DJENNE PATRIMOINE
  BP 07 DJENNE Mali

DJENNE PATRIMOINE Informations

n° 15, automne 2003

NOUVELLES DE DJENNE

La perle du Patrimoine Mondial, Djenné, revit !

Depuis 1958, Djenné n’a jamais bénéficié d’une pluviométrie aussi abondante que celle de cette année, selon les données statistiques du service local d’appui-conseil d’aménagement et d’équipement rural (SLACAER) de la localité.[1] Le cumul des pluies tombées en 45 jours cette année s’élève à 843,2 mm contre 370,3 mm en 32 jours en 2002, année de grande sécheresse et de très mauvaises récoltes.

Ainsi, cette pluie abondante a fait renaître l’espoir, a reverdi les plaines du Pondo qui ensuite ont été, comme par le passé, inondées par la crue du fleuve Bani. Le mariage, oh combien fécond ! entre la pluie, le Pondo et le Bani a dissipé le spectre du barrage de Talo, qui, depuis deux ans, a coupé le sommeil aux Djennenkés. L’espoir est revenu de bonnes récoltes dans les plaines sablonneuses productrices de mil, de niébé, de fonio, comme dans les plaines rizicoles où déjà flotte la couleur or du riz mûr, comme à Syn, dans le Pondo lui-même et le Yongari. L’espoir, c’est aussi ces pâturages verdoyants et ces marigots ou mares où foisonne le poisson dans cette partie du delta.

Cependant, cette bonne saison, si exceptionnelle par rapport à celles qui l’ont précédée, a aussi éprouvé les Djennenkés, et plutôt leurs maisons. Au moment où les habitants de la ville se trouvaient appauvris, certains même affamés, par la récolte désastreuse de la saison passée, une cinquantaine de maisons se sont écroulées : c’est que certains n’ont pas eu, ces dernières années, les moyens d’entretenir correctement ces concessions en terre sèche, qui exigent un effort renouvelé chaque année !

Malgré tout, la clémence de la nature fait renaître l’espoir de sauvegarder pour les générations futures la perle de Patrimoine Mondial, unique mais si fragile, et qui ne survit que par la volonté de ses habitants !

Amadou Tahirou Bah

Ouvrages de Talo et de Djenné

Une délégation de la Banque Africaine de Développement, conduite par son Vice-Président M. Olabin Olayemi Ogunjobi et accompagnée par le Ministre de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, M. Seydou Traore, était à Djenné le 22 novembre. Elle avait pour objectif d’annoncer aux autorités de Djenné la position de cette Banque et celle du gouvernement. Elle a été accueillie, en l’absence du Haut Commissaire de la Région de Mopti, par le Préfet, le Maire, le Président du Conseil de Cercle, mais n’a pas pu éviter de remarquer des manifestants assez nombreux et de tous âges, porteurs de pancartes « Non au barrage de Talo ! ». Le quartier du campement était, une nouvelle fois, protégé par des gendarmes en tenue anti-émeute.

La délégation a donc décidé, à la surprise des autorités, de recevoir trois représentants des manifestants, et s’est par conséquent isolée avec Diedani Touré, dit Tchombé, Bamoye Traore dit Balabilé et Sékou Toure, plus un interprète. Ensuite, la séance d’information a pu se dérouler normalement, mais assez rapidement. Y sont intervenus, après la délégation, Bagouro Noumanzana, Président de l’association des ressortissants de Djenné à Bamako, le député Mahamane Santara, et Alpha Nouhoum Diallo, Président du Conseil de cercle.

Les informations diffusées à l’occasion de cette mission sont les suivantes : premièrement, le barrage de Talo sera fait, les travaux ne sauraient plus être retardés, la Banque considère désormais que le dossier est techniquement au point ; elle ignore donc définitivement les objections qui ont pu être présentées par un certain nombre d’experts, et portant notamment sur l’absence de toute étude de l’impact de cet ouvrage à son aval ; en second lieu, la Banque et le Ministère de l’agriculture reconnaissent finalement que l’ouvrage  de Talo ne sera efficace que si l’ouvrage de Djenné est réalisé lui aussi ; troisièmement, la Banque assure que le seuil de Djenné sera financé, et annonce qu’elle a déjà décidé de consacrer une somme significative (entre 700 millions et 1 milliard FCFA selon les sources) aux études complémentaires que ce projet exige (puisque les études disponibles sont anciennes) ; l’étude d’impact de l’ouvrage de Djenné entre dans ce cadre, et ses termes de référence auraient déjà été soumis à la Banque par le gouvernement ; quatrièmement la Banque annonce qu’elle ne gère pas les dissensions politiques qui ont pu survenir à l’occasion de l’étude de ce projet : elle laisse cette tâche au gouvernement.

La fête nationale, 22 septembre 2003

La fête nationale est l’occasion de réunir sur une grande tribune tout ce que Djenné compte de notables, et sur la place une foule de jeunes et d’enfants, avec quelques touristes présents ce jour-là par hasard : on leur présentera les réalisations de l’administration. Cette année, la fête du 22 septembre n’a pas dérogé à cette tradition, comme on le lira ci-dessous.

de gauche à droite : le député Mahamane Santara, le Président du conseil de cercle Alpha Nouhoum Diallo, le Préfet Alassane Cisse, le maire Bamoye Sory Traore, N., le Premier adjoint au maire Foourou Cisse, le chef de village Bahasseye Maïga

Mais les discours sont suivis de jeux qui donnent à la fête son caractère populaire. Cette année, on a vu se succéder :

- une course à bicyclette, de la place jusqu’à Sanouna et retour, dont les vainqueurs ont été Youssouf Plea, Moustapha Coulibaly et Dramane Plea ;

- une course d’ânes, où se sont illustrés des enfants de Yoboucaïna, dont Sékou Nafogou ;

- une course de fillettes portant sur la tête une callebasse remplie d’eau ; la première a été Badji Diallo, d’Algasba, la seconde Binta Traore, de Farmantala et la troisième Fatimata Tieba, de Farmantala également ;

- une course en sac ;

- une course de fillettes tenant en bouche une cuillère contenant un œuf ; la plus rapide a été Anta Maïga, la seconde Nana Bocoum et la troisième Ramata Maïga (de Kéra) ;

- un jeu consistant à tenter, les yeux bandés, de casser une calebasse suspendue à un portique avec un bâton ; on peut gagner un paquet de bonbons ;

- un jeu consistant à tenter, les yeux bandés, d’atteindre des lots suspendus à un portique par une ficelle, qu’il faudra couper avec une paire de grands ciseaux ;

- un défilé de camions, tous plus poussifs et d’autant plus rugissants les uns que les autres, et de moulins à mil ;

- un défilé des partis et associations, occasion pour chacun de montrer le nombre de ses adhérents, et notamment de ses jeunes ;

- un défilé des chasseurs…

L’après-midi, on attendait une course de pirogues. Elles devaient partir de Sanouna et arriver à Algasba. Malheureusement, ce jour-là, une seule pirogue a pris le départ. On entendait dire que les équipages trouvent insuffisant le montant des récompenses promises aux vainqueurs. Peut-être, mais la foule était bien déçue et les notables n’avaient pas la mine réjouie !

Discours du Préfet du cercle de Djenné à l’occasion du 43ème anniversaire de l’accession du Mali à la souveraineté nationale et internationale

Son excellence Monsieur le Député à l’Assemblée Nationale,

Monsieur le Président du Conseil de Cercle,

Messieurs les chefs des services locaux du cercle,

Monsieur le Sous-Préfet des communes de Djenné urbaine, Pondori, Ouro-Ali et Derrary,

Monsieur le Maire de la commune urbaine de Djenné,

Mesdames et Messieurs les responsables des partis politiques, associations et organisations socio-professionnelles,

Mesdames et Messieurs les partenaires techniques au développement,

Chers invités,

Population du cercle de Djenné,

Par la grâce de Dieu, du Miséricordieux, nous voilà encore réunis pour célébrer avec éclat particulier le 43ème anniversaire de l’accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale.

Nous rendons grâce à Dieu de nous avoir donné cette occasion et d’avoir exaucé nos prières en vue d’une campagne agricole si prometteuse, si pluvieuse, et si  pleine d’espoir et d’espérance.

En cette occasion solennelle, tout l’honneur et le plaisir sont pour moi de vous présenter mes vœux sincères de bonne fête, de prospérité, de succès, à vous, à vos familles et à tous les êtres qui vous sont chers.

En ce jour mémorable, j’ai une pensée pieuse pour tous ceux qui se sont battus, dans notre cercle, pour l’accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale, et qui nous ont quitté. Je pense en particulier au regretté Diakarilia Coulibaly, médaillé d’or de l’indépendance, arraché à notre affection le 4 mai 2003. Je voudrais que vous accordiez une minute de silence pour le repos de son âme.

Merci.

Il est de tradition établie que la commémoration de l’anniversaire de l’indépendance de notre pays est une occasion idoine de faire une rétrospective des actions entreprises et des résultats obtenus.

Sur le plan de la mobilisation des ressources financières par les collectivités territoriales, la situation se présente de la façon suivante. Sur une émission totale de 124 520 475, seulement 27 373 180 ont été recouvrés (soit 97 147 295 non recouvrés). Le pourcentage de réalisation est de 21,98 %. A titre comparatif, ce pourcentage était de 18 % en 2002 et 60 % en 2001. Il est aisé de constater que de gros efforts restent à faire dans ce domaine, car aucun développement des collectivités ne peut se faire sans mobilisation des ressources, et, comme le dit l’adage, « l’argent est le nerf de la guerre ».

La mauvaise campagne agricole enregistrée en 2002-2003 ne peut pas, à elle seule, expliquer la situation. Si on ne prend pas garde, l’incivisme fiscal va annihiler les efforts de notre politique de décentralisation. C’est pourquoi une réflexion sera engagée avec tous les acteurs, pour mettre en place une commission de recouvrement dans le cercle, présidée par le percepteur.

Sur le plan de la mobilisation des ressources de l’Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales, après une timide mobilisation de 15 %, les collectivités territoriales ont fait un sursaut d’orgueil, et ce taux avoisine 73 %, contre 100 % dans certaines circonscriptions de la région. D’ici la fin de l’année, neuf projets seront approuvés par l’ANICT.

C’est le lieu et l’occasion de remercier très sincèrement, en ma qualité de Président du Comité Local d’Orientation des Appuis Techniques aux Collectivités Territoriales (CLO), notre partenaire technique, le Centre de Conseil Communal (CCC) dont l’opérateur est l’AFVP, représentée par Madame Claire Mathieu, pour les inoubliables efforts fournis, la grande disponibilité engagée auprès des collectivités territoriale.

