DJENNE PATRIMOINE

BP 07 DJENNE Mali

 

DJENNE PATRIMOINE Informations

numéro 10, janvier 2001

 

 

NOUVELLES DE DJENNE

Visite du Ministre de la culture

Le 27 juillet 2000, Monsieur Pascal-Baba Coulibaly, Ministre de la Culture et des Arts, a effectué une visite à Djenné, dans le cadre d’une tournée de prise de contact avec les acteurs de son département à la base. Il a notamment rencontré les associations culturelles de Djenné, DJENNE PATRIMOINE et Dental, auxquelles il voulait faire savoir que son ministère est en train d’élaborer un texte définissant leur rôle ; et leur indiquer qu’un fonds est désormais disponible pour favoriser les activités culturelles décentralisées. Le Ministre a aussi visité le site archéologique, les chantiers de réhabilitation de maisons typiques de Djenné, et certaines maisons reconstruites. Il a naturellement rendu visite aux notables.

Papa Moussa Cissé

 

Rencontre intercommunale sur les activités culturelles de la jeunesse

 

Le 24 juillet 2000 s’est tenu à Djenné un symposium regroupant les maires des 12 communes, les présidents des conseils, les délégués du gouvernement dans ces communes et dans le cercle, les responsables de la jeunesse des différents partis politiques, des ONG et associations, pour préparer le lancement d’un programme culturel pour la jeunesse. Depuis plus de dix ans, en effet, s’est perdue la tradition qui permettait auparavant aux jeunes de se regrouper une fois l’an autour d’activités culturelles, de concourir au niveau local, puis au niveau régional et enfin au niveau national en présentant des spectacles créés par eux dans diverses disciplines (chant, danse, théâtre, musique traditionnelle, musique moderne, etc.). Le symposium a arrêté un programme d’activité, et chaque commune s’est ensuite efforcée de le suivre.

 

Ainsi, une semaine de la jeunesse a été lancée le 31 décembre à Djenné. 10 communes sur 10 étaient présentes, et les spectacles sont organisés tous les soirs de la semaine jusqu’au 7 janvier. Un jury a été constitué pour départager les concurrents.

40ème anniversaire de l’Indépendance (22 septembre)

22 septembre 1960-22 septembre 2000 : 40 ans, l’âge de la maturité, l’âge de la sagesse ! Voilà pourquoi le Gouvernement du Mali avait décidé de fêter le 22 septembre 2000 avec un éclat particulier dans chacune des 703 communes du pays !

Djenné, ville du Patrimoine Mondial, carrefour de civilisations, a su se mobiliser autour d’une commission d’organisation pilotée par le bureau communal pour fêter ce quarantième anniversaire dans un élan extraordinaire.

La commission d’organisation avait décidé d’innover : en lieu et place d’un défilé des différents quartiers et villages de la communes, dont on avait l’habitude et qui était devenu monotone, elle a proposé et réalisé un défilé des corporations. Ce fut un vrai coup de maître ! L’effort de chaque corporation, portant les tenues de travail traditionnelles, transportant ses outils traditionnels, et tentant d’exprimer les valeurs culturelles et artistiques de son métier, a donné à la fête une allure gigantesque : on n’avait jamais vu rien de pareil ! Dans l’après-midi, ce fut encore la course de vélo sur 6 km, puis les traditionnelles courses de pirogues. Vive le 22 septembre 2000 ! Rendez-vous est donné à tous pour le 22 septembre 2001, le premier du troisième millénaire, dans un Mali démocratique et prospère !

Foourou Alpha Cissé, Premier Adjoint au Maire de Djenné

 

Tabaye Ho

" Heureux le touriste, le journaliste ou le reporter qui vivra ces instants à Djenné " écrivait Foourou Alpha Cissé il y a deux ans, dans ce même bulletin, à propos du tabaye ho, cette chasse au lapin qui correspond à une tradition encore bien vivante à Djenné. J’ai eu cette chance cette année ! Et voici ce que je peux vous en dire !

Foourou Alpha Cissé a raison, le tabaye ho est une fête magnifique, aujourd’hui encore, même si l’initiation à la guerre par la chasse n’est visiblement plus l’essentiel. Le tabaye ho est une fête à laquelle participe toute la population de Djenné, dans une unanimité dont ne bénéficie ailleurs aucune manifestation de grande ampleur, ce qui en fait une expérience unique pour le visiteur.

La journée commence tôt, car le départ des pirogues, chargées des chasseurs, est donné vers 7 h du matin au port de Djoboro. Les harpons ont été préparés, ils sont placés sous la surveillance d’une personne appartenant à une famille chargée de la gestion de la brousse, et aujourd’hui en particulier de l’organisation et de la surveillance de la fête. Actuellement cette fonction héréditaire est dévolue à Bakamsa Aldjouma Sidibe pour les rimaïbé de Djoboro et à Seyni Kassé pour les bozo de Djoboro. Les harpons sont ensuite chargés dans les pirogues, les chasseurs s’y installent aussi, et les pirogues de Djoboro ont le privilège d’être les premières à sortir : un flûtiste annoncera leur départ aux autres quartiers qui attendent.

Pendant que les pirogues filent vers le lieu-dit Pérou, site d’un ancien village, à partir duquel se déroulera la chasse, les préséances doivent être respectées, et les jeunes rameurs trop vigoureux qui tentent de dépasser la pirogue qui, transportant le chef de la brousse, doit rester la première, seront vertement réprimandés : tout doit être fait dans les règles, chacun doit apprendre le respect de ces règles, voilà ce qu’enseigne la fête ! Même les tout petits enfants (tchibitchaba), qui viennent assister à une partie de la fête, sur une pirogue conduite par un vieux, l’apprendront dès ce jour.

Vers 8 h, les chasseurs de Djoboro sont à pied d’œuvre sur leur terrain de chasse aux abords de Pérou. C’est Bakamsa Aldjouma Sidibe qui descend le premier, il va maîtriser la brousse, pour éviter tout incident, puis il organise le déchargement des harpons que lui seul a le droit de distribuer aux chasseurs. Les pirogues sont maintenant toutes arrivées, on en compte quinze, plus celle des vieux bozo, qui arrive le dernière : plus de 200 personnes vont donc participer à la chasse pour le seul quartier de Djoboro !

