DJENNE PATRIMOINE Informations

 

n° 27, automne 2009

 

 

 

 

 

NOUVELLES DE DJENNE

 

Conseil de cercle de Djenné

 

A la suite des élections du mois d’avril, le Conseil de cercle de Djenné, composé de délégué élus par les conseils communaux, est ainsi constitué :

Dandougou-Fakala : Amadou Dicko et Boukary Dia

Derrary : Abdoulaye Diarra et Amadou Diarra

Fakala : Macki Cisse et Aminata Drame

Femaye : Allaye Sidibe et Aly Diarra

Kewa : Sidi Kondo et Lamine Kondo

Nema Badenya Kafo : Sékou Bah, Kouraba Tangara et Molobaly Seiti

Ouro Ali : Oumar Couilibaly et Bilaly Traore

Pondori : Youssouf Kabirantao et Mama Koina

Togue Mourari : Amadou Macinanke et Hassane Cisse

Madiama : Komany Diarra et vMama Mahmoud Secre

Niansanari : Karimou Bouare et Amadou Tangara

Djenné : Alassane Bocoum et Hamadoun Bah

 

Ce conseil a élu son bureau ainsi composé :

Président du conseil de cercle de Djenné : Alassane Bocoum

Premier Vice-Président : Abdoulaye Diarra

Second Vice-Président : Mme Aminata Drame

 

DJENNE PATRIMOINE félicite chaleureusement les nouveaux élus et souhaite qu’ils manifestent par des actes leur attachement à la protection et à la promotion du patrimoine archéologique, architectural et culturel du cercle.

 

Le conseil de cercle a tenu plusieurs sessions au cours de l’année 2009. Fin juin-début juillet il a adopté son budget additionnel 2009, adopté son règlement intérieur et créé ses commissions. Les 15 et 16 septembre, il a adopté les projets à réaliser sur le droit de tirage 2009 auprès de l’ANICT. Du 20 au 22 octobre, il a adopté son programme de développement annuel 2010 et son budget primitif 2010. Le 11 novembre 2009, au cours d’une session extraordinaire, il a adopté un plan triennal 2009-2011 ainsi que les plans annuels 2009 et 2010 d’appui technique (formation de ses élus et personnels, cf. ci-dessous).

 

En 2010, le Conseil de cercle de Djenné doit construire et équiper une salle de classe à Djenné ; réhabiliter la morgue du centre de santé de référence ; renforcer les capacités de ses élus et de son personnel par des formations, notamment en matière budgétaire.

 

Le Conseil de cercle de Djenné attend avec impatience la réalisation du seuil de Soala dont il attend un épanouissement des activités de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage dans le cercle, en plus d’un accès plus facile à Djenné. Il veut être impliqué de façon directe dans toutes les phases de cette réalisation et de sa gestion. A cette fin il va constituer un comité.

 

 

 

Conseil communal de Djenné

 

La composition de ce conseil et de son bureau a été donnée dans le précédent numéro de DJENNE PATRIMOINE Informations. Au cours de sa première session ordinaire, le conseil communal a créé 5 commissions : affaires économiques et financières ; affaires domaniales et foncières ;  affaires éducatives, sociales, culturelles et sportives : état-civil et recensement ; cadre de vie, voirie et urbanisme ; et il a adopté son budget additionnel. Au cours d’une session extraordinaire, il a identifié et retenu un projet d’investissement (construction d’une école maternelle à Djenné) pour mobiliser son droit de tirage 2009. Au cours d’une seconde session ordinaire, il a adopté son budget primitif 2010.

 

L’assainissement de la ville de Djenné, encore et toujours !

 

En 2008, après des années de laxisme de la part des plus hauts responsables de la ville, l’insalubrité de la ville religieuse a atteint un seuil qui dépassait tout commentaire. Les rues étaient impraticables, les touristes ne savaient plus où mettre le pied pour contempler la belle architecture. Certains fidèles âgés, à cause de la boue et des eaux usées souillant le sol, n’avaient plus accès à la mosquée dès la nuit. Les pousse-pousse peinaient plus que de raison avant d’arriver à destination. Les déplacements des piétons étaient devenus problématiques, les cyclistes et motocyclistes se garaient à distance, faute de passage. La vie était devenue intenable à l’intérieur des maisons à cause des mouches le jour, des moustiques la nuit et des odeurs suffocantes à tout moment.

 

C‘est dans cette situation de désolation qu’a eu lieu l’assemblée du 22 octobre 2008. Ce jour-là, tout Djenné était réuni, car deus points essentiels étaient à l’ordre du jour : l’assainissement et la religion. En effet, il s’agissait de préparer le retour des équipes de la Fondation Aga Khan sur le chantier de restauration de la mosquée. Etaient donc présents : la mairie, l’administration, les services techniques, l’AMUPI, les GIE, les associations féminines, les comités de salubrité, les hôteliers, les guides…

 

En ce qui concerne l’assainissement, les différents intervenants, après avoir déploré la situation, ont accusé le chef du SAPCN (service d’assainissement et de contrôle des pollutions et des nuisances) d’être trop clément. Certains sont allés plus loin, en disant : « on ne peut pas avoir l’estime de la population et être apprécié par ses chefs ». Personne n’a fait allusion à la pratique courante à Djenné : en cas d’infraction et de sanction, on multiplie les interventions, notamment celles des marabouts, et jusqu’à Bamako, pour faire rapporter l’amende, ou la convocation !

 

Ainsi, ce jour-là, c’est Bakary Coulibaly, seul, qui a « porté le chapeau », comme si les accusateurs et autres participants n’avaient jamais été défaillants. C’est donc à partir de ce 22 octobre 2008 que le chef du SAPCN a décidé de tirer toutes les conséquences de cette nouvelle analyse de la situation, si inattendue qu’elle soit. Après avoir passé deux semaines de sensibilisation et d’information, qui lui ont permis de passer dans tous les quartiers, après une campagne à la radio locale et par crieur public, le contrôle a débuté. Pour réussir l’opération, il fallait montrer que désormais personne n’était au-dessus de la loi. C’est ainsi que les premiers contrôlés ont été l’administration (le premier adjoint au préfet), la perception, beaucoup de notables de Djenné, et aussi les beaux-parents de l’agent verbalisateur. Les convocations ont été distribués, aucune intervention n’a été suivie de levée de la sanction encourue, le chef SAPCN a fait appliquer la réglementation de la façon la plus stricte.

 

En un mois les eaux stagnantes ont disparu, et le montant des amendes recouvrées s’est monté à 196.000 FCFA. Il ne pouvait plus en être autrement, puisque c’est la population elle-même, par la voie de certains de ses représentants et des fonctionnaires, qui avait montré le chemin de la rigueur, par la simple application des textes à tout un chacun. Ce chemin est parsemé d’embûches, parce que la crise de l’autorité persiste à Djenné, et que personne n’est encore vraiment disposé à faire prévaloir l’intérêt collectif sur la négligence de chacun, devenue la seule ligne de conduite après des décennies de laxisme et d’interventions.

 

Il faut espérer que le retour aux usages anciens sera, au moins dans le domaine de l’assainissement, interdit par le fait que la majorité des djennenkés commence à sentir les bienfaits de la nouvelle attitude du service. La dernière récolte d’amendes et de verbalisations, à la date du 28 décembre 2009, s’élève encore à 161.000 FCFA (montant brut), ce qui montre que la sanction reste nécessaire tant que la seule peur de la sanction ne suffit pas à entraîner le respect des consignes élémentaires susceptibles d’assurer la propreté de la ville.  

 

Cependant, le chef SACPN reste avant tout un éducateur, son premier métier. C’est pourquoi il voudrait qu’on montre à la télévision malienne les images qui ont été tournées par la télévision franco-allemande en 2008, et qui montrent le regard que les étrangers portent sur la ville de Djenné lorsque ses autorités l’abandonnent au laxisme et aux passe-droits. Ces images aideraient à sensibiliser la population, et à l’aider à retrouver la fierté et la discipline nécessaires à toute action collective.

