillage sur les sites archéologiques comme notamment Tonomba, Kaniana, et Hambarkétolo.
Cependant,
malgré ces constats, la mission a pu dégager des effets positifs :
-La
population a pris conscience du danger que représenterait le classement de
Djenné comme « Patrimoine en péril ».
-L’Etat
s’engage à respecter ses accords vis-à-vis de l’UNESCO : créer un comité
de gestion et de conservation du bien ; engager des études techniques sur
le site pour élaborer un plan de gestion du site, afin de bien guider les
touristes ; intéresser davantage les jeunes étudiants à la recherche
archéologique ; établir des titres fonciers pour sauvegarder les sites
archéologiques ; renforcer les capacités de la mission culturelle de
Djenné ; sensibiliser les populations locales et recourir si besoin est à
la répression ; protéger les berges en commençant par les délimiter ;
mettre en place une banque de matériaux de restauration ; et enfin organiser
une mobilisation internationale pour sauver Djenné.
C’est
sur cette note d’espoir que la rencontre a pris fin.
NB. :
Le rapport de la mission se trouve à l’adresse suivante : http://whc.unesco.org/document/129205
On
y lit de façon claire : « la situation du patrimoine architectural et
archéologique de Djenné est préoccupante. Les menaces sur son intégrité et son
authenticité, telles que mises en évidence par les précédentes missions et dans
les rapports sur l’état de conservation, se sont aggravées à cause de la crise.
L’état de conservation de l’architecture en terre, du tissu urbain
caractéristique et des sites archéologiques ainsi que le peu d’évolution
constatée dans l’amélioration de la situation, renvoient de façon objective
aux… » dispositions relatives l’inscription sur
la liste du Patrimoine en péril (p. 4-5)
On
y apprend aussi que M. Abdel Kader Fofana est chargé d’une mission d’évaluation
et d’actualisation du Plan de Conservation et de Gestion du site pour la
période 2008-2012, un document qui était, il est vrai, très en retrait par
rapport aux débats préparatoires. (p.10) On y lit aussi : « En somme,
il faut remettre les communautés au cœur de l’action de conservation » (p.
10), alors que par le passé cette action a toujours été négociée exclusivement
par les notables.
Les travaux réalisés par la Fondation Aga Khan pour la
Culture avaient commencé en 2008 après que leur démarrage en 2006 ait provoqué
de violents incidents, les jeunes et les maçons de Djenné n’ayant pas été
convenablement associés aux activités.
La restauration de la toiture a exigé le remplacement
de toutes les poutres de rônier détériorés, et à la révision de la pente pour
un meilleur écoulement des eaux de pluie. Elle a ensuite consisté à réduire
considérablement l’épaisseur de banco accumulé au fil des années sans tenir compte
de son poids. Les maçons devront y veiller à l’avenir. Les anciens lanterneaux
ont été remplacés. Sur la façade Est, il a fallu remplacer environ 30 % des
torons, détériorés. Sur toutes les façades, l’épaisseur des enduits a été
considérablement réduite, et le recrépissage a été fait avec des enduits
améliorés. Le réseau électrique a été refait, un système de ventilation a été
installé, la sonorisation a été révisée, toute les menuiseries ont été
changées.
Au total, de janvier 2009 à mai 2011, le chantier a
employé 350 personnes, et injecté 425 millions FCFA dans l’économie locale.
Le 19 mai 2013 a eu lieu le recrépissage de la
mosquée, après avoir été reporté de deux semaines parce que, de l’avis des
maçons, le banco n’avait pas assez macéré.
La mosquée de Djenné, restaurée, en 2011
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Le projet de conservation et numérisation des
manuscrits se poursuit à Djenné, grâce à Mme Sophie Sarin, au comité de gestion
de la bibliothèque et au financement
accordé par la British Library (équivalent anglais de la Bibliothèque Nationale
de France), et malgré les embûches dressées par l’imam de Djenné et ses alliés
sur fond d’anciennes rivalités entre la famille de l’imam et celle de feu le
marabout Bia-Bia, qui a trouvé des alliés auprès de
la section locale du Haut Conseil Islamique et de l’association Tirahou des enseignants d’écoles coraniques de Djenné
(voir http://djennedjenno.blogspot.fr/2012_08_01_archive.html).
