DJENNE PATRIMOINE

BP 07 DJENNE Mali

 

DJENNE PATRIMOINE Informations

numéro 9, juillet 2000

 

NOUVELLES DE DJENNE

Conseil communal

La conseil communal a tenu deux sessions sous la présidence du Monsieur Bamoye Traore, maire de Djenné. La première, du 23 au 29 février, a permis d’élaborer le budget primitif pour le démarrage de la commune (avec un appui de 3 millions FCFA de la part de l’Etat). La seconde a eu lieu du 24 au 28 juin, pour élaborer un plan de développement local, un budget additif de la commune et créer des commissions de travail.

Dès sa mise en place, le bureau communal s’est lancé à l’assaut de l’insalubrité, et a entrepris de mobiliser tous ses amis sur cet objectif. Les premières aides sont venues du Programme alimentaire mondial (PAM) sollicité par le Centre de santé de référence (section Hygiène), et de la Mission Culturelle. Le 10 février 2000, PAM a officiellement remis à la ville de Djenné 22 charrettes et 70 brouettes et pelles, de quoi doter les 10 comités (ou GIE) en matériel de travail : un comité par quartier, plus un pour le centre ville (place de la mosquée, marché et la Mairie). La Mission Culturelle a disposé d’un financement (5 millions FCFA) du Ministère de la Culture, financement qui permettra d’allouer 30.000 FCFA par mois à chaque comité pendant environ un an.

Cet effort a été renforcé par l’aide apportée par Monsieur Jean-Louis Bourgeois, qui a offert à la ville un camion-benne, 22 charrettes, 44 brouettes, 110 équipements individuels (gants, bottes, fourches, pelles, râteaux, masques), des poubelles, des balais et 22 ânes. Ce don représente une valeur d’environ 15 millions FCFA.

Foourou Alpha Cissé, Premier Adjoint au Maire de Djenné

Interview de Monsieur Asmane Traoré, brodeur, membre du GIE du quartier de Sankoré :

Le GIE a pour rôle le ramassage des ordures, le débouchage des caniveaux, le balayage des rues trois fois par semaine. Nous avons constitué notre GIE avec dix personnes (7 hommes et 3 femmes) choisies par le Conseil de quartier, mais volontaires. Le GIE n’a pas de ressources propres. Mais l’équipement de base a été financé par le PAM et un donateur américain, Monsieur Jean-Louis Bourgeois. Notre équipement est actuellement composé de 5 charrettes et ânes, de brouettes, pelles et râteaux. Nous avons désigné entre nous 5 personnes pour s’occuper de l’entretien des charrettes et des ânes ; en contrepartie de ces tâches, elles peuvent louer les charrettes pour gagner l’argent nécessaire à cet entretien. Les membres du GIE se rencontrent trois fois par semaine à l’occasion des journées de travail (les mardi, jeudi, et dimanche). Nous attendons 25.000 FCFA par trimestre de la Mission Culturelle sur le fonds qu’elle a reçu du Ministère de la culture. Nous suivons cette activité, mais le problème qui nous préoccupe, c’est surtout celui de l’évacuation des eaux usées ".

Interview recueillie par Ibrahim Kone

A ces informations, on ajoutera :

- que l’expérience est un succès : depuis six mois environ, les déchets solides et notamment les plastiques d’emballage ont disparu, la ville de Djenné est redevenue propre et elle apparaît à nouveau au visiteur dans sa splendeur ;

- que le problème de la décharge des ordures reste à régler : elles sont déversées là où les charretiers le font, alors qu’il faudrait choisir des lieux de décharge, les aménager (fosses à creuser, remplir et recouvrir ?), et en imposer l’usage ;

- qu’elle ne durera au-delà du financement actuellement acquis que si les comités reçoivent une formation en matière d’organisation et de gestion, et si l’on parvient à remplacer les subventions par d’autres ressources.

Conseil de cercle

Le conseil de cercle a tenu sa première session ordinaire du 23 au 30 mai sous la présidence de Monsieur Alpha Nouhoum Diallo : cette session a été consacrée à l’élaboration et à la mise en délibération du règlement intérieur et à la création de 5 commissions de travail.

" Du 25 au 29 juin, le Délégué du gouvernement et le Vice-président du Conseil de cercle ont procédé à l’inauguration de 5 caisses villageoises de dépôt et de crédit (dans les villages de Marebougou, Tombona, Kandara, Bougoula et Gagna), créées grâce à un financement de la GTZ (agence de la coopération allemande) au projet PASACOP dont une antenne est basée à Djenné. Il s’agit d’un projet de lutte contre la pauvreté et d’initiation à la gestion de petits financements.

" Egalement dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, le programme d’appui aux initiatives de base (PAIB) a procédé à la réception de réalisations de l’ONG Organisation malienne d’aide aux enfants du Sahel (OMAES) : dans le village de Weraka, mise en place d’une décortiqueuse et d’un centre d’alphabétisation ; au village de Sirimou, mise en place d’une décortiqueuse et creusement d’un puits à grand diamètre ; au village de Torokoro, création d’un périmètre maraîcher avec deux puits à grand diamètre, et réalisation d’un ouvrage de maîtrise de l’eau pour une rizière d’environ 100 ha ; enfin, au village de Kombaka, mise en place d’un moulin et d’un centre d’alphabétisation. "

Papa Moussa Cissé, Vice-Président du Conseil de cercle

Visiteurs de marque

Monsieur Jean-François Josselin, Ministre français de la Coopération, a séjourné à Djenné, à titre privé, le 12 février 2000.

Madame Martine Aubry, Ministre français de la solidarité et des affaires sociales a séjourné à Djenné.

Monsieur Jean-Louis Bourgeois [dont on connaît le chapitre passionnant sur la mosquée de Djenné dans son livre " Spectacular Vernacular : The Adobe Tradition ", Aperture, 1989, ISBN 0-89381-391-5] a été fait citoyen d’honneur de la ville de Djenné par décision du Chef de village. Monsieur Bourgeois, alias Baber Maïga a séjourné à plusieurs reprises à Djenné depuis le début de l’année 2000. Il a acheté une maison dans le quartier Algasba.

Assainissement de Djenné

" Le bureau communal multiplie les contacts avec les partenaires extérieurs et les autorités du pays sur le dossier très complexe de l’évacuation des eaux usées. Ces contacts ont abouti jusqu’à présent aux activités suivantes :

- l’UNESCO, qui avait envoyé une mission à Djenné en octobre dernier, envisage d’organiser un test d’aménagement d’une rue de Djenné, celle qui va du Palais des Marocains et de Nana Wangara à la Place du Marché, en passant par la concession de l’imam et la résidence de Care-Mali, par la construction d’un collecteur ;

- La Coopération Néerlandaise, saisie par Monsieur le Maire (lettre du 22 octobre 1999) a envoyé une mission à Djenné en février 2000, et prévoit d’organiser un projet test sur un groupe de 50 maisons en employant la technique de filtration des eaux;

- les techniciens du Ministère de l’équipement, de l’aménagement du territoire, de l’environnement et de l’urbanisme ont, quant à eux, envisagé une étude de faisabilité pour un plan général d’évacuation des eaux usées de Djenné, par la construction de mini-égouts.

- enfin, Monsieur Bourgeois a promis d’expérimenter la technique d’évacuation par des puisards, avec transport des eaux usées dans des citernes. "

Foourou Alpha Cissé, Premier Adjoint au Maire de Djenné

et Sidi Sonfo, Secrétaire Général de la Mairie

Aménagements des plaines du Pondo

Dans le cadre d’un programme de développement humain, l’ONG américaine CARE a lancé un programme de renforcement des capacités des organisations locales dans le cadre de la gouvernance démocratique. Au cours de différentes formations sur ces sujets, les populations ont émis le vœu que soient aménagées les plaines du Pondo : c’est ainsi qu’est né le projet de développement agricole de Djenné (DAD), financé par l’USAID.

L’objectif de ce projet est d’augmenter la production rizicole sur une superficie de 30.000 ha de terres irriguées, grâce aux ouvrages à construire dans le cadre du projet et grâce au renforcement des capacités des organisations inter-villageoises pour la gestion de ces terres. Ce projet concerne 6000 familles.

Barrage de Talo

Des informations sur ce barrage, et sur les risques qu’il présente pour l’irrigation des plaines environnant Djenné, ont déjà été publiées dans ce bulletin [Voir ‘DJENNE PATRIMOINE Informations’, n° 5, juillet 1998 p. 2 ; et ‘DJENNE PATRIMOINE Informations’, n° 6, janvier 1999, p. 3].

Cette année, les ressortissants de Djenné à Bamako ont sollicité Jean-Louis Bourgeois pour sensibiliser l’opinion internationale. A cet effet, ils l’ont mis en rapport avec la Mairie de Djenné, qui, le 25 février 2000, a rassemblé la population dans la salle de conférences pour manifester son mécontentement au sujet de ce projet. Cette réunion s’est déroulée en présence de deux cameramen convoqués par Monsieur Jean-Louis Bourgeois, un français et un américain. 250 personnes y auraient participé.

Construction d’un centre de formation

" Le CFP de Djenné (entendez par là : Centre de formation professionnelle) va bientôt ouvrir ses portes. Cette réalisation est, comme la construction d’écoles, le creusement de puits, la clôture des jardins, un fruit du jumelage Vitré-Djenné. Vitré, ville de l’Ouest de la France, est jumelée à Djenné depuis plus de dix ans.

" La construction de ce centre de formation professionnelle a été financée par l’association Vitré-Djenné et ses partenaires pour un coût de 63 millions FCFA. Les travaux ont été réalisés par le GIE Cesiri de Koutiala, groupement d’artisans maliens, sous le contrôle du futur directeur du Centre, Monsieur Toumani Sakho. L’état actuel d’avancement des travaux laisse espérer que le CFP de Djenné ouvrira ses portes, comme prévu, en octobre 2000.