Depuis le 1er septembre 2003, les Commissions Administratives chargées de la révision annuelle des listes électorales sont à pied d’œuvre dans toutes les communes du cercle. Il est heureux de constater que tous les partis politiques implantés dans la circonscription participent sans désemparer à cette opération. L’opération s’étalera du 1er septembre au 15 octobre 2003, et concernera les radiations, les corrections et les nouvelles inscriptions. Les commissions administratives ont une lourde mission, celle de se prononcer sur la validité des électeurs dont les cartes d’électeurs n’ont pas été enlevées, soit 16 851 cartes. Je voudrais pour sa conduite en appeler au sens de la responsabilité et de la mobilisation de chacun d’entre nous, pour qu’ensemble tout comme lors des élections générales de 2002, nous puissions mériter la confiance placée en nous. Il s’agit d’une étape importante dans la préparation des élections communales de 2004, que nous voulons justes, transparentes et apaisées.

Dans le domaine des transports et du désenclavement, il faut signaler le démarrage des travaux de construction de la piste rurale Djenné-Mougna-Saye, exécutée par un groupement d’entreprises maliennes (GME, OTER, TIC, EGEBAT) pour un coût total d’environ 6 milliards FCFA. Longue de 60 km, la route Djenné-Mougna-Saye a pour objectif d’assurer un développement rural par le désenclavement d’une vaste zone de production agro-sylvo-pastorale. Cette piste rurale, située dans la zone de l’interfluve (entre le fleuve Niger et le Bani) aura l’avantage de relier les principaux pôles économiques des 4ème et 5ème régions du Mali. Elle reliera, en toute période de l’année, les différents centres de production agro-sylvo-pastorale et les artisans aux principaux marchés de la zone. L’exécution de ces travaux se fait en notre entière satisfaction et implication.

Dans le domaine de l’assainissement, le concours d’assainissement citoyen mis en œuvre sur financement du comité d’adduction d’eau potable de Djenné, pour une enveloppe financière de 500.000 FCFA, a su mettre en éveil l’esprit citoyen des habitants de la cité et diminuer, à notre sens, le volume d’eaux usées en circulation dans les ruelles. Dans le même ordre d’idées, la Mairie de Djenné a conclu avec la KfW allemande un accord de financement de 900 systèmes individuels d’infiltration (modèle du projet test hollandais) pour un coût prévisionnel de 70 millions, qui est en soi une action conservatoire, en attendant que le financement du Plan stratégique d’assainissement de la ville de 6 milliards FCFA soit obtenu.

Sur le plan de la santé, les résultats obtenus sont les suivants : taux de consultation curative de 0,13 ; activités du PEV (programme élargi de vaccination) période du 1er janvier au 30 juin 2003 : BCG 87,94 % ; DTCP3 87,88 % ; Var 78,17 % ; accouchements assistés 35,31 %. Dans le cadre du contrat de performance, le taux de réalisation de la consultation pré-natale au 1er semestre 2003 est de 40 %. Les difficultés qu’on rencontre dans ce secteur restent, à coup sûr, l’épineux problème du système d’évacuation maladie, dont l’ambulance est en panne depuis plus d’un an.

Dans le domaine du reboisement, la campagne spéciale de reboisement lancée par le Président de la République a démarré dans le cercle de 17 août 2003 à Sofara. Les réalisation à la date du 16 septembre 2003 sont les suivantes : pour la commune de Sofara, 6 ha ont été reboisés à Sofara, 4 ha à titre de bosquet ont été plantés à Biba, Montorbougou, Diaba Peulh et Sofara ; en plantation d’ombrage, 1 ha a été reboisé à l’école de Gounadaka et Diaba Peulh. Dans la commune de Mougna, 1 ha a été reboisé avec toutes les espèces (34 pieds de caïlcédrat, 20 pieds de baobab, 2 pieds de manguier, 10 pieds de pomme cannelle et 36 pieds d’eucalyptus). Dans la commune de Djenné, 200 plants ont été plantés au site Betec, 101 sur les sites de Radio Jamana, Kanafa, Sankoré et au groupe scolaire Sory Ibrahim Thiocary, et le GIE Yiriwa Sira a planté 6,5 ha en haies vives. Le planteur Sekou Traore dit Petit Sekou a planté 75 pieds de manguier. De son côté Sekou Maïga dit Mobo a planté 650 gommiers, 40 manguiers, 40 citronniers et 40 acacias nilotica. Les populations du quartier de Tolober ont planté 200 pieds de neem en plantation d’ombrage.

Son excellence Monsieur le Député à l’Assemblée Nationale,

Monsieur le Président du Conseil de Cercle,

Messieurs les chefs des services locaux du cercle,

Monsieur le Sous-Préfet des communes de Djenné urbaine, Pondori, Ouro-Ali et Derrary,

Monsieur le Maire de la commune urbaine de Djenné,

La campagne agricole 2003-2004 a démarré dans des conditions socio-économiques extrêmement difficiles eu égard aux mauvais résultats enregistrés pendant la campagne 2002-2003. la crise alimentaire sans précédent qui a frappé le cercle, et le manque de semence, conséquence de cette situation, ont suscité une intervention rapide et clairvoyante des plus hautes autorités de notre pays. Ainsi, notre cercle a bénéficié de 2380 tonnes de maïs et mil local, à titre de distribution alimentaire gratuite. Les communes de Djenné urbaine, Fakala, Ouro-Ali, Pondori, Derrari et Kewa en étaient les bénéficiaires. Dans le même ordre d’idées, le gouvernement a mis en place 198 tonnes de banques de cérales dans les communes de Dandougou Fakala, Niansanary, Femaye, Madiama, Nema Badenya Kafo, et Togue Mourari.

Pour le bon démarrage de la campagne 2003-2004, le gouvernement a également mis en place un programme semencier régional dans lequel le cercle de Djenné a bénéficié de 34 450 000 FCFA pour l’achat de 150 tonnes de riz local et de 4 tonnes de mil local .

Quant à la physionomie de la campagne agricole en cours, les conditions pluviométriques sont bonnes. Les quantités d’eau reçues jusque là sont très satisfaisantes par rapport aux besoins en eau des cultures et la répartition est bonne dans l’ensemble. A la station de Djenné, à la date du 15 septembre 2003, 782,7 mm ont été enregistrés en 40 jours (contre 306,2 mm en 26 jours en 2002). A Kouakourou, 609 mm ont été enregistrés en 35 jours (contre 316 mm en 33 jours en 2002). A Mougna, 532,5 mm ont été enregistrés en 26 jours (contre 317,8 mm en 28 jours en 2002). A Sofara, 621,6 mm ont été enregistrés en 37 jours (contre 276,7 mm en 25 jours en 2002). Enfin à Taga, 681,6 mm ont été enregistrés en 33 jours (contre 321,9 mm en 30 jours en 2002).

A part le riz de submersion libre, le niébé et le dah, les réalisations sont égales ou supérieures aux prévisions de la campagne. Les réalisations sont supérieures pour toutes les spéculations pratiquées par rapport à la campagne précédente. Les pâturages sont bons, l’état d’embonpoint et les conditions d’abreuvement sont satisfaisants. La situation géo-sanitaire est calme dans l’ensemble. Le mouvement des animaux est caractérisé par la poursuite de la sortie des animaux.

Sur le plan hydrologique, nous avons enregistré un niveau d’eau supérieur à celui de la campagne écoulée sur le Niger et le Bani, occasionnant du reste des noyades de cultures dans le casier rizicole de Sy (zone hors casier).

La campagne a également enregistré des infestations de champs par les sautériaux et les chenilles dans les communes de Nema Badenya Kafo et de Djenné. La situation a été maîtrisée grâce à l’effort des brigades anti-acridiennes dans les localités.

Dans le cadre du projet « s’équiper en reboisant », malgré la faiblesse du recouvrement des créances dues, 35 paysans seront équipés de charrettes, charrues et bœufs de labour.

Dans ce tableau, force est de reconnaître que, malgré les efforts fournis, de réelles préoccupations pèsent sur cette campagne, notamment par la lenteur constatée de la sortie des animaux. C’est pourquoi des comités spéciaux de gestion de la transhumance et de la rentrée précoce des animaux dans les bourgoutières ont été mis en place dans les communes de Fakala, Madiama, Femaye, et Djenné, conformément du reste aux résultats de la rencontre de Fakala du 31 août 2003 ; ils sont chargés spécifiquement : i) de l’observation stricte des calendriers de sortie et de rentrée des animaux ; ii) de la poursuite des éleveurs récalcitrants et leur traduction devant l’autorité judiciaire ; iii) du respect des points de traversée officiels et l’interdiction des traversées frauduleuses.

Des actions judiciaires sont déjà engagées dans ce sens auprès du tribunal de Djenné.

Dans le domaine de l’éducation, l’année scolaire 2003-2004 a été une année calme, marquée par la réalisation de 20 nouvelles écoles par l’UNICEF, en partenariat avec les communautés. De bons résultats ont été obtenus au titre des évaluations scolaires. Ainsi à l’examen du certificat de fin d’études du premier cycle de l’enseignement fondamental (CFEPCEF), session de mai 2003, la circonscription a enregistré un taux d’admission de 61 %. Pour ce qui est du diplôme d’études fondamentales (DEF) session de juin 2003, le cercle a obtenu un taux de 76,98 %, dans lequel les filles ont enregistré un taux d’admission de 84,13 % contre 77,99 % aux garçons. Ces résultats sont, à n’en pas douter, parmi les meilleurs de l’académie d’enseignement de Mopti.

Nos encouragements vont à l’endroit du Centre d’animation pédagogique de Djenné, ainsi qu’à l’ensemble des partenaires de l’école, en les invitant à persévérer dans l’effort.

Sur le plan politique, les rapports entre l’administration et les partis politiques sont bons dans l’ensemble, tout comme les rapports entre les partis politiques entre eux. C’est le lieu et l’occasion de les inviter à persévérer dans cet effort, pour que les élections communales d’avril 2004 puissent se dérouler dans un climat politique serein et apaisé. Les élections communales, contrairement aux élections présidentielles et législatives sont des élections de proximité, qui intéressent chacun de nous. Il s’agit aussi d’un autre défi que notre cercle se doit de relever, afin de perpétuer l’ancrage de la démocratie et de la bonne gouvernance. Pour ce faire, j’invite chacun de nous à nous accompagner dans cette démarche partenariale pour le mieux-être de nos populations. Il appartient aux partis politiques d’inviter leurs militants à vérifier leur inscription sur les listes électorales. Seront électeurs ceux dont l’inscription sera faite sur les listes électorales.

Son excellence Monsieur le Député à l’Assemblée Nationale,

Monsieur le Président du Conseil de Cercle,

Messieurs les chefs des services locaux du cercle,

Monsieur le Sous-Préfet des communes de Djenné urbaine, Pondori, Ouro-Ali et Derrary,

Monsieur le Maire de la commune urbaine de Djenné,

Mesdames et Messieurs les responsables des partis politiques, associations et organisations socio-professionnelles,

Mesdames et Messieurs les partenaires techniques au développement,

Chers invités,

Population du cercle de Djenné,

En ce jour solennel, nous rendons grâce à Dieu et au Gouvernement de la République du Mali, pour les efforts louables consentis pour soulager la souffrance de nos populations. Nous rendons grâce à Dieu car la campagne agricole en cours s’annonce prometteuse. La crue des fleuves Niger et Bani comble nos espoirs. Cependant, force est de constater que la non-sortie des animaux dans certaines zones n’est pas sans me préoccuper. Je voudrais, à ce sujet, inviter les populations à éviter la rentrée précoce des animaux, par le respect des dates qui seront communiquées par les autorités compétentes en la matière.