Aujourd’hui, la Bibliothèque des Manuscrits de Djenné est
dépositaire d’environ 4000 manuscrits appartenant à 60 familles de la ville.
Les travaux de prospection menés par divers organismes avant la construction de
la Bibliothèque des Manuscrits de Djenné ont abouti à encourager la vente de
manuscrits par leurs propriétaires ; certains des manuscrits vendus sont
alors partis à Tombouctou. On estime cependant qu’il resterait dans les
familles de Djenné plus de 10.000 manuscrits au total. L’un de chercheurs qui a
travaillé à la Bibliothèque des Manuscrits de Djenné en 2012 a noté que les
manuscrits de cette bibliothèque, dont beaucoup datent du XVIIème siècle ou
d’avant, constituent une source de valeur inestimable pour étudier le soufisme
dans cette région.
Un premier financement de la British Library accordé en
2011 a permis de numériser environ 120.000 pages, et le second, accordé en
2013, permettra de numériser à nouveau environ 150.000 pages. Une équipe de 6
personnes y travaille à plein temps. Le marabout Yelfa
joue un rôle de premier plan dans la gestion de la bibliothèque et la
supervision du travail de numérisation. Une copie de toutes les images
numériques est déposée aux Archives Nationales du Mali, une autre à la British
Library.
Comme le financement de la British Library ne prend
pas en charge la conservation des manuscrits, Madame Sophie Sarin a trouvé une
autre source pour acquérir du carton sans acide qui permettra de confectionner
environ 300 boites, et d’employer à cette tâche une personne à plein temps.
D’autres activités ont été organisées autour de la
protection des manuscrits et des savoir-faire qu’elle implique. Outre un cours
de calligraphie en avril 2012, puis un concours de calligraphie en août 2012,
puis à nouveau en janvier 2015, une étude détaillée des papiers, des encres et
des plantes utilisées pour fabriquer ces dernières est envisagée. Un jardin
botanique a été créé pour cultiver ces plantes. L’utilisation des encres de
Chine sera interdite pour les prochains concours de calligraphie.
Le Musée Jean de la Fontaine, installé dans la maison
natale du célèbre fabuliste, à Château-Thierry, expose du 13 juin au 4 juillet
2015 quelques manuscrits de Djenné. Cette exposition a été l’occasion, le jour
de son inauguration, de deux conférences :
-L’une sur « l’héritage littéraire des peuples
sahélo-sahariens, entre mythe et histoire », prononcée par Ismaïl Warscheid, docteur en histoire et civilisation, chercheur à
l’Institut des Mondes Africains ;
-L’autre sur « Le contenu et l’importance
patrimoniale des manuscrits du Mali », par Samir Khairallah,
docteur en histoire, chargé de collections à la Bibliothèque Nationale de
France, spécialiste de l’arabe, du syriaque et des civilisations orientales.
Cette exposition a été réalisée grâce à la Maison de
sagesse, qui a établi des relations en 2012 avec une association djennenké de
propriétaires de manuscrits ; cette association a fourni une vingtaine de
manuscrits, dans le but de les exposer en France pour faire connaître le projet
de créer une bibliothèque différente de celle qui existe déjà. Une exposition a
déjà eu lieu début 2014 à Marseille
(bibliothèque Alcazar).
