DJENNE PATRIMOINE

Informations

 

n° 20, printemps 2006

NOUVELLES DE DJENNE

 

Hommage à Foourou Cisse

 

Amadou dit Foourou Cissé est né en 1949 à Djenné de Feu Alpha Cissé et de Fatoumata dite Kangaye Coulibaly. Il est décédé subitement le 15 avril 2006. Il laisse une veuve et 8 enfants. Ses trois frères, Baba, tailleur, qui vit à Djenné, Sarmoye, médecin, qui travaille à l’Organisation Mondiale de la Santé à Bamako, et Hasseye, ainsi que leur sœur, de même que beaucoup de cousins et neveux et nièces, sont dans la peine. Le nombre de chefs de village et de délégations qui se sont rendus dans la famille, accablés de douleur eux aussi, pour présenter leurs condoléances est un témoignage certain des qualités de l’homme qui nous a quittés. Foourou était un homme courageux, patient, très tolérant, toujours prêt à servir même ses adversaires. Non seulement il s’est toujours investi pour la cohésion de sa famille, mais dans la ville de Djenné, et plus largement dans le cercle tout entier de Djenné, il était reconnu comme rassembleur et serviable. Et, je note au passage que je ne l’ai jamais vu se bagarrer avec quelqu’un. Il tenait beaucoup à la tradition et nous rappelait toujours ce que faisaient et ce qu’exigeaient nos parents et grands-parents. Et il avait une grande dignité, qu’il traduisait notamment par son souci d’être toujours habillé de façon très soignée.

 

Son arrière grand-père était Hamidou Alpha, revenu de Fès (Maroc), installé dans un premier temps à Senossa. Apparemment, cet homme avait été contraint à l’exil, un temps, là-bas, pour échapper à des alliés et collaborateurs qui cherchaient à accaparer sa fortune après le décès de ses propres parents. L’arrière grand’mère de Foourou se nommait Djenam Gaba ; sa famille était, dans sa majeure partie, installée à Tombouctou et connue sous le nom de Wangara ; l’un de ses descendant est l’actuel Imam de la mosquée Sidy Yéhia à Tombouctou : Hasseye Mahmoud. Cette femme avait un nombre important des grandes pirogues qu’elle chargeait de marchandises entre Tombouctou et Djenné, et elle employait donc un grand nombre de valets chargés de la manœuvre. Hamidou Alpha était en outre un grand intellectuel, très instruit en matière de théologie, et il avait beaucoup d’adeptes.

 

Le grand-père de Foourou est mort lors de l’invasion de Djenné par Elhadj Oumar : il était resté fidèle à Sekou Amadou, alors que, connaissant son influence, on le pressait de rallier le camp opposé. Il fut déporté et exécuté, alors que son fils, surnommé lui aussi Foourou, était encore tout petit. Amadou, notre Foourou, était donc l’homonyme de son grand-père. On savait encore il y a peu dans la famille à quel endroit ce grand-père avait obtenu, du cavalier d’El Hadj Oumar qui était venu le faire prisonnier, l’autorisation d’embrasser son fils encore jeune, au moment de partir en déportation. Foourou signifie hyène, en peul, et on disait dans la famille que la hyène était le totem de la famille.

 

 

 

A l’époque coloniale, les ressources de la famille ont beaucoup servi pour payer les amendes infligées par l’administration coloniale sous prétexte de dommages, ou pour libérer ceux qui avaient été mis en prison. Sur requête des autorités traditionnelles, qui connaissaient les familles qui détenaient des ressources importantes, l’arrière grand’mère a libéré des fonds en espèces de l’époque : argent/métal, or, cauris … pour sauver la situation de certaines familles.

L’origine de cette grande famille explique pourquoi ses membres sont en majeure partie polyglottes (Peulh, Sonrhaï, Bambara). Foourou lui-même était toujours choisi comme interprète lorsqu’il s’agissait, dans toutes les manifestations publiques, de traduire les discours des personnalités en bambara, notamment, car il maniait cette langue avec une exactitude et une élégance que tout le monde appréciait.

Amadou Foourou Cissé avait un oncle (le grand frère de son père) qui était instituteur puis directeur d’école à l’époque coloniale. Foourou Cissé a suivi le même chemin. Il a fait l’école fondamentale à Djenné et il a obtenu le certificat d’études primaires (en juillet 1962), puis le diplôme d’études fondamentales en 1966. Il est allé ensuite à l’Institut Polytechnique Rural de Katibougou, mais il a alors préféré s’orienter vers le Centre Pédagogique Régional où il a obtenu le diplôme d’instituteur en 1969 : il avait tout juste vingt ans ! Par la suite, Foourou Cisse continua de se former sans relâche, et il est titulaire de plusieurs attestations et certificats obtenus après stage dans divers domaines autres que l’enseignement.

Sa carrière professionnelle a été toute entière consacrée à l’enseignement, à la formation de la jeunesse malienne. Instituteur à Bamba (cercle de Bourem) de 1970 à 1973, puis à Sarémala (Cercle de Teninkou) de 1973 à 1975, puis à Ouronguia (cercle de Mopti) de 1975 à 1977, puis à Kouakourou (Cercle de Djenné) de 1977 à 1979, il devient directeur d’école cette année là et il est affecté à l’école de Gagna (cercle de Djenné) où il restera de 1979 à 1985, puis à l’Ecole B de Djenné (1985 à 1991), puis à l’Ecole du quartier, celle qui est à proximité du pont par lequel on entre à Djenné (1991 à 1998). En qualité de Premier Adjoint au Maire de Djenné et conseiller communal, il est déchargé de classe entre 1999 et 2004, à la suite de quoi il reprend son poste à l’Ecole du quartier.

Foourou Cissé a en outre participé très activement, et toujours avec beaucoup de générosité, à la vie associative et politique de Djenné. Il a été membre actif du comité de jumelage-coopération « Djenné Vitré (France) » ; il a été l’un des fondateurs de l’association DJENNE PATRIMOINE, participant régulièrement à la rédaction de son bulletin, et payant de sa personne, l’an dernier encore, pour faire passer sur les ondes de Radio Jamana quelques-unes des informations livrées par ce bulletin. En outre, secrétaire général adjoint de la section UDPM (Union démocratique du peuple Malien) dans les années 1980, il sera ensuite secrétaire général adjoint, puis secrétaire général de la section ADEMA/PASJ pendant toute la période de 1992 à 2006.

Il faut savoir aussi que Foourou Cissé a écrit quelques pièces de théâtre et un ouvrage sur les us et coutumes de Djenné (accepté pour publication par les éditions Le Figuier) et qu’il n’a cessé de mener des recherches sur l’histoire de Djenné (la cassette de l’ORTM sur le patrimoine bâti de Djenné en est une illustration). Sa connaissance de l’histoire de Djenné faisait de lui un excellent collaborateur de la mission culturelle de Djenné ; remarquable animateur sur le sujet, il participait souvent et avec talent au guidage des visiteurs de marque à Djenné.

 

Voilà pourquoi Foourou Cissé nous manque énormément ! C’est un grand vide qu’il a laissé tant dans sa famille que dans la ville de Djenné et même dans le cercle tout entier de Djenné ! Gardons son exemple : dignité, serviabilité, générosité,

Docteur Sarmoye CISSE

 

 

Rendons aussi hommage par la pensée aux deux parents de Foourou Cissé, son père décédé le […] et sa mère décédée le 1er février 2001.

Vie politique à Djenné

 

Trois évènements récents montrent le développement de la vie politique à Djenné : en mars 2006, c’était la création d’une section de Djenné du RPM (Rassemblement pour le Mali, né d’une scission de l’ADEMA, dirigé par l’ancien Premier Ministre Ibrahim Boubakar Keita) ; le 17 juin dernier, c’était la conférence régionale de l’URD (Union pour la République et la Démocratie), parti né d’une scission plus récente de l’ADEMA, en 2004, à la suite des dernières élections présidentielles, à l’initiative de M. Soumaila Cissé, ancien ministre ; le même jour, dans l’après-midi, c’était le lancement à Djenné des activités du PSP (Parti pour la solidarité et le progrès, nom actuel d’un parti créé avant l’indépendance sous le nom   de   Parti   Populaire   Soudanais),   en   présence   de   hautes personnalités, dont son président, M. Oumar H. Dicko, ministre des Maliens de l'extérieur.

Djenné à l’abandon !

 

Il est visiblement bien difficile d’implanter la démocratie au niveau des collectivités locales ! Les élus ont tendance à ne penser qu’à faire plaisir à tout le monde, et donc évitent toute prise de position impopulaire, à fortiori toute sanction des abus commis par leurs électeurs. Et l’administration, qui conservera durablement tout le pouvoir que les collectivités locales ne prendront pas, alors même qu’il leur a été donné sur le papier par les textes de la grande réforme des années 1990, veille à laisser les administrés se chamailler : tant qu’il y aura des disputes, le pouvoir restera centralisé.

 

On en voit une application dans la conservation de la ville, alors qu’elle est fière d’avoir été classé « patrimoine de l’humanité », alors qu’elle reçoit volontiers les touristes. Il y a deux ans, après un garage au toit de tôle agrémenté de fil de fer barbelé et de casiers en plastique, puis un conteneur métallique, les premières baraques en tôle ont été installées dans la ville, dont une à l’entrée du campement.

Lorsque DJENNE PATRIMOINE a entrepris des démarches pour protester contre ces initiatives inopportunes dans la cité millénaire, la mairie et la préfecture se sont renvoyé la responsabilité d’avoir donné l’autorisation. Ensuite, la nouvelle municipalité a elle-même autorisé l’installation de baraques en tôle sur la place de la mosquée ! Protestations, sourde oreille de la mairie, le temps passe, les baraques sont toujours là ! En voici deux exemples :

 

Faut-il rappeler ici à la mairie que, par une délibération en date du 6 août 2005, le conseil communal de Djenné a décidé à l’unanimité de ses 17 conseillers, la démolition pure et simple des baraques en tôle existant sur le site du marché de Djenné et l'interdiction d'en construire dans les alentous (délibération n° 15/CU/Djenné) ?

Et ce n’est pas tout ! Voici ce qu’on voit en mars 2006 sur la place de la mosquée : une carcasse de voiture, abandonnée là par les transporteurs !

 

Combien de ministres de la République du Mali sont passés devant ces insultes à la réputation de Djenné sans voir ? Combien ont vu et n’ont rien osé dire ? Djenné comprendra-t-elle qu’elle se condamne elle- même à la déchéance si elle ne prend pas son destin en mains ? Djenné n’a aucun avenir si elle se transforme en bidonville : on saura alors que ses habitants n’ont aucun attachement à leur cité, aucun respect pour son passé, aucune volonté de faire face aux défis du temps !

L’imam « branché » du Mali se connecte au reste du monde avec l’aide des Etats-Unis

 

Sous ce titre, les services d’information du gouvernement américain ont largement publié un article qui commence ainsi :

« D'un coin reculé du Mali, l'imam Almamy Korobara s'adresse à des millions de musulmans et de chefs religieux du monde entier, au moyen du réseau d'ordinateurs que constitue l'internet et grâce à un appui technique gracieusement fourni par le gouvernement des États-Unis.

 

« Almamy Korobara est l'imam de la Grande Mosquée de Djenné, l'une des plus anciennes villes d'Afrique. Sa réputation d'important chef religieux et spirituel s'étend maintenant dans le monde entier, depuis que l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) l'a doté d'un ordinateur et d'un an d'accès à l'internet.