" Ce centre formera les jeunes djennenké, et tous les autres jeunes qui le désireront, aux métiers du machinisme agricole, de la plomberie, de la menuiserie métallique, du bois ; il comportera aussi une section d’enseignement ménager pour les filles. Dans le souci de permettre un centre pour toute les couches de la population, l’association Vitré-Djenné et le comité de gestion du CFP de Djenné ont mis en place un système de parrainage pour les jeunes issus de familles à faible revenu. N’est-ce pas aussi une manière de protéger le patrimoine de Djenné que d’aider la jeunesse à apprendre un métier, de lui permettre ainsi de se fixer à Djenné, et donc de lutter contre l’exode ? Seriez-vous prêts à parrainer un jeune pendant sa formation au Centre de formation professionnelle de Djenné ? [il vous en coûterait environ 60.000 FCFA, renseignements complémentaires auprès du Président du Comité de Gestion du CFP de Djenné, Monsieur Garba Samounou, BP 14, Djenné]. "

Amadou Tahirou Bah

 

NOUVELLES DU PATRIMOINE DE DJENNE

Réunion du comité de pilotage du projet de restauration et de conservation de l’architecture de Djenné (23 février 2000)

Des retards considérables ont été constatés en 1999 dans l’avancement de ce projet : 22 maisons ont été restaurées, environ le tiers de ce qui était prévu. Ces retards tiennent en partie au manque de ressources humaines (en particulier dans les cabinets d’architectes ayant une expérience en matière de techniques traditionnelles et de restauration) et aux difficultés que la Mission Culturelle a rencontrées dans ses relations avec la population de Djenné.

La Mission n’a pas mobilisé les ressources humaines nécessaires à ses activités de protection du patrimoine architectural, ce qui a pour conséquence que la documentation à recueillir et à conserver sur chaque maison à restaurer n’est pas complète. Ceci est extrêmement regrettable, et le " Rapport synthétique de l’année 1999 " rédigé par la Mission Culturelle elle-même le reconnaît, sans proposer de solution.

La faible implication de la population dans ce projet commence à inquiéter l’Ambassade des Pays-Bas, comme le signale aussi le " Rapport synthétique de l’année 1999 ". Pour essayer de surmonter les difficultés qui en découlent, le comité de pilotage du projet a été ouvert à un représentant de DJENNE PATRIMOINE, un représentant de Denthal, un représentant de la Coordination des associations féminines, un représentant de la coopérative des maçons. Mais ce comité de pilotage reste essentiellement composé des techniciens du projet (cinq experts hollandais, l’architecte du projet et son assistant, le maçon choisi comme coordinateur par la Mission Culturelle…), encadrés par les autorités administratives (le délégué du gouvernement, le maire, le chef de village, l’imam, le chef de la Mission Culturelle). Il est douteux que les représentants des associations ou de la coopérative des maçons puissent jouer un autre rôle que celui de relais des décisions de l’administration : il n’est pas sûr qu’ils s’en contentent.

Compte tenu des enseignements des premières années d’activité de la Mission Culturelle, DJENNE PATRIMOINE propose que cette mission, au lieu de rester un organisme temporaire dépendant directement du Ministère de la culture, soit placée, avec tous ses moyens humains et financiers qu’y consacre ce Ministère, sous le contrôle de la Mairie de Djenné. Cette organisation est d’ailleurs celle qui prévaut dans la plupart des villes classées " Patrimoine Mondial ".

Séjour du Professeur Geert Mommersteeg

Le Professeur Geert Mommersteeg, de l’Université d’Utrecht, dont les travaux sur Djenné, depuis plus de dix ans, sont bien connus [voir notamment DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 7, juillet 1999], séjourne à nouveau à Djenné en juin et juillet 2000. Il enquête sur les problèmes que rencontrent les vieux de Djenné, dans un monde où les solidarités traditionnelles se défont. Il se demande si le rôle et le statut traditionnels du vieillard, hautement valorisés, vont être conservés malgré les changements qui affectent la société (depuis la cellule familiale jusqu’à l’organisation politique locale et nationale), ou s’ils ne sont plus qu’un souvenir du passé. Il procède donc à des interviews approfondis auprès d’un certain nombre de vieilles personnes, à l’analyse des réseaux sociaux, à la description de cas (il s’agit généralement de conflits) dans lesquels les normes et valeurs en vigueur s’expriment clairement.

 

NOUVELLES DE DJENNE PATRIMOINE

Contribution au financement d’une étude préalable à la réfection de la digue du cimetière

Tous les Djennenké de tous les âges se souviennent d’avoir contribué à la réfection de la digue du cimetière, qui est périodiquement endommagée par les eaux et doit à chaque fois être réparée. Une étude a été demandée par le Maire de Djenné à une entreprise de Sévaré. DJENNE PATRIMOINE a décidé de contribuer à hauteur de 35.000 FCFA au financement de cette étude, qui devrait coûter environ 200.000 FCFA.

Conférence à Stockholm (Suède) sur l’architecture de Djenné

L’Académie Royale des Arts, section architecture, a invité Bénédicte Wahlin, Architecte DPLG-SAR, à présenter Djenné aux élèves de la classe de restauration. La conférence a eu lieu le mardi 11 avril 2000 de 16 h à 21h à l’Académie. Les étudiants de cette classe ont déjà un diplôme d’architecture et se spécialisent dans les techniques de restauration, et leurs travaux deviennent souvent de vrais projets. La classe de l’année 1999-2000 compte 16 étudiants, où 4 nationalités sont représentées (suédoise, française, pakistanaise, danoise).

Bénédicte Wahlin a montré environ 70 diapositives et un court film vidéo sur le crépissage de la mosquée.

Après une brève présentation générale et historique (le site archéologique, les abords, la vieille ville, le plan, les places triangulaires, les ruelles, les toits, les façades, les volumes ; histoire de la ville et de ses habitants), Bénédicte Wahlin a présenté la structure sociale et les techniques du bâti, d’après sa discussion avec M. Kouroumanse, maçon de Djenne:

- le respect de la tradition : les relations entre le maçon et chaque famille, entre maître et apprenti, les esprits des murs ;

- les matériaux et techniques de construction : les deux types de brique (cylindrique, formée à la main, traditionnelle ; et moulée, parallélépipèdique, introduite par les Blancs) ; provenance de l’argile, fabrication des briques, proportions ; les bois de construction, les enduits, les outils ;

- les différentes influences et les détails dans l’architecture, influence toucouleur (porches), influence marocaine (moucharabie, façades…), héritage djenenke (yeux de chats, symboles des femmes, enfants et hommes en façade, …)

- les apports contemporains, par exemple la tôle ondulée et les gouttières en plastique ou en béton, portes en plastique ondulé, détails moulés en béton, briques cuites cimentées en façade.

La discussion qui a suivi l’exposé a porté en particulier sur les points suivants :

- la ville de Djenné devrait disposer de la documentation recueillie par les équipes Hollandaises, elle devrait se constituer un bureau des archives et des plans pour commencer une planification de la ville

- tout projet public ou privé d’intervention dans la ville de Djenné devrait être autorisé (permis de construire ou de détruire obligatoire) ; en outre, placé sous la responsabilité d’un architecte ou d’un artisan, il devrait être présenté de façon précise par des documents, indiquant les volumes, les surfaces, les détails, etc. ; ces dessins devraient être fournis en double exemplaire, l’un à conserver au bureau des plans de la Mairie, l’autre à exposer dans la cour de la Mairie, ouverte au public, pour discussion avec la population ;

- la Mairie pourrait sensibiliser la population à la protection du patrimoine architectural en organisant pour les habitants de Djenné eux-mêmes une série de visites guidées de la ville suivies de réunions au cours desquelles les habitants seraient invités à s’exprimer au sujet des contraintes du classement de Djenné, de tout projet d’aménagement, de tout projet de construction.

Ces discussions étaient évidemment inspirées par l’expérience qu’a acquise la Suède dans la protection de son propre patrimoine architectural, notamment à Visby, ville médiévale qui, comme Djenné, est classée sur la liste du Patrimoine mondial.

Bénédicte Wahlin

Don de Monsieur Jean-Louis Bourgeois

Monsieur Jean-Louis Bourgeois a offert à DJENNE PATRIMOINE un équipement informatique complet (ordinateur, imprimante, scanner, onduleur, fax), et souhaitait obtenir que cet équipement soit branché sur Internet. Le manque de lignes téléphoniques n’a pas encore permis de réaliser ce branchement. Conformément au vœu de Monsieur Bourgeois et aux missions de DJENNE PATRIMOINE, cet équipement sera mis à la disposition de la population, aussi largement que son bon entretien le permettra. D’ores et déjà, le matériel est installé dans les bureaux du Conseil de Cercle, et peut-être utilisé pour toute activité d’intérêt public.

DJENNE PATRIMOINE remercie chaleureusement ce généreux mécène.

 

Diffusion de l’ouvrage " Djenné, d’hier à demain "

Cet ouvrage est désormais diffusé dans les pays du Nord par :

Servedit, 15 rue Victor Cousin, 75005-Paris

tél : 01 44414930 ; fax : 01 43257741, e-mail :servedit@wanadoo.fr

Servedit sert les libraires, mais gère aussi les commandes individuelles: joindre un chèque de 148 FF (prix de l'ouvrage 128 FF + 20 FF de frais d'envoi) pour un envoi en France ; s'informer au préalable auprès de Servedit des frais de poste pour un envoi à l'étranger.

 

Pour ceux à qui cette information aurait échappé, voici la table des matières de cet ouvrage :

D'ocres et d'horizons : Djenné ! par Joseph Brunet-Jailly p. 7

Chapitre 1 : L'origine de Djenné d'après les traces archéologiques,

par Roderick James McIntosh p. 13

Chapitre 2 : Djenné, des origines à la pénétration coloniale, un aperçu historique, par Adame Konaré Ba p. 27

p. 41

Chapitre 3 : L'Islam à Djenné, par Drissa Diakité p. 45

Chapitre 4 : Enfances à Djenné, par K. Samoura, I. Ouane, H. Cissé p. 61 p. 76

Chapitre 5 : Femmes de Djenné, par Oumou Sanankoua p. 81

Chapitre 6 : Métiers d'art de Djenné, la broderie, par Amadou Tahirou Bah et Joseph Brunet-Jailly p. 97

Chapitre 7 : Métiers d'art de Djenné, la cordonnerie, par Papa Moussa Cissé et Joseph Brunet-Jailly p. 121

Chapitre 8 : Promenades dans Djenné, par Pierre Ducoloner p. 139

Demain : Djenné ! par Joseph Brunet-Jailly p. 171

Code de conduite pour les visiteurs de Djenné p. 190

Site internet de DJENNE PATRIMOINE

Nous avons commencé, avec nos moyens extrêmement limités, à constituer un site, que nous sommes en train de mettre à jour. On y donne des nouvelles de Djenné, des nouvelles du patrimoine de Djenné, et des nouvelles de notre association.