« Aujourd’hui, Djenné
est menacée de déclassement sur la liste des villes du Patrimoine mondial de
l’UNESCO. Plusieurs faits sont à l’origine de cette menace de notre patrimoine
culturel, qui est l’ensemble des biens et des valeurs que nous avons hérités du
passé. […] En cause : le pillage des sites archéologiques, l’urbanisation
anarchique, c'est-à-dire l’empiétement de l’habitat sur les sites
archéologiques (à Djenné tout le monde peut vendre un terrain là où il le veut
impunément), l’occupation des berges de la ville ancienne.[…] S’y ajoutent
l’utilisation des matériaux modernes sur les façades et les toitures du bâti en
terre : ciment, briques cuites, peinture industrielle, tôles) ; les nombreuses
maisons en ruines dans l’ancien tissu urbain de la ville, l’abandon de
pratiques culturelles traditionnelles sous l’influence de la modernité et de
l’insalubrité (devenues légendaires sous l’ère communale) avec les eaux usées
ménagères stagnant dans les rues et ruelles, les ordures ménagères déversées
sur les berges, etc. »
Extraits d’un article de Levy Dougnon,
journaliste à Djenné, publié sur Radio Jamana à
Djenné, voir http://www.jamana.org/lesechos/articles/2011/fevrier/ec_18fevrier.html
Le Musée de Djenné, construit en utilisant une
technique contestée (une structure en béton remplie de banco) n’est toujours
pas ouvert. La réception définitive a été faite en 2013 année par l’Union
Européenne et l’Etat Malien en présence de Abdel Kader
Traoré (UE), Allaye Karambé
(DNPC), Amadou Ongoiba, Mahamane Djitteye
et Mamadou Samaké (Mission culturelle de Djenné),
Boubacar Cissé (DJENNE PATRIMOINE), Moussa Coulibaly
(Sous-préfet de Djenné), Hassana Bocoum
(Président du conseil de cercle) et plusieurs autres personnalités.
L’inauguration était prévue pour 2015 selon le chef de la mission culturelle de
Djenné.
En 2014, deux
entreprises locales ont finalisé le reste des travaux, il s’agit du GIE DJEBAC
et l’entreprise Nana Wangara.
Le
président de l’Assemblée nationale Issiaka Sidibé a
inauguré, le lundi 1er septembre 2014, en présence des ministres de l’Artisanat et Tourisme,
Mme Berthé Aïssata Bengali,
de l’Emploi et de la Formation professionnelle, M. Mahamane Baby, de la
Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, du Travail et de la
Fonction publique, du représentant de l’ambassade du Royaume du Danemark et des
autorités administratives et communales, la maison des artisans de Djenné. Ce bâtiment est le fruit du partenariat
entre le ministère de l’Artisanat et du Tourisme, le ministère de l’Emploi et
de la Formation professionnelle et le Royaume du Danemark ; il a coûté 300
millions FCFA.
Construite
sur les ruines de l’ancien palais de justice, la maison des artisans de Djenné,
comprend au rez-de-chaussée un bureau d’accueil-orientation, une cafeteria, une
salle informatique, des bureaux, des ateliers de production, des blocs
toilettes et un local de sécurité ; et à l’étage, des ateliers boutiques,
des bureaux, un secrétariat, une salle de réunion, des blocs de toilettes et un
hall de circulation.
Il
faut rappeler que dès 2012, l’UNESCO s’était indignée –en termes diplomatiques
mais très fermes– de la démolition de l’ancien Palais de Justice, qui avait
d’ailleurs été restauré par le projet financé par les Pays-Bas entre 1996 et
2003. « La démolition de l’ancien palais de justice semble symptomatique
de l’absence de protection appropriée et de contrôles de planification. Le
bâtiment était un exemple important et significatif de l’architecture
traditionnelle de Djenné et occupait une place prépondérante sur la place du
marché près de la Grande Mosquée. » Sur la base des plans et dessins du
futur bâtiment, l’UNESCO avait mis en garde le Mali et le bailleur danois
contre une construction mal venue qui « va représenter une intrusion
gênante dans le paysage urbain » (36ème session du Comité du
Patrimoine mondial, http://whc.unesco.org/archive/2012/whc12-36com-7B-fr.pdf).
Rien n’y a fait !
On
ne peut que s’associer aux observations de la récente Mission de suivi réactif UNESCO-ICOMOS
constatant, en mars 2014, à propos de ce bâtiment public, financé par un pays
« ami », généreux bailleur, que « le gabarit et les matériaux ne sont pas conformes à l’architecture du
site. Il s’agit de mauvais exemples qui rendent peu audible le message de
sensibilisation » à la protection du patrimoine. Et ce n’est, hélas, pas
le premier ! (cf. http://whc.unesco.org/document/129205
p. 17).
Voilà donc encore un bâtiment public
*irrespectueux de l’architecture de
Djenné,
*irrespectueux du patrimoine de Djenné,
*irrespectueux de Djenné !