L'imam malien Almamy Korobara à son ordinateur. (Photo USAID)

 

« D'après un document fourni par l'USAID, cet imam, qui est « l'un des plus importants musulmans de l'une des plus importantes villes islamiques de l'Afrique », peut maintenant dialoguer avec des chefs religieux qui se trouvent non seulement en Afrique, mais aussi dans le reste du monde.

 

« Il était tout naturel que cet imam malien se serve de l'internet, car il appuie avec enthousiasme les programmes que le gouvernement américain finance en vue de favoriser le développement au Mali, en partie au moyen de technologies novatrices visant à relier l'Afrique subsaharienne aux infrastructures mondiales d'information comme l'internet.

 

« L'USAID explique que l'imam a collaboré étroitement avec deux ambassadeurs américains, « en encourageant l'utilisation des nouvelles technologies pour combler les lacunes de Djenné en matière d'information», et mérite tout à fait son nouveau surnom d'«imam branché» du Mali.

 

« Il a par exemple soutenu la création d'une radio communautaire locale et d'un centre d'apprentissage à Djenné-Jeno et se sert de son ordinateur pour mettre en valeur le passé historique et culturel de Djenné, qui remonte à l'an 250 av. J.-C. »

 

Voir http://usinfo.state.gov/fr/Archive/2006/Mar/20-677661.html

 

 

L’imam Korobara avait bien accueilli l’ambassadeur américain lorsque ce dernier était venu lui exposer la stratégie de son pays en Irak. A la suite de cette visite à Djenné, l’ambassade américaine a accédé à la demande de l’imam en équipant la mosquée de cent ventilateurs électriques ; elle a aussi invité l’imam aux Etats-Unis où il s’est rendu l’an dernier.

NOUVELLES DU PATRIMOINE DE DJENNE

 

Concertation sur le plan de gestion et de conservation des vieilles villes de Djenné

 

La Mission Culturelle de Djenné a échangé, du 14 au 17 mars 2006, avec une équipe de l’UNESCO sur les problèmes liés à la protection et à la conservation des vielles villes de Djenné. Cette équipe était notamment composée de M. Lazare ELOUNDOU, du Centre du Patrimoine Mondial de l’UNESCO, et de Mme Bako RAKOTOMAMONJY, de CRATerre-EAG. A la suite de cet échange, la Mission Culturelle a commencé, en accord avec les experts de l’UNESCO, à élaborer un plan de gestion et de conservation destiné à pallier aux problèmes liés à la sauvegarde des vieilles villes.

 

Le plan de gestion et de conversation serait un document consensuel, une sorte de « constitution », dans lequel seront consignées les préoccupations des parties prenantes pour la protection et la conservation du patrimoine matériel et immatériel, dans un cadre global de développement, ainsi que les solutions à y apporter. Avant toute activité du plan de gestion, il faut procéder à la mise en place d’un comité restreint de réflexion sur l’identification des parties prenantes : ce comité non rémunéré est composé du personnel de la mission culturelle.

 

Il est prévu ensuite des séries de rencontres et d’activités qui sont entre autres :

- L’identification des parties prenantes

-  La tenue d’une première réunion entre le comité et les parties prenantes

- La détermination des valeurs du site par le comité et les parties prenantes

- La formation d’un comité élargi de réflexion

- La définition des principes directeurs et des objectifs du plan

- La création d’un comité scientifique

- L’élaboration des stratégies du plan d’action

- L’élaboration d’une stratégie de collecte d’information (histoire du site, description du site…)

-  La mise en place des structures techniques d’analyse du site, en dégageant les valeurs, la signification culturelle, l’authenticité et l’intégrité du site…

 

Avant la première grande réunion prévue pour le mois de juillet, la Mission Culturelle a procédé à des réunions thématiques avec les parties prenantes identifiées. Il s’agit d’échanges séparés sur les problèmes liés à la conservation du patrimoine culturel de Djenné avec des groupes cibles comme les artisans, les hôteliers, les guides, les maçons, les associations, les ONG, les notables, les services techniques…

 

Au cours de ces réunions thématiques, les participants ont fait des propositions concrètes, verbales ou écrites, pour une meilleure conservation du patrimoine matériel et immatériel de Djenné. Ces premières discussions préparent les grandes réunions (au nombre de trois) pendant lesquelles le plan de gestion sera amendé et adopté. Lors des différentes réunions thématiques, il a été évoqué par les parties prenantes comme handicaps à la conservation du patrimoine culturel : la pauvreté croissante de la population due aux sécheresses cycliques, le manque de matériaux de construction (son de riz, paille…) ; il a aussi été rappelé que le manque d’organisation de l’activité touristique et l’insalubrité de la ville sont des facteurs qui rendent moins visibles les retombées économiques du classement.

Certaines parties prenantes ont sollicité d’autres réunions au cours desquelles seraient explicités les contraintes, les avantages du classement de ville sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et les limites de la partie classée de la ville. Comme autre activité, la collecte des informations auprès des personnes ressources, la recherche cartographique, l’élaboration d’une bibliographie seront faites par le comité élargi. Ces activités permettront de préparer les grandes réunions avec les parties prenantes locales, nationales et internationales pour suggérer, critiquer, améliorer les deux premiers essais du plan de gestion et de conservation des vieilles villes de Djenné.

La troisième et dernière étape sera celle pendant laquelle le plan de gestion et de conservation des vieilles villes de Djenné sera adopté. Ce plan doit être fin prêt pour le mois de janvier 2008. Il sera un outil essentiel pour la conservation du patrimoine matériel et immatériel des vieilles villes de Djenné.

 

Mamadou SAMAKE, Mission Culturelle de Djenné.

Centenaire de la mosquée de Djenné

 

Une commission locale d’organisation des festivités marquant le centenaire de la reconstruction de la mosquée de Djenné a été constituée et elle a décidé de fixer la date des manifestations prévues aux 10, 11 et 12 janvier 2007. Le programme de ces manifestations sera publié dès que possible et les membres de DJENNE PATRIMOINE le recevront immédiatement.

Manuscrits de Djenné

 

Dans le cadre du nouveau programme d’appui et de valorisation des initiatives artistiques et culturelles (PAVIA) que finance l’Union Européenne et qu’administre Monsieur Boubacar Diaby, précédemment chef de la Mission Culturelle de Djenné, l’Alamamy Korobara, a obtenu, au nom de l’Association pour la sauvegarde du patrimoine écrit de Djenné (sise au domicile de l’Imam, BP 01, Djenné, Mali, tél. 2420401 ou 6455037), un financement de 18.790.950 FCFA pour un projet d’une durée de six mois intitulé « sauvegarde et valorisation du patrimoine écrit de Djenné ».

 

Le bâtiment est implanté sur la place au Nord de la mosquée, presque en face du porche. Voici une vue de ce bâtiment, sobre et de bon goût, en cours de construction, tel qu’il était en mars 2006.

Document vidéo sur le patrimoine de Djenné

 

Le réalisateur hollandais Sander Franken a présenté à Bamako le vendredi 28 avril son film CONNAISSANCE POUR LA VIE, qu’il vient de terminer après l’avoir tourné en 2004. Cette présentation était organisée par l'Ambassade Royale des Pays-Bas à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle résidence de l'Ambassadeur S.E. Harry Buikema. Le réalisateur était très heureux de pouvoir participer à cette initiative, aprce qu'elle lui a permis de montrer le résultat de sa coopération avec les comédiens de Djenné et les membres de l'équipe malienne. L'Ambassadeur et sa femme n'avaient pas seulement invité le Ministre de la Culture, S. E. Cheick Oumar Sissoko, et d'autres personnalités de Bamako, mais aussi ces comédiens djennenké qui ont joué dans le film. A cette occasion, tout le monde a pu constater que le petit Kolado Bocoum, qui jour le rôle principâl, n'avait pas grandi d'un centimètre en une année et demie !

Sander Franken est le réalisateur du film, il en est aussi le co-scénariste (avec Joost Schrickx). Le film illustre un conte : un épisode de la vie d’un jeune élève coranique, Bouba, âgé de 10 ans, lorsque le marabout a posé la question “quelle est la plus grande part de la connaissance ? » en donnant aux élèves une semaine pour trouver la réponse. On sait que ce genre de question a la faveur des élites intellectuelles du Soudan (on le voit dans les écrits de Amadou Hampate Ba) ; et cette question a été posée, il y a quelques années, à Geert Mommersteeg, lorsqu’il vivait à Djenné.

 

L’élève consulte un pêcheur, un forgeron, un chasseur, un couple de touristes blancs… Chacun a sa réponse, mais ce n’est pas celle qu’attend le maître. Ensuite Bouba rencontre une fille de son âge et lui pose la question : elle n'en a aucune idée, mais elle trouve ce gamin amusant et lui fait un léger baiser sur la joue. Lui croit alors avoir compris que la connaissance du coeur est la plus grande part de la connaissance. Hélas, ce n'est pas encore al réponse que le maître attend ! L'enfant est désespéré, il tombe à genoux en pleurant, et il dit qu'il ne sait rien ! Sans le savoir, il a trouvé : la part la plus importante de la connaissance, c'est savoir qu'on ne sait rien. Voilà le maître pleinement satisfait.

 

Evidemment ce conte est le prétexte à parcourir la ville de Djenné, et de voir quelques scènes de la vie des métiers.

 

Les interprètes sont notamment Kolado Bocoum (l’élève), Fatoumata Camara (la fillette), Abba Bilancoro (le marabout) et Afel Bocoum (le griot), Abdoulaye Babarou Koita (le chasseur), Kosisi Farako Tienta (le pêcheur) et Boubacar Kamina Bocary (le forgeron). Les musiciens sont eux aussi tous maliens.

Sander Franken a chargé Kolado et son cousin Bougery (dit Mohammed Cinq), de montrer le film à tous ceux qui seront intéressés à Djenne. Il leur en a donné une copie sur DVD et une autre sur cassette video VHS (PAL).

 

Par ailleurs, le film sera projeté au CCF en juillet 2006.

 

Enfin, Sander Francken a aussi prévu une copie pour DJENNE PATRIMOINE. Il est donc probable qu’une projection publique pourra être organisée, peut-être en juillet.

DJENNE inspire poètes et cinéastes

 

Dans la perspective du centième anniversaire de la reconstruction de la mosquée de Djenne, deux œuvres du septième art sont en préparation, qui ont un point commun : toutes deux utilisent le magnifique poème écrit il y a quelques années déjà par Albakaye Ousmane Kounta pour l’UNESCO sous le titre « Des piliers plein les mains d’argile », sur le thème du crépissage de la célèbre mosquée. Ce poème a été publié dans DJENNE PATRIMOINE Informations n° 12, janvier 2002.

 

Le premier film est dû à une initiative de David Helft, qui a séjourné huit ans au Mali dans les années 1990 ; co-production CESPA-NOMADE, ce film est en attente de financement ; néanmoins, David Helft a pu tourner quelques premières séquences en février lors de la première partie du crépissage de la mosquée.

 

Le second film est dû à une initiative du poète Albakaye Ousmane Kounta lui-même, qui, travaillant avec le cinéaste Adama Drabo, et grâce à un financement de l’Union Européenne, a élargi le sujet au thème « Le poète, le fleuve, Tombouctou et Djenné » ; là encore on trouvera des images du crépissage de la mosquée, filmé fin mars, et de l’histoire de Tapama.

 

La protection du patrimoine architectural de Djenné et l’expérience de la conservation des mosquées de Tombouctou

 

Le patrimoine architectural ancien du Mali est particulièrement difficile à préserver. Non seulement il utilise un matériau fragile, mais il est délaissé à cause d’un engouement déraisonné pour des bâtiments de style étranger (style occidental pour toute l’architecture civile, privée et publique, style saoudien ou iranien pour les édifices religieux). Aussi toute opération de conservation du patrimoine architectural doit-elle être analysée de près. De là vient l’intérêt d’un lecteur de DJENNE PATRIMOINE Informations pour le récent projet qui a permis de remettre en état les mosquées de Tombouctou.