DJENNE PATRIMOINE remercie Boubou CISSE, étudiant originaire de Djenné, qui, après des études d’économie à Aix-en-Provence et Clermont-Ferrand, est actuellement consultant pour l’UNICEF à Abidjan tout en préparant une thèse de doctorat es sciences économiques à Marseille : c’est lui qui a pris l’initiative de créer ce site, qui l’a conçu et qui le met à jour ! Bravo et merci ! Mais tous ceux qui voudraient contribuer à l’enrichissement et à l’amélioration de la présentation de ce site peuvent prendre contact avec lui à l’adresse suivante :

cboubou@excite.com

 

DOCUMENT 1

L’Afrique de l’Ouest dans l’Antiquité

Dr W.F.G. Lacroix

En 1998 est parue en Allemagne, sous le titre " L’Afrique dans l’Antiquité ", la version anglaise d’un travail que j’avais achevé en 1993(1). Dans ce livre, j’analyse en détail la carte de l’Afrique que nous devons à Ptolémée. Les lecteurs de ce bulletin seront particulièrement intéressés par l’un des nombreux résultats que j’ai obtenus dans ce travail  : les villes que nous connaissons aujourd’hui sous les noms de Djenné, de Tombouctou, de Ségou, de Macina et de Bobo-Dioulasso existaient déjà dans l’Antiquité, à un emplacement proche de celui qu’elles ont actuellement, si ce n’est le même, et d’ailleurs elles étaient connues des géographes dès le second siècle de notre ère. Voyons comment ces conclusions peuvent être établies !

De nombreux chercheurs ont déjà exercé leur sagacité sur la carte d’Afrique de Ptolémée, mais leurs conclusions varient beaucoup, en particulier en ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest : certains sont convaincus que l’Afrique de l’Ouest est effectivement représentée sur cette carte, alors que d’autres vont jusqu’à estimer que l’Afrique de l’Ouest n’y figure pas, au moins de façon reconnaissable. Cette dernière opinion prédomine dans les travaux récents qui y font allusion (Mauny 1961(2), Salama 1981(3)) : c’est précisément cette idée qui ne me semble pas fondée et que j’ai voulu contester.

La carte de Ptolémée n’a évidemment pas encore livré tous ses secrets. Pratiquement tous les noms de la partie sud de la carte sont encore un mystère. On se demande comment il est possible que des chercheurs si intelligents n’aient pas réussi à déchiffrer cette carte d’une manière convaincante. L’idée qui s’impose est que la raison principale de cette situation doit être qu’ils n’ont pas choisi la bonne perspective  : ils n’ont pas cherché à approcher ce document " de l’intérieur ", pour ainsi dire, c’est-à-dire en partant de l’idée que l’information que donne cette carte provient en grande partie des autochtones (en particulier de marchands autochtones qui avaient une grande expérience des voyages), et que cette information a été principalement obtenue en communiquant avec ces informateurs autochtones, et pas à la suite d’explorations au sens moderne du mot. La question que les chercheurs posent sans cesse est : que connaît-on des voyages des Carthaginois, des Phéniciens, des Égyptiens, des Grecs, des Romains vers le Sud ? L’idée que ces voyageurs communiquaient avec les autochtones est en pratique ignorée. Et, à mon avis, c’est précisément le fait que pratiquement tous les noms de la carte restent un mystère qui devrait nous conduire à l’hypothèse que cette carte est, à un degré considérable, une production africaine plutôt qu’une production méditerranéenne.

On peut facilement se former une idée approximative du caractère concret de ces informations échangées entre voyageurs, par exemple : " Si on marche à partir d’ici pendant deux journées en direction de l’Ouest, on trouve un très grand fleuve qu’on nomme X ; c’est le plus grand fleuve de tous ces pays ; nous le nommons le Grand Fleuve; il court en direction du Sud –est ; il faut le suivre en amont, c’est-à-dire approximativement en direction du Nord-ouest, pendant trois jours pour arriver à la capitale du peuple Y ; c’est une très grande ville, et un centre de commerce où on trouve des marchands de beaucoup de pays ; j’ai eu une fois une conversation avec un de ces marchands, qui m’a dit que son peuple vit à deux semaines de voyage au sud de la capitale du peuple Y, et que son peuple se nomme Z ; pour arriver chez lui il devrait traverser les pays du peuple A et du peuple B … " etc etc. Probablement, cette sorte d’information a été souvent illustrée par des dessins sur le sol. Pour qu’elle soit utilisable par les géographes, il fallait, évidemment, avoir aussi une idée de la distance qu’on pourrait parcourir dans une seule journée sur tel ou tel terrain. Mais une telle connaissance était disponible de toute évidence, puisqu’on était entre compagnons de métier.

La méthode : interpréter les toponymes à l’aide des langues locales

J’ai voulu réparer l’omission mentionnée ci-dessus de l’historiographie africaine en tentant d’interpréter beaucoup des noms qui apparaissent sur la carte à l’aide des langues autochtones, et spécialement en utilisant les langues commerciales importantes, tels le haoussa ou le swahili.

J’étais parfaitement conscient du tabou qui pèse sur ce type d’approche : on doit supposer, évidemment, que beaucoup des noms de la carte ont été corrompus dans le processus de communication entre des gens qui parlaient des langues différentes ; bien plus, on peut naturellement arriver à des interprétations tout-à-fait divergentes pour presque chacun des noms. En outre, il faut considérer que les noms ont pu changer au cours du temps, et que bien entendu les langues elles-mêmes ont également évolué. Aussi, pour certains, il paraît presque impossible de parvenir de cette façon à un travail scientifique.

Diverses considérations m’ont cependant conduit à ignorer ce tabou. D’abord, le tabou lui-même recèle un danger bien plus grand, le risque que nous en venions à expédier à la poubelle un document extrêmement important ; du point de vue scientifique, ce serait la pire option. Ainsi, en fait, nous n’avons pas le choix : nous devons essayer de dévoiler les secrets de cette carte par tous les moyens utilisables. Et, compte tenu de la rareté des données historiques, de l’absence de sources écrites provenant de l’Afrique Noire elle-même, et du nombre limité des découvertes archéologiques, une approche linguistique de la toponymie est virtuellement la seule possible dans ce cas, d’autant plus que celle qui consiste à utiliser strictement les longitudes et latitudes de Ptolémée, comme l’a fait Berthelot en 1927(4), n’a pas donné des résultats très convaincants.

Dans cette situation, le point de départ le plus évident pour l’interprétation d’un nom reste ce nom lui-même, avec la position que Ptolémée lui donne au sein d’une certaine constellation de noms. Il est vrai, par ailleurs, que pour un linguiste telle corruption supposée d’un nom est plus acceptable que telle autre. Il en va de même des interprétations : il est plus vraisemblable de rencontrer des noms de (grands) peuples, de grandes chaînes de montagnes, de grands ports, lacs ou rivières, que des noms de villages ou collines, par exemple. La preuve de l’acceptabilité et de l’utilité de cette nouvelle approche ne peut se trouver que dans ses résultats eux-mêmes : parviendra-t-elle à nous donner une compréhension logiquement (ainsi que psychologiquement) acceptable de l’ensemble de la carte ?

Et en fait, cette approche se révèle extrêmement fructueuse. La carte livre maintenant ses secrets à un degré vraiment inattendu : on est conduit à une interprétation sensée de presque tous les noms qu’elle contient et à une image cohérente. Le résultat est une nouvelle vision de l’Afrique dans l’Antiquité. Ainsi, par exemple, l’ancienne énigme des sources du Nil s’avère être très différente de ce qu’on supposait jusqu’à présent, et peut désormais être considérée comme résolue d’une façon raisonnable. Les vues couramment admises quant à la dispersion des peuples noirs sur le continent doivent aussi subir une révision radicale, comme les hypothèses modernes sur l’âge de certains Etats et de certaines cités. Et, plus important encore, il devient évident que de grandes parties de l’Afrique Noire étaient, en vérité, connues du monde méditerranéen et étaient connectées à lui par des relations commerciales.

Je le répète, cette carte doit, fondamentalement, être considérée comme une œuvre de marchands plutôt que de géomètres. L’information est naturellement arrivée en Egypte par différents canaux : par diverses routes de caravanes et par les voies du commerce maritime. La contribution des géographes tel Ptolémée consiste principalement à construire l’image d’ensemble en combinant et fusionnant les éléments qui ressortaient des différentes sources. Dans ce travail d’assemblage, bien entendu, toutes les incompréhensions peuvent conduire à des erreurs de construction. Par exemple, le golfe de Guinée (le Sinus Hespericus de Ptolémée) est bien trop petit sur la carte, et au contraire la région proche de l’équateur est beaucoup trop vaste : cette erreur de construction et beaucoup d’autres ont été identifiées et expliquées.

L’extrême difficulté du travail de construction des géographes peut être facilement illustrée à propos de l’exemple du nom Garamantes. On considère normalement que ce nom désigne les Toubous ou les habitants de la région de Djerma (le Garama des Romains, la Garama metropolis de Ptolémée), mais sur la carte de Ptolémée il couvre des réalités aussi largement séparées que les Gourma, un peuple vivant près du Niger, et le massif de Guera (représenté par le Garamantica mons de Ptolémée). Mais Garamantes renvoie aussi aux peuples du voile (=des hommes voilés), et cette dernière signification, la plus importante, ne peut être découverte que si on se sert de l’approche par la langue haoussa.

Garamantes est un exemple typique dans lequel plusieurs réalités sont représentées par un seul nom sur la carte. Il arrive aussi, cependant, qu’une seule réalité soit désignée par plusieurs noms sur la carte. Par exemple, deux noms de ville, Nigira metropolis et Gira metropolis sur la carte, représentent l’ancienne Tombouctou, et deux noms de fleuve, Nigira fluvius et Gir fluvius, représentent le Niger, ou éventuellement une route qui suit le cours du Niger. Quand on approche cette aire en venant de Geua (= Gao), Gira metropolis représente Tombouctou et Nigira metropolis est une autre ville, encore plus à l’ouest, près du Sénégal, et, très probablement, il s’agit de Kiri, capitale d’un pays du même nom. Quand, toutefois, on approche cette même aire de la côte ouest, Nigira metropolis s’avère être l’ancienne Tombouctou ! Ptolémée, clairement, n’avait aucune idée que les ‘noms’ Gir et Nigira étaient, en fait, des termes descriptifs, désignant l’un et l’autre ‘un très grand fleuve’.