Encore une honte plantée par l’Etat
au plein centre de la ville ! Avec la complicité de bailleurs incapables
de respecter la culture de leurs partenaires !
300 millions FCFA pour cette
horreur !
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Le Musée d’Histoire
Naturelle de la Smithsonian Institution à Washington
a organisé, à partir du 31 août 2013 et pour un an (mais en réalité la date de
fermeture a été reportée) une exposition sur les maçons de Djenné et la
construction en terre. Avec des photographies, de courts films, des objets et
des outils de travail, il s’agit d’évoquer l’une des plus célèbres parmi les
anciennes traditions architecturales de l’Afrique, et de faire comprendre les
défis qu’affrontent aujourd’hui les maçons de Djenné pour conserver leur
savoir-faire au 21ème siècle. Cette exposition est organisée par
deux connaisseurs et amis du Mali, Marie-Jo Arnoldi
(qui est conservateur pour les arts et l’ethnologie d’Afrique au Département
d’anthropologie du musée) et Trevor Marchand, Professeur d’anthropologie à
l’Université de Londres, que les maçons de Djenné connaissent bien pour l’avoir
vu travailler avec eux sur les chantiers il y a quelques années.
NB.
Les films réalisés pour l’exposition, avec des interviews des maçons de Djenné,
ont accessibles sur internet, en français à l’adresse
http://www.youtube.com/watch?v=WPi2ZnqOArk
et en anglais
à l’adresse
http://www.mnh.si.edu/exhibits/mud-masons/meet-mud-masons.html
Emmanuelle Olivier a
longuement et fréquemment séjourné à Djenné. Elle y a acquis une connaissance
rare des musiques qui appartiennent au patrimoine culturel de Djenné. Elle
présente ces musiques (ainsi que des musiques de Namibie, où elle a travaillé
avant de découvrir Djenné) dans une émission de France-Musique qui sera
accessible jusqu’au 7 octobre 2017 à l’adresse http://www.francemusique.fr/emission/carnet-de-voyage/2014-2015/de-la-namibie-au-mali-entre-memoire-et-oubli-01-11-2015-19-00
Depuis le 18 décembre 2014
et jusqu’au 22 février 2015, on peut voir au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles
(plus connu sous le nom de BOZAR), une exposition de manuscrits de Tombouctou.
Une
présentation de cette exposition est accessible sur internet à l’adresse
http://www.bozar.com/activity.php?id=15570
NOUVELLES
DE DJENNÉ PATRIMOINE
Un architecte marocain, passionné d’architecture de terre,
et soucieux d’associer les habitants et à l’aménagement de leurs villes, a
publié sur son blog la notice éditée par DJENNE PATRIMOINE pour présenter le
projet de Maison du Patrimoine de Djenné. Voir http://tayyibi.over-blog.com/pages/POUR_UNE_MAISON_DU_PATRIMOINE_A_DJENNE-737492.html
Les activités d’alphabétisation fonctionnelle et de formation
professionnelle complémentaire des maçons de Djenné se sont poursuivies malgré
la crise.
Il en a été question à la veille du crépissage annuel de la
mosquée de Djenné, alors qu’une équipe de l’ordre des architectes du Mali était venue à Djenné,
comme en 2012, pour rencontrer les maçons de Djenne. Les architectes accompagnaient le Ministre de la culture, Hamane Niang, son conseiller technique, Boubacar Hama Diaby, les visiteurs ont été reçus à l’hôtel Maâfir en présence du préfet du cercle de Djenne et son
adjoint. Le président de l’Ordre des architectes du Mali, Nicolas Koné, le
président du barey-ton, Sékou Traoré, le chef de la
mission culturelle de Djenne, Yamoussa Fane, et de
nombreux invités étaient présents (DJENNE PATRIMOINE, Omatho,
Aga Khan…).