 

L’ouvrage récent qui rend compte de la remise en état des mosquées de Tombouctou nous apprend qu’il n’est plus question, en matière de patrimoine architectural, de restauration, mais plutôt de conservation.1 Comme on va le voir, il ne s’agit pas d’une coquetterie de langage, mais d’une attitude à l’égard du patrimoine. Le fait que cette attitude soit maintenant promue par l’ICCROM, c’est-à-dire par le « Centre international pour la conservation et la restauration des biens culturels », n’est évidemment pas anodin. Cette institution choisit en effet de négliger l’un des aspects de sa mission –la restauration, explicitement citée dans son nom lui-même– pour ne plus se préoccuper que de l’autre, la conservation. Voilà qui mérite d’être commenté, voire contesté.

 

Déjà, il y a quelques années, dans le « projet de réhabilitation et conservation de l’architecture de Djenné »2 on pouvait remarquer les hésitations des rédacteurs : le titre du projet ne contenait pas le mot «restauration », mais le texte l’employait sans cesse. On y lit que le projet a des objectifs « de rénovation, de restauration et de conservation de la vieille ville » : le mot restauration revient quatre fois p. 52 et six fois p. 53, les deux pages où est présentée l’orientation du projet ; mais l’ambiguïté apparaît bientôt, puisqu’on lit p. 55 que le volet 6 du projet concerne la "conservation et/ou restauration des maisons sélectionnées" ; au contraire, la conclusion parait ferme: pour assurer la sauvegarde du patrimoine architectural de la ville de Djenné, inscrit sur la liste des monuments du Patrimoine Mondial de l'UNESCO, un projet de restauration d'une durée de sept ans s'avère nécessaire" (p. 65).

 

C’est dans ce contexte que DJENNE PATRIMOINE rappela ce que restauration veut dire pour les architectes spécialisés. L’idée de restauration d’un monument est précisée dans un document appelé « Charte de Venise », adopté lors du IIème Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, organisé à Venise en 1964.3 Cette charte a été adoptée par l’ICOMOS dès 1965 : il ne s’agit donc pas aujourd’hui d’un argument de circonstance. Or cette charte précise très clairement que la restauration se fonde sur le « respect de la substance ancienne et de documents authentiques » pour s’interdire des « reconstitutions conjecturales » ; ce respect des matériaux, techniques de construction, plans, élévations, dessins de façade, décors, etc. doit être tel que « tout travail de complément reconnu indispensable pour des raisons esthétiques ou techniques […] portera la marque de notre temps ». L’objectif est clairement de remettre le monument dans un état antérieur bien documenté, d’interdire le pastiche, de faire apparaître les ajouts ou modifications récents qui ont pu s’imposer pour des raisons techniques ou esthétiques.

 

Ce n’est pas ce que nous expliquent les auteurs qui rendent compte du projet de conservation des grandes mosquées de Tombouctou.4 Ils font valoir que ces monuments ont évolué, parce que les matériaux dont ils sont faits sont fragiles, soumis à l’érosion, et doivent être en partie remplacés à intervalles réguliers, à quoi s’ajoutent l’ensablement et l’érosion des sols, mais aussi « l’évolution des techniques et des ‘normes’ de construction, et enfin la volonté de ‘généreux donateurs’ de contribuer à la grandeur des mosquées, autant de facteurs qui entraînent la mise en œuvre de  travaux  exceptionnels :  renforcement  par  contreforts, réfection complète, embellissement, agrandissement, surélévation". Et encore : "c'est ainsi que la couleur et la texture des mosquées varient en fonction des saisons, mais aussi que leurs formes, décorations et dimensions ont évolué au cours du temps"5

Voilà une façon de tout mélanger qui ne facilite pas la réflexion ! La couleur et la texture des mosquées varient en fonction des saisons, c’est là une caractéristique constante sur la très longue durée, liée précisément aux matériaux, aux techniques de construction, et au climat du lieu : personne ne se propose de les modifier, il n’y a pas lieu de distraire le lecteur en confondant toutes les modifications. Par contre, il faut avoir le courage de discuter des autres évolutions signalées, en les distinguant bien les unes des autres.

 

Les mosquées ont subi dans le passé des transformations très importantes telles que réfection complète ou surélévation ? Restaurer ne veut pas dire reconstituer un état initial, un état d’origine, surtout s’il est mal documenté ; restaurer veut dire reconstituer un état ancien qui est bien documenté et qui peut, moyennement quelques interventions judicieuses, être transmis aux générations futures. On ne sait rien de ce qu’était la première mosquée de Sankoré, construite au XIVème siècle, donc on ne va pas la restaurer, c’est sûr ! Elle a été reconstruite par l’Imam Elhadj Al-Aqib au retour de son pèlerinage, qui date de 1581-1582 : il voulait lui donner les dimensions de la kaaba.6 C’est de cette mosquée du XVIème siècle que descend le bâtiment actuel. En réalité, c’est surtout au XXème siècle que des transformations importantes y ont été apportées. On ne voit pas exactement quel lien les auteurs établissent entre les deux phrases du passage suivant : « au cours du XXème siècle, période pendant laquelle Tombouctou est influencée par la culture occidentale, de nombreux travaux sont encore réalisés. Ainsi, en 1952, la mosquée de Sankoré, menacée d’ensevelissement par une dune de sable, est surélevée et sa façade Est est recouverte de pierre d’Alhore » (p. 24). Mais le fait est là, et il n’est pas question de remettre cette mosquée à son niveau antérieur, elle serait partiellement enfouie sous le sable.

Il y a lieu, tout au contraire, de s’interroger sur d’autres transformations. « C’est encore à cette époque 7que la mosquée de Sidi Yaya, la troisième plus importante de la ville, et qui est située dans un quartier commerçant relativement riche, est entièrement recouverte de ces pierres d’Alhore, modifiant ainsi totalement son aspect originel » (p. 24) : de fait, son minaret a été remplacé par une tour crénelée et les ouvertures ont reçu une forme plus ou moins ogivale ! Qu’on en juge d’après les deux photographies ci-dessous :

 

 

 

 

 

La mosquée Sidi Yaya au début du XXème siècle (en haut à gauche) et aujourd’hui (à droite)

 

Ou encore, que penser du rôle prêté aux maçons dans ces évolutions ? Il semble en effet, nous disent les experts auteurs de l’article, que « le ‘nec plus ultra’ soit d’aller un peu plus loin [que le remplacement des parties abimées de la structure] en procédant à la mise en œuvre d’un contrefort, trace visible et durable de son intervention en faveur de la mosquée, et aussi preuve de son savoir-faire » (p. 27)

 

N’est-il pas dangereux de prendre allègrement son parti de toutes ces transformations, clairement inspirées par le désir de faire étalage ou bien de sa richesse, ou bien de sa vanité ou encore de son savoir-faire mal employé, alors que la société toute entière souffre de voir disparaître ses traditions les plus chères ? Quel sens y a-t-il à monter en épingle le rôle des maçons dans l’entreprise annuelle de recrépissage des mosquées, si c’est pour reconnaître ensuite qu’ils n’ont pas de respect pour le travail de leurs pères ?

 

Ne conviendrait-il pas de rappeler que dans patrimoine, on entend père, on entend aussi transmission entre les générations ? Ne conviendrait-il pas de rappeler que tous les sites du patrimoine mondial doivent être protégés contre les manifestations de l’inculture, qu’il s’agisse de l’inculture des visiteurs étrangers ou de l’inculture de ceux qui vivent tout près ? Ne conviendrait-il pas de rappeler que, si l’Europe n’est plus –de loin, chacun le sait– aussi chrétienne qu’elle le fut, elle conserve ses cathédrales, elle les entretient et les restaure dans un état ancien bien documenté (après les erreurs des premières restaurations à la Viollet-Le-Duc), et que cette conservation suppose le maintien en activité d’entreprises spécialisées dans la construction selon des techniques vieilles de plusieurs siècles ? N’appartient-il pas à l’Afrique, aujourd’hui, de s’inscrire dans l’histoire avec tous les moyens qu’elle peut y consacrer, et notamment par la conservation de son patrimoine architectural ancien ?

 

Il faut craindre que, en abandonnant restauration pour conservation, avec tout ce que cela implique, comme on vient de le voir, les responsables du patrimoine ne cherchent simplement à masquer, par quelques allusions indirectes et un peu faciles à l’ethnocentrisme ou à la période coloniale, qu’ils ont baissé les bras devant les atteintes de tous ordres portées au patrimoine architectural du Mali. Et par laxisme, les experts étrangers et les institutions internationales qui les font vivre emboitent ce pas défaitiste. Cela peut nous mener loin.

Déjà dans les années 1990, de savants experts du Nord expliquaient que les principes de la Charte de Venise, qui définissent la restauration en matière de monuments, étaient trop rigoureux pour s’appliquer en Afrique ! En Afrique, nous expliquait-on doctement, « l’importance culturelle, la fonction mémorielle et la valeur patrimoniale des édifices sont d'abord d'ordre symbolique", l'histoire n'est donc pas ici ce qu'elle est au Nord, où "la notion d'authenticité prend appui sur l'historicité de l'objet"8 ! Parlons plus clairement : pour combattre un risque d'ethnocentrisme, on n'hésite pas à employer ici un argument qui met tellement en avant les différences entre civilisations qu'elle confine au racisme. Ces élucubrations ne sont pas acceptables ! L'Afrique a sa place dans l'histoire, et pas seulement parce qu'elle a été le berceau de l'humanité : pour qu'elle prenne cette place dans le paysage matériel que se constitue chaque civilisation, ses réalisations culturelles, surtout si elles sont fragiles, et même et surtout si les contemporains les négligent, doivent être restaurées -au sens clair et précis du mot- et durablement protégées : leur état ancien bien documenté doit être transmis fidèlement aux générations futures.

Un autre aspect de l’expérience de Tombouctou doit faire réfléchir ailleurs. Les mosquées de Tombouctou ont été remises en état grâce à un projet financé par l’extérieur. En 1997, « il est possible d’affirmer qu’il y a longtemps que les mosquées n’ont pas été dans un état général aussi bon ». Mais voilà ce qui se passe alors : les « travaux traditionnels n’ont pas été organisés cette année-là ! Trouvant que les mosquées étaient bien assez belles comme ça, personne ne s’est mobilisé pour apporter des matériaux » (p. 28) Il a fallu que quelques fuites apparaissent dans les toits des mosquées pour que les maçons s’investissent. Et l’on doit donc bien se demander, comme le font les auteurs, si l’intervention étrangère –à la fois sous forme de financement, sous forme d’une expertise, sous la forme de dons de matériels, sous la forme d’une oreille attentive au discours bien rôdé sur la pauvreté, sous la forme d’une réponse trop immédiate à toutes les demandes d’aide– ne contribue pas avant tout à démobiliser les forces vives des sociétés bénéficiaires.

Il est vrai que les financements extérieurs créent une dépendance ; il est vrai que l’expertise extérieure est souvent bien encombrante, toujours trop pressée d’obtenir de bons résultats photographiques, toujours trop technocratique, jamais assez soucieuse de réelle participation des principaux intéressés ; il est vrai que les dons, généralement inadaptés, ne font guère de bien qu'au donateur ; il est vrai que les bénéficiaires auraient bien tort de se priver de solliciter l'empressement de donateurs trop soucieux de faire une bonne action pour la concevoir soigneusement ; il est vrai que la gestion de l'aide renforce une administration soiuvent déconsidérée. Et donc le remède serait pire que le mal ? Ou bien y a-t-il dans une plus grande responsabilisation des collectivités territoriales un espoir de surmonter ces graves inconvénients ?