 

Le chef SACPN suggère aussi que la commune urbaine de Djenné sollicite les bailleurs de fonds –et notamment la ville jumelle de Vitré–  pour obtenir d’eux les appuis techniques, matériels et financiers qui permettraient de pérenniser les premiers résultats obtenus et de conserver à Djenné son rôle de destination privilégiée des touristes. Ces appuis renforceraient les actions entreprises par le projet « Niger-Loire : gouvernance et culture » dans le domaine de la gestion des déchets solides.

 

Bakary Coulibaly, Chef SACPN, Djenné

 

Un lycée public à Djenné

 

Le lycée public de Djenné a ouvert ses portes Durant l’année scolaire 2008-2009 avec 211 élèves. En attendant la construction d’un bâtiment, les cours ont lieu dans le groupe scolaire Foourou Alpha Cisse. Cette année, le lycée reçoit 550 élèves venus des 12 communes du cercle de Djenné, ou des différentes régions du Mali.

 

Ce lycée est dirigé par Moussa Bagayoko, tout nouveau proviseur venu du lycée Massa Makan Diabate de Bamako, où il était censeur. Le surveillant est Diedani Maïga. Le corps professoral est composé de dix enseignants : 2 professeurs de mathématiques, 2 de lettres, 1 de biologie, 1 d’histoire-géographie, 1 de physique et chimie, 1 d’arabe, 1 d’anglais et 1 d’allemand.

 

Ce nouvel établissement facilitera l’accès des élèves à l’enseignement secondaire et contribuera au développement éducatif de la ville.

 

DJENNE PATRIMOINE a apporté des dons de documents au lycée.

 

Boubacar Cisse, professeur d’histoire-géographie au Lycée public de Djenné

 

L’éclairage public à Djenné

 

Le Gouvernement de la République du Mali, dans son programme d’extension de l’électricité et de l’éclairage public à l’intérieur du pays, vient d’entreprendre à Djenné son volet d’éclairage public. Ce programme a commencé par la réhabilitation générale de toutes les installations électriques de l’Energie du Mali (EDM) à l’intérieur de la ville de Djenné. Les travaux, commencés en janvier 2009, ont été terminés fin juin. Il s’est agi non seulement de remplacer les poteaux en bois, vétustes, mais surtout de monter un lampadaire sur chaque poteau ; et encore de construire une nouvelle centrale électrique et d’un bureau du personnel de l’EDM dans le quartier de Tolober (à l’entrée de la ville, à l’Est). Un bâtiment flambant neuf, doté de toutes les commodités que devra abriter l’EDM n’attend que son inauguration officielle. Ces nouvelles installations permettront de résoudre le problème des baisses d’intensité du courant électrique, constatées par les consommateurs ces dernières années, et de promouvoir l’extension de l’électricité dans les zones non encore desservies de la ville.

Depuis la fin de ces travaux, la cité des marabouts a un nouveau visage. Dès le coucher du soleil, après l’appel du muezzin, les lampadaires commencent à s’allumer le long de l’artère principale qui fait le tour de la ville, et même dans quelques ruelles tordues et poussiéreuses qui se rétrécissent au fur et à mesure qu’on s’approche des berges. Cet éclairage public a donné à Djenné l’aspect d’une grande ville en pleine urbanisation. Il a permis aux forains du lundi et à quelques boutiquiers de vaquer à leurs affaires jusqu’à des heures tardives. Les vendeuses de poisson et de lait frais, elles aussi, se regroupent en petits cercles autour de leurs produits pour attendre les clients noctambules, plus nombreux qu’on pourrait croire. Sur la grand place, les enfants des quartiers environnants se rassemblent pour jouer au ballon à la lumière des lampadaires. De l’autre côté de la place, ce sont les petites bonnes qui, une fois terminés leurs travaux domestiques, se retrouvent pour chanter et danser les chansons de leurs terroirs. Les jeunes, autour de leur thé, profitent des soirées pour contempler les meilleurs moments de la nuit. Les élèves des écoles coraniques (garibou-s) profitent de l’éclairage public pour apprendre à écrire et à réciter les sourates et versets du saint Coran ; Allahou akbar, Dieu est grand !

 

Cette lumière a donc donné à la jeunesse un nouvel espoir : leur ville n’est pas condamnée à la pauvreté, elle est elle aussi capable de se moderniser. Désormais la lumière fait partie de la vie des populations de Djenné ? L’obscurité nocturne n’est qu’un souvenir qui rappelle cependant le caractère mystique légendaire de la cité. Mais la lumière partout dans la ville n’est-elle pas aujourd’hui le symbole de la célébrité du savoir dans cette cité millénaire, où l’on peut dire sans hésiter « qui craint la lumière a quelque chose à cacher ». Et en plus de tous ces avantages, l’éclairage de la ville donne encore un éclat particulier à la célèbre architecture de Djenné, sans oublier le reflet des ampoules sur les eaux du Bani qui entoure la ville, montrant ainsi que Djenné est véritablement une des merveilles du monde.

 

Kolado A. Cisse, professeur de lettres au Lycée public de Djenné.

 

Commentaire de DJENNE PATRIMOINE : cette rénovation des installations électriques de Djenné était pour l’EDM une occasion rêvée pour enterrer tous les cables, comme le demandent les experts de l’UNESCO depuis le classement de la ville, il y a vingt ans ! L’EDM a purement et simplement oublié que Djenné est une ville du Patrimoine Mondial : ignorance ? incompétence ? Une fois de plus sur cet exemple le Mali montre quelle faible importance il accorde à son patrimoine.

 

 

NOUVELLES DU PATRIMOINE DE DJENNE

 

Etat d’avancement des travaux de restauration  de la mosquée de Djenné.

 

La présente note présente l’approche générale de la restauration de la Mosquée de Djenné entreprise par l’Aga Khan Trust for Culture (AKTC) et dresse l’état d’avancement du projet et ses perspectives.

 

La restauration de la mosquée de Djenné s’inscrit dans le programme qu’AKTC a développé depuis 2004 pour la réhabilitation et la mise en valeur du patrimoine en terre au Mali. Dans ce cadre, la mosquée de Komoguel à Mopti a été restaurée entre 2004 et 2006, suivie par la mosquée de Djingarey Ber à Tombouctou, en travaux depuis janvier 2007 et dont l’achèvement est prévu en juin 2010. A Djenné, à la suite du relevé architectural complet de l’édifice en novembre 2008, les travaux de restauration de la mosquée de Djenné ont débuté début 2009 et sont en voie d’achèvement durant l’année 2010.

 

Le programme des interventions a été développé suite à un diagnostic de l’édifice en concertation avec la communauté, la corporation des maçons de Djenné et la Mission Culturelle; si en surface l’édifice apparaissait en bon état grâce au crépissage annuel, le mauvais état de conservation des structures, anticipé par des sondages locaux, a été confirmé lors de la réfection de la toiture durant l’année 2009. C’est ainsi pour garantir la pérennité du monument, la sécurité et le confort des fidèles que l’intervention de restauration a été étendue en profondeur sur tout le monument.

 

L’approche conceptuelle de cette restauration s’appuie sur le respect des traditions constructives locales et des savoir-faire de la corporation des maçons traditionnels de Djenné, le barey-ton, qui réalisent la restauration, auquel est associée la démarche méthodologique d’un projet de conservation fondée sur les chartes internationales en vigueur. Les dimensions de recherche historiques, de relevé architectural, de diagnostic raisonné du bâti ainsi que les procédures de tests de dosage du banco enrichissent le projet, de même que la participation d’experts spécialisés dans leurs domaines de compétence permet des échanges fructueux avec les maçons du barey-ton. Le projet s’inscrit ainsi dans une démarche de développement local durable, fournissant non seulement des opportunités d’emploi et un marché pour les fournisseurs locaux, mais surtout le chantier est un lieu de formation continue et d’approfondissement des techniques de constructions en terre en vue d’améliorer leurs performances et rendre possible leur application en d’autres lieux de la ville.