Au cours de la rencontre, Abdel Kader
Fofana a présenté les différentes étapes
de la restauration de la mosquée de Djenne. Pour sa part le
président du barey-ton, Sékou Traoré, a
sollicité davantage de formations et surtout du professionnalisme pour les
maçons de Djenné, qui sont les vrais détenteurs de ce riche patrimoine
culturel ; il a signalé que seule DJENNE PATRIMOINE s’occupe actuellement de la formation de
la future génération de maçons et de son
alphabétisation. En réponse, le ministre Hamane Niang a expliqué au barey-ton qu’il peut prendre contact avec la direction régionale
de l’emploi et de la formation professionnelle pour lui présenter les attestations délivrées par
DJENNE PATRIMOINE
Ce chantier a
été le principal souci de l’association pendant ces dernières années. Après des
années de démarche, c’est le 15 février 2012 qu’un décret pris en conseil des
ministres a affecté une parcelle de 600 m2 du domaine public au ministère de la
culture « pour l’édification de la Maison du patrimoine de Djenné » ; le
Ministère de la Culture contribue donc directement au projet en lui fournissant
un terrain parfaitement bien situé dans la ville et présentant toutes les
caractéristiques souhaitées pour l’édification de la Maison du Patrimoine, dont
la construction devait servir de chantier-école.
A partir de là,
il a été possible d’achever l’élaboration participative (maçons de Djenné,
bureau de DJENNE PATRIMOINE, architectes d’Acroterre)
du plan de la Maison du patrimoine, de constituer et déposer le dossier de
permis de construire, de procéder au « déguerpissement » des jardins qui
occupaient le terrain. Le chantier a alors pu être ouvert, mais un nouvel
incident s’est produit !
En effet alors que la construction avait
bien avancé pendant la saison sèche 2013, on apprenait au cours de l’année que
troisième tranche de financement ne serait pas versée par l’AFD à cause des
retards pris par le chantier. C’était une catastrophe sans précédent, parce que
le bâtiment n’était pas couvert. Nous avons passé des nuits blanches.
La solution est venue de l’Ambassade de
France à Bamako. Celle-ci est bien placée pour apprécier l’intérêt d’une réalisation
comme la nôtre, tant dans son aspect patrimonial, que dans son aspect de
formation. Elle a donc accepté que nous présentions une demande de financement
au titre du Fonds Social de Développement (FSD), et la procédure d’examen du
dossier a été relativement rapide. Aussi, en 2014, nous avons pu couvrir le
bâtiment, et faire les finitions (enduits, portes et fenêtres, électricité,
fosse septique…). Et à la fin de la saison sèche 2014-2015, les finitions du
bâtiment sont achevées (voir la page de titre de ce bulletin, et plus loin le
dossier photographique).
En parallèle,
depuis 2011, les activités suivantes ont
été développées autant que le contexte le permettait :
-
Alphabétisation fonctionnelle, essentielles pour mobiliser les compétences des
maçons et leur donner les moyens de s’adapter au nouveau contexte dans lequel
s’exerce leur métier ; elles sont un succès prometteur ; les effectifs
concernés sont les suivants :
Il
faut souligner que cette activité exige un effort considérable de ceux qui la
suivent : non seulement elle est concentrée sur les mois de saison sèche,
période où les maçons ne sont pas occupés dans les champs, mais sur les
chantiers (et donc les cours ont lieu après le travail) ; mais encore le
simple fait d’avoir à apprendre à lire, écrire, compter, et l’humiliation qu’il
y a à se tromper, à devoir recommencer rend extrêmement méritoires
l’apprentissage des adultes et leur persévérance. Il est très encourageant de
voir qu’un groupe non négligeable surmonte ces difficultés et progresse. On
rappelle que l’alphabétisation se fait en bambara, et que le passage au
français ne débute qu’en quatrième année.
-Compléments
de formation professionnelle : un domaine a été couvert, l’utilisation du tadelakt (enduit
à base de chaux largement utilisé en Afrique du Nord et qui l’était aussi à
Tombouctou dans certaines maisons) pour les enduits intérieurs des salles
d’eau ; un autre devrait l’être à la prochaine saison des pluies,
l’expérimentation d’un enduit aux géopolymères qui a
été mis au point spécialement en France à partir d’échantillons de terre de
Djenné.