Journées « Portes ouvertes » de la Mission Culturelle de Djenné

 

Du 8 au 23 mars, la Mission Culturelle de Djenné a organisé des journées portes ouvertes à l’intention des scolaires de la ville. Ainsi, pas moins de 1920 élèves, de la 5ème à la 9ème année, ont pu entendre parler du patrimoine culturel de Djenné, de ses diverses formes, et des moyens de le défendre. Un bon début !

 

 

NOUVELLES DE DJENNE PATRIMOINE

 

DJENNE PATRIMOINE a dix ans !

 

Voici les activités que l’association a organisées.

 

1) conférences à Djenné :

21  mai 1996 : Roderick McIntosh sur les premiers résultats des sondages archéologiques 1er novembre 2003 : Abdoulaye Touré sur l’architecture de Djenné

2) Projection de films à Djenné :

12 juin 1995 : « African King » de Nigel Evans, 1990, sur le trafic de biens culturels

28 octobre 1995 : « Djenné, métropole du Pondo », en présence du réalisateur Oumar Madani KONE

22 septembre 2003 : à l’occasion de la fête nationale, présentation officielle du site internet de DJENNE PATRIMOINE

3) Participation à l’émission « Racines » de Radio Jamana

Cette émission hebdomadaire, longtemps animée par Sébastien Diallo, architecte, et par Mamary Sidibe, volontaire malien, a permis d’entendre sur les ondes de Radio Jamana toutes les personnalités qui visitaient Djenné ou y séjournaient dans le cadre d’activités de protection du patrimoine. C’est ainsi que plusieurs membres de DJENNE PATRIMOINE ont participé à cette émission, en particulier :

-       Susan McIntosh, archéologue, le 7 janvier 1999

-       Amadou Tahirou Bah, dans un débat avec Boubacar Diaby, Chef de la Mission Culturelle de Djenné, le 19 juin 1999

-       Amadou Tahirou Bah, Papa Cissé, Joseph Brunet-Jailly, le 10 août 1999

-       Foourou Cisse en avril 2005

4) Missions de sensibilisation aux alentours de Djenné :

Début 1996, deux visites de Bamoye Guitteye et Boubacar Koïta dit Tapo à Yonga Bozo et Kolenze ;

Le 27 avril 1997, mission à Kouakourou et Kolenze de Ibrahim Kone, Françoise Kone, Papa Cisse, Amadou Tahirou Bah, Baliki Kontao

5)  Acquisition de tirages de photographies concernant Djenné, et rédaction de notices grâce aux commentaires et souvenirs des vieux de Djenné :

Les tirages en question ont été acquis auprès de l’IFAN-CAD à Dakar, auprès des Archives coloniales d’Aix-en-Provence, auprès du Musée de l’Homme à Paris, auprès du Musée des cultures de Bâle ; des contacts sont en cours avec le musée de Vienne, avec les archives de Deux-Sèvres, etc. D’autres contacts ont été pris avec des collectionneurs et avec des photographes.

Ainsi, par exemple, Madame Marli SHAMIR, qui a vécu au Mali dans les années 1970, avec son mari qui y était ambassadeur d’Israël, a offert à DJENNE PATRIMOINE les originaux de son exposition Sahel (ces originaux doivent servir à animer des conférences présentant DJENNE PATRIMOINE à divers publics en Europe) et un nouveau tirage complet de cette exposition, ce dernier tirage devant rester à Djenné, où il a été exposé plusieurs fois (voir ci-dessous).

Sur certaines de ces photographies, des notices sont rédigées par Monsieur Amadou Tahirou BAH, conseiller pédagogique, historien, après discussions avec les vieux de Djenné.

6)  Contribution à l’exposition « Djenné, ville du patrimoine mondial » organisée avec des matériaux de l’exposition de Leyden (Pays-Bas) à Djenné (fin 1996-début 1997) :

Cette exposition a été organisée par l’Ambassade Royale des Pays-Bas, et par l’Ambassade des Etats-Unis, avec le concours de la Mission Culturelle. La contribution de DJENNE PATRIMOINE a permis d’obtenir que soient exposés la médaille du chef de village (le premier jour), un tarikh (pendant la première semaine), un ngoni (instrument de musique), une baignoire en terre cuite, une porte du style de Tombouctou, et que soient présents dans la cour un atelier de bijoutier et un atelier de brodeur.

Pour l’inauguration de cette exposition, DJENNE PATRIMOINE a organisé une soirée culturelle animée par des musiciens et danseurs traditionnels peuls.

7)   Contribution à la rédaction d’un ouvrage destiné aux visiteurs cultivés de Djenné, paru sous le titre « Djenné, d’hier à demain » aux éditions Donniya

Cet ouvrage (206 p., 32 illustrations en noir et blanc, 73 illustrations en couleurs) est paru en mai 1999, il a été présenté au public et à la presse lors de la Journée du Patrimoine de cette année.

8) Expositions de photographies anciennes de Djenné à Djenné :

La première exposition a eu lieu à l’occasion des festivités qui ont marqué le Xème anniversaire du jumelage entre Djenné et Vitré, en novembre 1997. Une vingtaine de photos anciennes appartenant à la collection IFAN-CAD ont été exposées accompagnées par les notices rédigées par Monsieur Amadou Tahirou Bah. Elles avaient été encadrées par l’artisan menuisier djennenké Sory Korobara, dit Sory Touré, grâce à une subvention accordée à DJENNE PATRIMOINE par la Mission française de coopération et d’action culturelle.

La seconde exposition a eu lieu en janvier 2000 à l’occasion de l’opération « Fêter à Djenné l’aube du 3ème millénaire » (voir ci-dessous). Elle comportait une section de photos de l’IFAN avec leurs notices, et une section de photos de Madame Marli SHAMIR (voir ci-dessus).

9) Expositions de produits de l’artisanat d’art de Djenné

En diverses occasions (Xème anniversaire du jumelage Vitré-Djenné, séjour des participants à l’opération « Fêter à Djenné l’aube du 3ème millénaire »…), DJENNE PATRIMOINE a organisé à Djenné, dans la cour et dans la grande salle de la Maison des Hôtes, une exposition-vente des produits de l’artisanat d’art de Djenné. Ces opérations ont toujours un très grand succès auprès des touristes, et elles ont le grand mérite de faire connaître l’activités des artisans de Djenné, et d’aider à la diffusion de leurs produits.

L’expérience acquise a permis à tous de se rendre compte du fait que ces expositions-ventes n’ont aucun intérêt à se transformer en marchés de produits africains de toutes origines et de toutes qualités. En particulier, la dernière exposition, en janvier 2000, a permis de conclure qu’il est possible d’organiser une bonne quinzaine de stands, ne présentant tous que des produits fabriqués artisanalement à Djenné ou dans les villages environnants, et des produits de qualité :

-       broderie de Djenné (Asmane Traoré)

-       tissages et vêtements de style « bougouni » (Bakaïna Traore)

-       vêtements bogolan (Badou Maïga)

-       tentures   décoratives   bogolan   (Pama   Kosimantao,   Youma Koreïssi)

-       poterie (plats sur pied : Badji Samassékou)

-       poterie (canaris)

-       bijoux (Alpha Sidiki Traore)

-       vannerie (Bayogou Traore)

-       pagnes peuls

-       bottes et babouches

-       jouets en banco peint

-       broderie bambara (Kariba Boré…)

-       copies de statuettes de Djenné

-       stylisme utilisant des broderies de Djenné

-       calebasses, galama, etc. (Bara Landouré…)

-       bracelets en perles (Alphamoye Touré)

-       etc.

10) Concours de coiffures traditionnelles et de costumes

Outre les soirées animées par les musiciens et danseurs peuls (l’une à l’occasion de l’inauguration de l’exposition ‘Djenné, ville du patrimoine mondial », cf. ci-dessus, l’autre à l’occasion d’une mission du Getty Conservation Institute, en juillet 1998), DJENNE PATRIMOINE s’est attaché à redonner aux Djennenkés le goût des coiffures traditionnelles et des costumes.

Le premier concours a été organisé à l’occasion de la visite à Djenné de Madame Adame Konare Ba, épouse du Chef de l’Etat, en décembre 1996, pour l’inauguration de l’exposition « Djenné, ville du patrimoine mondial ».

Le second concours a été organisé à l’occasion des festivités qui ont marqué le Xème anniversaire du jumelage entre Djenné et Vitré, en novembre 1997.

Un troisième concours a été organisé, en association avec Radio Jamana, à l’occasion du séjour à Djenné d’un groupe de membres bienfaiteurs de DJENNE PATRIMOINE, dans le cadre de l’opération « Fêter à Djenné l’aube du 3ème millénaire » en janvier 2000.

Ces concours ont redonné aux jeunes filles et à leurs mères la conscience que leurs traditions en matière de vêtement et de coiffure sont un patrimoine, et un patrimoine splendide, qui mérite d’être conservé, qui peut être montré, dont on peut être fier, mais qu’il faut parfois retrouver. Les trois manifestations ont traduit un progrès important dans la variété des modèles présentés et dans la qualité de chacune de leurs réalisations.

10) Participation à des opérations d’embellissement de la ville de Djenné

DJENNE PATRIMOINE a apporté en saison sèche 1998 une petite aide (40.000 FCFA) à l’association Dental pour l’entretien des arbres plantés par cette dernière à l’entrée de Djenné, le long de la route entre Tolober et le pont de Seymani.

DJENNE PATRIMOINE a procédé en août 1998 à une opération de plantation dans le même secteur, ainsi qu’au pourtour du toggere de Djenné-Djèno, avec la participation du Club UNESCO ; à la même période, DJENNE PATRIMOINE a organisé et financé (125.000 FCFA) l’assainissement du port de Kamansébéra, par le creusement de canaux d’évacuation des eaux de pluie et des ordures ménagères.

DJENNE PATRIMOINE a procédé en 2000 à une opération de plantation d’arbres dans la cour du nouvel hôpital et à son entrée.