 

 

En ce qui concerne les désordres structurels constatés,  ils concernaient autant la toiture que les maçonneries des murs de la mosquée. En toiture, après le décapage des surépaisseurs, des sondages ont révélé un mauvais état des bois de rônier de la charpente. Le remplacement  de la moitié d’entre eux s’est révélé indispensable et a été réalisé entre janvier et septembre 2009. Les maçonneries comportent de nombreuses  faiblesses malgré les enduits successivement appliqués depuis plus de 100ans. Le premier sondage réalisé sur la façade Nord fut l’occasion de discuter avec la communauté et les maçons du barey-ton de l’opportunité de réduire ces surépaisseurs, masquant l’architecture originale. Le sondage suivant, réalisé sur une travée entière de la galerie Ouest a mis à jour des maçonneries en mauvais état nécessitant de nombreux remaniements. Il a donc été décidé par consensus de toutes les parties de restaurer  l’ensemble de la structure des élévations et, de fait, de restituer l’aspect original de l’architecture.

 

 

 

L’effondrement partiel de la Tour Sud de la façade Est, le 5 novembre dernier, a démontré la fragilité de certaines parties de la mosquée et  a rendu d’autant plus légitime et nécessaire la méthodologie appliquée. La reconstruction de la tour à l’identique a pu être entreprise en un mois en utilisant intégralement des briques en  djenné-ferey et en dotant la tour d’éléments de chainages en rônier, pour garantir sa stabilité.L’expérience acquise lors de cette reconstruction démontre que le recours intégral à une construction à base de briques de djenné-ferey permet une organisation du travail efficace et un résultat performant dés lors que le djenné-ferey est fabriqué selon un dosage adéquat, que sa mise en œuvre est soignée et qu’elle est associée avec la disposition de chainages en rônier réguliers.

 

 

 

 

A l’intérieur de l’édifice, les maçonneries posent moins de problèmes. A ce jour, les enduits de la moitié des piles et ogives ont été décapés, les maçonneries reprises localement si nécessaire et enduites des premières sous-couches. Ces enduits ont, comme à l’extérieur, fait l’objet de test de dosage et de mise en œuvre pour en augmenter la qualité. Les travaux de restauration actuels se concentrent sur la façade Est  (tour centrale, murs et tour Nord), la façade Nord ;  les travaux intérieurs sur la deuxième moitié des piles, les sols, la mise en œuvre des réseaux électriques.

 

A cet état d’avancement de la restauration  de la mosquée, il nous semble utile de mettre en évidence deux observations qui méritent d’être discutées avec la société civile de Djenné :

 

1. La recherche d’amélioration de la qualité et des performances des matériaux traditionnels est constante dans le déroulement de la restauration, la qualité des matériaux et leur bonne mise en œuvre étant les garants de la durabilité des travaux entrepris. Cet objectif de qualité et de durabilité dépasse la seule restauration de la mosquée en ce que celle-ci établira une référence pour de futures interventions dans la ville. La participation dans le processus de décision et la réalisation des travaux par les maçons du barey-ton est essentielle pour garantir la durabilité de l’expérience acquise.

 

 

 

2. Le mode actuel de crépissage annuel de la mosquée ne semble pas remplir toutes les exigences techniques nécessaires pour la pérennité de l’édifice. Les sondages réalisés sur les multiples couches de banco de crépissage révèlent que la qualité des enduits est décroissante depuis plusieurs années. Le manque de moyens et la précipitation dans la préparation (pas de pourrissement) ou dans la mise en œuvre (course entre les quartiers) réduisent la performance des enduits et leur capacité à résister aux pluies. Il serait utile d’engager une discussion approfondie afin que les maçons du barey-ton jouent un rôle central dans la préparation des matériaux, l’encadrement de la fête de crépissage et peut-être, un suivi technique et la prolongation de certaines activités plus délicates les jours suivant la fête. AKTC fournira a la fin de la restauration un manuel technique illustré comprenant les sources de matériaux utilisés, les dosages de banco et méthodes de construction recommandés ; ce manuel sera un complément documentaire utile aux savoir-faire transmis par voie orale des macons du barey-ton.

 

Aga Khan Trust for Culture, 29 janvier 2010

 

Un nouveau livre sur le patrimoine culturel de Djenné

 

Les recherches que Geert Mommersteeg avait menées dans les années 1990 auprès des marabouts de Djenné, avec l’aide de Boubacar Kouroumansé, avaient été publiées en néerlandais en 1997. Mais ce livre a récemment été traduit en français et publié par les Editions Grandvaux, qui ont déjà publié le magnifique album de photographies de Mali Shamir accompagnées de poèmes d’Albakaye Ousmane Kounta, et plusieurs autres livres sur le Mali.

 

 

Ce livre est disponible à Djenné, dans les librairies à Bamako et en France, et il peut aussi être commandé à DJENNE PATRIMOINE.

 

Musée de Djenné

 

Le 6 août 2009 s’est tenue à Djenné une réunion d’information sur le musée de Djenné. Présidée par le Préfet et organisée par la Mission Culturelle, cette réunion a été marquée par la présence des représentants des autorités administratives, politiques, coutumières, des associations, des ONG et de la presse locale. Quelques jours plus tard une réunion similaire avait lieu dans le vestibule du chef de village, pour informer les conseillers de ce dernier.

 

M. Abdoulaye Touré, architecte et maître d’ouvrage, a eu l’occasion d’exposer l’état d’avancement du chantier et les raisons du retard que chacun constate. Pour lui, le retard du chantier n’engage nullement la responsabilité de l’entreprise mais celle du premier maître d’ouvrage délégué, qui était l’AGETIER.

D’ailleurs, fin 2008 l’Union Européenne a retiré le marché à l’AGETIER, pour le confier au PSIC, un programme de soutien aux initiatives locales  financé par l’Union Européenne au sein du ministère de la culture. L’Union Européenne a également été amenée à accorder une rallonge de crédits pour achever ce musée.

 

 

 

 

Cette réunion a aussi été l’occasion de préciser les missions de ce musée. Au nombre de quatre, elles sont :

 

- la collecte et la documentation, l’inventaire, l’étude et la diffusion, la conservation et l’exposition du patrimoine culturel de Djenné ;

 

- la sensibilisation de la population et des visiteurs sur le pillage et le trafic d’objets archéologique et ethnographique, éduquer le public à la préservation du patrimoine culturel urbain, l’organisation d’activités éducatives pour le public scolaire et jeune, la formation et le perfectionnement aux techniques artisanales traditionnelles (architecture traditionnelle, sculpture, tissage, orfèvre cuir…etc.), c'est-à-dire revitaliser les métiers traditionnels ;

 

- l’animation culturelle des localités concernées, en accueillant des spectacles relevant de la culture traditionnelle (danse, conte, musique…) ou des expressions culturelles plus contemporaines (projection de films, concerts de musiques…) ;

 

- l’accueil et l’information des visiteurs, y compris par le biais de boutiques de souvenirs et d’artisanat, de cafés restaurants, d’un cybercafé, contribuer à l’élargissement du potentiel touristique.

 

Commentaire de DJENNE PATRIMOINE : Peut-être convient-il de rappeler ici le proverbe « qui trop embrasse, mal étreint » ?

 

Les maçons et l’architecture de Djenné en honneur à Londres

 

Trevor Marchand, architecte et anthropologue, spécialiste de la transmission des savoirs professionnels dans les métiers du bâtiment, a travaillé des mois avec les maçons de Djenné, sur les chantiers, pour comprendre comment les connaissances techniques et les gestes du métier sont enseignés aux apprentis, en l’absence de toute alphabétisation. Le livre qui rend compte de ces travaux passionnants est paru en 2009 aux Presses de l’Université d’Indiana.

 

Aujourd’hui, Trevor Marchand organise à Londres, du 2 mars au 29 avril 2010, une série de manifestations du plus grand intérêt pour tous ceux qui sont attachés au patrimoine bâti de la ville de Djenné.