-
Sensibilisation par des émissions radiodiffusées : en août et septembre
2014, deux émissions ont été montées grâce au concours de Radio Jamana, portant sur
les dangers que représente l’habillage des façades en briques cuites hourdées
au ciment ; cette émission est animée par Mamadou Samaké,
administrateur des arts et de la culture, responsable chargé des travaux du
Musée de Djenné, et agent de la mission culturelle, Boubacar Cissé,
professeur d’histoire et de géographie au Lycée Public de Djenné, Secrétaire
Général de DJENNE PATRIMOINE, de Séssé Djenépo, maitre
maçon ; elle est dirigée par Boubacar Dembélé, animateur de la radio Jamana ; elle est faite en bamanakan, une des langues
nationales (la langue des Bambara, largement utilisée comme langue
véhiculaire). L’émission est reprise chaque mois sur les ondes.
-
Travail en groupes sur la profession de maçon : l’un sur la qualité
des enduits extérieurs, l’autre sur l’organisation du chantier de la Maison du
patrimoine, le troisième sur la modernisation de la profession ; l’activité de
ces groupes est difficile à mettre en œuvre, car elle créée des tensions au
sein de la corporation, mais ces tensions sont aussi le moyen le plus efficace
de recréer chez les maçons un comportement d’analyse des situations, de
discussion des solutions envisageables, d’évaluation des résultats, bref un
comportement d’adaptation aux nouvelles situations qu’affrontent la profession
et ses clients ;
-
Travail avec les artisans de Djenné : les activités d’alphabétisation
fonctionnelle leur ont été ouvertes, un diaporama présentant la diversité de
leurs activités et quelques chefs d’œuvre a été préparé et discuté avec eux,
avant d’être rendu disponible sur internet, un programme d’intervention sur
l’ensemble de la filière a été ébauché pour certains métiers.
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APPORT SUR LA SITUATION DE L’HABILLAGE DES FACADES DES MAISONS DE DJENNE
EN CARREAUX DE TERRE CUITE
Olivier
Scherrer
INTRODUCTION
Cette
étude a été réalisée par Acroterre en partenariat
avec DJENNE PATRIMOINE pendant le mois de février 2014. Elle fait suite à une
première enquête réalisée en 2008 dont les résultats, publiés en 2009,
s’avéraient particulièrement alarmants dans le contexte d’un site classé
« Patrimoine de l’humanité ». En effet on montrait alors, chiffres à
l’appui, que la « mode » d’habiller les façades en briques cuites
avait tendance à se généraliser, qu’elle n’épargnait aucun quartier, qu’elle
touchait les maisons modestes à un seul niveau comme les bâtiments à deux
niveaux et façades monumentales et que le phénomène croissait de façon
exponentielle : 28 façades entre 1973 et 1999 (en moyenne une par an), 112
façades entre 2000 et 2008 (en moyenne 12,4 par an) soit plus de douze fois
plus par rapport aux deux premières décennies.
Il convenait donc
d’actualiser les résultats de cette première étude afin de vérifier si cette
tendance se confirmait et, le cas échéant, de disposer d’une base de données et
de références suffisantes pour permettre l’élaboration d’une stratégie destinée
à contrer ce phénomène.
RAPPEL DES PRINCIPAUX INCONVENIENTS LIES A L’UTILISATION DES CARREAUX
DE TERRE CUITE
Outre le préjudice
esthétique et la dégradation de la qualité du patrimoine architectural
conduisant à la perte de l’identité de la ville de Djenné, l’habillage des
façades en briques cuites présente des inconvénients majeurs sur le plan
technique (faible durabilité, problèmes d’infiltration, fragilisation de la
structure du bâti à long terme), comme sur le plan économique (beaucoup plus
coûteux que le meilleur enduit traditionnel, moins intensif en main d’œuvre,
privant ainsi les maçons d’une source de revenus réguliers).
Il s’agit d’une enquête de terrain
effectuée par un enquêteur connaissant bien la ville. Chaque rue a été visitée
et les maisons présentant des briques cuites apparentes ont fait l’objet d’une observation
particulière. A la différence de l’enquête précédente, aucun croquis n’a été
effectué (trop fastidieux) mais les coordonnées GPS ont été relevées et deux
photos ont été prises systématiquement. Les données recueillies sont les
suivantes :
-
nom du
propriétaire
-
date de
l’habillage en briques cuites
-
adresse
-
nom du maçon qui
a réalisé les travaux
-
type de bâtiment
-
parties
recouvertes en briques cuites
-
caractéristiques
(dimensions)
-
entretiens
réalisés
-
date de
construction
-
état du bâtiment
Seuls
les quartiers anciens de la ville ont été concernés par l’enquête. Le nouveau
quartier de Tolober ne faisant pas l’objet d’une réglementation spécifique
destinée à protéger ou à affirmer l’identité et l’homogénéité architecturale et
urbanistique du site, on y voit fleurir de nombreuses constructions en
« dur » et des revêtements en briques cuites.