12) Organisation d’un séjour culturel sur le thème « Fêter à Djenné l’aube du IIIème millénaire » pour un groupe de membres de DJENNE PATRIMOINE

En janvier 2000, DJENNE PATRIMOINE offrait à ses membres bienfaiteurs l’opportunité de participer à un séjour culturel spécialement organisé pour eux à Djenné. Un groupe de 25 personnes s’est ainsi constitué, les participants venant de France, de Suède, du Sénégal et de Côte d’Ivoire. Le programme de ce séjour avait été adapté pour tenir compte de la date de la fête de Ramadan, ainsi que de la présence d’une équipe de la télévision malienne, dirigée par Mory Soumano (avec Abdoulaye Diarra, caméraman, Ngolo Diarra, technicien son et Mademoiselle Bah). Les participants n’oublieront pas de sitôt quelques grands moments de leur séjour, parmi lesquels il faut sûrement ranger :

-       la lecture publique du Coran (ou plutôt des hadith), le 6 janvier, à Diabatela (école coranique de la famille Diabaté), à laquelle ont assisté les hommes ; la lecture portait ce jour-là sur la médisance, que le Prophète condamnait ; les étrangers ont été particulièrement touchés par le geste profond par lequel, lorsque des dattes ont été offertes à l’assistance, elles ont été partagées avec eux, tout mécréants qu’ils soient ;

-       la conférence introductive à l’histoire de Djenné, donnée par Foourou Alpha CISSE dans la cour de l’hôtel Tapama ;

-       la grande prière du jour de la fête, célébrée cette année vendredi 7 janvier sur l’esplanade qui jouxte l’hôpital, à l’issue

de laquelle chacun demande à ses voisins pardon pour les peines qu’il aurait pu lui causer pendant l’année écoulée, et pardonne à son tour ;

-       les commentaires informés et enthousiastes, par Amadou Tahirou BAH, des photos récemment données à DJENNE PATRIMOINE par Madame Marli SHAMIR, photographe professionnel ayant séjourné au Mali au début des années 1970, lorsque son mari était Ambassadeur d’Israël à Bamako ;

-       la présentation très intéressante par Foourou Alpha CISSE de l’exposition artisanale organisée par une commission présidée par le brodeur Asmane TRAORE ; cette visite attentive a permis à tous de comprendre que, désormais, les expositions artisanales patronnées par DJENNE PATRIMOINE devront et pourront se limiter de plus en plus strictement à des stands sélectionnés sur la base de trois critères : travaux d’artisans présentés par les artisans eux-mêmes, objets de Djenné, et objets de la meilleure qualité esthétique et de la meilleure qualité de fabrication ;

-       la visite des ports et portes de Djenné, guidée par Amadou Tahirou BAH et Hamma CISSE, suivie par une marche jusqu’à Roundé Sirou, où, sous le tamarinier sous lequel prêchait Sékou Amadou, Amadou Tahirou BAH a présenté l’histoire de ce dernier et l’installation de la Diina (ou Empire peul du Macina), avant que les musulmans n’aillent prier à la mosquée de Roundé Sirou, dont le plan a été tracé par Sékou Amadou lui-même ;

-       la grande fête populaire du lundi 10 janvier, où les femmes bambara, peul et bozo de Djenné ont montré leurs talents dans les danses traditionnelles ;

-       la fête de Sénossa, avec toute la population massée sur la berge pour attendre le groupe, puis l’accueil de la délégation, les danseurs, les danseuses porteuses de lait (et chacun a pu se rendre compte qu’il s’agit bien de lait, lorsqu’une calebasse s’est renversée sur un visage en pleurs), puis la présentation du troupeau, etc. ; il s’agissait de donner à nos hôtes une idée de ce qu’est le « degal », la fête organisée lorsque les animaux reviennent de leur transhumance de saison des pluies pour retrouver les riches pâturages de bourgou ;

-       la parade de pirogues au Port de Seymani, suivie d’un dîner en commun avec un groupe de membres fondateurs de DJENNE PATRIMOINE, dîner égayé par Abdramane KANE DIALLO, musicien (petit violon et voix) de l’ensemble instrumental Hambodedio (musique peule) ;

-       le défilé de coiffures et de costumes traditionnels, organisé par Radio Jamana et sponsorisé par DJENNE PATRIMOINE, a été, de l’avis unanime, d’une superbe qualité, tant dans les modèles présentés que dans la façon de les mettre en valeur ; un jury a décerné les prix : Ada Diallo, du quartier Yoboucaïna, est montée sur la plus haute marche du podium, avec Hawa Soufountera, du quartier Sankoré, comme première dauphine et Hawa Samounou, du quartier Bamana, comme seconde dauphine ; mais toutes les concurrentes ont reçu un prix ; cette fois-ci encore, les coiffures et costumes peul et songhay ont prédominé, mais on a aussi remarqué un modèle bambara ; il restera encore à convaincre les jeunes filles bozo et leurs mères de montrer leurs traditions de vêtements et de coiffures ;

-       l’extraordinaire fête organisée par le village bambara de Kéké, avec ses musiciens, ses chasseurs, ses jeunes danseurs acrobates, la grande danse des femmes, les unes avec leurs magnifiques pagnes bleus teints à l’indigo et brodés de fils multicolores, les autres avec leurs tout aussi magnifiques pagnes tissés, fond blanc et motifs noirs et colorés, puis, le clou de la journée, le spectacle de marionnettes, avec une mention toute particulière pour le tisserand ;

-       l’excursion à Kouakourou et de là, en pirogue, à Kolenzé, pour la découverte de l’architecture des sahos et la grande tristesse que provoque, chez ceux qui ont déjà visité ces bâtiments dans le passé, la vue de leur état actuel !

Fort heureusement, pour les absents mais aussi pour les présents, la plupart de ces moments ont été filmés. Mory Soumano a consacré 4 émissions de sa série « Terroirs » à ces festivités, puisque DJENNE PATRIMOINE a joué le rôle de producteur, et une cassette sera éditée pour être commercialisée !

Par ailleurs, le peintre ivoirien Idrissa DIARRA et le dessinateur et graveur français François CAYOL, ancien pensionnaire de la Casa de Velasquez, qui étaient au nombre des présents, forment déjà le projet d’exposer à Djenné, dès 2001 peut-être, les œuvres que ces activités leur ont inspirées.

Le principal acquis de cette expérience est qu’il ets parfaitement possible d’organiser pour les étrangers un séjour culturel d’une dizaine de jours, avec un programme intense d’activités variées qui permettent aux visiteurs cultivés de repartir avec une idée assez précise de certaines des principales caractéristiques culturelles de la vie de Djenné : le rôle de l’islam et ses manifestations, la diversité des traditions en matière de coiffure, vêtement, musique, danse, etc., la présence dans le sous-sol des traces d’une civilisation ante-islamique extrêmement étendue, l’influence marocaine, le sens sacré de l’hospitalité, le rythme de la vie, la nourriture traditionnelle, etc.

13) Publication, deux fois par an, de « DJENNE PATRIMOINE Informations », bulletin tiré à 250 exemplaires et largement diffusé tant à Djenné que dans les administrations maliennes et étrangères ou internationales spécialisées, ainsi qu’auprès de tous les membres bienfaiteurs de DJENNE PATRIMOINE.

« DJENNE PATRIMOINE Informations » donne des nouvelles de Djenné, des nouvelles de la protection du patrimoine de Djenné, et des nouvelles de l’association elle- même. Il publie aussi des documents pour animer la discussion sur le patrimoine de Djenné, dans ses diverses dimensions, et sur les meilleurs moyens de le conserver, de le protéger, de le valoriser, de le faire connaître et respecter. Parmi les documents publiés, citons les contributions suivantes :

-       Sidiki TINTA : « L’architecture vernaculaire et la Charte de Venise », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 5, juillet 1998 ;

-       Joseph BRUNET-JAILLY : « Protéger l’architecture de Djenné », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 7, juillet 1999 ;

-       Geert MOMMERSTEEG : « Le domaine du marabout : maîtres coraniques et spécialistes magico-religieux à Djenné (Mali) », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 8, janvier 2000 ;

-       Amadou Tahirou BAH, Boubacar Hama DIABY, Mamary SIDIBE : « L’architecture comme élément du patrimoine national : problèmes et perspectives », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 8, janvier 2000 ;

-       Willem F.G. LACROIX : « L’Afrique dans l’Antiquité »: DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 9, juillet 2000 ;

-       Roberto-Christian GATTI : « Les écoles coraniques de Djenné : problèmes et perspectives », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 9, juillet 2000 ;

-       Gil MAHE : « Evolution des ressources en eau sur le bassin du Bani et à Djenné », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 10, janvier 2001;

-       Marcel KUPER: Le barrage de Talo : impact sur le delta intérieur du Niger », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 10, janvier 2001;

-       Susan K. McINTOSH: «L’intérêt de la recherche archéologique sur l’ancienne Djenné», DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 11, juillet 2001;

-       Gilles HOLDER : « Les Saman, ou l’histoire d’un groupe de Djennenké en pays dogon », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 11, juillet 2001;

-       Albakaye Ousmane KOUNTA : «Des piliers plein les mains d’argile », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 12, janvier 2002;

-       Marie-Laure VILLESUZANNE: «Quel avenir pour l’architecture de Djenné ? », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 12, janvier 2002;

-       Jean DETHIER : « Les mosquées en terre du Mali selon Sebastian Schutyser », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 12, janvier 2002;

-       Jean-Luc MONTEROSSO : Entretien avec Sebastian Schutyser », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 12, janvier 2002;

-       Geert MOMMERSTEEG : « Ba, si, alif, lamu, ha… », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 13, juillet 2002;

-       François GALLIER : « Analyse du projet de barrage de Talo et ses conséquences prévisibles sur les systèmes de production ruraux du Djenneri », DJENNE PATRIMOINE Informations, n°13, juillet 2002;

-       Brehima KASSIBO, Joseph BRUNET-JAILLY: « La pirogue, monture du Bozo », DJENNE PATRIMOINE Informations, n°

14, printemps 2003;

-       Joseph BRUNET-JAILLY : « Les bases juridiques de la protection du paysage urbain et de l’architecture de Djenné », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 14, printemps 2003;

-       Bernard SALVAING, Almamy Malicki YATTARA: Almamy Yattara parle de Djenné », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 15, automne 2003;

-       Gilles HOLDER, Emmanuelle OLIVIER : « Chanter le Prophète à Djenné : comment la musqiue fait surgir la cité musulmane », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 16, printemps 2004;

-       Geert MOMMERSTEEG : « Djenné demande la pluie : prières et rituels pour obtenir la pluie dans une ville sahélienne », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 16, printemps 2004;

-       Kent GLENZER : « La politique est quelque chose qui passe : une ethnographie historique du pouvoir, du développement et de la démocratie dans la plaine d’inondation du Pondori au Mali, 1818-2002 », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 17, automne 2004;

-       Boureima TOURE : « L’identité djennenke et les réformes : démocratie et décentralisation », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 17, automne 2004;

-       Amadou Soumaïla DIALLO, Madame Sirandou BOCOUM : Deux témoignages sur le pèlerinage à La Mecque, DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 18, printemps 2005;

-       Geert MOMMERSTEEG : « Bénédictions et amulettes : quelques remarques sur la connaissance des marabouts à Djenné », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 18, printemps 2005;

-       Trevor H.J. MARCHAND : « Démêler le mystère de l’expertise des maçons », DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 19, automne 2005;

14) Création d’un site internet, www.djenne-patrimoine.asso.fr sur lequel on trouve non seulement toutes les informations voulues sur l’association (statuts, règlement intérieur, composition du bureau…), mais aussi une documentation très complète sur Djenné, toutes les publications citées ci-dessus, et des documents difficiles à diffuser sur papier (par exemple une visite virtuelle de Djenné, grâce à la contribution de l’Ecole Supérieure des Géomètres Topographes, et notamment de M. Laurent Morel), ainsi qu’un repérage précise de tous les tombeaux de saints qui ont été clairement identifiés. Prochainement sera développée sur ce site une section sur l’artisanat d’art de Djenné.

15) Contributions financières à des activités de promotion de la ville de Djenné :

-       contribution à l’organisation du Xème anniversaire du jumelage Djenné-Vitré en octobre 1997 (95.000 FCFA) ;

-       appui à Radio Jamana en 2000 (25.000 FCFA)

-       contribution à l’étude de faisabilité de la réparation de la digue du cimetière en 2000 (45.000 FCFA)

-       contribution au crépissage de la mosquée en 2001 (50.000 FCFA)

-       appui à deux artisans, un brodeur et un teinturer en 2001 et 2002 (100.000 FCFA)

-       contribution au financement du festival du Djenneri en 2005 (50.000 FCFA)

-       appui au festival du Centre local d’informatique communautaire (CLIC-PINAL) en 2006 ;

-       en outre chaque année depuis 2000 DJENNE PATRIMOINE apporte une contribution de 10.000 FCFA au Kafo (association des femmes) pour l’organisation de la Journée de la Femme

Voilà ce qu’a fait votre association !