 

 

The Masons of Djenne

 

Voici lesquelles :

 

1) une série de conférences sur le thème général « l’art de construire en terre, un patrimoine et sa préservation », avec en particulier :

 

- Retour à la terre, par Paul Olivier, Professeur émérite d’architecture vernaculaire internationale à l’Université d’Oxford Brookes

 

- Le futur du banco : contes des maisons et des vies de Djenné (film documentaire de Susan Vogel, Trevor Marchand et Samuel Sidibe)

- La restauration des Mosquée de Mopti, Djenné et Tombouctou, par Jean-Christophe Bouleau (Aga Khan Development Network)

 

- Restaurer la splendeur de Djenné, par Rogier Bedaux, Annette Schmidt et Pierre Maas

 

- Derrière les façades de Djenné, par Michael Rowlands et Charlotte Joy

 

- Préservation durable, aspect économiques et environnementaux, par Rowland Keable et Ram Cast

 

2) une exposition « Djenné, une cité africaine en terre »

L’architecture de Djenné, une ville entourée d’eau au cœur du delta intérieur du Niger, en Afrique de l’Ouest, est considérée comme le meilleur exemple de construction traditionnelle en terre. Des maisons commerciales élégantes et une mosquée célèbre dans le monde entier portent témoignage c’une longue histoire de commerce et d’enseignement islamique. Avec ses compositions audacieuses et ses contours érodés, l’architecture de la ville lui a permis d’être reconnue comme un important site du Patrimoine Mondial de l’UNESCO.

 

La construction créative en terre crue prospère lorsque les maçons adaptent les connaissances traditionnelles, la profession et bâtisseur et la magie au monde moderne qui change. Cette exposition explore les relations fascinantes entre les pratiques de conception et de construction, l’héritage architectural et l’identité culturelle.

 

3) une visite-conférence animée par Trevor Marchand lui-même

Plus d’informations sur www.soas.ac.uk/about/events|

Le kossi, une technique traditionnelle de teinture, encore pratiquée à Djenné !

 

Si la teinture naturelle à base d’indigo est depuis des siècles pratiquée dans la région de Djenné et colore encore les pagnes traditionnels, elle est de nos jours fortement concurrencée par les basins teintés à l’aide de teintures chimiques, sous l’influence prédominante de la mode bamakoise.

 

A Djenné, plusieurs artisan(e)s font actuellement de la teinture de basin et parmi eux, Lassine Koné que j’ai eu le plaisir de rencontrer et de voir à l’œuvre.

 

Lassine a appris l’art de teindre auprès de sa mère à Bamako lorsqu’il était enfant. Ce travail saisonnier ne lui fournissant pas de revenus stables, il s’est formé à l’hôtellerie et a trouvé un emploi au campement de Djenné. Parallèlement à son activité de serveur, il a fondé une association pour la promotion des femmes artisanes et forme celles-ci à la teinture.

 

Parmi les nombreuses techniques qu’il maîtrise, Lassine en perpétue une en particulier qu’il est le seul à posséder à Djenné : le kossi qui veut dire « grattage » en soninké. Relativement tombé en désuétude à Bamako, je suis heureuse de voir ce procédé perpétué ici.

 

La technique du kossi consiste à appliquer sur le tissu avec le plat de la main une pâte à base de farine cuite. L’artisan réalise ensuite sur la surface enduite des motifs graphiques à l’aide d’un peigne. Dès que tout est sec, le tissu est trempé rapidement dans le bain de teinture. Les dessins apparaissent alors en négatif sur le basin, après rinçage.

 

 

Ce procédé est très ancien et se pratiquait dans toute la sous-région. Des cartes postales du début du 20e siècle en attestent. Aujourd’hui, la méthode est toujours la même. Toutefois, les colorants synthétiques et le basin ont remplacé respectivement l’indigo et la cotonnade locale.

 

Les graphismes reproduits à l’aide du peigne appartiennent à un répertoire d’une dizaine de motifs connus des teinturier(ère)s de kossi. Lassine en a réalisé trois différents devant moi :

 

    1. Kourouni : petite courbe ;
    2. Daibêni : petite natte ;
    3. Saraba : lignes

A Bamako, à la fin des années 1990, certains ont renouvelé la technique en utilisant des rideaux en dentelle synthétique comme pochoir. Cette technique a l’avantage de pouvoir décorer sans trop de raccords de grandes longueurs de tissu et donne un résultat délicat composé de motifs floraux et géométriques[1]. Lacine qui maîtrise également cette façon de faire, m’en a fait la démonstration.

 

Grâce à des artisans comme lui, ce savoir-faire ancien se perpétue tout en intégrant les nouveautés. Le dynamisme culturel de cet artisanat est patent, il constitue le meilleur gage de sa pérennité.

 

Patricia Gérimont, Bruxelles

 

La recette du kossi

 

  1. chauffer de l’eau
  2. délayer la farine de blé avec de l’eau froide dans un chaudron
  3. ajouter l’eau chaude à la solution et mélanger avec un bâton
  4. placer le chaudron sur le feu et continuer à mélanger afin que la farine épaississe.
  5. ajouter la soude caustique et laisser réduire jusqu’à ce que la préparation devienne brun foncé et épaisse ; celle-ci doit être bien dosée car la pâte obtenue sera étendue à main nue.
  6. laisser refroidir
  7. étendre le tissu sur une table
  8. enduire la surface du tissu avec cette préparation.
  9. tracer les motifs graphiques à l’aide d’un peigne en plastique
  10. laisser sécher au soleil une demi-heure
  11. préparer pendant ce temps le bain de teinture et plonger rapidement le tissu séché dans la solution colorée
  12. rincer, amidonner et mettre à sécher
  13. battre le tissu au maillet pour le lustrer

 

 

 

NOUVELLES DE DJENNE PATRIMOINE

 

Une subvention du Conseil Général des Bouches-du-Rhône (Marseille, France)

 

Le Conseil Général des Bouches-du-Rhône, collectivité décentralisée siégeant à Marseille, a accordé une subvention de 8500 € à DJENNE PATRIMOINE pour contribuer au titre de l’année 2009 à la réalisation du projet de formation des maçons.

 

La seconde année du Projet de formation des maçons

 

L’examen des comptes de la première année fait apparaître les faits suivants :

- le Ministère français des Affaires Etrangères a versé environ 37500 € à ACROTERRE au titre du co-financement pour la première année du projet ;

- les dépenses de la première année n’ont pas dépassé 15000 € (dont environ 3500 € à Djenné même)

- le disponible en trésorerie est donc de l’ordre de 23000 €, à quoi s’ajoutent environ 2000 € de dons reçus à la suite de la souscription lancée fin 2008 ;

- à cela s’ajoute la récente subvention du Conseil Général des Bouches du Rhône

 

Il est donc prévu les activités suivantes pour la seconde année d’exécution du projet :

1) en matière d’alphabétisation fonctionnelle

 

a) les résultats obtenus par le premier groupe lancé l’an dernier sont très satisfaisants, et donc il faut prévoir un programme de seconde année pour ce groupe ;

 

b) un second groupe de débutants sera constitué si A.T. Bah et Boubacar Cissé le jugent utile; en attendant leur réponse, seul est budgétisé le programme de seconde année destiné au groupe qui a commencé en janvier 2009 ;

 

2) en matière de sensibilisation, les activités budgétisées sont les suivantes :

 

a) l’atelier de dessin, dont l’objectif est d’amener un certain nombre de scolaires à regarder attentivement l’architecture de la ville et d’aboutir à une exposition de dessins à Djenné et éventuellement à Bamako ;

 

b) la reprise des émissions sur la radio locale ; radio Jamana demande 20.000 FCFA par émission d’une heure ; les émissions seraient préparées et présentées par M. Samake ; une dizaine d’émissions sont budgétisées (par exemple une par mois pendant dix mois) ; le contenu reste à élaborer et M. Samake nous fera des propositions ;