Vers 8 h 30, le coup d’envoi est donné, et la foule des chasseurs, armés qui de harpon, qui de hache, qui d’un simple bâton, se disperse en formant de large fronts pour rabattre le gibier. Il fait encore frais, les chasseurs se déplacent rapidement, les plus expérimentés se montrent discrets, aux aguets, les plus jeunes font beaucoup de bruit.

De temps à autre un cri, quelques chasseurs partent en courant dans une direction donnée, les autres suivent avec plus ou moins de conviction, on se regroupe autour d’un fourré, on bat les branchages… mais on n’a pas de chance à chaque fois ! Le premier animal tué sera ce jour-là un écureuil. C’est Mamoudou Diarra qui l’a attrapé, et pour ce haut fait il a droit normalement à 100 noix de cola. Mais, comme il n’y a pas de cola cette année (récolte faible dans les régions de production, prix extraordinairement élevé), on lui donnera 100 bonbons. Tous les frais de la fête sont supportés par des cotisations des habitants du quartier.

Vers 9 h 30, les chasseurs sont arrivés à environ 1 km de Diabolo, ils se regroupent avant de prendre la direction de l’Ouest, et, après avoir encore bifurqué vers le Nord-Est, on se retrouve vers 10 h 15 au point de départ. C’est le moment du petit déjeuner ! Chacun a apporté à manger dans une " tasse " serrée dans un tissu : en général selon la tradition, un plat d’igname pour cette circonstance. Pour ce repas, on se regroupe par famille, autour du plus ancien. Après le repas familial, on va partager le dégué (mélange de mil pilé, pain de singe, sucre et poivre, avec très peu d’eau), préparé en boule, distribué par des rimaïbé, et pour lequel tous ont cotisé par groupe d’âge : c’est donc un dessert collectif. Mais c’est aussi l’occasion de réaffirmer les liens sociaux : les bozo doivent à ce moment-là donner une part de dégué plus des noix de cola (aujourd’hui des bonbons) aux peulhs propriétaires du sol !

Après ce déjeuner, alors que les pirogues des enfants repartent chargées de bambins vers le nouveau point de rendez-vous, la chasse reprend sur un nouveau parcours. Cette seconde partie sera plus difficile, car tous ont maintenant compris que nous n’attraperions pas beaucoup de gibier aujourd’hui, et aussi parce qu’il commence à faire chaud. Les jeunes, pleins d’énergie, croient pourtant voir ou entendre, de temps à autre, de petits animaux, et c’est alors le départ d’une course effrénée mais de courte durée. Les chasseurs marchent cependant pendant encore plus d’une heure, pour se retrouver bientôt sur un site jonché de débris de terre cuite, face à Djenné. Il est 12 h 15, la chasse est terminée.

Les pirogues repartent, chargées de chasseurs fourbus, elles reviennent vers Djenné, face à la porte de Djoboro, où la foule est déjà massée, et lorsqu’elles y sont, elles passent devant la porte puis viennent accoster en face, pour se préparer à la parade proprement dite. Là, les " responsables ", chargés de récompenser les chasseurs chanceux viennent distribuer les cadeaux qu’ils ont collectés : des chapeaux, du thé, du sucre, des cigarettes, etc.

Mais, il faut bien le dire, nous sommes revenus bredouille ou presque, et pour cause : les vrais chasseurs, ceux qui ont de vrais fusils, étaient passés sur nos terres pendant la nuit et avaient chassé tout ce qu’elles contenaient de lapins ! En vérité, ils l’ont fait pour épargner nos forces et nous éviter le ridicule ! Maintenant, il s’agit d’exhiber le produit de leur chasse sur nos pirogues !

Pendant que les rimaïbe qui savent préparer les deux pirogues auxquelles est dévolue la présentation des trophées, les autres s’apprêtent pour la course, et les notables viennent les encourager. Ainsi par exemple le marabout Balakoye Traore, tout de blanc vêtu, vient annoncer publiquement qu’il promet 10.000 F à la pirogue qui va gagner la course.

Lorsque les pirogues qui doivent présenter le produit de la chasse sont prêtes, toutes les embarcations de Djoboro se regroupent autour d’elles, en une formation serrée, pour faire un premier passage devant la porte de Djoboro, sous les applaudissements de la foule, et jusqu’au port de Konofia, bondé lui aussi d’une foule en liesse, pour que les voisins aussi évaluent notre adresse ! Chaque camp, beau joueur, applaudit autant les voisins que ses propres troupes, et la parade prend fin dans la fatigue des chasseurs et des spectateurs. C’est l’heure du repas et de la sieste.

Mais la fête n’est pas finie ! En fin d’après-midi, ce sont les parades de pirogues dans chaque quartier, et les visites des équipages d’un quartier à l’autre. En effet, les rameurs qui ont des sœurs mariées dans d’autres quartiers tiennent à venir saluer ces dernières, leur montrer leur savoir-faire, elles en seront fières, elles vont les féliciter, les encourager, et leur offrir des cadeaux (des bonbons, mais aussi de l’argent, ou des pagnes) !. Et, bien entendu, il n’est pas interdit d’étendre ces bonnes manières : les rameurs qui ont des petites amies … Ces parades et ces visites sont l’occasion, en particulier pour les équipes rimaïbe, de porter des culottes et des gilets brodés de toute beauté, qui valent très largement, au moins aux yeux des étrangers, les maillots de Dortmund ou de tel autre annonceur ! Bien sûr, ces costumes traditionnels font partie intégrante du patrimoine de Djenné, il faut les conserver, il faut les reproduire, il faut les porter fièrement !

Après les parades, ce sera encore, à la nuit tombée, sur une placette de Djoboro, la danse nabadji, danse des rimaïbé, qui s’impose ce soir puisque tout s’est bien passé pendant la journée.