Kiri, mentionné tantôt, est le nom traditionnel de Manden, et Manden était l’origine de l’empire de Mali. Le pays de Kiri, d’ailleurs, est un autre exemple de la représentation d’une seule réalité par plus d’un nom sur la carte. Il est plus que probable que le nom Vellegira indique le pays de Kiri dans une approche à partir de Tombouctou, et que ce pays est indiqué par les noms de Stachire et Stachire fluvius (= Route de Kiri) dans une approche à partir de la côte Ouest.

Le lecteur sera probablement étonné de lire qu’il est question de Tombouctou à cette époque ancienne. Mais mon analyse montre clairement que, à l’emplacement de la moderne Tombouctou, ou très près de là, il a nécessairement existé une importante cité (une metropolis) dès ces temps anciens. L’Europe n’est pas seule à avoir obscurci l’histoire de l’Afrique : les auteurs arabes y ont contribué, en particulier par leurs " dates de fondation " de plusieurs cités anciennes, comme Tombouctou, Marrakech, etc. Ces cités figurent en fait sur la carte bien avant la date de fondation qui leur a été donnée par ces auteurs ! Les dates de fondation doivent être considérées comme d’inspiration politique ou religieuse : à l’évidence, elles concernent dans quelques cas importants la date à laquelle le roi ou la reine de la région s’est converti à l’islam.

La " Libye intérieure " de Ptolémée, la partie Ouest

Il est évidemment impossible de résumer ici toutes les considérations variées et tous les arguments qui m’ont conduit à la conclusion que ce que Ptolémée appelle Libya Interior (voyez la première page de ce bulletin, qui montre une partie du document qui m’a servi de base pour mes analyses, l’édition de la carte de Ptolémée par Mercator) n’est rien d’autre en réalité, dans son tracé le plus large, que cette partie de l’Afrique que nous appelons Afrique de l’Ouest, et que les deux Gir fluvius et Nigira fluvius représentent le Niger, ou peut-être plutôt une route le long du Niger.

L’une des idées qui ont trompé beaucoup de chercheurs est cette idée que les ‘fluvii’ que Ptolémée fait déboucher dans la Méditerranée sont réellement des fleuves. Ce ne sont pas des fleuves, ce sont des routes. Ainsi par exemple, le nom Amsaga fluvius peut contenir les syllabes du mot (T)amashek ; ceci, combiné avec l’interprétation la plus plausible des noms qui l’entourent, conduit à la conclusion que Amsaga fluvius devrait en fait être interprété simplement comme " route conduisant aux peuples parlant tamashek ".

Une route qui atteint Nigira metropolis et le voisinage de Gira metropolis, toutes deux identifiées à Tombouctou, est le Bragadas fluvius. Dans son cours inférieur, c’est une route qui part du voisinage de Carthage pour aboutir à Tozeur et à Touggourt (on peut le déduire d’une analyse de la carte détaillée de Ptolémée : Africa proprie dicta). Ensuite, elle s’en va loin vers l’Ouest, passant au Nord et à l’Ouest du Grand Erg Occidental (qui fait partie des Libye deserta de Ptolémée), et finalement elle emprunte le tracé de la route actuelle du Tanezrouft et arrive au Usargala mons, ce dernier nom étant –dans cette constellation– une claire référence aux Sarakolé (autre nom pour les Soninke ; l’ancien empire de Ghana était un Etat Sarakolé et les Sarakolé sont un peuple Mande)(5). Ainsi le Bragadas fluvius est une voie allant de la région de Carthage à la région de Tombouctou. Le nom Bragadas lui-même (qu’on peut entendre Baganadas) semble même contenir une référence directe à l’ancien nom Ghana, qui est prononcé Ghanat ou Ghanata par les Berbères(6) ; ou, peut-être mieux encore, il pourrait être interprété comme " route vers le(s) ghana(s) ", ‘ghana’ étant le titre de ‘roi’ dans la région de Tombouctou.

Quand nous considérons la région à l’Ouest de Gira metropolis, certains traits particuliers attirent notre attention. D’abord, le nombre de connections avec le monde extérieur est relativement grand : connection avec Geua/Gao et l’aire Songhay-Haoussa par le Gir fluvius, connection avec l’aire méditerranéenne par le Bragadas fluvius et le Cyniphus fluvius,et plusieurs connections avec l’Océan atlantique, par exemple par le Salathus fluvius (= route des Sanadja). Cela signifie à nouveau que plusieurs sources d’information étaient à la disposition de Ptolémée pour cette zone. Un second trait est la densité relativement grande des noms dans cette partie de la carte. Ces deux traits suggèrent l’existence de relations commerciales relativement intenses entre la côte Nord et cette partie de l’Afrique Noire, ce qui n’est pas si étrange si on considère que c’est là que se trouvera (plus tard ?) le grand empire de Ghana.

 

 

Un exemple : Thamondocana

Les lecteurs de ce bulletin sont spécialement intéressés par ce qui concerne la boucle du Niger. Je vais donc donner ici quelques détails supplémentaires sur Thamondocana, au sud-ouest de Nigira metropolis. J’ai identifié ce nom Thamondocana(7) comme une référence à l’ancienne Djenné, en raison de sa position, à laquelle on parvient à la fois par le Salathus fluvius (route des Sanadja) et à partir de Nigira metropolis (Tombouctou)  ; je tiens compte aussi de sa position par rapport à Thige (Diaka) (voyez, ci-dessus, la seconde illustration, qui montre une partie des résultats de mes analyses). Le nom de Thamondocana lui-même attire notre attention pour au moins deux raisons supplémentaires.

D’abord, sur l’une des versions de la carte de Ptolémée(8), la position de Thamondocana /Temandocana est indiquée par un point brun à l’intérieur d’un cercle pointillé, honneur qui est réservé sur la même carte aux cités très importantes, comme Nigira metropolis, Gira metropolis, Rapta metropolis ou Meroe. Cela suffit à signaler que Temandocana était, elle aussi, une ville très importante.

En second lieu, le nom Thamondocana est en lui-même très intéressant, parce qu’on y entend mondo ou mando, d’une part, cana d’autre part : il semble contenir une claire référence à un (ou au) roi (‘ghana’, on le rappelle, signifie ‘roi’) des Mande. Ces deux faits, pris ensemble, suggèrent clairement que Thamondocana devrait être interprété comme " le lieu où habite le roi des Mande ".

Peut-être faut-il rappeler ici la tradition, rapportée il y a encore quelques décennies par un marabout de Nioro, selon laquelle Diabe Cisse, le fondateur de l’empire du Ghana (et de sa capitale, Kumbi) était un fils de Dinga, l’ancêtre primordial, venu de La Mecque ou même d’Inde, qui lui-même aurait vécu à Djenné pendant 17 ou 27 ans avec une femme dont il n’aurait pas eu d’enfant.(9)

Conclusion

L’exemple de Thamondocana, et ce ne serait pas le seul qu’on pourrait donner, montre combien la carte de Ptolémée est importante pour l’Afrique, non seulement comme une œuvre de géographe, mais aussi comme un document d’histoire. Elle jette une lumière nouvelle sur une zone et une époque qui étaient jusqu’à présent le terrain presque exclusif de l’archéologie. Elle apporte de nouveaux éléments d’histoire à la préhistoire de cette zone, et ouvre la porte à une approche nouvelle et rafraîchissante. Des documents sans prix, telles les cartes de Ptolémée, ne sont pas seulement des trésors pour les musées ou les collectionneurs, ce sont aussi des trésors pour la science historique. Ils ont clairement droit à notre plus grande attention.

 

[N.B. : Ptolémée est un astronome, géographe et mathématicien grec, qui a vécu entre environ 90 et environ 168 de notre ère, à Alexandrie (Egypte) ; il est l’auteur d’une Géographie qui a fait autorité jusqu’à la Renaissance. En effet, redécouvert à la fin du XVème siècle grâce à la traduction en latin qui en a été faite à cette époque, cet ouvrage a alors connu d’innombrables copies enluminées et ornées de très belles cartes tracées suivant les anciennes directives de l’auteur, et plusieurs éditions sorties des presses de Bologne, Rome, Venise, Ulm, etc. La Bibliothèque nationale de France, à elle seule, en possède plusieurs exemplaires.]

[Le Docteur W.F.G Lacroix, né en 1945 à Noorbeek aux Pays-Bas, est, depuis 1970, professeur de psychologie sociale à l'Institut Polytechnique de Heerlen. Il s'intéresse spécialement au problème d’un eurocentrisme possible dans l'interprétation de cartes anciennes d’Afrique Noire. Ainsi, sa thèse de doctorat, soutenue à Delft en 1992, a porté sur la fameuse carte de l'Afrique de Duarte Lopes, publiée à Rome en 1591 par Filippo Pigafetta. Plus récemment il a analysé la carte de Ptolémée, dont il est question ici (adresse électronique : W.Lacroix@t.hsl.nl)].

DJENNE PATRIMOINE remercie chaleureusement le Docteur W.F.G. Lacroix de lui avoir confié la publication de cet article passionnant.

DOCUMENT 2

Les écoles coraniques de Djenné : problèmes et perspectives

par Roberto-Christian Gatti

Université de Messine, Italie

Cheick Ahmed Tidiane Barry, frère en Esprit, et à tous les jeunes qui, comme lui, cherchant à donner un sens profond à leur vie, n’ont pas réussi, ou se sont perdus en route"

Les écoles coraniques traditionnelles, c’est-à-dire celles qui sont simplement installées dans le vestibule de la maison du maître, le marabout, constituent une composante importante du système éducatif malien, même si elles restent dans l’informel. A vrai dire, cette situation en marge du système bureaucratique leur donne la possibilité de maintenir une très forte relation capillaire avec le terrain, où elles sont bien enracinées depuis des siècles; toutefois, cette situation les amène aussi à un progressif manque de soutien moral et matériel de la part des autorités et même des communautés d’appartenance.

C’est pour ces raisons que les écoles coraniques posent problème aujourd’hui, et ce problème ne peut plus être négligé. C’est seulement en partant d’une connaissance systématique de la réalité des écoles coraniques, qu’on peut commencer à en pénétrer l’esprit et à dégager les objectifs qui leur sont propres.