 

c) l’organisation à partir de la fin décembre et jusqu’au début février d’une exposition sur la conservation de l’architecture de terre, et fin janvier 2010 d’un séminaire sur ce même thème à Djenné ;

 

d) l’achat d’un vidéo-projecteur et d’un onduleur, puisque l’expérience montre qu’il est difficile de trouver ce matériel sur place lorsqu’on en a besoin, et parce que ce matériel sera utilisé pendant l’exposition et surtout pendant le séminaire ;

3) documentation du projet

 

Au cours de la première année, le prestataire chargé de la documentation vidéo du projet n’a pas été convoqué en temps utile pour filmer les activités intéressantes ; cette année il sera possible de filmer les maîtres-maçons Boubacar Toure et Bere Yonou, les séances d’alphabétisation fonctionnelle, les réunions des groupes de travail des maçons et –espérons-le– les premières étapes du chantier (fabrication des djenne ferey, implantation…)

 

4) travail avec les maçons

 

Plusieurs activités sont budgétisées ici :

a) la poursuite de l’activité du groupe de travail sur la modernisation de la profession

b) l’organisation pratique du travail sur la qualité des enduits : achat de matériaux et expérimentations (suite du travail entrepris en 2009) d’une part, création d’un prix du meilleur enduit (à partager entre le maçon et le propriétaire de la maison) d’autre part ;

c) la poursuite de travail de documentation photographique sur les façades revêtues de briques cuites ;

d) la poursuite du travail sur la conception de la Maison du Patrimoine et l’organisation du chantier ;

e) la production de djenne-ferey et le début de la construction : achat des matériaux

f) la production de djenne-ferey  et le début de la construction : rémunération des maîtres-maçons formateurs

g) la production de djenne-ferey  et le début de la construction : déplacements et indemnités de l’architecte superviseur

h) l’entretien du vélomoteur

 

4) gestion du projet

Le coordonateur local sera indemnisé dans les mêmes conditions qu’au cours de la première année

 

5) missions

Le programme des missions est identique à celui de la première année.

Toutes ces prévisions sont reprises dans le tableau page suivante.

 

Atelier sur la conservation du patrimoine bâti classé de Djenné (30-31 janvier 2010)

 

Groupe cible : Cet atelier, organisé avec l’appui technique et financier du Trust Aga Khan pour la Culture (AKTC), que DJENNE PATRIMOINE remercie chaleureusement, s’adresse en premier lieu aux maçons de Djenné. Il s’insère cependant dans un ensemble de manifestations qui ont pour but d’attirer l’attention des habitants de la ville, des propriétaires des maisons, des responsables politiques et administratifs locaux et nationaux, sur la fragilité d’un patrimoine dont dépend en grande partie la réputation de la ville auprès des Musulmans du monde entier, auprès des visiteurs qui viennent en Afrique de l’Ouest, auprès des Maliens eux-mêmes.

 

Contexte : L’effondrement de la tour sud-est de la façade principale de la célèbre mosquée de Djenné, le 5 novembre 2009, alors que la mosquée était considérée comme le bâtiment le mieux entretenu de Djenné, montre la grande fragilité de cette architecture, dès que la qualité de l’entretien décline. Or il est évident que la course de vitesse qui caractérisait le recrépissage annuel de la mosquée depuis une dizaine d’années, et l’abandon des bonnes pratiques traditionnelles pour la préparation du banco (au motif que le beurre de karité serait devenu trop coûteux, comme le pain de singe, etc…), était de mauvais augure. La responsabilité des maçons et celle des autorités civiles et religieuses est donc engagée dans cette catastrophe.

 


 

 


Objectif principal : faire prendre conscience aux maçons du rôle central qu’ils ont à jouer dans le processus de conservation du patrimoine architectural ; alors que la corporation des maçons a construit et entretenu la ville pendant des siècles, elle a été écartée des décisions au cours des dernières décennies ; il s’agit pour elle de retrouver la pleine maîtrise de la technique et, par là, à la fois de reprendre confiance dans ses fonctions et de retrouver le sens de ses responsabilités ; en particulier, maîtres de la technique, les maçons doivent savoir s’opposer aux arguments d’économie qui leur sont parfois adressés ; il leur revient de défendre les bonnes pratiques professionnelles, et de mettre la collectivité devant ses responsabilités.

 

Objectif secondaire : sensibiliser les habitants de Djenné, à la fois par l’intermédiaire des maçons qui sont leurs premiers interlocuteurs en matière de construction, mais aussi par des activités s’adressant directement à la population de Djenné et aux visiteurs de la ville, à la valeur historique et culturelle de ce patrimoine et à l’intérêt historique, culturel, touristique et économique de sa conservation.En Voici le programme de cet atelier, qui s’est déroulé devant une assistance d’une soixantaine de maçons, qui ont participé de façon très active aux discussions.

 

Thèmes :

 

1) « Richesse et diversité de l’architecture en terre dans le monde ». A l’aide de documents photographiques et vidéo, Olivier Scherrer montre que la terre est un matériau utilisé partout dans le monde, pour des constructions qui peuvent être très sommaires ou très luxueuses, un matériau récemment redécouvert dans les pays développés, et le matériau qui fait la réputation internationale de Djenné

2) « La grande mosquée de Djenné, un chef d’œuvre en cours de restauration ». La grande mosquée de Djenné est un bâtiment exceptionnel par sa taille, par son architecture, et parce qu’il a été le chef d’œuvre des maçons de Djenné au début du XXème siècle. Ce bâtiment s’est avéré plus fragile qu’on ne le croyait jusqu’à présent, et le savoir-faire des maçons de Djenné a dû être mobilisé par le Réseau Aga Khan pour la Culture (AKTC) pour procéder à la restauration en cours. A l’avenir, les maçons auront à reprendre leurs meilleures pratiques traditionnelles pour assurer à nouveau l’entretien de ce chef d’œuvre dans les meilleures conditions. L’exposé est présenté par Cheich Abdel Kader Fofana, architecte, travaillant pour AKTC sur le chantier de restauration de la mosquée de Djenné.

 

3) « Le djenne ferey, un savoir-faire constructif ancestral à transmettre »  portera sur la technique de construction propre à Djenné, et dont on cherche encore des équivalents, ailleurs dans le monde, L’ancienneté de cette technique, son adaptation aux formes diverses qu’ont prises les bâtiments civils au cours des siècles, et les problèmes de son entretien seront abordés, ainsi que la valeur patrimoniale de cette architecture, qui est à la base de l’activité touristique de la ville et des recettes qui en découlent. L’exposé est présenté par Mamadou Samake, chargé de programme à la Mission culturelle de Djenné.

 

4) « Comment conserver le patrimoine bâti de Djenné ? » Ce thème sera introduit par Amadou Tahirou Bah, Président de DJENNE PATRIMOINE, qui brossera le tableau des principaux problèmes de la conservation du patrimoine bâti de Djenné : l’entretien courant n’est pas assuré, la qualité du travail n’est plus ce qu’elle était, l’administration ne joue pas son rôle dans la protection du site classé, etc. Ensuite Olivier Scherrer présentera l’étude qu’il a faite du coût comparé du recrépissage selon les meilleures techniques traditionnelles et du revêtement des façades avec des briques cuites hourdées au ciment. Il montre que cette mode, que les maçons ont contribué à développer, est une mauvaise solution à un vrai problème : son coût considérablement plus élevé que celui du crépissage traditionnel effectué dans les meilleures conditions n’est pas justifié par une durabilité nettement plus longue (voir le document ci-après préparé par Olivier Scherrer : « Ce que devient Djenné, hélas ! » et les photographies d’Evelyne Bertrand). On s’interroge sur les actions susceptibles d’assurer durablement la protection du patrimoine architectural bâti en terre crue de Djenné.