A
noter que les façades recensées n’ont pas toutes été entièrement habillées en
briques cuites : certains propriétaires ne font habiller qu’une partie du
mur extérieur (le soubassement par exemple), ou des façades (le plus souvent la
façade Est, qui reçoit la pluie).
SYNTHESE DES RESULTATS PAR EPOQUE ET PAR QUARTIER
2008 Données 150/154 2014 Données
259/262
Kanafa : 43 Kanafa : 51
Sankoré : 21 Sankoré : 28
Koyetende : 19 Koyetende : 50
Yoboukaïna : 18 Yoboukaïna : 28
Djoboro : 15 Djoboro : 34
Konofia : 14 Konofia : 26
Algassouba : 11 Algassouba : 13
Farmantala : 9 Farmantala : 15
Seymani : 0 Seymani : 9
Bambana : 0 Bambana : 3
Samsey : 0 Samsey : 2
Globalement,
on avait recensé 150 maisons employant les briques cuites pour recouvrir tout
ou partie de leurs façades, et on en compte 259 en 2014, soit un accroissement
de 72 %. Désormais tous les quartiers sont concernés, puisque la mode a gagné
les quartiers de Seymani, Bambana et Samsey ; mais l’accroissement au cours de la période
récente a été particulièrement marqué dans les quartiers de Kouyetende
(163 %), Konofia (85 %) et Djoboro
(126 %).
D’après
les données recueillies en 2014, le nombre de façades recouvertes de briques
cuites a été a été particulièrement
grand –et très nettement croissant d’une année sur l’autre- entre 1998 et 2008 (graphique
ci-dessous). Il serait utile de comprendre cette évolution, probablement liée à
la conjoncture économique de la ville de Djenné. On sait en effet que cette
technique, présentée comme durable, est d’abord beaucoup plus coûteuse que la
technique traditionnelle. On devrait chercher à vérifier quel a pu être le
rôle, dans les années considérées, d’une activité touristique alors
florissante, et de la généreuse distribution de revenus liée au chantier de
restauration de la mosquée.
REPARTITION DES FACADES EN BRIQUES
CUITES PAR QUARTIER EN 2014
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Les données recueillies
permettent de calculer la répartition des façades habillées en terre cuite par
quartier.
Kanafa 19,7 %
Kouyetende 19,3 % Farmantala 5,8 %
Djoboro 13,13 % Algassouba 5 %
Sankoré 10,81 % Seymani 3,5 %
Yoboukaïna 10,81 % Bambana 1,15 %
Konofia 10 %
Samsey 0,8
%
REPARTITION DES FACADES EN BRIQUES
CUITES SUR LE PLAN DE LA VILLE (LOCALISATION GPS)
La
localisation des maisons considérées, malgré la relative imprécision des
coordonnées GPS sur ce site, donne l’impression d’une grande concentration dans
la partie Est de la ville.
Malheureusement,
même si l’on dispose d’informations concernant le nombre de maisons, estimé à
2056 unités (d’après la mairie de Djenné, source non confirmée), le service de
l’urbanisme ne peut pas donner le nombre de maisons par quartier. Il n’est donc
pas possible de vérifier cette impression en calculant la proportion des
maisons utilisant les briques cuites pour chaque quartier. Cette donnée
fournirait éventuellement, elle aussi, une idée des facteurs qui peuvent
expliquer la tendance à recourir à cette technique.
COMMENTAIRES
On constate que
la « mode » des habillages en briques cuites n’épargne aucun
quartier.