Mais la fête n’est pas encore terminée ! Le lendemain, 13 octobre, en fin de journée, à nouveau, toute la population de Djenné sera massée sur les berges, pour assister à de nouvelles parades de pirogues. Dans le même temps, aux ports des quartiers de rimaïbé, les jeunes femmes danseront par groupes de six à dix, dans cette ambiance très retenue qui est celle de leurs danses. Il faut préciser ici que tous les quartiers de Djenné n’organisent pas la fête : par exemple, les quartiers d’Algasba et de Sorkotame chassent, mais ne fêtent pas, Farmantala chasse avec Samseye, alors que dans les quartiers de Samseye, Sankoré et Yoboucaïna, les rimaïbe sont seuls à fêter, Konofia ne fête guère, et les bozo fêtent à Djoboro (avec les rimaïbe) et à Seymani (seuls).

Enfin, le samedi, troisième jour, à nouveau, la fête reprendra. C’est ce jour là que les femmes et les jeunes filles se parent avec le plus de soin, les unes pour montrer comme elles sont bien entretenues par leurs maris, les autres pour se présenter sous leur meilleur jour à leurs prétendants. Ce troisième jour est en effet celui de pessal (le mot vient du terme " peser "), celui du choix de la plus belle. Les rimaïbe organisent un véritable concours, les femmes ayant désigné dans chaque quartier un homme comme juge. Les bozo s’amusent aussi ce jour-là, mais ils ne font pas le concours : ils ne le font plus, me dit-on, à cause des chamailleries qu’il créait entre leurs femmes ! Le concours a lieu en trois endroits : sur la placette à proximité de la maison de l’imam pour le quartier de Sankoré, devant le bâtiment de l’Energie du Mali pour la quartier de Djoboro, et près de la maison de Bokari Hama, chef des rimaïbe, pour le quartier de Yoboucaïna.

Mais de ce concours qui clôt le tabaye ho, je vous reparlerai l’an prochain ! Le sujet mérite qu’on y revienne ! J’y reviendrai, c’est sûr !

Joseph Brunet-Jailly et son guide en cette occasion, Hamma Cissé

 

Lancement du programme d’appui aux communes rurales

Du 20 au 23 octobre a eu lieu à Mopti le lancement de la phase opérationnelle de ce programme financé par le Fonds d’Equipement des Nations Unies (FENU) à hauteur de 7 milliards. Ce programme concerne les 107 communes de la région, et doit les aider à lutter contre la pauvreté, renforcer leurs capacités, appuyer les services et organisations communautaires de base. En particulier, des Centres de Conseil Communaux (CCC) vont être mis en place dans les 8 cercles avec l’assistance d’ONG ; à Djenné, c’est CARE International qui sera responsable du CCC.

Réception provisoire de l’hôpital

L’hôpital de Djenné, construit en banco stabilisé dans les années 1980, a été presque entièrement démoli pour être rénové en dur à 90 %, grâce à un financement de l’Union Européenne pour un montant de près de 400 millions FCFA. Cet hôpital étant situé à la périphérie de la ville, la construction en béton a été acceptée, et le bureau d’architectes qui a emporté le marché, le BEAU de Baba Alpha Cissé, a essayé de donner aux bâtiments un style qui rappelle l’architecture civile de Djenné. Chacun pourra juger de la qualité du résultat et des dangers qui menacent Djenné : du pastiche à l’inspiration trop courte à partir des formes de l’architecture traditionnelle, Djenné risque fort de perdre son charme. Nous l’avons déjà écrit : nous n’avons qu’une Djenné, il est interdit de se tromper à Djenné, il faudrait à Djenné les meilleurs talents, il faudrait à Djenné pour les bâtiments publics des projets sélectionnés à l’issue de concours internationaux… Las !.. Et on nous avait promis un traitement très soigné des surfaces, nous avons un crépi à la tyrolienne d’une couleur chocolat que n’a jamais la terre crue de Djenné ! Las !…

Le nouvel hôpital comporte un bloc chirurgical à deux salles, une salle de réanimation, deux radios, un laboratoire, un cabinet de stomatologie, une maternité de 10 lits, un bloc d’hospitalisation de 15 lits et un bloc administratif. Le maître d’ouvrage était l’AGETIPE-Mali. La réception provisoire des travaux a eu lieu en juillet.

Papa Moussa Cissé

 

Visite à Djenné de Michel Rocard

Présent à Bamako pour la réunion sur le contrôle des armes légères, Michel Rocard, député européen, qui fut premier ministre sous François Mitterrand, a profité de ce voyage au Mali pour visiter rapidement Djenné sous la conduite de Monsieur le Maire et du Chef de la Mission culturelle.

NOUVELLES DU PATRIMOINE DE DJENNE

Evaluation et relance du programme hollandais de réhabilitation de 170 maisons de Djenné

Le 27 novembre 2000 s’est tenue, à la Maison du Peuple de Djenné, une rencontre de tous les partenaires qui suivent l’évolution du programme hollandais de réhabilitation des maisons de Djenné. Parmi les membres du comité de pilotage de ce projet figure désormais un représentant de DJENNE PATRIMOINE.

L’objectif de cette rencontre était essentiellement de parvenir à une évaluation administrative du projet. Un constat un peu amer s’impose : sur les 170 maisons inscrites au projet, une cinquantaine seulement ont pu à ce jour être soit entièrement reconstruites, soit recrépies. D’après le chef du projet, Monsieur Diaby, ce retard dans l’exécution du programme est surtout imputable au manque de main d’œuvre pendant une bonne partie de l’année, notamment pendant l’hivernage, le manque de matériaux (bois de construction, son de riz, etc.). Ce retard n’a pas permis à la Mission culturelle de Djenné de préparer dans les délais impartis le dossier pour la phase ultérieure du projet, qui devait démarrer en 2000. Les deux arguments laissent profondément sceptique le représentant de DJENNE PATRIMOINE.

Madame la Conseillère aux affaires culturelles de l’Ambassade des Pays-Bas, présente à la rencontre, affirme pour sa part qu’elle considère cette année 2000 comme une année charnière, et que le projet de réhabilitation redémarrera en janvier 2001. C’est évidemment reconnaître que l’année 2000 a été une " année blanche " !

Mais, pour sa deuxième phase, le projet changera de tactique : chaque année, une vingtaine de maison seront programmées, pour tenir compte, d’après Monsieur Diaby, de certaines contraintes du milieu. Là encore, le langage obscur empêche de rechercher les vraies raisons de l’échec : la réticence de beaucoup de propriétaires devant une opération qui n’a pas été préparée avec eux, et qui leur est imposée de façon souvent brutale.

