La mosquée de Djenné est célèbre dans le monde entier, et depuis des siècles. Et aujourd'hui encore ! Non seulement parce qu'elle est un immense bâtiment en terre crue, reconstruit au début du XXème siècle selon une technique aujourd'hui hélas disparue, et s'imposant à divers titres comme un fleuron de l'architecture en terre sur la planète ; mais encore parce qu'elle symbolise jusqu'à ce jour, pour les pieux musulmans, l'unité de l'islam, dans un monde divisé et intolérant, où elle illustre majestueusement les prouesses auxquelles parviennent les hommes en préservant, tout au contraire, l'unité, et essentiellement par la tolérance, qui n'exclut ni profondeur de la foi ni fermeté sur l'essentiel du message religieux.
L'actuelle mosquée est construite à l'emplacement de la première mosquée de Djenné, celle pour la construction de laquelle le roi Koy Konboro, le premier chef de Djenné à se convertir à l'islam aurait, selon la tradition orale, donné l'emplacement de son propre palais, probablement au XIIIème siècle de notre ère. Cette mosquée a traversé les siècles puisque, parmi les premières photographies prises à Djenné, en 1895, figurent des vues de la "grande mosquée", alors en ruine, mais exhibant encore des murs de plusieurs mètres de hauteur. C'est que, après avoir conquis la ville et établi à Hamdallaye la capitale de son éphémère empire peul du Macina, le sévère fondamentaliste musulman Sékou Amadou avait décrété l'ancienne mosquée impure, et avait alors, dans les années 1830, fait obturer les conduits d'évacuation des eaux de son toit, jusqu'à ce que ce dernier s'effondre ; il avait en même temps remplacé l'ancienne mosquée par une autre, de la plus grande austérité, sur le site qu'occupe actuellement le groupe scolaire. C'est donc dans les premières années du XXème siècle, au début de l'occupation française, qui laissa faire, sans doute pour donner elle aussi un gage de tolérance religieuse, que la mosquée de Djenné fut réédifiée sur son ancien site, et apparemment selon son ancien plan. Ce fut cependant une création architecturale, car les maçons ne disposaient d'aucun document représentant par exemple les façades de l'ancienne mosquée, et beaucoup de souvenirs avaient dû s'estomper en soixante-dix ans.
Qu'un bâtiment en terre crue puisse traverser les siècles est attesté par bien d'autres exemples. Il faut cependant que le revêtement extérieur des murs soit solide : la terre est alors enrichie de matière organique, ou mieux encore de son de riz, de farine de pain de singe et de beurre de karité. Il faut aussi que ce revêtement soit refait régulièrement, car les pluies violentes de la saison humide en enlèvent chaque année, quoi qu'on fasse, une certaine épaisseur. Ce travail de crépissage s'impose pour tous les bâtiments, mais, dans le cas de la mosquée, il est organisé d'une façon parfaitement rigoureuse chaque année par une étroite coopération entre les notables, les maçons et les groupes de jeunes, chacun ayant un rôle bien précis à y jouer, et travaillant sous le contrôle des vieux, et derrière eux de la population toute entière de la cité.
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