Je voudrais aussi attirer l’attention des populations sur la gestion de l’abondance : elle est difficile et complexe. Nous devrons tirer leçons de la campagne 2002-2003, en renforçant les banques de céréales créées et en diversifiant nos différentes formes d’organisation et de solidarité.

Je voudrais en cette occasion solennelle réitérer, si besoin est, mon entière disponibilité à œuvrer pour le bien-être des populations, et à préserver à tout pris la paix sociale dans la circonscription.

Vive le Mali démocratique ! Vive la région de Mopti ! Vive le cercle de Djenné, riche, prospère, divers et uni ! Je vous remercie !

Discours de Monsieur Mahamane Santara, Député de Djenné, à l’occasion de la fête nationale, le 22 septembre 2003 à Djenné

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Maire,

Messieurs et Mesdames le représentants des partis et des associations,

Madame la représentante du CCC (centre de conseil de cercle),

Il y a maintenant quarante trois ans que notre pays a acquis sa souveraineté. Quarante trois ans, c’est peut-être insignifiant dans la vie d’une nation, mais quarante trois ans peuvent être considérés comme une prouesse dans nos pays en développement, où l’espérance de vie dans certains ne dépasse pas cet âge. Aussi, en quarante trois ans, il s’est passé beaucoup de choses dans notre pays. Et à l’aube de ce troisième millénaire, chacun de nous doit se souvenir. La première époque, et ses débuts tonitruants des années 1960, où notre pays semblait premier sur tous les plans : c’était l’époque, la belle époque, où l’on était fier d’être malien, et où des maux comme népotisme, trafic d’influence étaient presque inconnus. La seconde époque aussi, ce fut l’époque avec l’avènement du CMLN, qui a été salué par certains en son temps, mais décrié par d’autres. La troisième époque, c’est l’époque orchestrée par l’ensemble du peuple malien, une occasion unique en un quart de siècle pour les Maliens de se retrouver et de fêter, malgré la pauvreté, l’entrée dans une ère totale de liberté : il y eut non pas deux ou trois partis politiques, mais au moins une centaine de partis politiques et plus d’une trentaine de journaux privés.

Population du cercle de Djenné, autant d’atouts, car ces principes devraient réconforter les idéaux du 26 mars, consolider la démocratie, la fraternité, et la lutte contre la pauvreté. Malheureusement, à croire que cet engouement populaire ne masquait que des calculs qui frisent par endroits la catastrophe ! Aussi, Mesdames Messieurs, je profite de cette tribune à l’occasion du quarante-troisième anniversaire de notre accession à la souveraineté nationale et internationale pour faire appel à tous les djennenkés à l’unité et à la cohésion pour le développement de notre circonscription. (applaudissements)

La décentralisation est la meilleure voie pour l’autosuffisance alimentaire. Le Président de la République a fait de la sécurité alimentaire un axe majeur de son mandat. Cette volonté politique a été exprimée dans la lettre de cadrage qu’il a adressée au gouvernement, qui a son tour, dans la déclaration de politique générale du Premier ministre, l’a traduite en programme. Cette atteinte de la sécurité alimentaire suppose que la terre, premier facteur de production, soit affranchie des aléas du climat par la maîtrise de l’eau pour la satisfaction des besoins des cultures. C’est le but que vise la réalisation des aménagements hydro-agricoles.

Mesdames Messieurs, après les élections législatives la première session parlementaire de la troisième législature a ouvert un temps nouveau. Les organes de l’assemblée ont été installés par consensus parce qu’aucun groupement politique représenté à l’Assemblée nationale ne détenait la majorité absolue. Dans un consensus où le travail se fait dans la clarté entre nous, parlementaires. Le Parlement nouvellement installé a reçu la déclaration de politique générale du gouvernement le 5 décembre 2002, déclaration qui traduisait la lettre de cadrage du Président de la République, dont la politique de développement sera centrée sur l’homme. Dans la hiérarchie des priorités, il faut noter l’emploi, l’école, la santé, et l’amélioration du pouvoir d’achat des populations. Se fondant sur le sillage des dix années de démocratie, le Parlement a accordé sa confiance au gouvernement et a adopté la déclaration de politique générale le 19 décembre à l’unanimité des 131 députés présents.

Le gouvernement et le Parlement travaillent en ce moment aux axes majeurs du mandat du Président de la République : c’est la raison du vote des lois. De septembre 2002 à cette date, l’Assemblée nationale du Mali a voté plus de 100 lois qui sont en application aujourd’hui. Les plus importantes lois qui sont passées sont des lois de ratification autorisant le gouvernement à conclure des prêts de financement pour des investissements dans le pays. Nous devons améliorer la situation des fonctionnaires aussi, ainsi que celle des retraités. Aussi beaucoup de lois ont suscité beaucoup de commentaires, mais à la fin tout est rentré dans l’ordre : il s’agit surtout de la loi sur le vérificateur.

S’agissant du développement de notre circonscription, vous venez d’écouter le préfet et le maire qui ont commenté les actions menées. Nous poursuivons les démarches auprès des départements ministériels, 80 % des villages du cercle sont équipés en puits modernes, toutes les communes ont bénéficié d’écoles et de centres de santé. 52 % des gros villages sont équipés en écoles. Au plan routier, le pont de Seymani sera agrandi, les principales rues de Djenné seront aménagées de Seymani à la nouvelle route en passant par l’école, puis Tapama Djenepo jusqu’à Kanafa. Des négociations sont en cours pour relier Kouakourou à Senossa, Gomitogo sera relié à Yébé. Les travaux pour l’alimentation en eau du Pondori à partir du fleuve Niger seront réalisés après l’hivernage. L’aménagement des routes Djenné-Taga, carrefours communaux, carrefour Sofara sont en négociation. Les études du seuil de Djenné seront réalisées comme prévu. L’étude du pont de Sanouna est en négociation. Le Président a fait la promesse ici devant vous lors de sa visite. Donc les négociations sont toujours en cours et nous souhaiterions que le pont de Sanouna soit réalisé.

Des démarches sont en cours pour la téléphonie rurale pour les douze communes. La nouvelle centrale électrique sera réalisée avec de nouveaux groupes électrogènes d’une capacité de 1200 kVA avec transformateur pour les longues distances. Der plateau est déjà raccordé à l’électricité. Des négociations sont en cours pour l’installation d’une banque au niveau de Djenné et si Dieu le veut on en verra la réalisation.

Au point de vue fiscalité, la commune de Djenné n’a pu encaisser que 6 % des impôts et cette situation retarde le développement parce que les bailleurs de fonds exigent le versement d’une partie des dépenses par la commune pour tout projet présenté. Quelle que soit la personne qui dirige la commune, sans ressources il n’y aura pas de développement.

Mesdames et Messieurs, depuis que nous sommes aux affaires, nous avons toujours sollicité l’appui de tous les ressortissants de Djenné, car Djenné ne peut être construite sans ses fils. Je remercie très sincèrement tous ceux qui ont contribué au programme de développement de la circonscription de Djenné. Djenné est une ville religieuse et d’hospitalité. Mais nous ne tolérerons pas les étrangers qui veulent s’opposer aux actions de développement sur notre terre. C’est le cas de certains responsables étrangers qui veulent s’immiscer dans nos affaires. Et on les met en garde. Une lettre a déjà été envoyée à l’ambassade de l’intéressé pour la mettre en garde contre cette interpellation. Egalement une lettre de mise en garde a été envoyée à l’intéressé en lui demandant de nous expliquer l’objet de la création de son ONG « Initiative de Djenné », organisme qui n’a pas été porté à la connaissance des autorités maliennes, alors que les ONG travaillent dans un cadre réglementaire. Nous avons exigé de lui la présentation d’un bilan financier avec l’ensemble des statuts et réglements, recettes et emplois financiers dans notre ville ;  il est important de saisir le mode de financement de tous les investissements en faveur de notre cité.

Mesdames et Messieurs, populations de Djenné, en vous remerciant de votre participation à cette fête, nous demandons à Dieu le Tout Puissant de nous accorder longue vie, pour qu’on se retrouve ici l’année prochaine. Sincèrement, je vous le dis, que la fête de l’indépendance est une fête de tout le monde. Que chacun soit mobilisé pour cette fête. Et je remercie tous ceux qui ont de  près ou de loin participé à cette fête. Merci Monsieur le préfet, merci les populations, à bientôt.

 

 

 

 

 

Visite à Djenné de S.E. l’Aga Khan : un rêve réalisé

Le Prince Aga Khan, 46ème petit-fils du Prophète Mohamed, chef religieux, défenseur de l’art et de l’architectue islamiques, a séjourné au Mali courant octobre 2003. Pouvait-il visiter le Mali sans passer à Djenné la religieuse, connue à travers le monde pour ses nombreuses écoles coraniques depuis le XVIème siècle, ville possédant la plus célèbre mosquée en terre du monde ?

Oui, les précurseurs chargés d’explorer les sites à visiter avaient déconseillé l’étape de Djenné, pour manque d’infrastructures, manque d’aéroport, nécessité d’emprunter un bac pour traverser le Bani ! C’était méconnaître le Prince et son ancienne décision de découvrir la cité millénaire dont la mosquée sert de repère à toutes les mosquées du delta intérieur du Niger : il ferait étape à Djenné quelles que soient les difficultés à surmonter !

Informée de l’arrivée d’un petit-fils de Mohamed dans une ville à 99 % musulmane, la population a mis les petits plats dans les grands, comme pour relever un défi et prouver au Prince qu’il avait fait le bon choix. Ainsi administrateurs, politiciens, marabouts, élèves, artisans… chacun en ce qui le concerne, n’ont ménagé aucun effort pour réserver un accueil mémorable à l’illustre hôte.

Cette visite, qui n’a duré que 45 minutes, a comporté deux étapes qui ont fortement impressionné le Prince : il s’agit de l’accueil à Sanouna par les autorités, avec l’escorte du bac par une pléïade de pirogues menées par une centaine de pagayeurs ; puis du bain de foule devant la grande mosquée où plus de mille élèves coraniques brandissaient leurs ardoises bigarrées d’écritures du Saint Coran.

« Au petit-fils du Prophète, paix et salut ! » : c’est ainsi que l’imam Korobara a souhaité la bienvenue à son hôte, avant de lui faire l’historique de cette vieille cité religieuse entièrement conquise à l’islam depuis 1240.

Après l’intervention de S.E. le Premier Ministre, M. Hamed Med Ag Hamani, le Prince a adressé ses vifs remerciements à toute la population de Djenné, avant d’inviter les uns et les autres à plus d’unité, et à plus de tolérance les uns envers les autres. En fin de visite, au moment de s’embarquer, le Prince adressa ces mots aux autorités (le Préfet et le Maire) : « Je vous remercie pour cet accueil si mémorable. La visite a été brève, mais j’ai pu visiter la mosquée, la prochaine fois je souhaite rester plus longtemps ». C’est satisfait d’avoir pu réaliser son rêve que le Prince quitta la ville religieuse de Djenné.