Cette seconde phase du projet devra, d’après Madame la Conseillère de l’Ambassade des Pays-Bas, tenir compte cette fois-ci de l’avis des Djennenké, à savoir : réhabiliter en tenant compte des habitudes actuelles des Djennenké, de leur façon de vivre à l’intérieur de leurs maisons. Sur ce point, DJENNE PATRIMOINE rappelle sa position : le projet a confondu restauration et réhabilitation, il n’a pas voulu admettre que la restauration au sens strict était beaucoup plus exigeante que ce qu’il était disposé à entreprendre, il n’a pas voulu admettre que le classement de la ville entière de Djenné est une erreur à corriger, il n’a pas voulu admettre que la restauration au sens strict ne peut s’appliquer qu’à un petit nombre de maisons, et que, pour le reste de la ville, il faut laisser les propriétaires adapter leur maison à leurs besoins en ne protégeant que les éléments qui caractérisent les façades traditionnelles. Ces positions ont été clairement exprimées par DJENNE PATRIMOINE depuis deux ans, il est regrettable que la réflexion de la Mission Culturelle et des bailleurs hollandais n’ait pas progressé sur ce point essentiel.

En outre, des soucis se font déjà jour en ce qui concerne l’avenir des maisons réhabilitées ou restaurées. Le chef du projet souhaite que la taxe touristique qu’a instaurée la mairie serve non seulement à l’entretien futur des maisons restaurées, mais aussi à l’assainissement de la ville. Le projet est impliqué dans le programme d’assainissement, et le chef de projet annonce une fois de plus l’arrivée d’ingénieurs conseil pour étudier une zone test dès le mois de janvier 2001.

Amadou Tahirou Bah

 

Tournée du kotéba national

Du 1er au 28 novembre, le kotéba national (troupe de théâtre traditionnel) a sillonné le cercle de Djenné, visitant une vingtaine de villages, pour sensibiliser la population par des sketches concernant le pillage des sites archéologiques. Malgré l’engouement irraisonné des bailleurs pour ce genre d’activités, on doit se demander quelle est son efficacité réelle : le caractère sommaire, pour ne pas dire simpliste, de l’argumentation développée par les sketches, comme le public qui se rend disponible pour ces manifestations (des femmes et des enfants pour l’essentiel) font que l’impact sur les comportements des adultes impliqués dans les activités condamnées est sans doute extrêmement limité.

Réunion autour du ministre du tourisme

Le 14 décembre 2000, une délégation de la ville de Djenné conduite par le Premier Adjoint au Maire, accompagné de représentants du Campement de Djenné, des guides et de la Mission culturelle, a participé au débat organisé par le Ministère de l’artisanat et du tourisme au Motel de Sévaré. Quatre points étaient à l’ordre du jour :

Seul le second point de l’ordre du jour est développé ci-dessous.

La taxe touristique à Djenné

C’est par une délibération n° 5 du 26 février 2000 que le conseil communal de Djenné, lors de sa session budgétaire 2000 a décidé, conformément aux prérogatives que reconnaissent aux communes les textes sur la décentralisation, de créer une taxe touristique de 1000 FCFA par personne, qui sera payée à l’entrée de la ville contre remise d’un ticket imprimé, frappé de l’image de la mosquée de Djenné, et dont le modèle est reproduit ci-après.

Le produit de cette taxe devrait être une ressource non négligeable pour le budget de la commune. Cette dernière a déjà prévu, dans son programme, des activités d’assainissement de la ville.

Il faut rappeler aussi que toute la ville de Djenné et ses environs dans un rayon de 4 km ont été classés en bloc sur la liste du Patrimoine Mondial. Entrer à Djenné, c’est donc entrer sur un site classé. Partout en Europe, l’entrée des sites classés est payante.

Forourou Alpha Cissé, Premier Adjoint au Maire de Djenné

Il est important que ces dispositions soient portées à la connaissance des touristes et des agences de voyage. Il est tout aussi important que l’accueil des touristes à Djenné soit aussi aimable que possible. Si une barrière est nécessaire à l’entrée, elle doit être fermée, et la personne chargée d’accueillir les touristes doit être un agent de la mairie, et pas un gendarme intimant au véhicule l’ordre de se garer. DJENNE PATRIMOINE a proposé que la Mairie édite un court prospectus en français et en anglais pour expliquer à tout touriste les justifications de la taxe touristique.

NOUVELLES DE DJENNE PATRIMOINE

Djenné Mali Vert

Courant août 2000, DJENNE PATRIMOINE a participé au programme annuel gouvernemental de reboisement " Mali Vert 2000 " en plantant 125 plants dans l’enceinte et aux alentours des bâtiments de nouvel hôpital, où plus de 60 % des arbres existants avaient été détruits lors de la démolition des anciens bâtiments.

Rencontre avec les guides

DJENNE PATRIMOINE a rencontré le 30 décembre 2000 les guides de Djenné, à la fois pour les sensibiliser à nouveau au nécessaire respect de la déontologie de leur métier, et pour examiner avec eux l’idée d’un programme de formation à ce métier et d’organisation de la profession.

Il apparaît douteux, en effet, que l’application de la loi qui fixe des conditions très sévères pour l’accès à la profession de guide, soit en pratique applicable, mais toute tentative d’application présentera de graves inconvénients pour un certain nombre de personnes qui vivent de ce métier à Djenné. Il faut donc préparer les guides de Djenné aux épreuves qui pourraient leur être imposées dans les mois qui viennent. Par ailleurs, l’organisation centralisée de la profession, telle qu’elle est prévue par les textes, ne tient aucun compte de l’expérience qui a été tentée avec succès, il y a quelques années à Djenné même, avec le Bureau des guides. Les guides de Djenné disent aujourd’hui encore qu’ils ne comprennent pas pour quelle raison l’administration a mis fin brutalement à leur initiative. Aujourd’hui l’administration parle trop de la décentralisation et du rôle des initiatives et des associations de la société civile pour ne pas devoir considérer d’un œil plus favorable une organisation de la profession par la profession elle-même.