L’augmentation
du nombre de façades habillées en terre cuite est significatif et en
progression constante :
28
entre 1973 et 1999 moyenne de
1/an
112
entre 2000 et 2008 moyenne
de 12,4/an
108
entre 2009 et 2014 moyenne
de 21,6 /an
Par
rapport au pic de 2008, le nombre de maisons couvertes en briques cuites est
nettement plus faible dans les années suivantes ; il reste cependant, en
moyenne, bien supérieur à ce qu’il était au cours des deux périodes
précédentes. Plusieurs facteurs concomitants peuvent contribuer à expliquer ce
phénomène :
-
La situation
de crise que traverse le Mali, laquelle a entrainé une diminution des
ressources économiques liées au tourisme
-
La prise de
conscience de l’impact négatif de l’habillage en briques cuites sur la
conservation du bâti suite aux actions de sensibilisation menées auprès des
maçons de Djenné
Quoi
qu’il en soit, en l’absence de données plus précises et de résultats
d’interviews, il serait exagérément optimiste de penser que les actions de
sensibilisation à l’adresse des maçons aient pu avoir un impact significatif
sur le nombre de réalisations, d’autant plus que les maçons peuvent
difficilement refuser de satisfaire aux demandes de leurs clients et à fortiori
dans un contexte de grande précarité économique.
REPARTITION DES
HABILLAGES EN BRIQUES CUITES ENTRE LES MACONS
L’enquête
de 2014 a aussi permis de relever systématiquement le nom du maçon à qui avait
été confié l’habillage en briques cuites. Un résultat inattendu de ce travail
est que certains maçons se sont spécialisés dans cette activité, même si
beaucoup ne s’y adonnent qu’occasionnellement.
En
effet, si 68 maçons au total ont mis en œuvre des habillages de façade en
briques cuites, 5 d’entre eux apparaissent comme des spécialistes (plus de 10
réalisations, et jusqu’à 34), et ils ont réalisé à eux seuls plus du tiers des
259 habillages.
Pour
une quinzaine de maçons, cette activité apparait comme une pratique courante
(entre 4 et 10 réalisations), alors qu’elle n’est qu’occasionnelle pour les 45
autres. Si l’on considère que le nombre total de maçons exerçants
professionnellement à Djenné est de 345 (d’après le barey ton, source non identifiée), moins de 20 % des maçons mettraient
en œuvre cette technique. Cette hypothèse semble plausible, compte tenu du fait
que de nombreux maçons se consacrent
exclusivement au travail du banco.
Nombre de façades construites par les
maçons
les
plus engagés dans cette activité
CONCLUSION
Il
y a fort à parier qu’une amélioration de la situation économique se traduirait
par une augmentation significative des habillages de façades en briques cuites,
alors que la généralisation de cette technique menace non seulement l’intégrité
esthétique du site mais aussi la durabilité du bâti. Il est donc urgent
d’intervenir !
La
Mission Culturelle ne possède aujourd’hui, ni la légitimité (l’administration
malienne est la première à construire des bâtiments « en dur » dans
la ville), ni les moyens pour mener des actions de contrôle du respect des
règles d’urbanisme (les atteintes à l’intégrité esthétique des bâtiments sont
pourtant à priori interdites). Une politique coercitive de verbalisation n’est
pas souhaitable dans le contexte actuel de grande précarité, elle risquerait
d’avoir des effets contre-productifs en cristallisant le mécontentement des populations
sur la Mission Culturelle.
Une
stratégie comprenant plusieurs activités complé-mentaires
s’impose donc :
-
La conduite
d’actions de sensibilisation auprès des propriétaires des maisons au niveau des
quartiers
-
La
continuation et le renforcement des activités de formation et de
sensibilisation destinées aux maçons
-
Le
renforcement de la capacité de la Mission Culturelle (personnel, moyens)
-
La mise en
place d’une coordination efficace entre les différents services,
administrations et partenaires associatifs (Mission Culturelle, service de
l’urbanisme, mairie, préfecture, ONG)
-
La mise en
place d’un concours destiné à récompenser les propriétaires des maisons les
mieux entretenues et respectueuses des critères de conservation
Souhaitons que l’UNESCO et les pouvoirs
publics maliens prennent conscience de la gravité de la situation et se
décident enfin à soutenir la mise en place de ces initiatives.
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