Foourou Alpha Cisse

Une station service à Djenné

Depuis quelques mois, Djenné dispose d’une station service, ce dont personne ne se plaindra. Certes, on trouvait déjà du carburant chez plusieurs commerçants, du carburant en fûts, avec les inconvénients que cela peut présenter. Un commerçant de Mopti a obtenu l’autorisation d’installer une station service à l’entrée de la ville, juste après le porche, là où se trouvait auparavant le contrôle de la gendarmerie.

Cela dit, fallait-il vraiment construire à Djenné le même genre de station service qu’on rencontre désormais partout sur la planète ? Est-il vraiment avantageux pour qui que ce soit que la station service de Djenné ressemble à celle qu’on trouverait dans une bourgade européenne ou américaine ou asiatique ? Bien entendu, le commerçant veut faire moderne, il ne cherche pas plus loin, il veut que sa station tape à l’œil, il veut que le nom de sa société ressorte bien clairement, toute sa vanité est là. Pourtant, n’aurait-on pas pu imaginer qu’une station service créée à Djenné manifeste quelque chose du génie de l’architecture de Djenné ? N’aurait-on pas trouvé au Mali un architecte capable de faire une proposition un peu plus originale que l’habituel toit métallique surdimensionné surmontant de plusieurs mètres les pompes ?

Le commerçant qui vient s’installer à Djenné ne sait-il pas ce qu’est Djenné ? Et s’il ne le sait pas, n’y a-t-il personne dans la ville pour le lui apprendre ? Ou bien Djenné a-t-elle déjà abandonné son avenir à des commerçants incultes ?

Il ne faut pas oublier que la pauvreté est aussi le fruit de l’inculture, et que tolérer l’inculture c’est s’accommoder –voire profiter– de la pauvreté.

Table-ronde sur l’assainissement de la ville de Djenné

Les 3 et 4 décembre 2003 s’est tenue à Djenné une table-ronde sur le plan stratégique d’assainissement de la ville de Djenné.[2] Y participaient, outre les autorités locales, des délégations venant du Ministère de l’environnement, du Ministère de l’artisanat et du tourisme, du Ministère de la culture, de la Fondation Aga Khan, de l’AGETIPE, de la KfW, de la GTZ, de l’AIVM, du jumelage Vitré-Djenné, de Djenné Patrimoine, et de l’association des ressortissants de Djenné à Mopti. Les délégués ont été accueillis par le Préfet, M. Alassane Diallo, et par le Maire de Djenné, Bamoye Sory Traore, ainsi que par le Chef de la Mission Culturelle, Monsieur Boubacar Diaby. Dès le premier jour, les délégués ont visité la ville, pour voir par eux-mêmes tous les problèmes que pose son assainissement, notamment l’évacuation des eaux usées et celle des plastiques.

Le plan stratégique d’assainissement a ensuite été présenté par le chef de la division de la planification à la Direction nationale de l’assainissement, M. Abdoul Karim Macalou. D’après ce dernier, les choix technologiques de ce plan ont été orientés par deux soucis : celui d’obtenir l’adhésion de la Mission culturelle, et celui de satisfaire les besoins réels des bénéficiaires. Alors que le coût total du plan d’assainissement dépasse 6 milliards FCFA, un programme prioritaire a été établi, dont le coût est de l’ordre de 3 milliards.

Dans son intervention, le représentant du Ministère de l’artisanat et du tourisme a demandé qu’on fasse de l’assainissement de Djenné une question nationale. Le chef du cabinet du Ministre de l’environnement a rappelé l’article 15 de la constitution, et le devoir de chaque citoyen d’améliorer son cadre de vie. Le secrétaire général du Ministère de la culture a demandé l’implication de tous pour rendre Djenné salubre. Le député Mahamane Santara a demandé à l’administration de sanctionner les comportements abusifs pour que la ville soit propre.

Le consultant de la banque allemande KfW a insisté sur la maintenance des installations, condition nécessaire à l’engagement des bailleurs. Le représentant de la GTZ a abordé divers points techniques. Il a aussi été répondu à diverses questions.

La seconde journée a commencé par une visite de la mosquée et de l’exposition de photographies de mosquées du delta central du Niger, réalisées de 1998 à 2002 par Sebastian Schutyser (exposition organisée par Djenné-Patrimoine). Ensuite ont été enregistré les engagements pratiques suivants :

- les trois ministères présents s’engagent à tout mettre en œuvre pour la réalisation du plan d’assainissement de Djenné ;

- la Banque Mondiale, à travers le Ministère de la Culture et le projet « développement urbain et décentralisation », annonce la disponibilité d’une enveloppe de 300 millions FCFA pour les travaux des collecteurs d’eaux pluviales à ciel ouvert (environ 5 km), des études et des activités de suivi-évaluation ;

- le KfW s’engage à financer 1200 systèmes individuels d’infiltration des eaux usées (environ 100 millions FCFA) ;

- l’Association Ille-et-Vilaine-Mopti (AIVM) et le jumelage Vitré-Djenné se disent prêts à examiner des propositions de micro-projets en vue de leur financement.

A l’issue des travaux, il est demandé aux ministères compétents (Administration territoriale et collectivités locales, Environnement, Culture, Artisanat et tourisme, Finances et économie, Affaires étrangères) d’organiser à Bamako une table-ronde sur le financement de ce plan ; est aussi recommandée la mise en place d’une commission de quête auprès des ressortissants de Djenné, sympathisants de l’intérieur et de l’extérieur, touristes de passage ; il est aussi souhaité que le programme soit scindé en plusieurs volets pour faciliter sa prise en charge par plusieurs bailleurs ; il est convenu de le présenter à la délégation de la Fondation Aga Khan, présents à Djenné.

(d’après le rapport de synthèse rédigé par Sidi Sonfo, secrétaire général de la mairie de Djenné, Dramane Cissé, volontaire du Corps de la Paix affecté à Djenné, et Diakaria Keita, chef de la division assainissement à la direction régionale de Mopti)

NOUVELLES DU PATRIMOINE DE DJENNE

A propos de l’installation d’une ligne électrique allant jusqu’à la nouvelle station-service : l’EDM-SA pourrait-elle apprendre ce qu’est le patrimoine de l’humanité ?

Les habitants de Djenné, ville inscrite en totalité par l’UNESCO sur la liste du patrimoine de l’humanité, et ville classée au titre de la législation malienne, sont lassés du comportement de la société Energie du Mali, qui semble ignorer délibérément les obligations qui, dans un site classé, pèsent sur tout un chacun, et donc notamment sur les sociétés chargés d’installer les équipements publics.

Faut-il rappeler qu’en 1997 la Mission culturelle s’était opposée à la demande de raccordement déposée par une famille originaire de Djenné (et installée désormais à Bamako) pour un bâtiment situé au puits de Nana Wangara, au motif parfaitement incontestable qu’une installation aérienne aurait défiguré les abords des « palais marocains. » La famille se montra disposée à supporter le surcoût d’une installation souterraine, mais l’EDM laissa traîner des mois et des mois, jusqu’à ce que…

Faut-il rappeler qu’en 2001 le propriétaire d’une maison construite à Djoboro a lui aussi demandé au service local de l’Energie de lui établir un devis de raccordement souterrain, pour qu’il puisse au moins comparer le coût de l’installation souterraine au coût de l’installation aérienne. Même attitude de la société : des délais indéfinis s’installent, le client a l’impression de se trouver en face d’agents sinon totalement incompétents, du moins absolument ignorants des conditions pratiques d’une installation souterraine, le responsable de l’agence de Djenné prétend qu’il lui faut consulter l’agence de Mopti, qu’il doit organiser une mission pour cela, il se rend bientôt à Mopti, mais c’est apparemment pour revenir bredouille. Après huit mois de retards, le client se décourage et commande le raccordement par voie aérienne. Ce dernier sera d’ailleurs réalisé dans des conditions si incroyablement négligentes et même stupides, de la part d’agents si clairement inconscients de la valeur du patrimoine architectural, qu’elle devra être refaite : on avait commencé à planter un crochet en plein milieu de la façade, alors qu’il était tout aussi facile de placer ce crochet contre le sarafal extérieur, le câble continuant alors son chemin à l’intérieur du bâtiment à l’abri des regards.

Faut-il rappeler que la Mission culturelle, installée au quartier Tolober, et intéressée au premier chef par son éventuel raccordement au réseau, a demandé il y a quelques années un devis pour l’installation souterraine. Succès ! Un devis de 3 millions environ est établi, que la Mission culturelle peut envoyer au bailleur, et que ce dernier accepte. C’est alors que l’EDM invoque une erreur pour proposer un nouveau devis, d’un montant approximativement double du premier. Incompétence ? A ce point ? Ou sabotage délibéré ?

Ces exemples montrent que l’EDM n’a aucune idée de ce que sont ses obligations en tant que fournisseur d’un service public : dans un site classé, elle doit respecter le classement comme toute autre personne. On pourrait attendre d’une société nationale, soutenue en outre par une société étrangère solide et réputée, dispose des compétences nécessaires pour étudier, chiffrer et réaliser dans un site classé des installations conformes aux obligations du classement. Mais en l’occurrence, il est évident que ses obligations vont plus loin encore. L’EDM est nécessairement amenée, par ses obligations de service public, à raccorder au réseau des bourgs ou de gros villages très éloignés des installations existantes, et donc à supporter des surcoûts importants dûs à l’éloignement. Ces surcoûts ne sont pas à la charge des clients individuels. La même règle devrait valoir pour Djenné et Tombouctou. Leur caractère de site du patrimoine mondial impose un surcoût, et il n’y a aucune raison pour que ce surcoût soit supporté par les clients individuels, les habitants de Djenné. C’est l’EDM qui doit le prendre à sa charge.

La question « L’Energie du Mali pourrait-elle apprendre ce qu’est le patrimoine de l’humanité ? » ne peut donc pas être réglée individuellement dans les villes classées, elle doit être posée au niveau national, à propos de la rédaction et de l’interprétation des contrats que l’Etat passe avec cette société.

NOUVELLES DE DJENNE PATRIMOINE

Présentation officielle du site de DJENNE PATRIMOINE

A l’occasion de la fête nationale, le 22 septembre, les autorités municipales et préfectorales avaient invité les notables à un dîner organisé en fin de journée dans la salle de la Maison du Peuple. A cette occasion, Papa CISSE, Président de DJENNE PATRIMOINE et Amadou Tahirou BAH, son trésorier, ont présenté officiellement à l’assistance le site internet de l’association, réalisé grâce à un enfant de Djenné, Boubou CISSE, étudiant à Marseille, et avec le concours du Professeur Joseph BRUNET-JAILLY. Il n’a pas été possible de réaliser un accès direct à Internet, l’association DJENNE PATRIMOINE n’ayant pas encore une connexion fonctionnelle, mais le site avait été copié sur un CD-rom et il a été visionné sur un grand écran à l’aide d’un vidéo-projecteur. Les autorités se sont montrées très intéressées, et ont signalé à cette occasion  que l’USAID est en train de réaliser à Djenné un Centre Local d’Information et de Communication (CLIC), qui assurera en principe une connexion Internet et demandera que des contenus soient préparés localement.