Au terme de cette rencontre, l’association des guides de Djenné (une vingtaine de membres environ) et DJENNE PATRIMOINE, conscients des menaces qui pèsent sur la profession, conviennent de travailler ensemble à un projet commun de formation et d’organisation de la profession pour Djenné. Amadou Tahirou Bah

Rencontre avec les artisans

DJENNE PATRIMOINE a rencontré le 31 décembre 2000 un groupe d’artisans, composé d’un représentant de chaque corporation, pour discuter avec eux des problèmes que posent la commercialisation des produits de l’artisanat d’art de Djenné, la certification de l’origine des produits, le contrôle de la qualité, l’amélioration du niveau technique des artisans, la transmission des savoirs-faire aux nouvelles générations, la protection contre les imitations, la promotion des produits de Djenné sur les marchés de luxe, etc.

Cette réunion a été l’occasion de discuter avec les artisans de l’idée de faire de la cour du futur musée une sorte de centre artisanal, au risque de donner à l’administration un rôle d’arbitre de la qualité des productions artisanales, et au risque de vider les quartiers des ateliers des artisans. Elle a aussi permis de discuter de la notion de fonds d’appui, nécessaire aux artisans en particulier pour commencer à constituer des stocks, seule façon pour eux d’arriver à être capables de répondre rapidement à des commandes un peu importantes. Elle a permis de discuter de la standardisation des produits sur lesquels porterait l’effort de publicité en direction du marché international (par exemple pointures des babouches, tailles des vêtements, etc.

De multiples propositions ont été faites, dont certaines seront réalisées par DJENNE PATRIMOINE et dont d’autres seront préparées par l’identification des contacts et concours qui sont nécessaires pour réussir. Papa Moussa Cissé

Location d’un siège

DJENNE PATRIMOINE dispose depuis juillet 2000 d’un local situé immédiatement à gauche de l’entrée du campement, à l’extérieur de ce dernier. Il fallait saisir l’occasion, mais ce local n’a cependant pas encore été installé, faute de moyens pour acheter le mobilier et rémunérer un secrétaire.

Site Internet

Le site Internet de DJENNE PATRIMOINE est en cours de rénovation, grâce aux efforts conjugués de Boubou CISSE, étudiant en doctorat d’économie à Marseille, à qui nous devons la première version du site, et de Hamadoun MAÏGA, technicien indépendant à Bamako. La nouvelle version, copiée sur un CD-Rom a pu être montrée à Djenné même à quelques animateurs de DJENNE PATRIMOINE, et elle sera mise au point dans les prochaines semaines.

L’avenir de Djenné et le barrage de Talo

DJENNE PATRIMOINE se préoccupe des conséquences que pourrait avoir le barrage de Talo sur les activités de production dont vit Djenné. Car, à quoi servirait notre action en faveur de la protection et de la promotion du patrimoine culturel de Djenné, si Djenné est menacée dans son existence même par des projets qui pourraient ruiner son agriculture ?

Pour cette raison, nous avons demandé à des chercheurs indépendants à la fois par rapport aux bureaux d’études qui ont été stipendiés lors de la préparation du projet, et par rapport à l’administration qui se montre unanimement favorable au projet, de résumer leurs travaux sur les ressources en eau du bassin du Bani d’une part, sur les effets attendus du barrage de Talo sur la crue à l’aval vers le delta intérieur du Niger. D’autres notes de ce type sont en préparation.

DJENNE PATRIMOINE veut, de la sorte, contribuer à relancer un débat qui, on va le voir, concerne Djenné d’une manière beaucoup plus directe et beaucoup plus grave qu’on ne le dit d’ordinaire. Car, s’il est vrai que le niveau de la crue devrait être abaissé de près de 70 cm lorsque le barrage de Talo sera en place, et la date de la pointe de la crue retardée de 10 à 20 jours, quelles seront les conséquences sur les cultures autour de Djenné ? Voici la question précise à laquelle il faut répondre si on veut être honnête devant la population de Djenné.

 

 

DOCUMENT 1

Evolution des ressources en eau sur le bassin du Bani et à Djenné

par Gil Mahé, Institut de Recherches pour le Développement, Ouagadougou

Depuis 1970, les bassins du fleuve Niger et de ses affluents sont soumis à un déficit pluviométrique sans précédent, qui a entraîné une diminution de l’écoulement. Ce déficit s’est accentué au cours des années 80 et s’est maintenu durant les années 90. En outre, la diminution des écoulements est beaucoup plus importante que celle des pluies.

Evidemment, la raréfaction des pluies concerne les deux hémisphères et 21 pays africains sur 50 ont été déclarés sinistrés en 1985. Les grands fleuves de l'Afrique humide, des zones tropicales et équatoriales, sont également sérieusement affectés par des écoulements déficitaires. Une tendance quasi générale à la baisse est observée, celle-ci allant bien au-delà de l'irrégularité interannuelle observée à l'occasion de déficits pluviométriques annuels ponctuels. Le phénomène est alors observé aussi bien sur les fleuves soumis au régime tropical humide, avec une seule saison de hautes eaux, que pour les fleuves soumis au régime équatorial caractérisé par deux saisons de hautes eaux. Mais nous nous intéressons ici spécialement au bassin du Bani.

Le Bani, qui rejoint le Niger à Mopti, est constitué de trois branches majeures : le Baoulé qui prend sa source vers Odienné et arrose la région de Bougouni, la Bagoé venue de Boundiali, et le Banifing qui draine la région de Sikasso. L’ensemble drainé concerne le sud du Mali et le nord de la Côte d’Ivoire (figure 1).

Les stations de mesure des écoulements près de Djenné

Il existe plusieurs stations de mesure des hauteurs d’eau et des débits du Bani autour de Djenné. Une batterie d’échelles a été installée près de Djenné en 1971 par la Direction de l’Hydraulique, mais les observations y sont épisodiques, et leur intérêt est très limité. Le bassin y a une superficie d’environ 122 000 km2. Cette station est précédée par celle de Beneny-Kegny, et suivie de celle de Sofara. Ces deux dernières stations sont plus anciennes que celles de Djenné. Beneny-Kegny a été installée de façon durable en 1951 et Sofara en 1952, pour des superficies de bassin-versant de 116 000 km² et 125 400 km². Ces deux dernières stations sont situées dans la plaine d’inondation du Bani et présentent des problèmes d’interprétation.