 

  1. UN TABLEAU CHIFFRE DES ECOLES CORANIQUES DE DJENNE EN 1998

Présent à Djenné entre janvier et juin 1998, nous avons recensé 113 écoles coraniques dans la ville. Parmi les rares données antérieures, nous pouvons citer celles de Soufountera, qui travaille sur 23 écoles à la fin des années 1970, sans qu’on sache s’il s’agit de toutes les écoles autochtones ou, bien plus vraisemblablement, d’un échantillon ; et celles de Mommersteeg pour le milieu des années 1980, 35 écoles autochtones, au moins autant d’écoles semi-permanentes tenues par des maîtres " étrangers " à Djenné et s’adressant à des élèves non originaires de la ville. Si l’on admet une certaine croissance du nombre d’écoles au cours des deux dernières décennies, ces diverses estimations sont assez cohérentes : nous comptons, en 1998, 49 écoles dirigées par des marabouts autochtones et 64 par des étrangers.

Sur 100 marabouts recensés, 5 enseignent seulement le Ketab (à Djenné on écrit Quitab); des 95 autres, 67 enseignent le Ketab et 19 le Tafsir (à Djenné on écrit Tapsir), ces termes étant définis à l’alinea suivant ; 19 marabouts ont obtenu la licence de Tafsir, mais 6 n’exercent pas cette forme d’enseignement.

Il faut souligner ici que la classification par niveau (élémentaire, secondaire, supérieur) provient d’un regard extérieur, et d’un souci de comparaison avec les cycles d’enseignement profane; les musulmans insistent beaucoup plus sur la foi du marabout. Donc, en pratique, on distingue plutôt le Coran, enseignement du texte coranique; le Ketab, terme qui vient de l’arabe " livre ", c’est-à-dire l’enseignement de l’ensemble des disciplines coraniques ; et le Tafsir, de l’arabe " explication ", traduction et commentaire du Coran dans les langues autochtones, à des moments particuliers de l’année, pour sensibiliser les fidèles et leur inculquer certains comportements.

Pour la quête, la question a été posée à tous les marabouts recensés; 36 marabouts envoient leurs élèves mendier dans les rues : 4 autochtones (sur 49) et 32 étrangers (sur 64)  ; la quête est donc beaucoup plus fréquente chez les élèves des marabouts étrangers.

L’origine des marabouts est la suivante : 22 viennent de la région de Moptì; 12 de Moptì; 5 du Burkina; 4 de la région de Tombouctou; 4 de la région de Ségou; 3 du cercle de Djenné; 2 de Tombouctou; 2 habitent Djenné depuis longtemps mais sont toujours considérés comme étrangers.(10)

Le marabout autochtone qui a servi de point de chute pour 22 étrangers  a été Allaye Abari Landouré, décédé en mai 1998.

La valeur modale relative au temps passé à Djenné par les marabouts étrangers  est comprise entre 6 et 12 ans. Mais il y en a 4 qui vivent à Djenné depuis 48 ans!

La majorité des marabouts étrangers  s’adonne à la culture des champs ; d’autres à l’élevage ou à la pêche; d’autres encore ont une petite boutique; mais beaucoup ne font qu’enseigner; un seul nous a dit gagner sa vie en faisant des bénédictions et des gris-gris.(11)

31 marabouts étrangers ont reçu une maison " pour l’amour de Dieu " de la part d’un habitant de Djenné; 10 ont leur propre maison; les autres louent.

31 marabouts ont fondé leur propre école ; 29 écoles sont à Djenné depuis 3 à 6 générations.

La valeur modale de l’âge des marabouts autochtones se situe dans la tranche 35/40 ans ; celle des marabouts étrangers entre 30 et 35 ans.

Quant à eux, les élèves sont au nombre de 3296 au total: 2627 garçons et 669 filles; 2430 élèves se trouvent dans les écoles où le marabout enseigne à la fois Coran et Ketab. La comparaison avec les chiffres antérieurs, par exemple ceux que donne Soufountera –un millier d’élèves–, est difficile, parce que visiblement cet auteur n’a travaillé que sur un échantillon.(12) Sur un échantillon de 17 écoles tirées au hasard parmi celles que nous avons recensées, on constate que dans les 5 écoles autochtones, qui comptent au total 250 élèves, 200 d’entre ces derniers étudient le Coran et 60 le Ketab, alors que dans les 12 écoles étrangères, qui comptent 154 élèves (et sont donc d’une taille moyenne beaucoup plus faible que celle des écoles autochtones), 52 élèves étudient le Coran et 102 le Ketab: les proportions sont donc inversées. On pourrait penser que les écoles autochtones assurent essentiellement l’enseignement de base et que les étrangers prennent plutôt des élèves déjà avancés dans leurs études. Ce serait ignorer que, pour les élèves autochtones qui commencent à l’école coranique en vivant dans leur famille, on considérera qu’il est temps pour eux, lorsqu’ils atteindront 17 ou 18 ans, s’ils doivent poursuivre, d’aller étudier hors de Djenné. Et de même, les élèves étrangers qui viennent à Djenné suivre l’enseignement d’un maître étranger sont des élèves en âge de quitter leur famille. Il reste que ces grands élèves étrangers ne sont pas formés essentiellement par des maîtres de Djenné.

 

 

Photo Roberto-Christian Gatti, avec son aimable autorisation

 

La valeur modale de l’âge des talebés va se placer dans la bande 12/18 ans. 5 ethnies sont dominantes chez les talebés: dogon, bozo, marka djennenké, peul et bambara.

Du total, 2770 élèves vont seulement à l’école coranique; 526 vont aussi à l’" école française". La proportion qui en découle (526/3296) est considérablement plus faible que celle qui est donnée pour la fin des années 1970, soit 2/3, par Soufountera. Mais on rappelle que ce dernier n’a travaillé qu’auprès d’écoles tenues par des maîtres autochtones: or, bien entendu, les élèves étrangers des maîtres allochtones ne vont pas à l’école " des blancs ", puisqu’ils n’en ont pas le temps : ils doivent travailler pour eux-mêmes et pour leurs maîtres.

Au delà de ces données quantitatives, on a voulu identifier dans notre travail trois aspects du problème des écoles coraniques : un aspect social, révélé par les présumés mauvais traitements subis par les élèves, et par la mendicité ; un aspect didactique, où l’enseignement paraît vieilli et ne plus suivre une méthode précise ; un aspect pédagogique, où cet enseignement paraît transmettre une idée dépassée de l’homme musulman, conception qui pour certains s’adapte mal aux exigences d’aujourd’hui.

1.1. Problème social

En général, on peut classer les élèves des écoles coraniques en 3 catégories : ceux qui sont accueillis par un marabout parent ou ami; d’autres qui sont recueillis par le marabout par miséricorde ou pitié; enfin, certains qui sont arrivés à l’école volontairement, de n’importe quel lieu.

L’élève coranique est soumis non seulement à une rude discipline, mais aussi à des sanctions, y compris à des châtiments corporels.(13) La conviction générale, notamment chez les marabouts les plus pauvres, est qu’une éducation de ce type est une condition de survie pour les élèves. Mais ces traits de l’éducation coranique à la complète discrétion de chaque marabout sont souvent utilisés contre l’école et le maître lui-même ; même si beaucoup de parents donnent eux-mêmes toute latitude au marabout, remettant l’éducation de leur enfant " dans les mains de Dieu ".

En effet, les parents considèrent très généralement que, faute de corriger l’enfant chaque fois que nécessaire, et éventuellement en lui infligeant des châtiments corporels, il risque de devenir un caractère faible qui ne fera jamais rien sérieusement dans sa vie, et de finir comme délinquant ou bandit. Pareillement le marabout, qui est à lui seul la nouvelle famille de l’élève, doit agir de la même façon. Mais il arrive que ceci peut conduire son élève, s’il n’a rien obtenu de la quête à laquelle il est astreint, à redouter plus que tout de rentrer les mains vides dans le vestibule ; et pour conjurer le sort qui l’attendrait alors, il arrive aussi qu’il soit parfois incité à voler. De fait, il n’est pas rare d’assister, notamment le lundi, jour de marché, à des querelles nées du vol par les élèves coraniques d’aliments destinés à la vente.

Evidemment, cette situation est tempérée par le fait que les enfants – mais aussi tout un réseau d’informateurs que le marabout ne connaît pas - peuvent toujours signaler à leurs parents les mauvais traitements dont ils auraient pu être victimes, et par le fait que la rumeur publique peut aussi s’en prendre à un marabout trop méchant et le priver progressivement de tous ses élèves. Nous avons été personnellement témoin d’une scène impressionnante, au cours de laquelle des parents venaient retirer leur enfant d’une école coranique où il était maltraité.

En ce qui concerne la quête, il est parfaitement évident qu’on est dans une situation où le sens originaire de la pratique a disparu. La dégradation de la situation économique a transformé une pratique par laquelle le jeune devait apprendre l’humilité et la confiance en Dieu, en une mendicité pure et simple nécessaire à la survie de l’élève lui-même et à celle de son marabout.

Plus généralement, les conditions de vie des élèves, comme celles de leurs maîtres, sont marquées par une grande pauvreté.(14) Ainsi, sur 54 élèves choisis au hasard et interrogés longuement, 20 ne mangent qu’une seule ou deux fois par jour ; 29 n’ont même pas le temps de se laver tous les jours ; 14 n’ont plus aucune relation avec leur famille d’origine et 19 écrivent seulement parfois. Pratiquement tous ont une intense et lourde activité de travail, qui si elle leur permet de gagner quelques piécettes, soustrait cependant beaucoup de temps à l’étude : 14 font du banco ; 9 se dédient à de petits travaux comme le portage (en particulier le lundi, jour du marché) ou la vente de divers objets et produits dans les rues (eau, lait, fruits, chaussures, pochettes en plastique, …) ; 10 travaillent dans les champs de mil, de riz, d’arachide ; 6 gardent des jardins ; 4 vont chercher du bois ; 4 s’occupent d’animaux (vaches et moutons) ; 3 sont chargés de travaux domestiques (nettoyage de la maison, portage d’eau, pilage du mil, …) ; 3 autres travaillent dans de petites boutiques personnelles ou appartenant à d’autre gens et seulement 2 consacrent entièrement leur temps à l’étude !

Pourtant, les sommes qu’ils déclarent verser à leurs marabouts ne sont pas négligeables : sur 36 réponses, un tiers est du genre "ça dépend, je donne ce que je trouve, etc." ; un tiers déclare verser entre 50 et 100 FCFA(15) par semaine ; un tiers déclare des sommes comprises entre 500 et 1500 FCFA par semaine.