L’adresse du site est, on le rappelle :

www.djenne-patrimoine.asso.fr

Un mois plus tard, le 1er novembre, une réunion s’est tenue au domicile du marabout Sidy Cisse, pour réviser la partie du site de DJENNE PATRIMOINE qui permet de localiser et de reconnaître les tombeaux de saints éparpillés dans la ville de Djenné. On trouve en effet sur le site internet de DJENNE PATRIMOINE une section qui permet de localiser tous les tombeaux encore existants et identifiés, et qui donne, avec une photo du tombeau et éventuellement une photo des abords, le nom du saint qui y repose et les quelques informations le concernant disponibles auprès des marabouts.

Conférence sur l’architecture de Djenné

Le 1er novembre, profitant de la présence à Djenné de son enfant Abdoulaye Touré, architecte malien installé en région parisienne, qui termine actuellement, après une thèse d’urbanisme sur Bamako, un ouvrage sur l’architecture et l’artisanat de Djenné, DJENNE PATRIMOINE a organisé une rencontre avec ce chercheur. Abdoulaye Touré étudie l’architecture de Djenné  depuis les années 1983-1985, et il veut tirer de son travail à la fois un ouvrage capable d’intéresser le grand public et un autre ouvrage, technique, contenant des propositions précises pour la protection du patrimoine architectural de Djenné.

Pour comprendre l’architecture de Djenné, explique Abdoulaye Touré, il faut faire un détour par l’architecture dogon, où le bâtiment représente le corps humain et la famille. C’est donc une interprétation sociale, ou plus précisément familiale, qu’il nous donne de l’architecture de Djenné. Ainsi les saraafar har,[3] aux extrémités de la façade, représentent l’homme, dont le travail se trouve à l’extérieur, et qui protège la famille contre l’extérieur.

Zone de Texte:

 

 

Source : Geert Mommersteeg, Pierre Maas : Djenne, chef d’œuvre architectural, Institut des Sciences Humaines-Institut Royal des Tropiques, p. 78, avec l’aimable autorisation des auteurs

 

 

De même, les saraafar woy,[4] au centre de la façade (mais pas forcément en son milieu), représentent les femmes. Au faîte de la façade, les saraafar idye[5] représentent les enfants,[6] avec leurs nombrils protubérants, saraafar dyutu,[7] qui symbolisent les mystères de la procréation. Ces derniers sont naturellement encore rappelés par l’alternance de gaga[8] et de musi bumo[9] : on a déjà remarqué la forme phallique du musi bumo, il faut aussi prêter attention aux deux gaga entre lesquels il se loge, et qui forment une niche très comparable à celle qui constitue la décoration habituelle de la façade de la maison dogon ; ces gaga représentent selon notre chercheur les organes génitaux de la femme. Et il faut encore voir que le tintin n’est pas un simple banc de terre : il doit être considéré comme le socle de la maison, qui est bâtie sur la sépulture de l’ancêtre. Et il faut enfin ajouter que, de profil, la façade avec gum huu[10] peut évoquer aussi bien une femme enceinte que ces innombrables statuettes de personnages agenouillés qu’on trouve dans les fouilles.

Bref, l’architecture de Djenné garde les traces d’un héritage du culte des ancêtres et de la fécondité : un héritage bien antérieur à l’islam. Pourtant, ces grandes maisons que nous voyons aujourd’hui ne sont apparues à Djenné qu’après l’islamisation : il est donc bien clair que la nouvelle religion a dû s’accommoder de ce que les croyants avaient hérité de leurs pères depuis des dizaines

de générations. L’originalité de la civilisation pré-islamique de Djenné tient aussi, on le sait, à l’usage du djenne ferey,[11] qui n’existe nulle part ailleurs au monde. Il semble aussi que soit très ancienne l’insertion de bois sortant de la façade pour faciliter les travaux d’entretien : par rapport aux sanctuaires pré-islamiques dont certains ont été transformés en mosquées, l’évolution qui apparaît à Djenné consiste essentiellement en ce que les branches ont été remplacées par des faisceaux bien taillés constitués de troncs de rônier éclatés dans le sens de la longueur. Par rapport à cet héritage, l’influence marocaine, sensible surtout dans l’accroissement de la taille des maisons, et dans les aménagements qui s’imposaient alors (par exemple la disparition du gum huu) doit donc être ramenée à ses justes proportions.

Abdoulaye Toure

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DOCUMENT 1


Photographie B. Desjeux (décembre 1984), avec son aimable autorisation

ALMAMY YATTARA  parle de Djenné

Almamy Maliki Yattara est né vers 1922 dans la région du Guimbala, à l’ouest de Tombouctou. Il est décédé à Bamako en 1998. Ce fut un maître coranique passionné de connaissance et passionné d’enseignement, et un maître de l’oralité. Au cours d’une vie extrêmement riche, il a d’abord été l’élève attentif et doué d’un maître exceptionnel, Alfa Amadou, de Tambéni, vénéré autant pour ses connaissances que pour ses prodiges ; puis il a enseigné notamment le droit musulman, et toute sa vie il aura été un spécialiste reconnu et fréquemment consulté sur des points particuliers de cette spécialité ; mais il a été aussi chasseur de lions, éleveur d’autruches, commerçant itinérant ; enfin sa vie prit un autre cours le jour où il devint le collaborateur de Amadou Hampâté Bâ à Abidjan, puis agent de l’Institut des Sciences Humaines de Bamako. Bernard Salvaing, historien, maître de conférences à l’Université de Paris I- Panthéon – Sorbonne (Centre d’Etudes Africaines) a recueilli le récit de sa vie au cours de nombreuses heures d’entretiens réalisés tant au Mali qu’en France entre les années 1988 et 1996.


Photographie B. Desjeux, avec son aimable autorisation

Ce document exceptionnel est maintenant publié en deux volumes, dont le premier s’intitule « Almamy : une jeunesse sur les rives du fleuve Niger » et le second « Almamy : l’âge d’homme d’un lettré malien » (éditions Grandvaux, respectivement 2000 et 2003). Les extraits qui suivent sont pris dans le second volume.[12]


Photographie B. Desjeux, avec son aimable autorisation

« Mon séjour à Djenné

Nous arrivâmes donc sur les bords du Bani et nous prîmes le bac. J’allai aussitôt voir le commandant de cercle, qui lut mon ordre de mission.

- Mon Dieu ! Tu cherches des manuscrits arabes à Djenné ! Les gens en ont ! Ils en ont même beaucoup. Mais ils sont très fermés. Ils ne veulent pas les donner. Il faut que tu prennes contact avec le bureau politique. Je vais en aviser les responsables et vous essayerez de traiter votre affaire ensemble. Mais, reprit-il, nous sommes déjà samedi après-midi ! Il faut que tu ailles au campement te reposer. Tu reviendras te présenter ici lundi matin.

- Pourtant, il n’est pas encore midi, mon commandant !

- Si, il est midi moins dix minutes seulement. Il faut attendre lundi !

- Ah ! mon commandant, je te demande, je te prie, de me mettre en mesure de travailler dans la ville dès maintenant.

- Je te dis qu’il est midi !

- Mais ce n’est quand même pas bien difficile d’envoyer quelqu’un chez le secrétaire général du Parti de Djenné pour l’informer de la venue d’un étranger !

- Ah ! mais si tu n’acceptes pas ce que je te dis, moi non plus je ne m’occuperai pas de toi !

Je sortis donc en lui disant :

- En fait, ce n’est pas mon affaire que tu as refusée ! C’est l’affaire du gouvernement ! Tu vas bien voir si je ne peux pas me débrouiller par moi-même dans la ville de Djenné, sans recourir à toi et à ta mauvaise volonté !

Le chauffeur qui m’avait conduit me dit :

- Laisse ! Ce n’est pas la peine d’insister. Allons au campement, il est ouvert au public, ce n’est pas un campement administratif.

Je remontai donc dans la Land-Rover et nous repartîmes. Effectivement, le commandant ne pouvait rien contre moi, ni moi contre lui ! Chacun peut bien dire ce qu’il veut !

Je ne connaissais à Djenné qu’Ousmane Cissé. Après avoir pris un rapide repas et un peu de repos, je réussis à me faire indiquer sa maison. Nous nous saluâmes, et il m’accueillit à bras ouverts ! Je lui indiquai la raison de ma venue, puis tout ce que m’avait fait le commandant de cercle, précisant que j’étais en mission officielle et qu’à mon arrivée, il restait encore dix minutes avant l’heure de la descente.

- Bon ! me dit Ousmane, je vais quand même essayer d’arranger ton affaire. Je vais voir le Secrétaire Général, c’est mon gendre.[13]

Nous allâmes ensemble chez ce dernier. On aurait dit qu’il n’avait jamais vu personne d’autre que moi. Il s’élança vers moi immédiatement et m’embrassa en signe de respect, en me demandant :

- Comment va ta famille ? Et comment ça va à Bamako ? Tu es donc venu en mission ! Je suis très content de ta venue. Quel jour souhaites-tu donc rencontrer les marabouts d’ici ?

- N’importe quel jour ! Celui que tu me diras !

- Bon ! Maintenant il se fait tard. Mais demain, à neuf heures, reste au campement : tu verras tous les marabouts de Djenné. Je vais les mettre à ta disposition et aucun ne se dérobera. Je sais qu’ils sont très fermés, mais, si Dieu le veut, tu auras satisfaction !

- Très bien ! Mais je suis quand même un peu inquiet : le commandant de cercle m’a dit que je ne pouvais plus travailler ici, maintenant que nous nous sommes querellés.

- Il ne peut rien contre nous ici ! Il est commandant de cercle, mais je suis secrétaire général de la circonscription de Djenné ! La population est à moi, ici !

Je rentrai donc au campement.

Vers le crépuscule, je vis arriver un plat de côtes de mouton, avec les pattes de mouton bien grillées. La personne qui les apportait demandait où se trouvait l’hôte venu de Bamako.

- C’est moi ! lui répondis-je.

- Voilà, c’est le secrétaire général qui m’a demandé de vous apporter ça.

- Tabarakallah ! Que le nom de Dieu soit béni, dis-je, mon chemin est joli !

Aussitôt, j’appelai le gardien du campement et lui demandai d’acheter du charbon et d’allumer un fourneau :

- Prends les côtes, fais-les chauffer et découpe-les. Nous allons manger ensemble. Les pattes, je les garde pour demain !

Le lendemain à neuf heures, tous les marabouts de Djenné vinrent me trouver. Je leur parlai de la mission et ils me firent la réponse suivante :

- Bon ! Pour dire la vérité, les manuscrits historiques, nous n’en avons plus. Car si nous disons que nous avons des tarik,[14] tu vas les prendre avec toi, les emporter au loin et tu ne nous les rendras pas. C’est pour cela que nous n’acceptons pas de dire que nous en détenons. Mais en vérité nous en avons. Cependant, c’est à la condition que tu ne bouges pas d’ici et que tu ne partes pas avec eux !