Elle fera mieux et plus, dans les années qui viennent, si elle a plus de moyens !

Aidez-là de vos contributions !

Djenné le mérite ! Djenné est unique !

 

DOCUMENT

Que nous ont appris les fouilles de Djenné jusqu’à ce jour ?

par le Professeur Roderick J. McIntosh

 

 

[Les Professeurs Roderick J. et Susan K. McIntosh ont publié ces dernières années plusieurs ouvrages d’un intérêt capital pour qui s’intéresse à Djenné. Découvreurs du site ancien, sur lequel ils ont travaillé déjà pendant trois décennies, ils n’ont cessé d’exploiter le matériel tiré de leurs fouilles et de le mettre en relation avec les apports de leurs collègues travaillant sur d’autres sites de la bordure sud du Sahara. Parmi les ouvrages qu’ils ont publiés ces dernières années, citons les quatre suivants :

-     Roderick J. McIntosh : The Peoples of the Middle Niger, Blackwell, 1998, 346 p.

-     Susan Keech McIntosh : Excavations at Jenné-Jeno, Hambarketolo and Kaniana (Inland Niger Delta, Mali), the 1981 Season, University of California Press, Berkeley and Los Angeles, 1995, 605 p.

-     Susan Keech McIntosh : Beyond Chiefdoms, Pathways to Complexity in Africa, University of California Press, Cambridge University Press, Cambridge, UK, 1999, 176 p.

-     Roderick J. McIntosh : Ancient Middle Niger (Urbanism and the Self-Organizing Landscape), Cambridge University Press, Cambridge, 2005, 261 p.

Même si certains aspects de ces travaux ne peuvent intéresser que les spécialistes de la recherche archéologique, les connaissances qu’ils apportent sur l’histoire du site ne peuvent pas laisser indifférente la population de Djenné qui côtoie quotidiennement le site et qui seule peut le protéger durablement. Ces travaux doivent donc être largement diffusés sur place, et ne le seront jamais assez, car c’est par une plus large et plus juste appréciation de la valeur exceptionnelle de ce site pour l’humanité toute entière que la population de Djenné sera convaincue du rôle historique qu’elle doit jouer aujourd’hui dans la protection du site. Aucune administration, aucune police ne peut remplacer la mobilisation de tous.

 

En outre, la portée des interprétations qui ont été imposées par les auteurs est telle que tous ceux qui s’intéressent au patrimoine culturel de Djenné au sens large se trouvent inévitablement passionnés. En effet, pour qui sait déchiffrer le passé le plus ancien de Djenné, à partir des traces archéologiques qu’il a laissées, il apparaît en fin de compte que la Djenné la plus actuelle semble à nouveau à la recherche d’un modèle social qu’elle a connu pendant les siècles de ses origines et de sa grandeur : une société fortement structurée par la multitude et la force des liens horizontaux, mais ignorant la dépendance hiérarchique qui, en les soumettant à l’obéissance aveugle ou à la vassalité, prive les individus du meilleur de leurs capacités d’initiative, d’invention, de création. Et au passage nous est délivrée une leçon extraordinaire d’adaptation des hommes aux aléas du milieu naturel dans lequel ils vivent : et cette leçon apparaît, elle aussi, d’une actualité en tous points remarquable.

 

Autrement dit, les recherches archéologiques sur l’ancienne Djenné ne nourrissent pas un culte nostalgique et vain pour un passé révolu, elles nourrissent la réflexion la plus récente sur les problèmes de l’actuelle Djenné et sur son avenir, qui est évidemment entre ses mains.

 

Malheureusement, malgré plusieurs tentatives, les Professeurs Roderick et Susan McIntosh n’ont pas réussi à faire traduire et publier en français leurs contributions les plus importantes. C'est la raison pour laquelle DJENNE PATRIMOINE a demandé au Professeur R.J. McIntosh de rédiger une synthèse de son dernier ouvrage, et le remercie chaleureusement d'avoir accepté)].

Voici le texte de cette contribution exceptionnelle :

 

 

Pourquoi la civilisation du Moyen Niger ancien est-elle exceptionnelle ? Parce qu’elle s’est développée de façon indépendante, parce qu’elle était énorme tant en surface qu’en population, parce qu’elle comportait des métiers très qualifiés, parce que ses manufactures ont eu une production très volumineuse, parce qu’elle a dominé le grenier de l’Afrique de l’Ouest, une immense pleine d’inondation couvrant 170.000 ha (à comparer à 34000 pour l’Egypte des Pharaons, à 51000 pour la Mésopotamie) ! La découverte du site de Djenné-djeno en 1977 a bouleversé la façon de voir l’origine des villes en Afrique au Sud du Sahara. Et ce que nous avons progressivement compris du modèle social qui caractérisait la Djenné ancienne présente un intérêt considérable, tant par rapport à la tradition de la recherche archéologique, que par rapport à la Djenné actuelle ! Voici en quelques mots ce que démontre mon dernier livre.9

Découvertes de Djenné

 

Le site, de très grande taille (environ un km du nord au sud), caractérisé par un incroyable amoncellement de débris de tessons de poteries, était connu non seulement des habitants de Djenné mais aussi des préhistoriens de l’époque coloniale. Toutefois, son importance comme ville, comme centre pré-islamique de commerce, comme concentration de richesse et de population, leur a totalement échappé.

 

Il est vrai que les compilations –de seconde, voire de troisième main– de récits de voyageurs que furent les premiers ouvrages de géographie, à partir du VIIème siècle de notre ère, alors que Djenné est à son apogée, n’en font absolument pas mention. Il faut attendre le milieu du XVème siècle, pour qu’un espion commercial italien, Antonio Malfante, qui cherchait à découvrir, à partir de la ville nord-africaine de Touat, les sources de l’or africain, parle de Thambet (Tombouctou) et de Geni : il désigne d’ailleurs cette dernière ville, notre Djenné, du terme de civitate, ce qui pour lui veut dire une cité-Etat majeure administrant un vaste arrière-pays. Et lorsque, en 1656, al-Saadi dans son Tarikh es-Sudan, parle de Djenné comme d’un grand centre commercial pour l’or et le sel, il donne le VIIème siècle comme époque de sa fondation, et il la présente comme si densément peuplée qu’un ordre peut parcourir une centaine de kilomètres en étant simplement crié d’un gardien de village à un autre : tout cela paraît si incroyable aux yeux des historiens de l’époque, et à leurs successeurs, qu’ils n’en tiennent aucun compte.

 

Il est vrai aussi que le site manquait de cette signature urbaine que les archéologues attendaient : pas de citadelle, aucune trace de ce qui aurait pu être le siège du pouvoir ! Pas de trace matérielle d’un Etat, seul capable d’édifier des villes ! Ce qui rend l’expérience urbaine du Moyen Niger ancien si inhabituelle –et provocante– c’est qu’elle manque apparemment d’une organisation étatique au cœur de l’urbanisation. Aujourd’hui encore, il parait impossible à beaucoup d’archéologues de parler d’une civilisation urbaine si l’on n’a pas la preuve d’une structure de classes, d’un système de taxation, d’une force de travail organisée, d’un commerce à longue distance, et surtout d’une organisation étatique incluant une bureaucratie et un appareil militaire.

 

La découverte de Djenné-djeno a obligé les archéologues à penser autrement le phénomène de l’urbanisation, en le liant au concept de structure sociale hétérarchique, où la complexité sociale horizontale est telle que chaque élément possède la propriété de ne pas être vassal d’aucun autre, mais d’être dépendant de ses proches de plusieurs façons différentes. Dans une telle structure, chacun prête attention à ses voisins immédiats au lieu d’attendre des ordres d’en haut, chacun pense et agit localement, et l’ensemble de ces actions individuelles et locales produit le comportement collectif : chacun participe à l’émergence d’une société hautement flexible, organisée, mais auto-organisée. Une structure hiérarchique a pour inconvénient de réduire la capacité des éléments qu’elle contrôle, et notamment en matière d’adaptation à des changements, par exemple dans l’environnement, mais aussi en matière de coopération horizontale entre eux : ce qui compte dans une structure hiérarchique, ce sont les seuls flux d’information (dont les consignes et les ordres) entre les différents niveaux de la pyramide. C’est probablement cette rigidité qui explique l’effondrement des systèmes hiérarchiques (l’empire romain, l’empire maya, etc.) : tout au contraire, la civilisation du Moyen Niger a duré au moins 1600 ans.

 

La configuration exceptionnelle que présentaient les découvertes faites à Djenné-djeno exigeait qu’on abandonne le schéma trop simple de la structure sociale hiérarchique. Le site est constitué d’environ 70 buttes, aujourd'hui abandonnées, et qui formaient la cité. On se demande naturellement quels ont été les premiers occupants ? Quel a été le premier endroit occupé ? Est-ce que le regourpement en sous-ensembles s'est rapidement imposé ? Est-ce qu'un métier, une activité, a joué un rôle particulier dans la structuration du peuplement du site ? On peut par exemple supposer que Djenné-Djèno aurait été le seul ancêtre, avec des communautés spécialisées la rejoignant à divers moments ; ou bien que de multiples communautés de spécialistes sont à l'origine de la cité, chacune se ramifiant progressivement ; ou encore qu'une communauté particulière se spécialistes, par exemple ceux qui travaillaient le fer, isntallés à Djenné-Djèno, ont joué un rôle essentiel, en se divisant en communautés métallurgiques filles, dont chacune devenait ensuite le centre d'un re'groiupement au sein d'un ensemble, un type de ville inconnu ailleurs.

 

La ville, comme système complexe, est plus que la somme de ses éléments, d’une part, et d’autre part son devenir a quelque chose d’imprévisible par rapport aux formes préexistantes. Ce qui est essentiel, c’est de comprendre que, dans le Moyen Niger, des communautés séparées et auto-identifiées (qu’on appellera corporations) et l’environnement bio-physique qui les nourrissait ont co-évolué, donnant naissance à un ensemble inédit, un paysage s’auto -organisant. Co-évolution signifie à la fois adaptation réciproque et sélection réciproque. Au terme de plusieurs phases distinctes de ces paysages s’auto-organisant, on est parvenu, vers le milieu du premier millénaire de notre ère, à un complexe urbain à multiples satellites et multiples corporations.

La formation du paysage

 

Considérons d’abord la formation du paysage, c’est-à-dire la co-évolution entre l’environnement physique et la société. Ce que nous savons du climat est à peine croyable : même si l’on ne remonte pas à 20 millénaires avant le présent, c’est-à-dire à une époque où le Moyen Niger était trois fois plus sec que de nos jours, ou à la période s’étendant entre le 8ème et le 4ème millénaires avant le présent, où il a été considérablement plus humide (avec de soudaines périodes de sécheresse absolument catastrophique), il a durablement souffert de variations considérables, même depuis le moment où nous le savons peuplé. Le bassin du Moyen Niger semble ne pas avoir été durablement occupé avant le premier millénaire avant notre ère : il n’aurait donc bénéficié qu’assez tardivement des mouvements de population qui fuyaient le Sahara alors que ce dernier était en train de se dessécher pendant une longue période qui va approximativement de 4000 à 2300 avant le présent.