Figure1 : Bassin versant du Bani à Douna (101 600 km2), hydrologie et unités géologiques.

Les granites en grisé clair ("socle ", sud-ouest) ont des réserves en eau plus faibles que les grès en gris plus foncé (nord-est), la pluviométrie moyenne va de 700 à 1600 mm annuels.

N.B. : Les isohyètes sont les lignes d’égale hauteur annuelle de pluie ; les piézomètres sont des puits creusés spécialement pour mesurer le niveau d’eau dans les nappes souterraines.

Eléments descriptifs du bilan pour le Bani à Douna

Situé à 85% dans le sud du Mali, et à 15 % dans le nord de la Côte d’Ivoire, le bassin versant du Bani à la station du pont de Douna, sur la route de Mopti, reçoit en moyenne environ 1200 mm de précipitations annuelles (figure 1). Cette station est la plus fiable  ; elle contrôle un bassin-versant de 101 600 km². Installée en 1922, elle a fonctionné de façon intermittente jusqu’en 1949, année où elle a été remise définitivement en fonction jusqu’à aujourd’hui. C’est cette station qui sert de référence dans les études hydrologiques régionales. La très bonne série de mesures de hauteurs d’eau et de débits qui y a été effectuée a permis des études approfondies du fonctionnement hydrologique et de la variabilité de la ressource en eau du bassin-versant du Bani.

Ce bassin est très peu accidenté : la plus grande partie des lignes de partage des eaux qui le délimitent reste au-dessous de 700 m. Les régions d’altitude supérieure à 1 000 m dans le bassin versant sont caractérisées par des fortes précipitations et des pertes par évaporation faibles. Le sous-sol est constitué de roches qui présentent des fissures importantes qui favorisent des infiltrations locales, mais qui ne peuvent pas emmagasiner beaucoup d’eau. Le grès peut cependant emmagasiner un peu plus d’eau que le granite (figure1) en moyenne. La végétation plus dense au sud y est aussi plus favorable à l’infiltration d’eau vers les nappes.

Le régime hydrologique est caractérisé par une saison sèche de 5 à 8 mois et une saison des pluies longue de 4 à 7 mois.

Les caractéristiques des pluies et débits sont données dans le tableau 1 pour différentes périodes de temps. Les débits sont exprimés en valeurs annuelles moyennes en mètres-cubes par seconde, les pluies annuelles sont exprimées en mm tombés sur la surface du bassin. La lame écoulée représente la quantité d’eau qui sort du bassin par la station de mesure. C’est une valeur proportionnelle au débit, rapporté à la surface du bassin, on en donne la moyenne annuelle exprimée en mm, comme la hauteur des pluies. Le coefficient d’écoulement est le rapport de la lame écoulée sur la pluie. Il donne l’aptitude au ruissellement du bassin, le pourcentage d’eau restant étant évaporé ou infiltré.

On notera en particulier la très forte diminution des écoulements, de près de 80% entre les décennies 50 et 80, alors que la baisse des pluies n’est que de 25% (figure 2).

Le volume d’eau tombé sur le bassin du Bani représente 39 % des pluies tombées sur l’ensemble du bassin du Niger (d’après les données de Douna et de Koulikoro), en année moyenne, sur la période de référence 1951-1990. La part des pluies sur le bassin du Bani évolue très peu  : elle passe de 39,8 % à 38,7 % entre les décennies 50 et 80. Par contre, dans l’écoulement total vers le delta central, la part qui provient du bassin du Bani à Douna passe de 33,6 % à 19,8 % entre les décennies 50 et 80, avec une moyenne de 19 % pour la période 1971-1990. Ces résultats sont confirmés par les données plus récentes. On peut donc considérer que, depuis 30 ans, plus de 80% de la ressource hydrique du Niger provient de Guinée.

Le régime des basses eaux

L'évolution des basses eaux est sans doute celle qui révèle le mieux la persistance et les conséquences de la période déficitaire actuelle. D’une façon générale, les étiages des fleuves soudano-sahéliens sont de nos jours systématiquement les plus faibles des séries chronologiques observées. Mais, depuis 30 ans, il n’est pas rare que l'écoulement cesse presque complètement sur le Bani à Douna. Et, en fait, cela traduit un amenuisement croissant des réserves souterraines des bassins fluviaux résultant du cumul des déficits pluviométriques.

Ainsi, nous avons étudié les fluctuations interannuelles des niveaux piézométriques minimum sur 30 puits du bassin versant du Bani à Douna, installés à partir de 1981 par la Direction de l’Hydraulique en différents endroits du bassin. Ces puits sont des forages classiques, équipés pour permettre la lecture rapide du niveau de l’eau dans le puits. La moyenne annuelle sur l’ensemble du bassin des niveaux minimum reflète bien l’impact annuel du climat sur les ressources en eaux souterraines du bassin. Les variations du niveau de la nappe sont bien corrélées avec les variations de pluie, et les années de débit d’étiage nul à Douna correspondent aux années où le niveau de la nappe est le plus bas de la série de 15 années d’observations. L’effet de la bonne année pluviométrique 1994 est très sensible sur le niveau de la nappe, qui remonte jusqu’à son niveau de 1981, ce qui est concordant avec le coefficient de tarissement le plus bas depuis 1982.

Le tarissement des cours d'eau

La vidange des nappes phréatiques de versant, caractéristique de l'hydrogéologie de la plupart des bassins fluviaux étudiés, suit une loi de tarissement à décroissance exponentielle. Or on a pu mettre en évidence, en zone soudano-sahélienne, une rupture marquée du régime du tarissement, consécutive à la sécheresse depuis 30 ans. Le tarissement s'est considérablement accéléré depuis les années 70 conduisant à une rapide vidange des nappes.

Dans le cas du Bani, l'évolution du tarissement est tout aussi significative. Le coefficient de tarissement augmente en même temps que les débits de basses eaux diminuent. On retiendra que, au cours de vingt dernières années, le temps nécessaire pour que le débit de tarissement des cours d'eau soudano-sahéliens diminue dans le rapport de 10 à 1 est passé d’environ 4 mois à environ 2 mois.