- Je ne bougerai pas ! J’ai apporté mes papiers et mes crayons, je recopierai les manuscrits.

- Alors, dans ces conditions, c’est d’accord.

Et ils m’apportèrent leurs manuscrits. La nuit, j’allumai ma lampe-tempête et je les recopiai jusqu’au matin ! Une fois ce travail terminé, je rendis chaque manuscrit à son détenteur, accompagné d’un petit cadeau.

Je reçus également, par ailleurs, des manuscrits de la part de Bakar Nafogou et de nombreuses informations orales de la part de Alfa Nouhoum Cissé. Mais c’est Kolâdo Sidibé, un vieil instituteur, qui put me donner des indications sur le passage de Gironcourt, la manière dont il était venu à Djenné et les circonstances de son départ. (p. 162-164)

Avec Louis Brenner[15]

Je fis également à cette époque des recherches avec un autre américain, du nom de Louis Brenner, qui était venu après William Allen Brown. Il recherchait comme lui des traditions et particulièrement des manuscrits historiques.

Nous partîmes pour une première mission dans la région de Mopti. Puis nous continuâmes ensuite pour Djenné, où le commandant de cercle nous introduisit auprès de l’imam de la mosquée qui nous fit le meilleur accueil. Il s’agit de l’imam Korobara, que je connaissais depuis longtemps. Mais il n’y avait chez lui qu’un manuscrit, celui de la Risâla.[16] Tout le reste était formé de livres imprimés.

L’imam nous mit en rapport avec Almamy Alfa Bia Bia, qui nous montra ses manuscrits très anciens, et Louis Brenner lui demanda longuement s’il possédait des livres rédigés ici en Afrique. Il dit que oui, qu’il avait un dalâ’il al-faraj[17] fait par quelqu’un d’Afrique, c’était un très gros volume manuscrit. Louis Brenner photographia tout le volume, à tel point que nous arrivâmes presque au bout de nos pellicules.

D’après ce qu’on dit, le simple fait de détenir le dalâ’il al-faraj dans une maison, même si personne n’est capable de le lire, donnera une chance formidable devant Dieu demain, si on l’a aimé. On ne parle pas du bénéfice qu’à plus forte raison tu en retireras si tu es capable de le lire et de l’utiliser pour faire tes prières. Tellement Dieu exauce celui qui lit le dalâ’il al-faraj pour lui adresser une telle requête ! Dieu lui accorde ce qu’il demande. C’est un livre très répandu et très respecté par les intellectuels de chez nous. Il a été composé par un Africain dont j’ai oublié le nom.

Alfa Bia Bia, le détenteur de ce manuscrit, est le fils d’un marabout que toute la ville de Djenné connaît. Son grand-père se levait tellement de bonne heure le matin pour aller à la mosquée, avant de rentrer en ville pour adresser aux musulmans ses salutations matinales, qu’on l’avait surnommé Bia Bia, ce qui signifie en langue songhay partir le matin de bonne heure.

Et ce surnom resta à ses descendants : voilà pourquoi son petit-fils est connu sous le nom de son grand-père Alfa Bia Bia, alors qu’il s’appelle en réalité Ibrâhîm Traoré.

Cependant je n’ai pas réussi à détenir moi-même un exemplaire du dalâ’il al-faraj. Mais j’avais toutefois l’habitude, lorsque j’étais à Djenné en mission avec Louis Brenner, d’en lire un passage chez Alfa Bia Bia et de l’utiliser pour prier ! Pour que Dieu pardonne à tous les hommes qui ont foi en Lui, et qu’Il leur donne le paradis après la mort, et les moyens de vivre dans de bonnes conditions.

Ce livre n’a pas encore été imprimé jusqu’à aujourd’hui. J’ai tout fait pour en avoir un exemplaire, mais je n’ai pas eu cette chance. Alfa Bia Bia ne m’a jamais permis d’en faire une copie ! Sinon j’irais à Djenné à titre personnel et j’y resterais sur place pour copier le dalâ’il al-faraj de ma vilaine écriture, devrais-je y passer un mois !

Par contre le dalâ’il al-kayrât[18] est plus ancien que le dalâ-il al-faraj et il a été imprimé. On peut le trouver partout et j’en possède un exemplaire que j’ai avec moi ici. Ce livre contient le texte de ce que l’ange Gabriel a dit dans ses conversations avec le Prophète. Ainsi quiconque fait la prière avec le dalâ’il al-kayrât est protégé contre l’enfer.

L’ange Gabriel, en effet, a dit au Prophète :

- J’espère que tu seras satisfait de ce que je vais te dire tout de suite : si quelqu’un fait le salut sur toi une seule fois, je ferai le salut sur lui dix fois. Si quelqu’un fait le salut sur toi deux fois, je ferai le salut sur lui vingt fois.

Ainsi, celui qui fait le salut sur le Prophète est sur le chemin du paradis. Le dalâ’il al-kayrât est très puissant pour les affaires de l’autre monde, plus que pour celles de la vie ici-bas. Mais cependant, si quelqu’un attache beaucoup de prix à la réalisation d’une affaire, mais qu’il est très difficile d’y parvenir, ce texte va lui permettre de parvenir à ses fins : à condition qu’il fasse de nombreuses salat an-nabi (prières au Prophète). Le dalâ’il al-kayrât est l’œuvre de Shaykh ‘Abd ar-rahmân al-jazzaliyu, tout comme Al Burda (le manteau)[19] qui se trouve également dans le dalâ’il al-kayrât,[20] est l’œuvre de Shaykh Busriyu.

Nous allâmes ensuite trouver un autre maître coranique. Il s’appelle Djadjé Kontao et ses élèves sont nombreux. C’est un écrivain et personne dans la ville de Djenné n’arrive à son niveau, sous le rapport de l’instruction et de l’intelligence. C’est un grand ami à moi et il a de bonnes connaissances historiques. Mais je n’ai pas dit qu’il est le plus instruit de toute la ville de Djenné… puisqu’il y a aussi Abdoulaye Anbari, qui est particulièrement instruit !

Monsieur Djadjé Kontao nous montra les livres qu’il avait lui-même écrits. Il y a un livre de fiqh,[21] un de grammaire, un de asl,[22] servant à connaître l’origine du fiqh, écrits par lui-même. Ce n’est même pas imprimé, il n’en a de toutes façons pas les moyens ! Mais Louis Brenner a pris tout ça en photo. Monsieur Djadjé Kontao a été très ouvert. Louis Brenner lui a promis de lui envoyer un exemplaire des tirages. Djadjé Kontao nous a ensuite exposé son sentiment sur l’évolution actuelle de l’islam, qu’il juge en plein déclin et qui approche ici de sa fin. J’ai réfléchi à ses propos et j’ai pensé qu’effectivement en de nombreux lieux aujourd’hui l’islam est aux mains des ignorants.

Nous rendîmes ensuite visite aux grandes familles maraboutiques très anciennes, dans lesquelles les enfants des marabouts du passé continuent à enseigner. Mais il s’agit du Coran seulement, et ils n’ont pas de livres. Ainsi Ibrahîma Sori : il est très modeste, il est très discipliné, mais il nous dit qu’à franchement parler il ne connaît pas les livres. Ils ont al-akhdarî,[23] pour la prière. Ils ont al-wujûd pour le tawhîd,[24] mais c’est le Coran seulement qui les intéresse.

Nous fîmes quelques autres recherches dans la ville de Djenné, avant d’aller voir Abdoulaye Anbari. Il enseigne à des adultes et à des hommes qui sont arrivés à un bon niveau de connaissances. Même ses élèves sont très instruits. Nous restâmes presque un quart d’heure dans son vestibule, à écouter ce qu’il enseignait sur les sources du droit musulman, l’éloquence, la logique et la langue arabe, sur les usûl,[25] sur le fiqh, sur le mantîq,[26] sur les livres du ‘ilm-al-lughat[27] arabe, « al-mâqamât d’al-hakhîrî, diwânu ash-sah’iri ». Le lendemain, nous revînmes encore assister à son cours. Il parle assez bien le français car il a fréquenté l’école française, et Louis Brenner était très intéressé de converser avec lui. Quand nous eûmes fini avec Abdoulaye Anbari, nous allâmes trouver la famille Nafogou.

C’est une famille que je connais depuis ma première mission pour l’Institut des Sciences Humaines. Après la mort de Baber, il restait son petit frère, retraité de l’administration et qui est aujourd’hui décédé. Il était chez lui, il nous montra des livres non imprimés et Louis Brenner en photographia quelques-uns. Il posa de nombreuses questions à M. Alfa Nafogou : comment leur famille avait trouvé ses connaissances, où ils avaient étudié. C’est leur famille qui, avec Koy Kounboro, est à l’origine de l’islam à Djenné. En effet, ce dernier, qui était chef de Djenné, s’est converti à l’islam puis est allé en pèlerinage et a acheté au cours de celui-ci un grand nombre de livres qu’il a apportés ici » (p. 196-198)

« A Djenné actuellement, le marabout le plus célèbre pour son instruction, c’est Alfa Bia Bia, ainsi que la famille Nâfogou, avec Alfa Nâfogou qui est mort tout dernièrement.[28] Il y a également Alfa Almamy Korobara, le grand imam de Djenné,[29] qui est très instruit, comme son fils Almamy. Il y a aussi Alfa Môdi Tenentao, qui est très savant. Jusqu’à présent, les marabouts étaient nombreux parmi les Jennenkoobe (c’est-à-dire les habitants de Djenné). Parmi les Peuls, il y a aussi El Hadj Abdoulaye Anbari[30] qui est plus instruit que tous les autres. On trouve aussi des familles de Jaawambe, qui sont très instruites, mais dans le Coran » (p. 329)

« La fondation de Djenné

Mais je vais maintenant parler du passé de la ville de Djenné, dont l’histoire est beaucoup plus ancienne.

Il y a trois villages très anciens, qui sont Suan, Diéra et Dia. Il y a un autre village, c’est Djenné. En fait, dans les temps anciens, il n’y avait que trois villes : Djenné, Tombouctou et Dia. Mais les gens de Dia, depuis toujours, sont des commerçants qui vont et viennent. Ils ne sont pas résidents fixes.

C’était différent à Djenné, d’après ce que nous ont dit des informateurs de la brousse. Au départ, il y avait un petit hameau de culture pour les Bobo. Mais les premiers occupants de Djenné auraient été des gens qui ne sont plus connus aujourd’hui au Mali. Ces premiers occupants  s’appelaient les Mâfiri et on dit qu’ils avaient la peau blanche et venaient du Yémen. Leurs descendants actuels, les Boobo wule, sont rouges. Certains vivent à Djenné même, d’autres à Bamako ici.

C’est de leurs ancêtres que proviennent les statues que les archéologues américains McIntosh ont déterrées à Djenné il y a quelques années. Ces statuettes sont toutes balafrées et sont leur oeuvre. Ce ne sont pas des fétiches, seulement des jouets de leur temps.