 

Les sessions seront agrémentées de projections de photos et de films parmi lesquels :

 

- une collection de photographies rassemblées par Olivier Scherrer, et dont certaines proviennent du Projet Leonardo da Vinci[2] ;

- Villes en terre : Djenné, Shibam, Yazd, trois films réalisés pour la chaine de télévision Arte par Filmquadrat ;

- L’avenir du banco, film tourné à Djenné par Susan Vogel, Samuel Sidibe et Trevor Marchand ;

- Les maîtres du banco, film réalisé par Assane Kouyate  (CNPC, Bamako)

 

L’ouverture et la clôture de l’atelier seront organisées pour permettre de sensibiliser les autorités administratives, politiques et religieuses à la valeur du patrimoine bâti de Djenné.

 

 

Assemblée générale de DJENNE PATRIMOINE

Le 31 décembre 2009, à partir de 15 h, s’est tenue à la Maison du Peuple de Djenné l’assemblée générale de DJENNE PATRIMOINE. Après avoir remercié les présents, et tout spécialement les notables, tels que Bemamy Maïga, Albachir Tounkara, Amadou Soumaïla Diallo, et Asmane Traore, Amadou Tahirou Bah a fait observer une minute de silence à la mémoire des membres disparus : Papa Moussa Cisse, Alpha Nouhoum Diallo, Foourou Alpha Cisse, Basékou Traore… Il a ensuite appelé l’assistance à continuer la tâche entreprise par ces devanciers.

 

Amadou Tahirou Bah a ensuite rappelé quelques-unes des activités de l’association depuis sa création : le bulletin semestriel, le site internet, les expositions, les conférences, la publication de livres sur le patrimoine de Djenné, et le projet de formation des maçons, devant aboutir à la construction d’une Maison du Patrimoine. Il a notamment signalé que les activités lancées par Papa Cisse ont été poursuivies, en particulier l’alphabétisation fonctionnelle des maçons, mais aussi la recherche d’un terrain pour l’édification de la Maison du Patrimoine.

 

En effet, trois jours après avoir attribué à l’association pour cette construction un terrain de 500 m2, à délimiter sur le TF n° 44 appartenant à l’Etat, le Directeur régional des domaines de Mopti a suspendu sa décision. Le Préfet a confirmé à Amadou Tahirou Bah qu’il ne voulait pas de cette solution, et a préféré attribuer à DJENNE PATRIMOINE un terrain dans la zone administrative, à côté de la bibliothèque bozo et du futur centre artisanal ; ce quartier, extérieur à la ville ancienne, sera entièrement construit en ciment.

Amadou Soumaila Diallo a félicité le bureau et s’est dit fier que l’association ait pu obtenir le financement d’un si beau projet. Bemamy Maïga a lui aussi remercié le bureau de ses activités. Ali Daou est intervenu pour dire que le jeunes ont beaucoup appris sur Djenné grâce à cette association. Hama Cisse est intervenu pour appeler les jeunes à rejoindre le bureau. Le Dr Konate a posé quelques questions sur le rôle des membres qui ne résident pas à Djenné. Il a été appuyé par Asmane Traore.

 

Ensuite la discussion a porté sur le renouvellement du bureau. Bamoye Guitteye ayant proposé que Amadou Tahirou Bah soit le futur président, il a été demandé à ce dernier de proposer la composition d’un nouveau bureau. Sa proposition a ensuite été adoptée à l’unanimité des présents. Le bureau élu est donc ainsi composé :

 

Président : Amadou Tahirou Bah, conseiller pédagogique en histoire ;

Secrétaire administratif : Boubacar Cisse, professeur d’histoire-géographie au lycée de Djenné ;

Secrétaire administratif adjoint : Dr Moussa Konate, médecin au centre de référence de la commune VI de Bamako

Secrétaire à l’organisation : Boubacar Garba Koïta, dit Tapo, guide touristique

Secrétaire à l’organisation adjoint : Ali Tanapo, dépanneur moto-auto, Djenné

Secrétaire aux relations extérieures : Bamoye Guitteye, antiquaire

Secrétaire aux relations extérieures adjoint : Mahamane Founé Touré, bijoutier

Trésorier : Dramane Dembele, gérant Campement-Hôtel de Djenné

Trésorier-adjoint : Hamadou Waïgalo, directeur du Centre de Formation Professionnelle Vitré-Djenné

Secrétaire aux comptes : Hamma Cisse, conseiller pédagogique

Document :

 

Ce que devient Djenné, hélas !

 

par Olivier Scherrer

Photographies d’Evelyne Bertrand

 

Djenné se couvre de briques cuites, et ce phénomène ne peut laisser indifférents ni les responsables de la ville, ni les propriétaires, ni les protecteurs –nationaux et internationaux– du patrimoine de la ville, puisque cette ville est classée à la fois par le Mali et par l’UNESCO, faut-il le rappeler.

 

L’augmentation significative du nombre de maisons habillées en briques cuites dans la ville de Djenné ces dernières années et le risque subséquent d’une généralisation de cette pratique ont conduit l’association DJENNE PATRIMOINE, en partenariat avec ACROTERRE et avec le barey ton (la corporation des maçons) à entreprendre d’analyser ce phénomène, afin de mieux pouvoir y remédier.

 

C’est dans ce contexte qu’a été réalisée, en février 2008, puis entre janvier et mars 2009, la présente étude.

 

Methode : une enquête de terrain a été effectuée en février 2008 par un enquêteur connaissant bien la ville. Chaque rue a été visitée et les maisons présentant des briques cuites apparentes ont fait l’objet d’une observation particulière, d’un relevé succinct et d’un questionnaire. Les données identifiées sont les suivantes :

nom du propriétaire

adresse

type de bâtiment

caractéristiques (dimensions)

date de construction

technique de construction

date de l’habillage en briques cuites

nom du maçon qui a réalisé les travaux

parties recouvertes en briques cuites

entretiens réalisés

état du bâtiment

 

Des photos ont été prises entre janvier et mars 2009, mais de façon non systématique, essentiellement à fin d’illustration.

 

Synthèse des résultats :

 

Localisation : disponibilité des données 154/154

Kanafa : 43

Sankoré : 21

Koyetende : 19

Yoboukaïna : 18

Djoboro : 15

Konofia : 14

Algassouba : 11

Farmantala : 9

 

Seuls les quartiers anciens de la ville ont été concernés par l’enquête. Le nouveau quartier de Tolober ne faisant  pas l’objet d’une réglementation spécifique destinée à protéger ou à affirmer l’identité et l’homogénéité architecturale et urbanistique du site, on y voit fleurir de nombreuses constructions en « dur » et des revêtements en briques cuites.

 

 

On constate que la « mode » des habillages en briques cuites n’épargne aucun quartier.

 

Types de bâtiments : disponibilité des données 154/154

Maisons d’habitation : 149

Ecole : 1

Marché : 1

Banque : 1

Hôtel : 2

 

La quasi totalité des constructions couvertes en briques cuites sont des maisons d’habitation. A noter que plusieurs bâtiments publics du centre ancien sont construits en ciment (l’hôpital, la poste,…)

 

Hauteur des bâtiments : disponibilité des données149/154

 

Bâtiments en RDC : 61 (dont 21 dans le quartier de Kanafa de construction plus récente que le reste de la ville ancienne)

Bâtiments R + 1 : 88

Plus de 50 % des maisons couvertes en briques cuites sont à étage, ce qui signifie que le phénomène n’épargne pas les façades remarquables des maisons monumentales de type toucouleur et marocaines et que l’impact visuel est important.

 

Date de construction : disponibilité des données 48 /154

Sur les 48 réponses obtenues (propriétaires absents, occupants ignorant l’époque de construction), la plupart des maisons sont récentes (1958 à 2007). Les réalisations pour lesquelles la date de construction n’est pas disponible, sont vraisemblablement plus anciennes.

 

Types de construction :

Tous les bâtiments identifiés étaient construits en terre, par contre il n’a pas été possible de distinguer avec certitude ceux construits en toubabou ferey (la grande majorité) de ceux réalisés en djenné ferey.

 

Date d’habillage en briques cuites :   disponibilité des données 140 / 154

Le premier habillage en briques cuites a été réalisé en 1973.