L'augmentation considérable du coefficient de tarissement dans la période sèche correspond donc essentiellement à une réduction de l'extension des nappes souterraines.

L’écoulement souterrain (ou de base)

La baisse importante du niveau piézométrique, c’est-à-dire de la surface supérieure des nappes souterraines, est une constante des observations hydrogéologiques des régions soudano-sahéliennes. Mais, dans la période actuelle, on observe bien, inscrit dans l’évolution des réserves souterraines, un effet mémoire de la sécheresse.

Les données que nous avons ainsi recueillies indiquent encore qu’il y a une proportionnalité fixe entre les apports de surface et les apports souterrains au cours des années récentes (1984-1996) dans l’élaboration de la crue annuelle. L’écoulement souterrain représente environ le tiers des apports, au cours de cette période.

La diminution du niveau des nappes est donc à l’origine d’une modification profonde du régime des écoulements par un déficit chronique d’apport en eaux souterraines à l’élaboration de la crue annuelle, le stock d’eaux souterraines étant insuffisamment renouvelé par des pluies systématiquement plus faibles qu’avant 1970. Un nouvel équilibre hydrologique s’est installé sur le bassin versant, et pour le modifier à nouveau durablement, il faudrait une succession de plusieurs années de pluies très supérieures à la normale du siècle avant qu’on ne retrouve les caractéristiques hydrologiques de la période antérieure à 1970.

Le minimum piézométrique sur la période est atteint en 1986/87, qui n’est pas l’année la plus déficitaire en pluie sur le Bani (1993), mais qui se trouve à la fin d’un épisode très sec de plusieurs années. Le coefficient de tarissement maximum à été atteint en 1987, puis s’est stabilisé au début de la décennie 90. En 1994, avec les pluies abondantes, ce coefficient retrouve une valeur plus faible, le débit de janvier est le plus élevé de la série, et à la fin de l’étiage 1994/95 le niveau de la nappe est remonté plus haut qu’au début de la série. Une seule année de pluies excédentaires (+11%) a suffi, apparemment, à effacer la trace des 15 années les plus sèches du siècle dans les nappes du Bani. Mais le niveau piézométrique a recommencé à diminuer rapidement en 1995 (même niveau qu’en 1981), et les débits d’étiage ont fait de même. En 1995 et 1996 le coefficient de tarissement augmente lui aussi rapidement.

Le débit du Bani n’a été en 1994/95 que de 6% supérieur à sa normale 1951-1996 : cette augmentation d’écoulement est inférieure à celle des pluies. Pourtant, le niveau de la nappe en 1994/95 est le plus haut de la série 1981/95. Ainsi, la recharge des nappes du Bani et la réponse hydrologique se réalisent avec rapidité. Mais le débit de janvier de la crue 1994/95 reste très inférieur à celui des années d’avant 1970. En 1995 et 1996, le niveau d’étiage diminue rapidement, ce qu’il faut sans doute relier à la faible capacité de stockage des aquifères du sud Mali.

Conclusion : le niveau des eaux à Djenné

Dans l’état actuel de nos connaissances, le niveau des eaux à Djenné peut être relié à celui de la station plus amont de Douna. A cette station, on a constaté une diminution de 80 % des écoulements entre 1950 et 1990, alors que les pluies n’ont diminué que de 25 % pour les périodes les plus sèches. Pour un même total annuel de pluie, les écoulements sont plus faibles durant les années 80 et 90 qu’ils ne l’étaient durant les années 50 et 60. Ceci est dû à une baisse très importante du niveau des nappes phréatiques, qui délivrent moins d’eau à la rivière pendant la crue et à la décrue. Les nappes du bassin versant semblent remonter rapidement après une augmentation des pluies, mais elles s’épuisent également très vite en cas de déficit.

Depuis 30 ans, les pluies sont systématiquement plus faibles qu’avant 1970, avec très peu d’épisodes atteignant ou dépassant les totaux d’avant 1970. Il semble que l’écoulement du Bani ait de ce fait atteint une nouvelle relation d’équilibre par rapport aux pluies, qui intègre un niveau de nappes plus bas, et qui induit un niveau d’eau dans la rivière plus bas également. Par le passé (avant 1970), lors d’épisodes de pluies faibles, le niveau des eaux dans la rivière ne descendait pas aussi bas qu’à présent pour un même total de pluie, car le niveau des nappes était plus élevé, et, n’étant pas affecté par plusieurs années de déficit pluviométrique, ne diminuait pas beaucoup de niveau d’une année sur l’autre. Il faudrait donc un retour à des pluies plus importantes (comme en 1994) sur une durée de plusieurs années consécutives, pour que le niveau des nappes, et donc des écoulements retrouve une valeur plus élevée. Il faudrait en plus que cet épisode ne soit pas entrecoupé de périodes trop longues de déficit de pluies.

Une solution pour pallier au quasi-arrêt de l’écoulement des eaux en saison sèche près de Djenné serait la construction d’une retenue d’eau en amont. Cette retenue devrait toutefois être construite dans cette optique bien particulière : avoir pour effet de diminuer légèrement le niveau de la crue annuelle et de la retarder –le temps du remplissage–, mais assurer un niveau minimum d’écoulement dans la rivière pendant toute la saison sèche, comme le fait par exemple le barrage de Sélingué. Les deux projets de retenues sur le Bani (Talo et seuil de Djenné) sont prévus pour être des ouvrages à vocation agricole, ce qui n’est pas à priori incompatible avec la demande de Djenné, celle-ci devant bien sûr arriver jusqu’aux programmateurs des projets.

 

Périodes

Débit

m3/s

Pluie

Mm

Lame écoulée

mm

Ke (coefficient d’écoulement)

%

1951 – 1989

465

1113

144

12.9

1951 – 1970

711

1219

220

18.0

1971 – 1989

207

1002

64.0

6.4

1951 – 1960

772

1251

239

19.1

1961 – 1970

649

1187

201

16.9

1971 – 1980

247

1053

76.4

7.3

1981 – 1989

163

945

50.4

5.3

Tableau 1 : Eléments descriptifs du bilan hydrologique pour le bassin versant du Bani à Douna (101 600 km2).