Les archéologues qui les ont déterrées sont d’un avis contraire. Ils pensent que ce sont des idoles et croient, en particulier, y reconnaître des taureaux. Mais ce n’est pas le cas : il ne s’agit pas d’idoles animales, les habitants n’ont pas voulu fabriquer des taureaux pour les adorer. Ces objets étaient confectionnés pour orner les maisons, et comme jouets pour les enfants, qui comme partout ont imité ce qu’ils avaient sous les yeux. Ainsi chez nous lorsque nous sommes enfants, nous fabriquons des chameaux et des chevaux en terre, avec le cavalier et sa lance. Et ces objets se retrouvèrent dans le sol lorsque les maisons dans lesquelles ils étaient déposés s’écroulèrent. De même si les bâtiments français actuels tombaient en ruines et si on faisait des fouilles, on trouverait les armes et les petites autos avec lesquelles les enfants jouent.

Il s’agit sans doute des habitants originaires de Suan, qui se sont installés à Djenné et qui aujourd’hui ont donné les Sarakollé. Certains disent qu’une partie de leurs descendants ont formé le peuple bobo, d’autres disent qu’on les retrouve parmi les Bambara, d’autres disent parmi les Sarakollé. Ce qui est probable, en tenant compte de sources les plus sérieuses, c’est que les premiers occupants de Djenné venaient d’Egypte.

Et après ces informations, à l’époque de la domination des Bobo, une grande personnalité a gouverné tous les territoires qui se trouvent aux alentours de Djenné, ce qu’on appelait le Djennéwéré. Elle possédait de grands troupeaux dans la région de Djenné et les Bambara sont à l’origine du nom de Djénnéwéré (wéré c’est un village, un campement de Peuls, d’où le nom de Djennéwéré). D’autres disent que le nom de Djenné provenait de l’arabe. Comme cette ville était très belle, on l’aurait appelée pour cette raison janna (le paradis). Mais cette étymologie provient des habitants récents de Djenné, elle n’est pas vraisemblable.

Les Mâfiri et leurs compagnons étaient déjà installés depuis longtemps lorsque des géomanciens sont venus. Les Mâfiri leur demandèrent des conseils et les questionnèrent sur l’avenir de la ville de Djenné. Ils se demandèrent s’ils pourraient remblayer autour de leurs maisons pour éviter d’être envahis par l’eau chaque année. Ils demandèrent aux géomanciens comment faire, et si ce lieu resterait toujours un hameau habité par des éleveurs et des cultivateurs, ou bien s’il deviendrait une ville. Les géomanciens donnèrent le conseil suivant :

- Le jour où vous verrez un corbeau passer au dessus de vous et laisser tomber une pierre par terre, vous pourrez alors remblayer ce lieu pour que la ville de Djenné devienne une ville qui durera toujours. Mais avant d’avoir vu ce corbeau, il est inutile de vous fatiguer, l’eau sera toujours la plus forte.

Les habitants du lieu abandonnèrent donc leurs tentatives et vécurent comme ils purent, jusqu’au jour où ils aperçurent le corbeau qui passait au-dessus du petit hangar à palabres où les hommes avaient coutume de s’asseoir à leur retour des champs ou de la pêche. Ils virent ce corbeau s’arrêter et laisser tomber la pierre.

Les vieillards dirent alors :

- Voilà, c’est ce que nous attendons ! Il y a longtemps, nos géomanciens nous avaient prévenus : « tant que vous ne verrez pas le corbeau laisser tomber une pierre sur la terre, il est inutile de vous fatiguer à essayer de remblayer la ville ». Mais maintenant, nous pouvons commencer !

Ils passèrent plusieurs années à remblayer, autour des sept îles. Celles-ci étaient proches les unes des autres et ils remblayèrent la zone située entre elles, de manière à former une terre d’un seul tenant. Ils demandèrent aux géomanciens si on pouvait installer la ville. Ceux-ci répondirent qu’il fallait impérativement enterrer une jeune fille dans le premier bâtiment qui serait construit. Le chef du village de Diéra donna donc sa fille pour construire la ville de Djenné, et c’est pourquoi on donna aux Bozo de Diéra le nom de Djennépo (c’est-à-dire les premiers morts de Djenné, les ancêtres enterrés à Djenné). Ces Bozo forment le clan Djennépo. On emmura donc la jeune fille jusqu’à la taille avant de se mettre à construire. (p. 322-324)

« La conversion de Djenné

Plus tard, la population de Djenné se convertit à l’islam dans les circonstances que nous allons voir maintenant.

A ce moment vivait le roi Koy Kounboro dont la fille était très malade. Il fit tout pour la faire soigner par les féticheurs. Il suivit les indications des idoles, il fréquenta les guérisseurs bambara et les Bobo pendant des années et des années, sans aucun résultat.

Un jour, un marabout en provenance de Soua vint loger chez lui. Il remarqua sa fille malade et interrogea le roi :

- Quelle est cette jeune fille que je trouve là toute la journée, et qui reste sans bouger ?

Koy Kounboro dit :

- C’est ma fille ! Elle est atteinte depuis sa naissance, et jamais la maladie n’a pu la laisser. Elle ne peut même pas bouger ! Le matin, on la traîne jusqu’ici. Je l’ai soignée avec mes idoles, je l’ai soignées avec mes fétiches, j’ai été voir les charlatans[31] de mon pays… Partout, partout dans le pays j’ai fait venir des gens pour la soigner, mais personne n’a pu la guérir.

Le marabout demanda :

- Si je la guéris, est-ce que tu te soumettras à la religion musulmane ?

- La religion musulmane ? Mais à quoi ça va me servir ?

- Si seulement tu acceptes de devenir musulman, je peux la guérir ! Je vais demander au Bon Dieu de la guérir tout de suite !


Bon ! Le marabout et Koy Kounboro se mirent d’accord, mais leur convention fut gardée secrète. Puisque Koy Kounboro dit :

- Je suis d’accord ! Mais il ne faut jamais divulguer le secret. J’accepterai de devenir musulman si ma fille est rétablie, mais je veux que ce soit à l’insu de tous. Si tu ne dis rien à personne, je suis d’accord. Mais si tu divulgues mon secret, je ne marche plus !

Bon. Le marabout fit un serment solide et promit de ne jamais dévoiler le secret. Il alla chez les forgerons chercher le résidu qui provient du travail du métal (certains disent aussi « les excréments du métal »). Il alla donc du côté des forges, il déterra ce qu’il cherchait et en ramena ces doodi kije.[32]

Immédiatement, le marabout fit apporter une planchette où il écrivit la formule et les versets du Coran appropriés à la maladie de la jeune fille. Car il y a des formules qui peuvent guérir toutes les maladies. Il demanda au roi d’acheter un récipient neuf, de le remplir d’eau, d’y plonger la planchette et d’y laver l’encre de cette formule. Il apporta également des plantes, et les résidus du fer à y faire tremper. Il dit à Koy Kounboro :

- Dans l’année qui vient, il ne faut pas que le soleil se lève une fois sans que tu aies lavé cette jeune fille avec ce qui se trouve dans la marmite. Chaque matin, il faut la laver avant le lever du soleil, chaque soir il faut la laver au moment du coucher du soleil, pendant les douze mois de l’année. Si l’eau vient à s’épuiser, tu n’as qu’à me demander d’en apporter d’autre, je ne bouge pas d’ici.

Ils suivirent donc les instructions du marabout.

Et bientôt la santé de la jeune fille s’améliora. La deuxième semaine, elle commença à parler et demanda à manger. Elle retrouva peu à peu sa raison et toute sa mémoire. Au bout de trois semaines, elle marchait et allait beaucoup mieux. Quand les douze mois de l’année se furent écoulés, elle était déjà rétablie. Elle se mettait debout toute seule, elle entrait dans la maison toute seule, elle s’habillait toute seule, tant et si bien qu’elle demanda un jour à son père l’autorisation d’aller se baigner au fleuve. Mais le marabout interdit à son père de la laisser sortir tant qu’il n’en aurait pas donné l’ordre. Il continua le traitement jusqu’à la complète guérison de la jeune fille.

Le premier jour de l’année suivante, Koy Kounboro demanda au marabout :

- Maintenant, dis-moi quel prix je te dois pour le traitement de ma fille. Puisque moi aussi, j’ai fait avec toi un serment.

- Je ne te demande rien ! Je te demande seulement de croire en Dieu, d’abandonner tes idoles et de t’engager dans l’islam.

- C’est d’accord. Mais fais-moi connaître comment faire pour entrer dans l’islam.

- Va te laver. Je vais te montrer comment il faut se purifier d’abord de la souillure majeure. Car un non-musulman est toujours en état de souillure majeure, puisqu’il ne sait pas ce que la loi musulmane exige pour se purifier. Il faut te laver à chaque contact sexuel. Les non-musulmans ne respectent pas cette prescription.

Donc Koy Kounboro et le marabout allèrent derrière la maison. Le marabout lava Koy Kounboro et lui apprit à se purifier comme l’exige la loi musulmane. Ceci tous les jours, jusqu’à ce que Koy Kounboro ait compris. Maintenant, le marabout est en train d’écrire, pour apprendre l’écriture à Koy Kounboro. Puis le roi apprend à lire la sourate al-fatiha,[33] jusqu’à la fin, à ‘alayhim wa lâ ad-dâlîn[34] et quelques autres sourates du Coran pour augmenter ses connaissances. Tout ceci se passe à l’intérieur de la maison de Koy Kounboro. Quand ils ont terminé et que donc toutes ces conditions sont remplies, Koy Kounboro appelle le marabout et lui donne une petite mesure d’or. Il lui dit :

- Bon, voilà ! Je te demande de faire une prière pour moi, car j’ai décidé de partir en pèlerinage. Mais ce qui se passe entre toi et moi, il ne faut le dire à personne. A mon retour, je t’appellerai.

Et c’est dans ces conditions qu’un jour Koy Kounboro réunit toute la population pour l’avertir de son départ en pèlerinage. Tout le monde était étonné. Personne ne comprenait.

- Eh ! Koy Kounboro est un fétichiste. Que va-t-il faire là-bas ?

Il partit à La Mecque, où il resta longtemps, jusqu’à ce qu’il ait acquis ses connaissances en droit religieux. C’est pour cela que les hommes de Djenné, ne connaissant pas son secret, dirent : « quand Dieu a voulu qu’il devienne musulman, Koy Kounboro est parti en pèlerinage et c’est là-bas qu’il est devenu musulman, pour revenir avec sa religion ».

Au moment de revenir, Koy Kounboro raconta son histoire aux gens de La Mecque et leur demanda des livres en grand nombre. Car, une fois rentré, il voulait instruire son pays. Et c’est ainsi qu’il apporta un grand nombre de livres. Alors qu’à cette époque, il n’y avait dans tout le pays que quelques rares manuscrits. Donc Koy Kounboro apporta des livres en quantité. Quand je dis des livres, entendez bien sûr par là des manuscrits écrits sur des peaux, sur des nattes, sur les écorces des arbres.