Graphique   1 :   Phases   paléoclimatiques   du   Moyen   Niger   et variations régionales au cours des 20.000 dernières années

Source : R. McIntosh, op. cit. p. 80

Lorsque Djenné est créée, on est au début d’une période de six siècles (de 300 avant JC à 300 après JC environ) qui seront légèrement plus secs que ce que nous connaissons aujourd’hui ; ensuite, de 300 à 1100 de notre ère, la zone connaîtra un climat marqué par des précipitations supérieures de 125 à 150 % à ce qu’elles sont aujourd’hui ! L’instabilité est ensuite considérable pendant trois siècles, suivis par un XVIème siècle certainement plus humide, puis par une longue période de sécheresse et de famine qui couvrira le XVIIème siècle et les deux suivants. Ce qui est sûr en outre, c’est que, à l’échelle du siècle ou des décennies, les changements de climat sont aussi abrupts et imprévisibles que brutaux ! Et à l’échelle annuelle, voici les données de Djenné :

Graphique 2 : Hauteur des précipitations à Djenné de 1921 à 1985

 

Source : R. McIntosh, op.cit. p. 88

La civilisation du Moyen Niger ancien n’a pu s’installer et perdurer qu’en tenant compte de cette exceptionnelle imprévisibilité du climat (le plus variable et le plus imprévisible de la planète), de l’extrême diversité géo-morphologique de l’environnement, et de la pauvreté des sols en nutriments. Selon Susan Keech McIntosh, elle y est parvenue en conservant une très forte variété des approvisionnements : une grande partie d’entre eux est restée fournie par les plantes sauvages et les ressources animales sauvages, c’est-à-dire sans accroître la dépendance de la société à l’égard de la riziculture, et sans adopter des technologies plus intensives en travail pour la culture du riz ou pour les aménagements hydrauliques. Ainsi, au lieu de l’intensification agricole qui a caractérisé d’autres civilisations anciennes, on assiste ici à une diversification dans la spécialisation, à l’encouragement de niches locales spécialisées reliées par les échanges et l’interdépendance.

 

Mais cette forme d’adaptation requerrait, de la part de la population, une adaptation incessante des activités et de leurs lieux aux variations de la crue (hauteur, longueur, précocité relative, durée, nature et intensité des pluies préalables). C’est ainsi par exemple que les riziculteurs du delta supérieur (où est Djenné) ont appris à s’adapter à la hauteur de la crue et aux qualités des sols (teneur en argile et en sable, capacité à retenir l’eau, présence de nutriments…), en utilisant jusqu’à 42 variétés de riz africains qu’ils ont domestiquées et qui diffèrent par leur période végétative (de 90 à 210 jours), leur tolérance à la porosité du sol, à son pH, à la hauteur de l’eau, à l’intervalle entre les premières pluies (période de la    plantation),    à    l’intervalle    entre    les    dernières    (période germinative), leur sensibilité aux pluies torrentielles, etc... Ils ont appris à semer plusieurs variétés dans la même rizière, en respectant entre les divers semis les délais voulus, ils ont appris à ensemencer ces champs longs et étroits qui traversent plusieurs types de sols et recevront des hauteurs d'eau différentes.

 

Des adaptations comparables ont été trouvées pour la culture du mil sur les dunes, et pour celle du sorgho sur les berges. A ce prix, une situation bio-physique chaotique a été transformée, les risques et les mauvaises surprises qu’elle représentait devenant, par l’action autoorganisée, résilience (c’est- à-dire capacité du système à surmonter les variations brusques de son environnement), donc exploitation de la terre sans dégradation et durabilité multi-séculaire.

 

Il faut encore parler de co-évolution pour rendre compte du fait que, au-delà de l’utilisation judicieuse des propriétés édaphiques des sols (en matière d’infiltration des eaux, de stockage, d’évapotranspiration), les hommes ont su compenser la faible teneur en nutriment de ces sols à la fois par l’élevage (ovins, caprins, camelins, tous présents au Sahel déjà il y a 5000 ans) et par la domestication relativement récente (premier millénaire avant notre ère) des plantes essentielles (riz, mil, sorgho).

 

De ce fait, bien que la population ait été importante, localement concentrée, extrêmement spécialisée, et ait créé et développé de premières activités industrielles, la région a été protégée des phénomènes d’envasement et de salinisation qui ont affecté la Mésopotamie. Et si de hauts rendements rizicoles ont été obtenus localement, ce fut sans le recours aux corvées, au travail forcé qu’ont connu les autres civilisations.

L’installation des habitants

 

Imaginons une situation hypothétique où trois spécialistes : un cultivateur (représenté par trois tiges de mil), un pécheur (représenté par un poisson et un panier de pêche) et un éleveur (représenté par un ovicapre mythologique, puisque les paléo-ostéologistes peuvent rarement distinguer un ovin d’un caprin), tous nécessairement itinérants, avec trois ou quatre étapes dans leur parcours annuel, ont déjà pris l’habitude de se rencontrer, lors de l’une de ces étapes, et serait-ce brièvement, en un endroit déterminé (figure 1, schéma 1).

 

Si cette première situation est possible, alors une autre est parfaitement plausible : une phase 2 où, aux trois spécialistes déjà cités, sont venus s’en adjoindre d’autres, un éleveur de bovins (représenté par cet animal) et les héritiers des premiers cultivateurs, ceux qui se sont spécialisés dans la riziculture, la culture du sorgho, etc. Avec ce nouvel état de spécialisation de l’agriculture, les cultivateurs ne sont plus nomades, ils se sont sédentarisés, et en même temps sont apparus les premiers artisans, par exemple le potiers (représentés par un canari, voir figure 1, schéma 2). Cette sédentarisation, cette concentration de la population, cette spécialisation des activités exigent naturellement un nouveau code pour régir les interactions, pour garantir l'accès pacifique aux biens et services détenus par ceux qui ne sont pas parents, qui sont même éventuellement complètement étrangers les uns aux autres.

 

Surviendra alors un changement d’échelle. A la phase 3, avec le développement de la spécialisation, tant par l’apparition de nouveaux métiers (le travail du cuir, représenté par l’alêne, le tissage, représenté par un vêtement, etc…), que par le fait que ces métiers tendent à devenir l’unique occupation de ceux qui s’y consacrent, tous les spécialistes habitent ensemble durablement, la vie de village est devenue la norme. Bien entendu, l’espace environnant est le lieu de certaines activités : les diverses cultures, la pêche, l’élevage, la chasse, la cueillette, etc, mais la population spécialisée est regroupée en villages.

 

A une dernière étape, phase 4, on verra apparaître de nouveaux spécialistes (éleveur de chameaux, représentés par cet animal, forgerons, représentés par un couteau), cette spécialisation allant de paire avec la croissance de la population qui la justifie. Le village deviendra une ville entretenant avec son arrière-pays des relations régulières qui n’empêcheront pas les spécialistes d’habiter en ville.

 

Le schéma d’agglomération en grappes spécialisées permet aux groupes de spécialistes, dont la cohésion repose à la fois sur des bases économiques (la maîtrise d’une technique qui permet de fabriquer un produit non concurrencé, et d’en vivre) et sur des motifs d’identification (l’ethnie peut-être, la parenté, le statut social, les secrets de fabrication, etc.), de rester séparés les uns des autres tout en étant proches de leurs clients et proches des autres corporations dont ils peuvent eux-mêmes avoir besoin. L’installation des diverses corporations dans des satellites permet de conserver des frontières physiques entre elles, et permet aussi l’attribution d’un sens symbolique à l’appropriation d’un lieu propre (par exemple le sens de « lieu des ancêtres ») ; elle donne enfin une signature à chacun des groupes de spécialistes et à leurs membres, un signe d’appartenance, un statut dans la ville : chacun appartient à un groupe qui a un rôle spécifique, complémentaire du rôle des autres groupes, souvent renforcé par des mythes et légendes, et donc chacun, dans son groupe, peut se consacrer à l’approfondissement de sa spécialité, jusqu’à la création de spécialités nouvelles.

 

Figure 1 : Quatre phases de la construction d’une cité composée de grappes de spécialistes

Source : R. McIntosh, op. cit. p. 37

L’identification à un groupe de spécialistes est donc fondamentale et présente de nombreuses dimensions intriquées. Voici par exemple les trois types fondamentaux d’appartenance, illustrées par des exemples pris à Djenné :

 

-  certains, d’après la tradition, ont toujours été là, ils sont les plus anciens occupants, ceux qui sont « nés du sol » ; bien que d’autres groupes aient pu conquérir le territoire et devenir de jure maîtres des lieux, ils n’obtiennent jamais l’autorité rituelle qui leur permettrait de prendre certaines décisions critiques. Tels sont les privilèges des Bozos, maîtres de l’eau, qui sont entrés les premiers dans la plaine d’inondation et qui ont passé les premiers accords durables avec les esprits de l’eau (yégu et ba-faro) ; ils conservent les tabous de l’usage de l’eau et de la terre, ils font les sacrifices aux esprits, ils ont le droit absolu d’organiser les pêches, d’ouvrir les rites préalables au semis et à la récolte dans les rizières des Markas, ils sont appelés dougou-tigi (maîtres de la terre) par les Bambara plus tard venus, belliqueux et hégémoniques ;

 

-   certains sont liés par une parenté fictive, mythologique, en particulier celle qui existerait entre les Bozo et les Marka d’une part (d’où des obligations de réciprocité, par exemple l’aide qu’apportent les Marka aux Bozo lorsqu’ils construisent des barrages est compensée par l’aide que les Bozo apportent aux Marka pour la récolte du riz flottant), entre les Bozo et les Dogon d’autre part ; dans les deux cas cette parenté s’accompagne d’une interdiction stricte des intermariages ;

 

-  certains sont dans des liens qui remontent à une dette, contractée dans des circonstances de grande difficulté : les Bozo ont offert aux Marka, qu’ils avaient autorisés à s’installer à Djenné, la jeune fille Tapama (« la fille du fleuve ») qui devait été emmurée pour apaiser les esprits qui détruisaient les constructions des Marka ; et c’est un chef dogon qui a nourri de sa propre chair les fils qu’un pêcheur Bozo lui avait confiés, et qui a ainsi contracté une dette éternelle.

 

Ces appartenances ont plusieurs dimensions, comme le montrent ces exemples : souvent à la dimension ethnique se combine une dimension de localisation spatiale, une dimension de fonction religieuse, une dimension mythique, etc. Comme on le voit clairement sur le dernier exemple, les évènements naturels sont inclus dans les croyances, qui elles-mêmes édictent les règles qui permettent d’y faire face : rituels, prestations équilibrées, partage des subsistances, etc. Plus généralement, si la diversité des terroirs dans les paléo-chenaux offrait toutes les possibilités d’expérimentation de réponses diversifiées à l’imprévisibilité du climat, seule la préservation de relations généreuses avec les voisins permettait de partager le stress des risques environnementaux et les bénéfices des solutions les mieux adaptées. Mais, en outre, l’expérimentation elle-même n’est possible que si des spécialistes peuvent s’y consacrer entièrement, ce qui en soi-même suppose des relations sociales d'un type particulier, permettant la stabilité des relations d'échange et reposant sur la constitution d'identités collectives fortement caractérisées dans leurs multiples dimensions et respectées apr les autres groupes. Bien entendu, dans cette affaire, la cohésion de la cité est plus facile à obtenir et plus durable si les habitants aprtagent des intérêts communs à long terme et en ont une claire conscience.

Les données archéologiques

 

Il faut bien admettre que tout ceci est difficile à démontrer à partir des traces que découvre l’archéologue. Tout ce que peut faire ce dernier, c’est de proposer des hypothèses explicatives, et les soumettre à la contestation : tant qu’il n’aura pas été démontré que telle hypothèse ne rend pas compte de certains faits importants, on la considérera comme valide. En pratique, les travaux menés par McDonald sur le Mema ont montré que la configuration satellitaire des sites est très fréquente, que les satellites datent de périodes différentes de l’âge de pierre tardif (second millénaire avant notre ère), et que les satellites étaient habités par des groupes différents : des pêcheurs-cueilleurs-chasseurs d’abord, puis par spécialisation des pêcheurs exclusifs, puis un apport de pastoralistes, tout cela avant l’apparition des agriculteurs (entre 850 et 300 avant notre ère). On n’est donc pas surpris de retrouver une organisation des sites en grappes de satellites bien plus tard à Djenné : à son apogée, la ville comptera 69 satellites dans un rayon de 4 km.