1.2. Problème didactique

Une exigence forte et généralisée se manifeste, tant au sein des écoles coraniques que de la part des vieux de Djenné, d’une formation nouvelle pour les marabouts, de sorte qu’ils deviennent capables d’adapter leurs méthodes d’enseignement à l’âge des élèves.

Jusqu’à aujourd’hui, dans la majorité des cas, la didactique s’articule autour d’un système d’enseignement individuel qui a pour but le seul apprentissage du Coran par cœur ; ce qui donne des résultats trop minces par rapport aux énergies prodiguées et au temps passé.

Si on reprend en considération les 54 élèves qui ont été personnellement interviewés, comme on l’a vu plus haut, on constate que 26 d’entre eux seulement ont terminé de lire une fois le Coran et parmi ces derniers à peine 6 l’ont bien lu deux ou trois fois. Les données individuelles relatives à ces 6 élèves (tableau ci-dessous), montrent que, indépendamment de la provenance des élèves et de leurs rapports avec les marabouts, le temps nécessaire à l’apprentissage du Coran est beaucoup trop long si on le rapporte au nombre d’hezb(16) apprises par cœur ; la moitié de ces " bons élèves " ne sait que 1 ou 2 hezb au bout de plusieurs années, alors même qu’ils ont commencé à écrire sur leurs planchettes depuis 10, 8 et 12 ans ! Ils ne peuvent que copier le Coran, le lire et le répéter par cœur , mais rien d’autre ; la méthode globale d’apprentissage leur permet de reconnaître les mots sans qu’ils en sachent la signification.

Age

Nombre d’années d’études

Age au début des études

Nombre d’hezb sus par cœur

Nombre d’années depuis qu’ils savent écrire

20

13

7

1

10

23

14

9

Tous (60)

13

19

12 ½

6 ½

2

8

20

13

7

Tous (60)

7

23

14

9

1 ½

12

26

16

10

40

4

 

1.3. Problème pédagogique

C’est au problème pédagogique que nous avons voulu pour notre part donner la plus grande importance, dans la conviction que, avant de parler de l’éducation, et surtout si on est dans un milieu de foi, on doit d’abord se demander quel genre d’homme on veut éduquer, former, instruire ou même construire.

Pour certains, l’école coranique transmettrait une idée dépassée de l’homme et des conceptions inadaptées au monde d’aujourd’hui. Mais ce serait ignorer qu’on est obligé de penser l’école coranique comme une institution qui a nécessairement une physionomie propre et précise, dont tout le système d’organisation doit être évalué par rapport à ses propres objectifs : à sa pédagogie et à l’idée de l’homme qu’elle incarne; et que l’évaluation ou le jugement doivent prendre en suprême considération l’élément fondamental, à savoir que nous sommes, tout-à-fait, dans un domaine de foi, et plus précisément de foi islamique.

Ici, on doit d’abord rappeler que le mot ‘musulman’ vient de l’arabe muslim, c’est à dire ‘soumis’, et par conséquent chaque fidèle musulman est, avant tout, comme l’indique l’étymologie, soumis à Dieu. Donc, à propos des écoles coraniques, on ne peut pas parler de ce qui est ou n’est pas juste, puisqu’on n'est pas dans le domaine du droit, mais dans celui du Vrai ; et en ce sens, personne ne peut juger celui qui décide de suivre, pour lui-même ou pour ses enfants, la voie de Dieu.

Le problème qui va se poser ici est donc celui qu’affronte chaque peuple qui a une tradition de foi. Et en ce sens, Djenné peut être juste une caisse de résonance pour un problème beaucoup plus vaste et dramatique. Ainsi, Djenné essuie d’incessantes décisions (par exemple son classement comme ‘Patrimoine Mondial de l’Humanité’), qui sont en train de transformer les marabouts, jusque là dépositaires par excellence de la connaissance et de la sagesse anciennes, en des hommes qu’on considérera comme seulement capables de fabriquer des gris-gris et de dire leur chapelet (17)! Et si des plaques bleues placées par la Mission Culturelle(18) nous rappellent que Djenné doit être protégée, on a bien le droit de demander si cette protection décidée à l’extérieur signifie, en vérité, que Djenné doit rester toujours comme ça, sans changement ; non pas une " ancienne ville encore vivante ", mais un très beau musée vivant à l’usage des touristes… et au bénéfice de ceux qui gagnent leur vie auprès de ces derniers!

Il faut repenser l’éducation dans le contexte de l’évolution des institutions islamiques elles-mêmes et dans le contexte d’une certaine " modernisation " de la vie sociale.

 

2. LES ECOLES CORANIQUES DANS LEUR CONTEXTE

Un jour un marabout m’a dit: " Chaque chose précieuse doit être surveillée et protégée : la foi aussi. Mais à Djenné, personne ne protège la culture islamique et chacun y fait entrer ses petites ambitions."

2.1 Evolution des institutions islamiques de Djenné

Aujourd’hui à Djenné, beaucoup de marabouts ne se connaissent même pas entre eux ; il n’y a donc pas d’entraide et il n’y a même pas d’entente.

Selon une certaine tradition orale de Djenné, il était d’usage avant la colonisation qu’une Commission évaluât la préparation de chaque marabout, avant qu’il fût autorisé à enseigner aux élèves selon un niveau préétabli. Il y avait alors beaucoup de livres et beaucoup de lectures et interprétations différentes du Coran. En outre, chaque année, les marabouts recevaient quelque chose pour vivre. Le pouvoir politique et administratif soutenait cette Commission. La quête avait essentiellement un rôle symbolique ; elle n’était pas, comme aujourd’hui, l’unique moyen à la disposition des marabouts et des talebés pour survivre.

Avec la destitution du pouvoir islamique par l’administration coloniale et la laïcisation de la société qui en est résultée, s’est perdue la notion de qui a le devoir et le pouvoir de prendre et de donner l’aumône légale (Zakat). Aussi, dans trop d’écoles visitées, nous n’avons vu que foi et misère. Les marabouts ne sont plus capables de penser aux élèves autrement que dans les termes suivants : sans leurs élèves, eux-mêmes ne vivraient pas.

D’autres modifications décisives se sont produites dans les institutions religieuses. Le choix de l’imam(19) n’est plus électif, effectué par toute la communauté islamique de Djenné ou par une commission de savants choisis en elle, mais il résulte simplement d’un accord entre le Chef du village et l’Administration Territoriale. La présence du chef de village n’est à l’évidence qu’un exemple de l’influence jusqu’à ce jour de la tradition païenne sur l’ " islam noir ", et le rôle de l’administration territoriale n’est qu’un héritage de la colonisation repris par le jeune Etat indépendant(20) .

Or, on le rappelle, dans la tradition islamique, la désignation de l’imam est un devoir de la communauté, et il est laissé à la discrétion de tous les musulmans compétents. Comme le précise l’Hadith cité par l’imam Al-Nawawy, "chacun de vous est un pasteur et vous êtes tous responsables de votre troupeau"(21) : la communauté toute entière a le devoir de se donner un chef, dénommé Khalife ou imam, et cette obligation est collective et incombe à tous ceux qui ont les qualités requises ; c’est à dire ceux qui ont la "capacité de rompre et de lier" (Ahl al-‘aqd wa al-hall)(22): les représentants de la Communauté ou docteurs, qui par leur charisme et leur connaissance de la doctrine, et en tant que personnes irréprochables, sont aussi capables de reconnaître dans un individu l’existence même des qualités requises, de les juger, et de choisir par conséquent le candidat le plus approprié. On sait aussi que l’islam sunnite a admis la possibilité que la nomination soit faite par des souverains non musulmans, mais il ne l’a fait qu’en se fondant sur le principe de nécessité (darukra ).

Dans le même sens, il faut noter que le Comité musulman de Djenné est aujourd’hui un organisme fantôme, dépourvu de tout pouvoir réel, et remplacé, même pour le fidèle musulman, par la gendarmerie.

D’autre part, les associations islamiques djennenké entretiennent entre elles d’incessantes querelles en s’accusant mutuellement d’être complices de la Mission Culturelle et du Gouvernement, et leur politique ne vit que d’initiatives personnelles. Il est vrai que seules ces dernières paraissent efficaces. Ainsi, alors qu’en 1987, à la suite d’une grande réunion à laquelle participaient le Ministère de l’Education de Base, l’UNESCO, l’Organisation de la Conférence Islamique et l’ISESCO(23) à propos d’un projet d’enseignement du Coran en songhoï et en fulfuldé, l’école coranique de Monsieur Sory Traore –par ailleurs président de l’Association des Medersa– avait été choisie et devait être financée ; il a fallu attendre 1993 pour que, à la suite d’une démarche personnelle de Monsieur Sory Traore à Bamako, le tiers du montant prévu six ans plus tôt lui soit versé.

Que dire encore des 5 medersa et de la petite école coranique améliorée qu’on trouve à Djenné ? Deux de ces médersas ont été reconnues par l’Etat, et l’école coranique améliorée Koy Konboro a été soutenue par l’UNESCO, mais toutes sont en pratique dans un état de total abandon matériel et moral : elles ne peuvent compter que sur les petites sommes (300 à 500 FCFA par mois) que les élèves paient, lorsqu’ils paient.

Les rares initiatives d’aide aux écoles coraniques de Djenné se sont volatilisées. Les djennenké ont perdu leurs illusions après que les imams de la Mecque et de Médine soient venus à Djenné en promettant de l’argent; car seul celui de Médine, en 1981-1982, a donné une contribution pour des travaux à la mosquée. Dans les années 1990, l’ISESCO a envoyé à Djenné une délégation marocaine pour évaluer la situation de l’école coranique améliorée. Mais pour d’obscures raisons de sécurité invoquées par le Ministre de l’Education de Base, la délégation ne visita que Bamako et Sevaré. D’autre part, des pays arabes n’arrivent que des exemplaires du Coran ou de la propagande islamique.

Enfin, rien, en ces dernières années, a été fait par la Mission Culturelle pour valoriser l’aspect religieux de Djenné ; au contraire, plutôt, puisque son effort porte sur des objets païens, proscrits par l’islam.

 

2. 1. La modernisation du cadre de vie djennenké

Elle prend des formes très diverses : de la présence de plus en plus fréquente de touristes dans les rues et dans les maisons de Djenné (sans parler de l’accès de tous depuis peu à la télévision), aux projets de développement, en passant par la conservation du patrimoine archéologique ou architectural.