Années 1980 : 8/140 soit 5,7 %

Années 1990 : 20/140 soit 14,3 %

Années 2000/2004 : 42/140 soit 30 %

Années 2005/2008 : 70/140 soit 50 %

 

On constate une augmentation considérable du nombre des habillages en briques cuites ces dernières années puisque jusqu’en 1999 (soit sur une période de 26 ans) il n’y en avait que 28  alors que 112 ont été construits entre 2000 et 2008 (soit sur une période de 8 ans).

 

Maçons intervenants : disponibilité des données 139 / 154

58 différents maçons ont réalisé des habillages de façades en briques cuites.

Certains maçons ont réalisés plusieurs chantiers (jusqu’à 14), d’autres n’en ont fait qu’un seul.

L’ensemble de la profession est concerné. Certains se sont même pratiquement « spécialisés » dans la technique d’habillage en briques cuites. Même si une grande partie des maçons ont aujourd’hui conscience des problèmes engendrés par cette pratique, ils estiment n’avoir pas souvent le choix et devoir respecter la volonté de leurs clients.

 

Parties du bâtiment recouvertes : disponibilité des données 152 /154

Façade Est : 73

L’ensemble de la maison : 46

Une partie de la maison (hors façade Est) :33

La majeure partie des habillages concerne les façades est (d’où vient la pluie battante), les autres parties exposées à la pluie telles que les sarafar sont aussi souvent protégées. Les gens qui disposent de moyens financiers importants n’hésitent pas à recouvrir l’ensemble de la maison y compris les façades de la cour intérieure.

 

Entretien/réparations : disponibilité des données 134 /154

Aucune réparation : 69 soit 45 %

Réparation annuelle : 31 soit 20 %

Réparations occasionnelles : 31 soit 20 %

Destruction complète : 3 soit 2 %

Sur les réponses obtenues, 45 % des façades habillées en briques cuites n’ont fait l’objet d’aucune réparation/entretien. Ce résultat est à relativiser considérablement puisque sur ce nombre seules 11 façades qui n’ont pas fait l’objet de réparations ont été réalisées avant 2003.

 

Autrement dit 84 % des façades habillées ont été réalisées il y a moins de 5 ans.

 

Seul un bâtiment habillé avant 2002 n’a fait l’objet d’aucune réparation.

L’entretien est systématique après 5 ans.

 

Dans les 3 cas de destruction totale, l’habillage a été remplacé par un enduit traditionnel.

Etat du bâtiment : disponibilité des données 152 /154

Bon état : 85

Défauts : 34

Mauvais état : 31

Travaux en cours : 2

 

Il convient de relativiser le « bon état » de l’habillage puisque 70 d’entre eux ont été réalisés il y a moins de 3 ans.

 

Conclusion

 

La mode de l’habillage des façades en briques cuites a tendance à se généraliser, elle n’épargne aucun quartier qu’il s’agisse du petit patrimoine ou des célèbres maisons à façades monumentales.

 

L’impact visuel est important puisque ce sont aujourd’hui près de 10 % des maisons de Djenné qui sont touchées.

 

Le phénomène croit de manière exponentielle : 28 entre 1973 et 1999 (moyenne d’une réalisation par an), 112 entre 2000 et 2008 (moyenne dix fois plus élevée).

 

L’ensemble de la profession de maçon est concerné par cette pratique.

 

Pourtant, outre le préjudice esthétique et la dégradation de la qualité du patrimoine architectural conduisant à la perte de l’identité de la ville de Djenné, l’habillage des façades en briques cuites présente des inconvénients majeurs sur le plan technique (faible durabilité, problèmes d’infiltration, fragilisation de la structure du bâti à long terme), comme sur le plan économique (beaucoup plus coûteux que le meilleure enduit traditionnel, moins intensif en main d’œuvre, privant les maçons d’une source de revenus réguliers).

 

Alors même que la ville est classée « Patrimoine mondial de l’humanité » depuis 1988 et que plusieurs projets d’aménagement et de réhabilitation du patrimoine ont été réalisés, la situation du patrimoine architectural de Djenné ne cesse de se dégrader.

 

Ces mauvais résultats amènent à s’interroger sur la réelle volonté de l’Etat –ou sur la capacité des institutions nationales et internationales– à assurer la protection de ce patrimoine.

 

Car ce patrimoine est en danger ! Des actions urgentes s’imposent…. qui pourraient être menées à moindre coût par les organisations locales comme le barey ton et DJENNE PATRIMOINE, …Encore faudrait-il leur en donner les moyens !

 

Cette évolution est due à une mode, le remplacement des enduits en banco par des revêtements en briques cuites, une technique très coûteuse et très dangereuse :

 

- masquant les dommages irréversibles causés aux murs par l’infiltration des eaux à travers les fissures (voir, plus loin, les photos) ;

 

- à peine plus durable que l’enduit traditionnel incorporant du beurre de karité ;

 

- 14 fois plus coûteuse, comme on le montre ci-dessous. [3]

 

 

Coût du recrépissage selon la technique traditionnelle

 

Le recrépissage d’une maison du quartier de Djoboro, auquel il a été procédé le 14 mars 2006, a permis de rassembler des informations sur les techniques d’enduit locales et leur coût.

Composition de l’enduit :

20 charrettes (tractées par un âne) de banco

10 sacs de balle de riz (volume 100 litres/sac)

45 kg de beurre de karité

Procédé de production de l’enduit :

La terre est stockée à proximité du chantier, additionnée d’eau et malaxée à la daba de manière à constituer une pâte épaisse. La balle de riz est ajoutée au mélange en remuant au fur et à mesure de façon à bien la répartir.

 

Le mélange ainsi constitué est laissé à pourrir, en l’arrosant chaque jour, pendant une semaine minimum et deux semaines idéalement. Il ne faut pas laisser pourrir le mélange plus longtemps, car la balle de riz aurait alors tendance à se désagréger.

 

Le beurre de karité est ajouté au dernier moment après l’avoir fait fondre sur un fourneau, en malaxant le mélange autant que de besoin.

Procédé de mise en œuvre : au fur et à mesure de la fabrication du mélange additionné de beurre de karité, les manœuvres transportent l’enduit dans des paniers plats de forme ronde jusqu’au maçon. Le maçon se saisit d’une poignée de pâte et l’étale sur le mur en un mouvement de va et vient. La main droite applique la terre, elle est nettoyée en la passant entre le pouce et les doigts de la main gauche

 

Coûts :

Prix d’achat des matériaux : 1 charrette de banco (entre 300 et 500 litres) : 300 FCFA

1 sac de balle de riz (volume 100 litres) : 1 250 FCFA

1 kilo de beurre de karité : 550 FCFA

 

A noter que le maître maçon Boubacar Kouroumanse recommande d’utiliser un sac de balle de riz par charrette de banco (bien remplie). Par contre, il n’est plus question aujourd’hui d’ajouter de la poudre de pain de singe comme on le faisait autrefois.

 

Sur le chantier considéré, comme il a été estimé que certains murs n’avaient pas besoin d’être recrépis cette année, le besoin en enduit a été estimé à  20 charrettes de banco. Un recrépissage complet aurait nécessité l’utilisation de 40 charrettes.