 

Quant à la spécialisation, on en a un premier témoignage dans la grande qualité des poteries de la première Djenné,10 beaucoup mieux faites que ce que savent faire les potiers de cette ville aujourd’hui ! Ce sont d’ailleurs les types de poterie qui ont servi à définir les quatre grandes phases du site de Djenne-djeno en raison de leur position dans la stratigraphie : la phase I/II qui va de 250 avant notre ère à 350 après, est celle d’une poterie de formes simples mais de grande qualité (et parfois d’une pâte et d’une épaisseur si fines que les archéologues l’ont nommé « chinoise » à cause du son qu’on obtient en faisant tinter un tesson contre un autre) et de finition soignée (l’objet était sans doute lissé avec un morceau de cuir), généralement décorée à la cordelette ; la phase III (environ 350-850 de notre ère) se distingue par des bords en forme de quille de bateau, des bords qui s’amincissent et se plient vers l’extérieur, des pièces de taille plus importante ; enfin, des décors peints (souvent blanc sur rouge) s’ajoutent à ceux qui étaient déjà connus ; à la phase IV (940-1400), la peinture décline, elle tend à être remplacée par des décors (hachures, chevrons, trianles) imprimés à l'aide d'un tampon, d'une pointe ou d'un peigne : ce dernier permet d'obtenir une surface régulièrement striée qui est typique de cette époque. La spécialisation ne fait pas de doute, de même que la créativité au fil des siècles, bien que dès l'origine du site la qualité ait été, on l'a rappelé, exceptionnelle.

 

 

Figure 2 : Le complexe urbain en grappes de spécialistes

Source : R. J. McIntosh, op. cit., p. 187

 

Ce qui est sûr, par ailleurs, c’est que, dans la plus ancienne Djenné-djeno (celle du IIIème siècle avant notre ère), on a trouvé du minerai de fer en quantité, ainsi que des éponges (la masse métallique poreuse obtenue par le premier traitement du minerai), alors que cela ne peut provenir que des alluvions du Bénédougou, près de San, à 75 km. Et au Vème siècle, on trouve du cuivre (le plus souvent sous forme de lingots ou de pièces déjà moulées et affinées) : et il ne peut provenir que de sources distantes, sahariennes, à des centaines de kilomètres. On ne peut pas échapper à la conclusion que Djenné participait à des réseaux commerciaux, régionaux dès sa première phase, et à longue distance par la suite. Plus même : le minerai était une hématite à très haute teneur de fer (54 %), soigneusement choisie, et donnait un acier très dur. Quant à l’existence même de spécialistes du travail des métaux, elle peut être inférée à la fois de ces traces archéologiques, de la compétence nécessaire pour pratiquer, sur place, l’extraction (qui a été faite sur place dès le début) et le forgeage de produits de qualité, et (en extrapolant à partir de pratiques plus récentes, qui traduisent combien l’extraction est chargée de nyama) du rôle très probable dans les rites les plus puissants de ces personnes qui ont déjà acquis la maîtrise du feu au point d’être capables de transformer la nature. Il faut noter encore que cette activité s’est développée sur une plaine alluviale, à distance des forêts qui devaient fournir le bois et le charbon de bois !

 

Ce qui est sûr aussi, c’est que les différentes étapes de la métallurgie du fer étaient présentes ensemble sur les sites anciens, alors que par la suite le traitement primaire et les retraitements ultérieurs seront séparés : au moins à partir de la Phase III (qui débute vers 400 de notre ère), l’extraction –l’activité la plus polluante– sera dispersée dans plusieurs satellites, et les fouilles ont livré à Djenné-djeno un atelier de forge datant du début du second millénaire de notre ère (Xème-XIIème siècles) et dans lequel il n’y a pas trace d’activité d’extraction. Il y a évidemment là un argument en faveur de la complémentarité organisée des divers sites de spécialistes.

 

Ce qui est sûr encore, c’est que l’association entre la spécialisation professionnelle et une position en matière de cultes (ou peut-être un rôle spécifique en ce domaine) peut être déduite de la présence, dans l’atelier de forge déjà cité, non seulement de deux statuettes (un homme et une femme) inclus dans le mur à droite de l’entrée, mais encore de la présence, à quelques mètres de là, d’un curieux amas (une cachette ?) de 39 petits pavés en grès, à l’intérieur duquel on devait découvrir tout un bric-à-brac d’objets divers, dont un pot contenant 38 petites meules en grès plus une hache à main en granit poli de la fin de l'âge de pierre. Il est un peu difficile d'imaginer que la récurrence du nombre 39 soit un pur accident ! Mais quelle signification donner à ce qu'on prendra facilement pour un autel ? Les traces ne nous le disent pas.

 

Ce qui est bien vraisemblable aussi, c’est que les fameuses statuettes qu’on trouve un peu partout dans la région étaient fabriquées par des spécialistes, on peut supposer des potières. Et le classement chronologique des statuettes et des décors appliqués représentant des humains, ou des serpents ou d’autres animaux montre que la plus grande fréquence de ces objets aux XIème et XIIème siècles (on en compte 21 datant de cette période, et encore 6 entre 1200 et 1350, contre seulement 9 pour les 5 siècles antérieurs) peut être rapprochée de ce qui se passait alors dans la cité : au sommet de son expansion, de sa taille, de son peuplement, elle a pu éprouver une sorte de crise d’identité. Le système ancien d’identification de chacun à un groupe et des groupes les uns par rapport aux autres, fondement de la solidité de la structure sociale hétérarchique pendant seize siècles, a-t-il atteint ses limites ? La société cherche-t-elle à lutter contre les germes de division par un plus grand recours à ces rites qui étaient l'une des dimensions des liens sociaux ?

 

A vrai dire, elle a eu à lutter contre des difficultés que nous ne connaissons pas avec certitude mais qui ont laissé des traces. Pourquoi, en effet, a-t-il fallu construire, avant l’année 800, un mur d’enceinte de 2 km, le seul ouvrage public connu sur le site ? Pour se défendre contre des attaques ? Pour se protéger des eaux ? Et ces menaces, comme les nécessités de la construction d’un tel ouvrage, n’ont-elles pas entrainé des modifications de l’organisation sociale qui a été conjecturée plus haut ? N’ont-elles pas justifié l’apparition d’une autorité hiérarchique à la tête d’une agglomération dont l’effectif minimum devait alors se situer, en comptant les satellites dans un rayon de 1 km, dans une fourchette de 10.000 à 26.000 habitants (et 42.000 pour l’ensemble des 190 ha du site) ? Rappelons qu’on est alors dans une période où la pluviométrie s’améliore (et dépasse d’environ 20 % le niveau des années 1930-1960). Quoi qu’il en soit, il est sûr que les deux premiers siècles du second millénaire de notre ère ont été une période de séisme urbain, même si la cité semble avoir bien résisté, dans un premier temps, aux variations climatiques brutales qui se produisent au tournant du millénaire. L’une des traces des transformations fondamentales qui apparaissent alors est que le structure en grappes de sites spécialisés se concentre sur un plus petit nombre de sites, plus importants, comportant moins de satellites (et éventuellement aucun) : cela ne vaut pas que pour l'ancienne Djenné, c'est aussi le cas pour les 800 sites inventoriés de l'arrière pays.

 

C’est au tournant du millénaire, aussi, d’ailleurs, que se manifeste la pénétration progressive de l’islam dans toutes les couches de la société : les plus récentes fouilles, sur le site de l'ancien dispensaire, en plein Djenné cette fois-ci, ont livré deux poteries portant un carré magique et une bénédiction tirée d'une sourate ; or l'une des deux est datée, précisément de l'année 519 de l'Hégire (soit 1125-1126 de notre ère).

 

Cette réussite exceptionnelle de la civilisation du Moyen Niger ancien pendant plus de seize siècles, dans un environnement géoclimatique des plus difficiles, tient essentiellement, j’espère l’avoir montré, au modèle social sur lequel elle était fondée. Ce que traduit, dans l’espace, la cité en grappes de spécialistes, c’est une organisation sociale dans laquelle l’autorité est hétérarchique, persuasive et contractuelle. Cette autorité passe par les multiples liens horizontaux qui lient chaque individu à beaucoup de ses égaux, que ces liens soient de l’ordre de la famille, de l’ethnie, du lieu, du métier, du secret professionnel, du mythe, de la religion, etc. Cette organisation permet à chacun de porter sa part de responsabilité par rapport aux valeurs collectives du temps long : le sens positif qu’acquiert chaque individu de sa propre valeur est indissociable d’une notion collective du bien-être commun. Par l’adhésion de tous à une vision commune, le système est rendu résilient, c’est-à-dire capable de s’adapter aux changements inopinés de son environnement : en effet, grâce à cette communauté de vues entre individus responsables de leur avenir, il pourra y avoir échange et réciprocité, et même cette forme de générosité qui a été évoquée plus haut. Voilà ce qui permet, en temps de crise, de troquer de la variabilité dans le temps contre de la variabilité dans l’espace : celui-ci qui a eu une bonne récolte à tel endroit aujourd’hui prêtera à celui-là qui n’a pas eu de chance à tel autre endroit au même moment, et une prochaine année les rôles s’inverseront. Devant tous ces traits typiques, la question s’impose : la décentralisation, qu’on croit toute récente, ne serait-elle qu’un retour aux sources ?

 

Professeur Roderick J. McINTOSH

Rice University, Houston, Texas


1    Thierry Joffroy et alii: Les pratiques de conservation traditionnelle en Afrique, ICCROM Conservation Studies n° 2, ICCROM, 2005, 104 p. Retour au texte

2 Plan the Project réhabilitation et conservation de l'architecture de Djenné (sic !), ICOMOS Africa Scientific Journal, 1996, pp. 45-76 Retour au texte

3 DJENNE PATRIMOINE Informations, n° 4, janvier 1998, p. 6-7 Retour au texte

4  Ali Ould Sidi, Thierry Joffroy : La conservation des grandes mosquées de Tomboutou, p. 23-29, in Thierry Joffroy et alii : Les pratiques de conservation traditionnelle en Afrique, ICCROM Conservation Studies n° 2, ICCROM, 2005, 104 p. Retour au texte

5 Idem p. 23 Retour au texte

6 Ali Ould Sidi : Periodic Restoration Interventions of the mosques in Timbuktu, Africa2009, http://terre.grenoble.archi.fr/index1024.htm Retour au texte

7 En réalité dès 1939, voir le document cité à la note précédente Retour au texte

8 Yves Robert : L'architecture vernaculaire confrontée à la Charte de Venise, Nouvelles du Patrimoine, n° 61, mais 1995, p. 23-25 (Association des Amis de l'UNESCO, Bruxelles) Retour au texte

9 Roderick McIntosh, Ancient Middle Niger : Urbanism and the Self-Organizing Landscape, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, 261 p. Retour au texte

10 Susan Keech McIntosh : Pottery, p. 130-213 in S. K. McIntosh (ed.) Excavations at Jenné-Jeno, Hambarketolo and Kaniana (Inland Niger Delta, Mali), the 1981 Season, Anthropology # 20, University of California Press, 1995, 605 p. ; voir un résumé sur le site http://www.ruf.rice.edu/~anth/arch/niger/ceramics.html Retour au texte

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