A propos du tourisme, on ne peut pas ne pas considérer le grand nombre d’élèves qui abandonnent l’école pour s’improviser guides. Dans les années 1960, la SMERT –Société Malienne d’Exploitation des Ressources Touristiques– avait prévu d’encadrer des guides, mais elle a été fermée sous le régime de Moussa Traore. Et lorsque les guides ont voulu s’organiser eux-mêmes au début des années 1990, l’administration a torpillé leur bureau.

En ce qui concerne les projets de développement, le programme de restauration conservatoire mis en œuvre par la coopération hollandaise oblige à réfléchir sur le rôle dans lequel a été actuellement reléguée la culture islamique djennenké. Il va en effet inéluctablement déboucher sur le délicat problème de l’héritage de la maison pour un musulman, en plus de créer une déchirure dans le rapport de confiance entre la famille et son propre maçon, héritage du paganisme, qui connaît tous les endroits secrets de chaque maison qu’il a construite et dont il conserve l’entretien.

Le problème de l’héritage est en effet un problème islamique tout court et le Coran en réglemente les plus petits détails (par exemple, Sourate IV, 11-12). Déjà au temps de la colonisation un rapport sur la justice indigène au Soudan, en 1897, démontre une certaine sensibilité sur ce sujet: " Mahomet a réglementé au nom de Dieu la transmission des biens dans les familles. Les règles ainsi établies sont, donc, aux yeux des musulmans, immuables "(24).

La situation actuelle est donc incroyable : la Mission Culturelle, organisme qui est précisément chargé de protéger la culture djennenké, n’a pas pensé qu’un programme de restauration qui oblige par contrat les propriétaires à ne plus toucher à leurs maisons et à confier les travaux à une équipe de techniciens et maçons en partie étrangers aux familles, conduirait progressivement mais inéluctablement à la vente des mêmes maisons par leurs propriétaires… aux touristes, évidemment !

Plus précisément, dans le droit musulman, on doit considérer comme illicites les contrats entachés de gharar, c’est-à-dire de la méconnaissance des conséquences du contrat par l’une ou les deux parties. En effet, tout contrat de vente comportant une faille, à cause d’une injustice ou d’une tromperie susceptibles de mener les deux parties au litige, a été interdit par Mohammad, afin de fermer la porte à tout prétexte de disputes.(XXV)

Donc, si un propriétaire de maison de Djenné a signé par erreur ou ignorance un contrat qui l’oblige à ne plus disposer de sa maison comme il le doit et comme il le veut, du point de vue de la Loi islamique il n’est pas responsable envers Dieu et envers ses héritiers. En plus, la maison est pour certains la seule richesse, et donc sa vente, dans l’impossibilité d’en partager le prix, amène à une situation où les héritiers n’ont plus ni maison ni, peut-être, assez d’argent pour en acheter ou en construire une autre. Dans cette situation, aucun musulman ne va acquérir une telle maison, qui a fait l’objet d’un contrat illicite.

Ceci, et d’autres exemples encore, nous montrent toute la distance et la dissonance entre les institutions et les habitants de Djenné.

Les institutions maliennes chargées des problèmes culturels doivent donc comprendre qu’elles ne doivent pas protéger la culture dans un lieu, mais plutôt la culture d’un lieu ; et cette culture, au moins à Djenné, c’est avant tout l’islam ! Ce serait une erreur de juger la méfiance désormais bien établie entre les djennenké et les représentants de l’Etat (Mission Culturelle en tête) comme une simple manifestation d’un nouveau syndrome de colonisés (et cette fois, les  étrangers viennent d’abord de Bamako !), ou comme fruit d’un intégrisme ethnique autochtone ou, bien pis, religieux ! Et cette méfiance est sans doute la plus grande faiblesse de la société djennenké actuelle et, peut-être, son plus grand risque.

La mosquée elle-même pose problème pour certains. On raconte en effet aujourd’hui encore que, lors de sa construction, au début du siècle, l’administrateur Bleu a réparti le travail entre musulmans et païens, et entre hommes et femmes, sans tenir compte des règles et de la coutume. Ainsi les païens sont venus participer au travail avec leurs féticheurs, leurs griots et leurs musiciens, et les musulmans sont venus avec leurs marabouts ; mais on n’a pas respecté la division traditionnelle entre femmes (collecte et transport de l’eau) et les hommes (transport des briques de banco). De ce fait, certains éprouveraient une secrète répulsion face à cette mosquée que les touristes aiment tant. Aujourd’hui d’ailleurs, certains éprouvent probablement sans le dire les mêmes sentiments lors du crépissage annuel de la mosquée, qui prend la forme d’une grande fête, avec une orgie de couleurs, de corps et de musiques païennes!

3. PERSPECTIVES

Les écoles coraniques dépendent encore de l’ex-Ministère de l’Intérieur(25) et elles sont dans une situation d’évidente faiblesse ; elles manquent de soutien moral et matériel, et les forces actuelles des marabouts dépendent de leur seule foi en Dieu ! Les observations que nous avons pu faire, avec très peu de moyens, donnent un tableau saisissant de la situation des écoles coraniques de Djenné. Et la connaissance de ce milieu est le premier pas pour redonner la dignité qui leur est due à beaucoup d'hommes qui passent par les écoles coraniques et que personne ne voit plus !

Or, on pense que le problème essentiel que pose l’école coranique est celui de la compatibilité entre l’islam et la laïcité. Historiquement, l’islam a constitué des théocraties, mais apparemment aujourd’hui un seul chef d’Etat est encore en même temps le " commandeur des croyants ". Ailleurs, des Etats se sont organisés indépendamment de l’organisation religieuse.

Au Mali, pays de plus de 10 millions d’habitants, dont 90% seraient musulmans, la constitution proclame le principe de la laïcité de l’Etat. Mais de nombreux articles du Code du mariage et de la Tutelle(XXVII) font référence au droit musulman. Et plus généralement, chaque fois que le législateur renvoie aux coutumes des parties, le juge se réfère au droit musulman. Enfin, le Mali appartient à la Conférence Islamique, qui a pour but principal la diffusion des valeurs islamiques !

Ces contradictions très apparentes doivent donc signifier, ou du moins nous le croyons, la nécessité pour le Mali de s’engager sur une voie qui lui permette de redéfinir le contenu de l’éducation qu’il donne à sa jeunesse en s’appuyant sur le principe d’identité et sur les valeurs de la société malienne traditionnelle, en tenant compte du fait que la religion islamique en est partie intégrante.

Pour notre part, nous considérons que la volonté des croyants qui estiment que leurs enfants doivent recevoir, pour tout viatique, l’éducation coranique qui leur permettra de vivre leur vie de foi, doit être respectée. Nous pensons même que l’Etat, même s’il est laïc, doit protéger et aider ses citoyens qui font ce choix, ne serait-ce qu’au nom de la solidarité.

Dans cette perspective, on rappellera cependant que dans la tradition islamique l’absence de séparation entre le spirituel et le temporel n’interdisait pas aux hommes de foi de s’intéresser à la science, ni même de s’y adonner ; si la science arabe a transmis à l’Occident la science de l’Antiquité, c’est grâce à cette conception. Or, notre description de l’enseignement islamique à Djenné aujourd’hui montre par exemple que, dans ce centre historique de l’étude du Coran, la plupart des marabouts ne connaissent pas l’arabe et ne savent pas l’écrire. Et les pays arabes, qui auraient la possibilité de diffuser cette connaissance, se contentent d’approvisionner les communautés islamiques du Mali en exemplaires du Coran et en ouvrages d’apologétique de faible niveau intellectuel. Très rares sont donc les croyants qui connaissent autre chose que la récitation de quelques sourates du Coran ; encore plus rares sont les élèves coraniques qui peuvent poursuivre en étudiant le Ketab et les autres disciplines islamiques. Et combien de marabouts ont un niveau approfondi d’études générales et même d’études coraniques ?

Il paraît donc nécessaire que les responsables nationaux de l’éducation travaillent ensemble, en intéressant aussi les chefs de famille et les maîtres religieux, c’est-à-dire toutes les personnalités qui, dans toute l’Afrique, sont par elles-mêmes de véritables institutions. Seule cette démarche peut susciter la renaissance d’une pensée malienne originale, affranchie de l’obligation d’étudier son propre passé par le seul intermédiaire des sciences humaines et sociales occidentales.

L’article 25 de la Constitution malienne assigne comme devise au Mali "Un Peuple - Un But - Une Foi" . Cette simple devise, d’usage extrêmement courant dans tous les documents officiels, doit nous imposer, ici et maintenant, une sérieuse réflexion sur la signification du mot " foi"  aujourd’hui : foi dans une morale laïque, foi religieuse, ou foi en quoi d’autre ?

 

 

ANNEXE : Répartition des marabouts par ethnie et par quartier

Algassouba, 2a, 2é (1DO, 2MD, 1SR);

Bamana, 2a, 2é (1BO, 1DO, 2MD);

Dioboro, 2a, 3é (1BO, 1DO, 1MD, 1MR, 1PL);

Farmantala, 3a, 2é (2BK, 2MD, 1PL);

Kanafa, 0a, 16é (1BB, 2BO, 4DO, 1MA, 1MD, 1MS, 6PL);

Konofia, 10a, 3è (4BO, 1DO, 6MD, 1SF, 1SG);

Kouyétindé, 8a, 9é (1BB, 1BO, 1DO, 4MD, 1MR, 6PL, 1SF, 1SG, 1SR);

Samseye, 0a, 1é (1DO);

Sankoré, 7a, 11é (2BB, 3DO, 5MD, 1ML, 7PL);

Saymani, 1a, 2é (1BO, 1DO, 1MD);

Tolober, 0a, 4é (2BO, 2DO);

Yoboucàina, 14a, 9é (1BO, 1DF, 3DO, 10MD, 7PL, 1 ?).

 

a = autochtone ; é = étranger.

BB-bambara ; BK-Burkina ; BO-boso ; DF-dafin ; DO-dogon ; MA-markà ; MD-markà djennenké ; ML-malinké ; MR-Maroc ; MS-mossi ; PL-peul ; SF-sherif ; SG-songhoi ; SR-sonrai ; ?- pas relevé.

 

N.B. :

13 marabouts recensés n’ont pas pu être interviewés: 1 marabout est décédé pendant le recensement; 1 marabout n’a pas voulu répondre; 11 marabouts ont été absents pendant tout mon séjour.

 

Collaborateurs :

La typologie de la recherche effectuée, dans sa marche et dans ses transformations, a rendu nécessaire la collaboration avec plusieurs médiateurs culturels ; ci-dessous nous donnons leurs noms, en témoignage du travail fait ensemble.