Et, après son retour, il démolit sa résidence de chef pour édifier à la place une mosquée et construire sa maison un peu plus loin, en retrait. C’est à l’emplacement même de son ancienne résidence que s’est donc trouvée l’ancienne mosquée de Djenné.

Après cela, il convoqua tous les intellectuels de la région et apporta ses livres. Il appela en premier le marabout qui avait soigné sa fille. Il lui dit :

- Voilà ! J’ai apporté un grand nombre de livres. Tu peux les prendre pour les enseigner à mes enfants et aux enfants des villages de ce royaume. Voici les livres.

Puis il fit venir un grand nombre de marabouts et partagea les livres entre eux, pour leur demander d’enseigner aux habitants de la ville de Djenné, à ses frais. « C’est lui qui allait les nourrir ». De même il paya les muezzins. Voilà comment l’islam s’est étendu à Djenné et pourquoi il y a à Djenné beaucoup d’intellectuels, plus que dans d’autres villes où il n’y avait pas de livres.

Les enfants qui habitaient tout près allaient suivre leurs cours et étudier les textes coraniques, puis rentraient chez eux pour manger. Les élèves qui habitaient loin et ne pouvaient pas rentrer chez eux dans la même journée restaient sur place à Djenné et essayaient de vivre en faisant de la mendicité. Mais Koy Kounboro avait fixé une somme pour tous les enseignants, pour tous les imams de chaque mosquée, pour tous les maîtres coraniques. Et cela, tant et si bien que tout le pays fut doté d’enseignants et de mosquées, de Tombouctou jusqu’à Djenné. Ainsi les écoles coraniques débordaient de monde, dans tout le pays soudanais, que nous appelons aujourd’hui le Mali.

Et peu à peu, ce processus d’islamisation s’amplifia et se généralisa. Le niveau de connaissance des intellectuels s’améliorait, les élèves poussaient leurs études de plus en plus loin, dans toute la région entre Djenné et Tombouctou. Puis la coutume est restée que les élèves qui viennent d’un village lointain où ils ne peuvent rentrer tous les soirs lisent le Coran le matin de bonne heure et viennent avant leurs cours devant la porte de chaque maison pour demander à manger. Ils ont avec eux un petit récipient, et disent : « c’est un étranger qui cherche de quoi manger auprès de vous, à cause de Dieu, Gido Allaah gariibu, gido Allaah gariibu,[35] que l’ami de Dieu donne quelque chose à manger à cet étranger ! » Cette coutume est restée inchangée, à partir de Koy Kounboro et jusqu’à El Hadj Mouhammad Askiya, qui s’y conforma.

Et Djenné resta ainsi jusqu’à nos jours.

Quand les Arabes vinrent à Tombouctou, ils poussèrent jusqu’à Djenné. Des Juifs et des Marocains aussi vinrent résider jusqu’à Djenné et jusqu’à aujourd’hui on retrouve des traces de leur venue : les maisons qu’ils ont habitées, leurs lances, leurs sabres, leurs puits, leurs canaris. Ils y ont laissé tout cela. Ils sont repartis avec leurs arcs et leurs couteaux, mais tout est resté dans leurs anciennes habitations et encore aujourd’hui les habitants de Djenné peuvent montrer ces objets.

Djenné est une ville de faible largeur, exactement comme Mopti. Elle n’a même pas trois cents mètres de large. Et l’eau entoure Djenné exactement comme la bague entoure le doigt. Mais aujourd’hui, depuis la sécheresse de 1973, aucun des habitants de Djenné ne sait plus où est sa pirogue. Elles sont maintenant à un ou deux kilomètres de distance ! On n’arrive même pas à trouver de l’eau à boire, sauf tout dernièrement où ont été creusés des puits profonds.

Pourtant, jusqu’à maintenant, la baraka[36] que Dieu a donnée à Djenné à cause des connaissances de ses marabouts continue de faire son effet ! Il y avait à Djenné de nombreux saints. Cela s’explique en particulier par le pèlerinage de Koy Kounboro, qui permit l’introduction de l’enseignement dans la ville de Djenné. Et tout ce que Djenné arriva à avoir comme oulémas, comme savants, comme saints, et toute la baraka qui s’exerce sur elle, tout cela se fit grâce à Koy Kounboro.

L’exiguïté de la ville de Djenné força ses habitants à construire des maisons à étage. […] La ville de Djenné est également très connue pour ses constructions. Puisque, de toute la République du Mali, il n’y a pas de meilleurs maçons que ceux de Djenné. Même les habitants de Tombouctou ont d’abord fait venir leurs maçons de Djenné. Les maisons de Djenné et leurs cours sont plus grandes que celles de Mopti, sauf pour les derniers lotissements de Mopti, dans le quartier de Toguel. La mosquée de Mopti est bâtie sur le modèle de celle de Djenné. La mosquée de Tombouctou est bâtie sur le modèle de celle de Djenné. Et toutes celles que vous verrez jusqu’à Gao sont copiées sur l’ancienne mosquée de Djenné. » (p. 322-329)

Autrefois les habitants de Djenné faisaient leurs prières les jours de fête dans la mosquée, car en période de hautes eaux le marché, où ils priaient également, était envahi par la crue. »


[1] Il faut remonter à 1958 pour trouver des précipitations de 666,5 mm en 52 jours et à 1967 pour un niveau de 805,4 mm en 41 jours ; ensuite, successions d’années sèches (332 mm en 32 jours en 1970, 316,2 mm en 40 jours en 1984, l’année la plus sèche) ; depuis, on relève 638,4 mm en 32 jours en 1991, mais seulement 345,9 mm en 38 jours en 1995 et 370, 3 mm en 32 jours en 2002. Retour au texte

[2] Ce plan a été présenté dans notre précédent numéro, voir DJENNE PATRIMOINE Informations n° 14, pritemps 2003, pages 3 à 5 Retour au texte

[3] Mot-à-mot pilastre mâle : pilastre qui court de bas en haut le long de la façade aux deux extrémités de la parcelle bâtie Retour au texte

[4] Mot-à-mot pilastre femelle : pilastre qui délimite le panneau central de la façade (c’est dans ce panneau que se trouvent la porte d’entrée et le fenêtre de la chambre située à l’étage au dessus du vestibule) Retour au texte

[5] Mot-à-mot : pilastre enfant ; mitre décorative dont une série impaire constitue le dernier niveau du panneau de façade Retour au texte

[6] plutôt que les femmes, comme l’indiquent Pierre Maas et Geert Mommersteeg dans leur ouvrage de référence « Djenné, chef-d’œuvre architectural », p. 78 Retour au texte

[7] Mot-à-mot : pilastre nombril, sorte de gros bouton d’argile saillant à mi hauteur de la mitre décorative Retour au texte

[8] mot-à-mot : les ouies, les branchies Retour au texte

[9] mot-à-mot : tête de chat Retour au texte

[10] mot-à-mot : maison toit, désigne un auvent fermé sur les côtés, assez bas et lourd, saillant sur la ruelle Retour au texte

[11] brique moulée à la main, de forme approximativement cylindrique ; on sait encore la fabriquer, mais la technique de construction qui l’emploie s’est perdue au cours du XXème siècle Retour au texte

[12] Almamy Yattara raconte, dans le premier volume (p. 17-18 et p. 320-321), le séjour à Djenné de son maître Alfa Amadou auprès de son propre maître Almamy Kondé Hawoy Retour au texte

[13] D’après Papa Cissé, fils d’Ousmane, les faits se passent donc en 1982 ou 1983 Retour au texte

[14] En arabe, le mot tarîkh signifie histoire ; ici, sous sa prononciation déformée tarik, il est pris pour manuscrit historique ; dans l’usage courant, on parle aussi de tarik pour désigner tout document écrit en arabe et détenu par le marabout (par exemple les actes de vente, les règlements de succession, etc.) Retour au texte

[15] Dans son témoignage qui figure dans le même volume, Louis Brenner rappelle que ces missions ont eu lieu à partir de 1987 et au cours des quelques années suivantes ; il précise aussi que Almamy Yattara est l’une des premières personnes qu’il rencontra au Mali, et qu’il fut mis en relation avec lui par David Robinson (et non par William Allen Brown), op. cit. p. 379 Retour au texte

[16] l’un des traités de fiqh (droit musulman et plus précisément malikite) les plus répandus en Afrique de l’Ouest ; mot-à-mot, le terme arabe risâla veut dire lettre, message Retour au texte

[17] il ne s’agit là que des premiers mots du titre complet ; la traduction littérale de ces premiers mots est «  les signes de la consolation » Retour au texte

[18] là encore, il ne s’agit là que des premiers mots du titre complet ; le titre complet serait « les signes des bienfaits et les orients des lumières dans la récitation de la prière sur le Prophète élu » Retour au texte

[19] On raconte que le Prophète a été tellement émerveillé en entendant ce poème, qui chante ses louanges, qu’il a offert son propre manteau au poète : d’où le nom sous lequel ce poème est désormais connu Retour au texte

[20] Il faut sans doute comprendre que le poème Al Burda est copié dans les marges du dalâ’il al-kayrât Retour au texte

[21] le droit musulman Retour au texte

[22] les sources du droit Retour au texte

[23] cet ouvrage est désigné selon le nom de son auteur, Al-Imam Akhdarî ; il s’agit d’un résumé du culte musulman de rite malikite Retour au texte

[24] wujûd signifie existence, tawhîd unicité de Dieu, et par extension la théologie musulmane ; ici al-wujûd désigne un ouvrage traitant du monothéisme en Islam. Retour au texte

[25] usûl est le pluriel du mot asl, qui veut dire racine, source (cf. note ci-dessus) ; ici le terme désigne les sources de la jurisprudence musulmane Retour au texte

[26] le terme arabe mantîq désigne la logique Retour au texte

[27] le terme arabe ‘ilm-al lughat désigne la philologie Retour au texte

[28] Le propos a été tenu en 1990 Retour au texte

[29] Il s’agit sans doute de Sarmoye Korobara, qui a été imam de Djenné de 1958 à 1992 Retour au texte

[30] Il faut sans doute lire Ansari Retour au texte

[31] en français d’Afrique, on désigne de ce nom les féticheurs, les fabricants de sortilèges, etc Retour au texte

[32] mot-à-mot, en peul, « excréments du cuivre » Retour au texte

[33] La sourate al fatiha est celle que le musulman est tenu de réciter à chacune des cinq prières de la journée ; le mot arabe fatiha veut dire prologue Retour au texte

[34] L’expression ‘alayhim wa lâ ad dâlîn est la dernière partie du septième et dernier verset de la fâtiha ; elle signifie : « De ceux (qui n’ont point encouru ta colère) et qui ne s’égarent point » Retour au texte

[35] formule peule très utilisée par les mendiants des différentes ethnies, non seulement à l’intérieur du pays, mais aussi à Bamako même ; garibuu est un mot d’origine arabe qui signifie étranger, parce que très souvent les élèves des écoles coraniques sont des enfants venus de loin pour étudier, donc des étrangers au village où ils étudient Retour au texte

[36] le terme arabe baraka signifie bénédiction Retour au texte