 

Coût de la main d’œuvre :         

- maçons x 2500 FCFA/j x7 jours = 35 000 FCFA

- 6 manœuvres x 750 FCFA x 7 jours = 31 500 FCFA

Soit au total 66 500 FCFA

 

Coût des matériaux :    

- 20 charrettes de banco x 300 FCFA = 6 000 FCFA

- 10 sacs de balle de riz x 1 250 FCFA = 12 500 FCFA

- 45 kg de beurre de karité x 550 FCFA = 24 750 FCFA

Soit au total  43 250 FCFA

Coût total :                               109 750 FCFA

 

Coût de l’enduit traditionnel :

109 750 FCFA/559 m2 (surface enduite) = 196 FCFA/ m2

Coût de l’enduit par m2 sans beurre de karité : 152 FCFA/m2

Coût de la main d’œuvre par m2 : 119 FCFA/m2

Coût des matériaux par m2 : 33 FCFA/m2         

 

Coût de l’enduit par m2 avec beurre de karité : 196 FCFA/m2

Coût de la main d’œuvre par m2 : 119 FCFA/m2

Coût des matériaux par m2 : 77 FCFA/m2         

 

 

Coût de l’habillage des façades en briques de terre cuite

 

Sur cette technique, les informations ont été recueillies à la même occasion, au cours d’un entretien avec le maître maçon El Hadji Kouroumanse (traduction de Pérou Cisse)

 

Description de la technique :

 

- le mur est gratté et débarrassé de l’enduit jusqu’à atteindre la brique en banco

- on étale une couche d’un mélange terre et balle de riz (mélangé et préparé 3 ou 4 jours auparavant) en épaisseur de 2 cm

- les briques sont collées sur cet enduit pendant qu’il est encore frais

- tous les 1,20 m de hauteur, on procède à un « coupement » (c'est-à-dire une saignée horizontale dans le mur, saignée que l’on remplit de mortier de terre et dans laquelle on enfonce les briques horizontalement) de manière à créer une liaison avec le mur et donner de la stabilité au parement. D’après le maçon cela contribue aussi à limiter les infiltrations d’eau (?).

- le banco excédentaire des joints est enlevé ;

- les vides des joints sont remplis au mortier de ciment (dosage : 1,5 brouette de sable + 25 kg de ciment)

Matériaux

35 briques/m2 (mais il faut ajouter les pertes)

1 brouette de banco/m2

¼ brouette de mortier de sable et ciment

 

Main d’œuvre

1 maçon + 3 manœuvres mettent en œuvre environ 12 m2 en 3 jours (y compris le travail d’échafaudage en hauteur et les « coupements », soit un rendement de 4 m2 par jour

 

Coût des matériaux

Les briques de terre cuite sont fabriquées dans le quartier de Yoboukaïna (à l’ouest de la mosquée) par Barou Toumagnon. Elles mesurent 19 cm de long par 11 cm de large et 2 cm d’épaisseur. Il existe 3 modèles différents : rectangulaires, angles coupés, angles arrondis. Elles coûtent 25 FCFA l’unité.

 

40 briques/m2 (y compris les pertes) x 25 FCFA = 1000 FCFA

Le transport d’une charrette de briques (300 unités) coûte 500 FCFA, soit 1,66 FCFA l’unité. Donc pour 40 briques :

40  x 1,66 FCFA = 66,66 FCFA

Le mortier de banco : 1 brouette/m2 soit 50 FCFA

 

Le mortier de ciment : ¼ de brouette /m2

Soit sable : 12,5 FCFA

Ciment : 4,16 kg de ciment x 114 FCFA /kg = 474,24 FCFA

Sous-total mortier : 486,5 FCFA

Sous total matériaux : 1 608 FCFA/m2

 

Coût de la main d’œuvre :

1 maçon coûte 2 500 FCFA/jour

3 manœuvres x 750 FCFA/jour = 2 250 FCFA

soit 4 750 FCFA pour 4 m2 (rendement journalier)

Sous total « main d’œuvre » : 1 200 FCFA/m2

Total matériaux et main d’œuvre : 2 808 FCFA/m2

 

Coût du parement en briques cuites : 2 808 FCFA/m2

 

Commentaires

 

Il convient d’abord de relever que tous nos interlocuteurs ne sont pas absolument convaincus que cette technique ne présente que des avantages. Le maître maçon El Hadji Kouroumanse signale que, lorsqu’on démonte les briques cuites après plusieurs années, on constate que les briques en banco en bas des murs sont fragiles et friables (ce qui s’explique parfaitement par la présence de potasse). De même, dans un entretien du 16 mars 2006 avec MM. Amadou Tahirou Bah et Foourou Cissé, ces derniers mentionnent l’écroulement d’une maison habillée de briques de terre cuite, vraisemblablement du fait de l’infiltration d’eau de pluie.

 

En second lieu, si on compare le prix de revient au m2 de l’enduit traditionnel en banco (152 FCFA /m2 sans beurre de karité et 196 FCFA/m2 avec beurre de karité), à celui du parement en briques de terre cuite, on constate que le second revient 14 fois plus cher que l’enduit banco avec beurre de karité et 18 fois plus cher que l’enduit banco sans beurre de karité.

 

Autrement dit, pour être économiquement intéressante, la technique de parement en briques cuites devrait avoir une durée de vie sans entretien d’au moins 14 ans.

 

Cette durée de vie sans entretien, qui est l’argument généralement invoqué pour justifier le recours à cette technique, est loin d’être démontrée. Au contraire, les maçons ont signalé des interventions assez régulières de rebouchage de fissures apparues sur les façades. Ces fissures sont en réalité inévitables : techniquement, elles sont très probablement causées, en l’absence de joints souples, par des phénomènes de dilatation et de contraction des briques exposées au soleil, et par des tassements différentiels du mur et de son revêtement.

 

En outre, il faut observer que l’investissement nécessaire pour réaliser des travaux d’habillage en briques cuites est très important. Compte tenu du niveau des revenus, et de la faible capacité d’épargne locale, seuls les nantis peuvent se permettre ces travaux qui, paradoxalement, ne contribueront pas à améliorer la durabilité des bâtiments… Même si les usagers ne sont vraisemblablement pas tous conscients des déficiences de ce système constructif, et cherchent plutôt à montrer qu’ils ont les moyens, cette technique apparait essentiellement comme une mode dépensière, et pas comme une solution raisonnable pour l’entretien du patrimoine bâti de Djenné.

 

Ces observations amènent non seulement à questionner la validité de cette option, mais aussi à s’interroger sur les motivations des propriétaires qui ont recours à cette technique.

Un travail d’enquête pourrait probablement confirmer que trois facteurs concomitants sont à prendre en considération pour comprendre cette mode :

- la lassitude des chefs de famille qui voient dans le travail de recrépissage annuel une contrainte dont il convient de se libérer ;

- la volonté d’afficher qu’on est partisan d’adopter les dernières nouveautés, quelles qu’elles soient, pour montrer qu’on est moderne,

- le désir de se faire valoir et de montrer son statut social en ayant recours à une technique coûteuse.

 

Conclusion

 

Il parait nécessaire d’enrayer cette tendance qui risque d’entraîner à moyen terme l’altération du patrimoine bâti et la perte de l’identité unique et exceptionnelle de Djenné comme ville construite en terre crue.

 

Pour y parvenir, il conviendrait de réaliser un important travail d’information et de sensibilisation, s’adressant à la fois aux maçons et aux chefs de famille, en s’appuyant notamment sur la comparaison des coûts et les autres données techniques énoncés ci-dessus.

 

Parallèlement, un travail de recherche et d’amélioration de la qualité et de la durabilité des enduits en terre crue, prévu dans le cadre du projet de construction de la Maison du Patrimoine, trouvera tout son sens puisqu’il devrait permettre de réduire la fréquence de l’entretien (une durabilité de trois ans semble être un objectif raisonnable à atteindre) sans présenter au niveau technique les inconvénients du parement en briques.

 

Olivier Scherrer, constructeur spécialisé en terre

 

 

 

       

   

 

 

 

 

 

 

 

Photographies d’Evelyne Bertrand

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                            

       

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

Photographies d’Evelyne Bertrand


 

 

 

 

Photographies d’Evelyne Bertrand

 

 

 



[1]Grosfilley Anne, Afrique des textiles, Edisud, 2004, p. 77   Retour au texte

[2] DVD Clay Plaster, Enduits en terre, Projet Leonardo da Vinci, Unions Européenne    Retour au texte

[3] Cette partie du document a déjà été publiée dans ce bulletin, voir Olivier Scherrer : Que coûte le recrépissage annuel des maisons de Djenné ? DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 21, automne 2006, p. 12-14  sur le site www.djenne-patrimoine.asso.fr      Retour au texte