Pour le recensement des écoles coraniques, en ordre temporel : médiateur linguistique n°1 : Monsieur Amadou Tahirou Bah, maître de Second Cycle et trésorier de Djenné Patrimoine ; " facilitateur " de la communication n°1 : Monsieur Bareima Sidibé, maître coranique dans l’école personnelle Modi Baba Afo ; médiateur linguistique n°2 : Monsieur Goursou Dioro Cissé dit Gouro, maître et directeur de l’Ecole Elémentaire Sory Thiocary " C " ; médiateur linguistique n°3 : Monsieur Apho Kolado Bocoum dit Moré, maître de Coran et Ketab et maître vacataire au 2ème Cycle II

Pour les interviews des élèves coraniques : collaborateur logistique, co-inventeur de la grille des questions et médiateur linguistique n°4 : Monsieur Cheick Ahmed Tidiane Barry, élève coranique guinéen, décédé à Djenné pendant la recherche, le 18 mars 1998 à l’âge de 39 ans ;médiateur linguistique n° 5 : Monsieur Alì Oumar Touré, forgeron et bijoutier, membre de l’Association religieuse islamique Haïatou Al-igassatou El-islamiya ; médiateur linguistique n° 6 : Assiké, élève coranique djennenké, 16 ans ; médiateur linguistique n° 7 : Madou, élève coranique djennenké, 16 ans

Pour le recensement des écoles formelles : médiateur linguistique n° 1 (voir ci-dessus) ;médiateur linguistique n° 5 (voir ci-dessus)

Pour les questions techniques relatives à la réalité des écoles formelles : Monsieur Amadou Diallo, Président de l’A.P.E. (Association des Parents d’Elèves de Djenné)

Pour autres indications : Monsieur Allaye Silimiga Landouré, guide touristique.

Remerciements : De nombreux organismes maliens, de nombreux chercheurs et une multitude de personnes ont nous aidé à accomplir notre recherche ; ils trouveront ici l’expression sincère de notre profonde et secrète gratitude ; mais nous devons remercier publiquement l’A.M.R.A.D. (Association Malienne de Recherche-Action pour le Développement) de Bamako et son Président, Monsieur Mamadou Diallo.

 

 

[Roberto-Christian Gatti, né à Gênes en 1970, n’a commencé ses études universitaires qu’en 1993/1994, après avoir travaillé plusieurs années. Il s’est formé en sciences de l’Education à l’Université de Gênes, et a soutenu devant cette Université en 1999 une thèse sur les écoles coraniques de Djenné. Il poursuit désormais ses recherches sur les rapports entre éducation, culture et foi religieuse, en étant inscrit à la fois au doctorat de recherche en Pédagogie Interculturelle à l’Université de Messine, et en doctorat d’Anthropologie Sociale à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris (sous la tutelle du Professeur Jean-Loup Amselle)]

DJENNE PATRIMOINE remercie beaucoup Monsieur Gatti d’avoir rédigé spécialement cet article pour le publier dans ce bulletin.


(1) Lacroix, Dr. W.F.G., Africa in Antiquity, A linguistic and toponomic analysis of Ptolemy's of Africa, together with a discussion of Ophir, Punt and Hanno's voyage, Cimpletely revised edition, Nijmegen Studies in Development and Cultural Change, Volume 28, Saarbrücken 1998. ISSN 0935-7173, ISBN 3-88156-708-9. Price DM 64,00. A commander à : Verlag für Entwicklungspolitik Saarbrücken GmbH, Auf der Adt 14, D-66130 Saarbrücken/Germany; e-mail : vfesbr@aol.com.Retour au texte

(2) Mauny, R Tableau géographique de l'Ouest africain au Moyen Age d'après les sources écrites, la tradition et l'archéologie, (Dakar 1961), Reprint Zwets & Zeitlinger, Amsterdam 1975, pp. 191-192Retour au texte

(3) Salama, P. "The Sahara in classical antiquity", in General History of Africa, vol. II, Ancient civilizations of Africa, Unesco 1981, p. 518Retour au texte

(4) Bertthelot, A., L'Afrique Saharienne, ce qu'en ont connu les anciens, Paris 1927, pp. 297-413Retour au texte

(5) J'ai identifié Usargala mons comme les dunes d'Ittigi, et éventuellement les dunes d'Aklé Aouane et d'Adafer ; il y a des pentes très fortes sur la face sud de Adafer et aux marges sud-ouest de Aklé Aouane (cf. Africa in Antiquity, p. 150)Retour au texte

(6) Cooley, The Negroland of the Arabs, Sec. esd., Frank Cass & Co. Ltd. 1966, p. 5, note 2.Retour au texte

(7) Voir discussion sur Thamondocana dans Africa in Antiquity, pp 159-163Retour au texte

(8) Le codex Lat. V F. 32 (15e siècle) de la Bibliothèque Nationale de Naples.Retour au texte

(9) G. Dieterlen, Communication au Deuxième Colloque International de Bamako (16-22 février 1976), Actes du colloque, Fondation SCOA pour la recherche scientifique en Afrique, Paris, 1977, 327 p. (pp. 62-65)Retour au texte

(10) Le premier est Mbaru Cienta : l'un de ses élève m'a dit que son maître aurait 71 ans; il est Bozo et enseigne seulement le Coran. Le deuxième est Bamoye Traoré, il est aveugle ; il ne se rappelle pas l'origine de son école au delà de son grand-père; il a 61 ans; il est Marka Djennenké; ses fils enseignent le Coran et lui le Ketab.Retour au texte

(11) Talismans sous forme de collier ou brassard, étuis enpeau cousus à la main, contenant en général invocations, phrases de louange à dieu, versets coraniques ou même entières sourates coraniques.Retour au texte

(12) A toutes fins utiles, nous avons relevé les effectifs suivants dans les documentations d'archives : 25 marabouts et 529 élèves (382 hommes et 147 femmes) en 1984 (Fa 16114), 23 marabouts et 408 élèves (dont 96 filles) en 1903 (FA 16 228), 41 marabouts et 281 élèves (22 marabouts n'ayant pas d'élèves) en 1908 (FA 16 114).Retour au texte

(13) On rappelle que les châtiments corporels, dans le milieu d'enseignement formel, ont été interdits au Mali par l'art. 15 du Décret n° 235/PGEM du 4 octobre 1962, introduisant pareillement l'organisation de l'enseignement de base ; ainsi que par l'art. 15 du Décret n° 51/PG.Retour au texte

(14) On ose à peine rappeler que si les motifs brodés sur les boubous sont directement tirés de l'iconographie islamique, c'est parce qu'il fut un temps où la fabrication du vêtement en coton tissé était une industrie "de pointe" (à la technique très évoluée pour l'époque, aux produits s'adressant à une clientèle fortunée et donc exportant l'essentiel de sa production), dont les marabouts et leurs élèves s'étaient assuré le lucratif monopole ; cf. Amadou Tahirou Bah et J. Brunet-Jaillit (sous la direction de) : Djenné d'hier à demain, Bamako, éditions Douniya, 1999 ; Labelle Prussin : Hatumere, Islamic Design in West Africa, Université of California Press, Berkeley, 1988.Retour au texte

(15) On considère que 100F CFA équivalent à environ 1 FF.Retour au texte

(16) Le Corant est composé par 114 chapitres ou sourates (ici on utilisera la form invariable Surah même pour indiquer le pluriel) ; il est divisé en 60 parties dites hezb. A chaque hezb correspondent 8 thomn. Un nesf correspond à 1/2 hezb et à 4 thomn. Mais ni la partition en hezb ni la division en thomn ne sont en partie égales..Retour au texte

(17) Outil de prière semblable au chapelet ou rosaire chrétien. En Afrique en général, il est profondément lié à la confrérie d'appartenance et, souvent, à l'islam ésotérique. Le nombre de ses grains peut changer ; par exemple chez les membres de la Quadiriya, le chapelt comprend quatre-vingt-dix-neuf grains, partagés en trois groupes de trente-trois grains auxquels correspondent les 99 noms de Dieu.Retour au texte

(18) Organisme crée en 1996 pour protéger et sauvegarder le patrimoine artistique et cultural de Djenné. Il est doté d'un espace dans le nouveau quartier de Tolober, à l'entrée de la ville.Retour au texte

(19) De l'arabe, "guide". Cette dénomination est très courante et elle est employée aussi par les musulmans non sunnites.Retour au texte

(20) D'abord lié au Sénégal dans la fédérationdu Mali, le Mali est arrivé à l'indépendance le 22-IX-1960 ; mais seulement le 12-I-1992, après deux dictatures socialistes, qu'il a été capables de se donner une contitution qui a intauré une République Présidentielle.Retour au texte

(21) Al-Nawawy, Les Jardins de la Piété. Les Sources de la Tradition Islamique, Alif, 1991, p. 183.Retour au texte

(22) Al-Mawardi, Kitab al-ahkam al-sultaniyya ("Les règles du [bon] gouvernement"), Le Caire, 1298H.Retour au texte

(23) Organisation Islamique pour la science, l'Education et la Culture.Retour au texte

(24) Archives Nationales du Mali, FA ID 15 [manuscrit]. Retour au texte

(25) Pour approfondissement voir : Hacène Benmansour, Politique économique en Islam, Al Qalam, Paris, 1994; Youssef Qaradhawi, Le licite en Islam, Al Qalam, Paris, 1995. Retour au texte

(26) Aujourd'hui, Ministère de l'Administration Territoriale et de la Sécurité. La liberté de culte est réglementée par la loi n° 86/§An-Rm du 21 juillet 1961 ; l'enseignement religieux est réglementé par le n° 174 du 10 décembre 1957, lequel ne reconnaît pas à les écoles coraniques la qualification de lieux de culte et donc rejette la possibilité d'une subvention de la part de l'Etat. Retour au texte

(27) A ce propos, on renvoie aux dispositions contradictoires des art. 7, 8, 32, 34, 35, 40, 41, 44, 80 de la loi n° 26 du 26 mars 1975, relative au conseil de famille. Retour au texte

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Ont contribué à la rédaction de ce bulletin : Amadou Tahirou Bah, Joseph Brunet-Jailly, Boubou Cisse, Foourou Alpha Cisse, Papa Moussa Cisse, Roberto-Christian Gatti, Ibrahim Kone, W.F.G. Lacroix, Geert Mommersteeg, Sidi Sonfo, Bénédicte Wahlin.

 

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