Figure 2 : Pluies annuelles (points noirs) et lames écoulées annuelles (losanges blancs) sur le bassin versant du Bani à Douna de 1922 à 1997, en écarts centrés réduits.

[DJENNE PATRIMOINE remercie chaleureusement Gil Mahé, qui a séjourné plusieurs années au Mali, d’avoir autorisé la publication de ce résumé original de ses travaux dans le présent bulletin.][ Gil Mahé, IRD, 01 BP 182, Ouagadougou 01, Burkina-Faso, email : mahe@hydro.ird.bf]

________________________________________

DOCUMENT 2

 

Le barrage de Talo : impact sur le delta intérieur du Niger

par Marcel Kuper, CIRAD-TERA, Montpellier

Dans le cadre d’un programme de mise en valeur des plaines du Moyen Bani du Ministère du Développement, il est proposé de construire un ouvrage, permettant de relever le niveau des eaux, à Talo sur le site d’un seuil naturel latéritique. La localisation de l’ouvrage proposé, par rapport à Douna, Bénény Kegny et Djenné, est indiquée sur le premier schéma ci-dessous.

 
 

 

 

Les aménagements prévus dans la construction de l’ouvrage de Talo sont les suivants :

 

  • Digue + route (rive gauche, amont) Talo-Wori,
  • Digue + route (rive droite) Talo-Fani,
  • Digue de berge de Woloni,
  • Seuil,
  • Vanne de fond,
  • Prise principale (rive droite).
 

Les aménagements sont présentés dans le schéma ci-dessous.

 
 

 

Nous présentons ici une synthèse d’une série de rapports commandités par l’administration malienne pour évaluer ex-ante l’impact de la construction de l’ouvrage à l’amont et à l’aval de l’aménagement en projet.

Les données de base dont nous disposons pour entreprendre cette analyse sont les suivantes :

Le volume maximum est de 175,6 millions de m3 (comparable au barrage de Markala) à une cote de 274,35 m ; à cette cote, la superficie du réservoir est de 29 millions de m2.

Impact vers l’amont

L’impact des courbes de remous, c’est-à-dire du relèvement de la ligne d’eau, dont les effets vont décroître au fur et à mesure qu’on s’éloigne vers l’amont, dépend directement de la cote maintenue au seuil. AGRER (1997) donne quelques exemples :

En conclusion : l’impact à l’amont n’est pas très important pour les grandes crues. AGRER (1997), qui a réalisé des études topographiques, maintient que les villages à l’amont ne seront pas menacés. En revanche, il y aura un plan d’eau à l’amont de l’ouvrage pendant l’étiage, dont l’influence s’étendra à l’amont de Douna (soit à plus de 80 km à l’amont de Talo). AGRER (1997) remarque aussi que deux dépressions (Pékadouzou, Woloni), d’une superficie de 1460 ha environ, seront affectées par l’ouvrage.

Selon AGRER (1997, p. 19) : " La construction du seuil provoquerait, au droit du seuil, un relèvement de 1 m environ de la crue centennale par rapport à la situation sans projet. Toutefois, dans ce cas, l’influence du seuil sur le relèvement du plan d’eau en amont décroît rapidement pour n’être plus que de quelques centimètres à une distance de 25 km…[Telles sont les] conséquences mesurables dans un triangle limité…Ce triangle a une superficie d’environ 125 km2 et constitue une zone de savane arborée actuellement inhabitée et inexploitée à l’exception de quelques petits campements de pêcheurs semi-sédentarisés localisés le long du fleuve. "

L’évolution de la cote à l’amont de l’ouvrage dépend également de la décision d’incorporer une vanne de fond dans l’ouvrage. AGRER (1997) a précisément proposé une vanne de ce type pour maintenir un débit d’étiage sur le Bani.

 

Impact à l’aval

 

AGRER (1997, p. 28) a effectué des calculs de type bilan hydrologique :

 

Paramètres

Volume (millions m3)

Entrées

3891,3

Evaporation

73,5

Prélèvements

473

Sorties sur le seuil

3278,7

Lâchures

79,1

 

Les prélèvements concernent l’alimentation de 20.800 ha en casiers de culture :

 

Un débit de 5 m3/s est prévu pendant l’étiage par la vanne de fond.

Conclusions :

L’effet est visualisé dans le graphique ci-dessous. La différence entre la courbe " entrées " et la courbe " sorties " s’explique par le remplissage du réservoir à l’arrivée de la crue en juillet/août, et ensuite par les prélèvements de la prise qui alimente les casiers à submersion contrôlée (août à novembre). Finalement, il y aura des pertes par évaporation sur le plan d’eau à l’amont de l’ouvrage.

 

Références

AGRER. 1997. Projet de mise en valeur du moyen Bani : études complémentaires d’optimisation du seuil de Talo. Bruxelles, Belgique.

Brunet-Moret Y., Chaperon P., Lamagat J.P., Molinier M. 1986. Monographie du Niger. Deux tomes. Orstom, Paris.

Lamagat J.-P. 1980. Seuils du Bani, études des courbes de remous. ORSTOM, Bamako, Mali.

SEDES. 1986. Seuil de Djenné : schéma directeur, hydrologie-hydraulique, Bamako, Mali.

 

[DJENNE PATRIMOINE remercie Marcel Kuper, qui a vécu plusieurs années au Mali, de son autorisation de reproduire ce résumé de quelques documents de base sur les aménagements prévus à Talo et leurs conséquences prévisibles] [Marcel Kuper, CIRAD-TERA, 73, rue J.-F. Breton, 34398 Montpellier cedex 5, France ; tél. : + (33) (0)4 67 61 65 57 ; fax (33) (0)4 67 61 44 15 ; e-mail : kuper@cirad.fr]

 

__________________

Ont participé à la rédaction de ce bulletin : Amadou Tahirou Bah, Joseph Brunet-Jailly, Foourou Alpha Cissé, Hamma Cissé, Papa Cissé, Gil Mahé, Marcel Kuper.

 

Table des matières Bulletin

 

Précedent/ Suivant